Forum statutaire du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Allocution de Kamel Besbes, ajoint au maire de Monastir, Doyen de la Faculté des Sciences de Monastir, Tunisie

Strasbourg, 17 juin 2011

Mesdames et Messieurs, c’est un immense plaisir et honneur que d’être parmi vous dans cette grande maison de la démocratie et des libertés !

Mme Ashton a déclaré à propos du printemps arabe « Si nous gagnons notre pari, nous aurons comme voisins des démocraties et des marchés florissants. Si nous fermons la porte nous aurons exactement l’inverse ».

Mesdames et Messieurs, soyez certain que nous gagnerons notre pari, avec vous ou sans vous, car nous en sommes convaincus et prêt à le faire – mais avec vous ce sera mieux, plus sûr et plus rapide…

Je suis ici pour vous parler de mon pays qui vient de franchir un immense pas en un si court moment…

En effet la révolution tunisienne, que certains appelle la révolution du Jasmin, s’est faite dans le calme et la sérénité – le pays s’est vite rétabli – sans aucune rupture des services ou des administrations. Les principaux outils de décisions politiques sont aujourd’hui le  « compromis  et l’entente ».

En effet, l’Etat est là ; l’administration est là ; la maturité populaire est là malgré la grande secousse subie par notre ancien système de gouvernance. En effet il a été très vite refoulé car il n’est plus viable ni souhaitable par nous tous.

Aujourd’hui, nous sommes en phase de recomposition des rôles, une réorganisation du fonctionnement du mode de gouvernance, une préparation à une période de réformes, un changement de mentalité souhaité par une jeunesse assoiffée de démocratie, de liberté et de volonté de travail…

Mesdames et Messieurs,

La révolution tunisienne est avant tout une révolution des régions. Au départ des régions défavorisées, mais par la suite un ras le bol exprimé par toutes les régions …

En effet l’ancien régime maintenait une gestion verticale du pays – tout provenait d’en haut – par des planifications de ministères de l’ombre – à travers des instructions présidentielles- … cet état fonctionnait tant que le développement économique était là – le chômage et les crises économiques internationales successives ont tiré le drap  dessus…

On découvre que les grands projets de l’Etat sont des excuses pour que la famille présidentielle s’enrichisse de plus en plus, des banques sont privatisées à leur profit, les représentations des plus grandes marques automobiles deviennent leur monopole … Ils rachètent tout ce qui bouge à l’intérieur et à l’étranger - les rouages de l’économie sont régis par des lois de marché occultes et non plus sur la compétition.

Le gouvernement, la justice, la finance, la presse, étaient sous la domination de la famille présidentielle. La corruption « légale » est devenue une économie parallèle dans le pays dont le coût sur le développement était estimé à 2 points dans le PIB ce qui a réduit le développement et augmenté le chômage.

Les mairies et les régions sont aussi des victimes de cette économie parallèle – la plupart des gouverneurs s’occupent en priorité des affaires familiales et de leurs proposer des facilités. Ils puisent sur les opportunités régionales. Les mairies dont souvent les conseils sont choisis parmi des citoyens honorables et représentatifs des villes, sont dépourvues de toute autorité. Ils ne sont plus là que pour absorber les revendications citoyennes sans pouvoir réagir… Plus droit à l’initiative, plus droit à la coopération internationale, plus droit de parler des difficultés des citoyens et de la gestion des villes…

Après la révolution, le citoyen a pris le devant. Certains conseils municipaux devenus incapables de gérer sont remplacés par des comités provisoires en attendant les prochaines élections, d’autres ont continué mais la majorité souffre de l’arrêt des moyens financiers et du manque de l’autorité due aux échéances électorales…

Cependant, les tunisiens sont accueillants et solidaires, les régions et les villes du sud ont accueilli et fournit de la nourriture et des soins à plus de 400000 réfugiés venant de Lybie – actuellement plus de 10 000 libyens sont placés dans des familles d’accueil.

Des régions pareilles méritent plus d’attention de la part de la communauté internationale pour avoir agit volontairement et de manière digne… Elles vous ont aussi épargné une exode qui aurait été catastrophique… Ce n’est pas par hasard que ces réfugiés n’ont pas traversé vers Lampedusa.

Mesdames et Messieurs,

Un nouvel avenir de la Tunisie est en cours de construction : un réaménagement des politiques de développement auquel aspire la Tunisie est en chantier…

Actuellement, il y a 88 partis politiques reconnus qui prônent tous Le développement régional …. Les modèles ne sont pas encore clairs.

Certains parlent de réformer des cartes régionales, D’autre propose des assemblées régionales à l’européenne

Les nouvelles élections prévues au 23 octobre visent à mettre en place une assemblée constituante – la mise en place de gouvernements locaux est l’une des questions des plus importantes à devoir être débattue et inscrite dans la nouvelle constitution.

Mesdames et messieurs,

Une nouvelle page s’ouvre à nous tunisiens mais peut être au pourtour méditerranéen et à certains pays arabes…

Les Tunisiens sont instruits, ouverts et aiment la légalité et la liberté – ils sont solidaires et très ambitieux. Ils regardent ce qui se passe en Europe, en Turquie au Moyen-Orient et autour de la Méditerranée… Dans leurs esprits, ils sont déjà européens.

Nous allons arriver à mettre en place une vraie démocratie mais nous lui souhaitons la pérennité– votre contribution à l’ancrer et à accélérer le processus et indispensable.

Avec votre aide pour récupérer l’argent et les biens détournés par Ben Ali et sa famille mafieuse dans certains de vos pays respectifs, grâce à la pression exercée par les amis européens de la Tunisie, à l’exception de la Suisse, nous voulons saisir cette opportunité pour proposer un nouveau mode opératoire de la coopération décentralisée de la Tunisie et ses 24 gouvernorats avec l’Europe et ses 27 pays.

Une coopération basée sur un accompagnement particulier, un budget alloué dès le départ et qui sera éventuellement un modèle  pour les autres pays qui passeront par des événements similaires :

Nous pensons particulièrement à la coopération décentralisée - entre régions – entre mairies - entre associations – entre institutions – la société civile doit trouver sa place dans la gouvernance du pays…

En intervenant dans les différentes étapes de mise en place et de réussite de ces projet : l’audit, la formation, la conception des projets, le financement, l’accompagnement, l’évaluation.

Selon des clusters bien identifiés : comme l’urbanisme, la formation, professionnelle et complémentaire, les nouveaux métiers, la gestion régionale, les finances, les systèmes d’information et les outils d’aide à la gouvernance, les œuvres sociales, le développement rural, le traitement des déchets, l’économie d’énergie et des ressources hydriques … la planification industrielle…

Nous proposons une coopération C to R « Country to Region » par un système de parrainage… que chaque pays européen parraine une région et entame des discussions avec les responsables locaux pour évaluer leur demande. Nous proposons de mettre en place de nouvelles commissions mixtes Tuniso-européennes qui aideront à mieux formuler les projets et à les faire aboutir.

Mesdames et messieurs,

18% de la population a un niveau universitaire avec un nombre de  55000 diplômés par an sur les 370000 étudiants. L’université tunisienne intègre plusieurs réseaux internationaux et en particulier européens…

La Tunisie est un pays ouvert sur l’Europe dont les échanges sont évalués à 90% de son activité commerciale. 50% de son PIB est réalisé à l’export.

62% des emplois dans le secteur industriel sont dans les 44% des entreprises tunisienne totalement exportatrices principalement dans le textile, l’électronique, la mécanique, l’électrique, l’agroalimentaire… Les secteurs des nouvelles technologies est aussi en plein développement.

La Tunisie a mis en place des pôles technologiques et de compétitivité partout dans le pays- dans les régions prospères et dans les régions au développement prioritaire – le développement régional passe aussi par là.

Actuellement, les prévisions de croissance du PIB vont baisser de 4.8% en 2010 à 1.5 % prévue en 2011. Principal secteur sinistré : -45% le tourisme qui fait vivre près d’un million de personne, conséquence de la phobie de la révolution…. Et de la crise libyenne.

Certains d’entre vous ont déjà été des invités en Tunisie à titre privée ou professionnel. Elle est à quelques rames de barques de l’Europe !! Je vous prie maintenant de la considérer comme un partenaire prioritaire car il en va de l’avenir du voisinage de l’Europe….

Nous ressentons actuellement les effets d’une forte crise économique, nous appelons nos partenaires à promouvoir la vraie image de la Tunisie – Un pays ouvert au monde qui aime la paix et qui dispose d’une maturité exemplaire – le touriste peut venir sans crainte – les investisseurs sont les bienvenus – les opportunités nationales et internationales sont immenses. En effet, les seules balles tirées aujourd’hui sont des balles de golf ou de Tennis.

La Tunisie, cœur de la Méditerranée, est aujourd’hui la conscience du monde arabe et la porte de l’Afrique. C’est donc une nouvelle opportunité d’accès à ces pays; c’est aussi le prochain maitre d’œuvre de la reconstruction de la Libye… et d’autres opportunités émergeront.

Nous avons rêvé de démocratie et de liberté, nos jeunes ont fait la transition. Maintenant réalisons ce rêve. Une démocratie sans prospérité sera condamnée à une régression certaine et elle ne fera pas le bon exemple à suivre…

Notre réussite sera la vôtre, notre échec sera aussi le vôtre.

Je vous remercie.

Pr Kamel BESBES

Ancien adjoint au maire

Doyen de la Faculté des Sciences de Monastir