Conférence sur la paix, la démocratie, la citoyenneté et le développement durable

« L’autonomie locale et régionale pour la gouvernance européenne fédérale »

(Rome, 3-4 mars 2011)

Allocution de Antonella Cagnolati

Directrice du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Chers membres de l’Association,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

C’est avec grand plaisir que je prends la parole devant vous aujourd’hui, au nom du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Je remercie les organisateurs de cette conférence pour m’avoir donné la possibilité de présenter la position du Congrès, d’une part sur la situation actuelle de l’autonomie locale et régionale en Europe, et d’autre part, sur le rôle des institutions européennes et des associations nationales de pouvoirs locaux et régionaux dans cette situation.

Mais tout d’abord, je souhaite souligner une fois de plus que le Congrès attache une très grande importance à sa coopération étroite avec les partenaires tels que le CCRE, qui a le statut d’observateur auprès de notre institution, et ses associations nationales comme l’AICCRE. Nous sommes convaincu que ce partenariat est essentiel aujourd’hui – pas seulement pour traduire l’action européenne en activités concrètes dans les collectivités territoriales mais aussi pour préparer la base d’un nouveau système de gouvernance européenne multi-niveaux. Dans ce système, l’ensemble des acteurs locaux et régionaux représenteront des partenaires égaux des gouvernements nationaux et des institutions européennes de gouvernance.

C’est pourquoi le Congrès est convaincue que c’est à travers cette coopération, que nous pouvons faire vivre nos idées et nos recommandations aux niveaux local et régional des Etats membres. Il y a cinq ans, nous avons mis en place un mécanisme d’échange régulier d’information entre le Congrès et les associations, au-delà de la participation du CCRE à nos réunions et travaux en tant qu’observateur.

Outre cette participation, nous prévoyons des consultations systématiques avec les associations nationales sur les priorités politiques du Congrès et sur son programme d’activités, ainsi que dans le cadre de sa mission clé – le suivi de la situation de la démocratie locale et régionale en Europe. Cette mission comprend l’examen de la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale, par le biais de la procédure de monitoring pays par pays et de l’observation des élections locales et régionales.

En juin de l’année dernière, nous avons adopté de nouvelles règles codifiant nos procédures relatives au monitoring, y compris l’obligation de consulter les associations nationales pendant les visites de nos rapporteurs et lors de la préparation des rapports et des recommandations. En outre, les associations disposent d’une invitation ouverte à prendre part à nos missions d’observation des élections, et nous souhaitons que vous utilisiez cette opportunité plus souvent.

Enfin, tous les deux ans depuis 2006, nous organisons les réunions des Assises des associations nationales et européennes pour un échange de vues sur les modalités de la coopération, mais surtout sur les priorités et le travail du Congrès. La troisième édition des Assises, en septembre 2010, a fourni une contribution importante au processus de réforme des structures et des méthodes de travail du Congrès. Nous étions tout particulièrement heureux d’avoir accueillis parmi nous M. Frédéric Vallier, Secrétaire Général du CCRE, qui s’est adressé à ces Assises.

Nous, au Congrès, avons besoin de contacts permanents avec les associations pour nous rapprocher du terrain et des attentes des collectivités territoriales. Nous devons prendre en compte vos besoins, les besoins des pouvoirs locaux et régionaux, pour mieux cibler nos priorités et nos activités. Enfin, nous avons besoin de votre engagement pour relayer les recommandations du Congrès tant au niveau national que dans les collectivités.

D’un autre côté, les associations peuvent tirer profit de leur participation aux travaux du Congrès pour influer sur la situation dans leurs pays respectifs, voire à l’échelle européenne, à travers leurs contributions aux textes adoptés. Elles peuvent profiter de la dimension paneuropéenne de notre plate-forme de coopération, et du coup pas seulement de l’échange des meilleures pratiques, mais aussi de l’expérience même de cette participation. En quelque sorte, nous nous donnons un accès réciproque : les associations donnent au Congrès un accès au terrain dans leurs pays, et le Congrès donne aux associations un accès à la prise de décision européenne.

Nous sommes convaincus que ce binôme Congrès-Associations, ainsi que les partenariats entre les associations et d’autres structures européennes, vont jouer un rôle clé dans le nouveau système de gouvernance qui prend forme aujourd’hui, fondé sur le besoin de rendre la démocratie européenne plus participative et donc plus proche des citoyens que jamais. En fait, nous le voyons en tant que seule réponse durable à la crise actuelle de démocratie. Je reviens à ce sujet dans un instant.

Pour conclure sur la question de notre coopération, je souhaite ajouter que, bien sûr, ce binôme Congrès-Associations ne peut pas exister en dehors de la coopération avec d’autres organisations européennes de pouvoirs locaux et régionaux, et notamment en dehors de notre partenariat avec le Conseil des Communes et Régions d’Europe, cette « association des associations ». Le CCRE joue un rôle fondamental dans la coordination des activités des associations, le partage de l’information et l’action en leur faveur. Le Congrès a besoin de cette dimension du CCRE et cette valeur ajoutée de son travail, et c’est une raison de plus pour moi de me réjouir de pouvoir participer à cette conférence aujourd’hui.

Mesdames et Messieurs,

La situation actuelle en Europe est caractérisée par une crise, ou une série de crises. A la surface, c’est bien sûr une crise économique, située dans le contexte de la globalisation et ayant des conséquences sociales potentiellement graves. C’est aussi une crise démographique émergente, marquée par le vieillissement de la population européenne contre le faible taux de naissance, et nécessitant des flux de migration plus importants. Ces derniers contribuent aux  pressions liées aux besoins d’intégration des migrants et aux problèmes de relations interculturelles dans nos collectivités. Par ailleurs, les événements en cours dans les pays du sud de la Méditerranée pourraient aggraver cette situation si les « révolutions de jasmin » aboutissent à une migration accrue en Europe.

Mais notre continent subit une crise plus profonde encore. Il s’agit d’une crise du système traditionnel de démocratie représentative face auquel l’exigence d’introduire des éléments de démocratie directe se fait de plus en plus forte. Selon un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, préparé l’année dernière, cette crise est caractérisée par un fossé croissant entre les institutions et les citoyens, par un manque de confiance dans les mécanismes démocratiques et par le désabusement populaire vis-à-vis des processus démocratiques en général. Cette crise se manifeste en particulier par les déficiences institutionnelles de la démocratie telles que le droit effectif des citoyens à la participation, la faiblesse des parlements par rapport à l’exécutif, et l’action des gouvernements qui est orientée vers le succès à court terme aux élections et qui manque de vision à long terme.

Le résultat de la crise est que le système de la démocratie représentative fait face, de plus en plus, au défi posé par les éléments de la démocratie directe. Cependant, ces éléments ne doivent pas être vus en tant qu’alternative qui sape la représentation démocratique, mais en tant que supplément innovateur qui renforce la vitalité démocratique. Ce n’est pas la question de «la démocratie représentative OU directe » mais de « la démocratie représentative ET directe ». C’est de cette complémentarité que nous avons besoin aujourd’hui, et qui constitue le fondement de la démocratie participative, orientée vers le citoyen.

Nous sommes convaincus que la sortie de la crise passe par une participation accrue de nos citoyens aux processus démocratiques et à la prise de décision, ainsi que par davantage d’actions innovatrices aux niveaux local et régional. La participation des citoyens et leur implication directe dans le processus décisionnel leur donneront le sentiment de d’appartenance et d’inclusion, et contribueront ainsi à restaurer la confiance, comblant le fossé de la déficience démocratique.

A cet égard, je dois mentionner la Semaine européenne de la démocratie locale – une initiative du Congrès qui représente un excellent outil pour l’engagement des citoyens dans le dialogue avec leurs pouvoirs locaux.

Mesdames et Messieurs,

Dans le contexte de cette crise, la démocratie de base en Europe reste aujourd’hui encore très fragile. Cela est lié à la faiblesse du cadre juridique de l’autonomie locale et régionale, y compris en ce qui concerne les compétences et l’autonomie financière des pouvoirs territoriaux ; c’est aussi le résultat des pratiques administratives assez arbitraires et des insuffisances dans la mise en œuvre des principes de la Charte de l’autonomie locale – qu’il s’agisse du principe de subsidiarité, du principe de consultation des collectivités, etc.

L’expérience tirée par le Congrès de sa procédure de monitoring montre que – outre la nécessité d’une délimitation claire des compétences pour chaque niveau de gouvernance et d’un financement local et régional correspondant aux tâches et responsabilités des collectivités territoriales – il nous faut des mesures pratiques pour garantir la véritable autonomie des pouvoirs locaux et régionaux et la non-ingérence dans leur processus décisionnel.

Mesdames et Messieurs,

Une autre voie pour relever le défi devant la démocratie européenne est de passer à un nouveau système de gouvernance multi-niveaux, proposé par le Comité des Régions de l’Union européenne et soutenu par le Congrès. Cette initiative vise à remplacer le système actuel de la subordination hiérarchique des différents NIVEAUX de gouvernement, dans lequel les compétences sont déléguées du haut vers le bas, par un système du partenariat égal entre les différents TYPES de gouvernement, dont les compétences seront clairement délimitées.  

C’est notre conviction au Congrès que la Charte européenne de l’autonomie locale doit servir de base pour procéder à la construction de ce nouveau système. La Charte a été en effet le premier traité énonçant une définition claire des compétences pour chaque niveau de gouvernance et affirmant le principe de subsidiarité. Ce système de la répartition des compétences a ainsi été établi au sein d’un Etat national ; l’objectif aujourd’hui est de l’appliquer au niveau européen.

Mais tout d’abord, il nous faut garantir l’application des principes de la Charte à travers le continent. Les réserves que les Etats ont faites à la Charte en la ratifiant représentent un obstacle à la création d’un espace juridique fondé sur des standards communs homogènes. Une priorité du Congrès aujourd’hui est donc d’analyser les motivation de ces réserves et de travailler avec les Etats membres pour aller vers une pleine ratification de la Charte. Evidemment, ce projet s’inscrit dans la priorité constante du Congrès qui est de continuer à défendre les structures démocratiques aux niveaux local et régional, et leur fonctionnement autonome.

Nous comptons sur votre soutien et votre contribution à ces efforts. En réitérant ce que j’ai souligné au début de mon allocution, je souhaite insister une fois de plus sur le fait que le partenariat avec les associations telles que l’AICCRE est crucial. Votre rôle est fondamental tant pour atteindre ces objectifs que pour contribuer à la mise en place de la gouvernance multi-niveaux en tant qu’un partenaire unique dans ce nouveau système, vis-à-vis des gouvernements nationaux et des institutions européennes. J’espère que nos discussions lors de cette conférence serviront de renforcer davantage notre coopération et ce partenariat.

Je vous remercie.