Text Box: La protection des droits de l'homme sur internet 
dans les arrêts de la Cour de Strasbourg

60e anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme

La protection des droits de l'homme sur internet
dans les arrêts de la Cour de Strasbourg

A l'occasion du 60e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe met l’accent tout au long de l'année 2010 sur la jurisprudence de la Cour et les droits et libertés protégés par la Convention.

Ces dernières décennies, avec le développement rapide des technologies de l’information et de la communication (TIC), internet a révolutionné notre mode de vie, notamment notre façon de recevoir des informations, de communiquer, de travailler ou d’occuper notre temps libre. Mais ce nouveau média a également fait apparaître de nouvelles formes de criminalité et permis l'émergence de nouveaux modes de commission d’infractions plus anciennes.

L’utilisation d’internet soulève souvent des questions liées à la protection des droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8) et le droit à la liberté d’expression et d’information (article 10).

Le Conseil de l'Europe estime que les principes de la Convention européenne des droits de l'homme s'appliquent sur internet comme dans la vie réelle.

Internet est au cœur des affaires qui suivent, sur lesquelles s’est prononcée la Cour.

Publication d’informations diffamatoires sur internet

Affaire Times Newspapers Limited (nos 1 et 2) c. Royaume-Uni – 10 mars 2009

En 1999, le quotidien The Times a publié deux articles qui présentaient G.L., dont le nom était mentionné intégralement dans l'article original, comme un parrain de la mafia russe qui pourrait avoir joué un rôle dans des opérations de blanchiment d´argent. Les deux articles en question ont été mis en ligne sur le site internet du Times le jour même de leur publication dans la version papier de ce journal.

En décembre 1999, G.L. a intenté une action en diffamation contre Times Newspapers Ltd, le rédacteur en chef du quotidien et les deux journalistes signataires des articles. Les défendeurs ont admis que les articles pouvaient avoir un caractère diffamatoire mais ont fait valoir que, compte tenu de la nature et de la gravité des faits rapportés, ils avaient le devoir de les porter à la connaissance du public et que celui-ci avait le droit d'en être informé.

Au cours de la procédure, les articles n’ont pas été retirés du site internet du Times et sont restés accessibles aux internautes via la page des archives. En décembre 2000, G.L. a intenté une seconde action en diffamation, se plaignant du maintien des articles sur le site internet du journal. Un an plus tard, Times Newspapers Ltd a inséré, dans les deux articles archivés sur son site internet, un avertissement expliquant qu’elle était assignée pour diffamation et que ces articles ne devaient pas être reproduits ou utilisés sans consultation préalable de son service juridique.

Les défendeurs ont invoqué la règle selon laquelle seule la première publication d'un article sur internet peut donner lieu à une action en diffamation, et non sa consultation. Ils ont aussi estimé que les journaux qui archivaient leurs articles sur internet couraient le risque de voir leur responsabilité engagée à n'importe quel moment en raison du maintien en ligne d’éléments diffamatoires, ce qui avait inévitablement pour effet de dissuader la presse de proposer la consultation des archives sur internet et limitait de ce fait sa liberté d'expression.

Cependant, les tribunaux britanniques ont conclu que chaque consultation d'éléments diffamatoires publiés sur internet pouvait donner matière à une action en diffamation.

Times Newspapers Ltd a déposé deux requêtes auprès de la Cour de Strasbourg, alléguant que la conclusion selon laquelle chaque consultation d'informations publiées sur internet peut donner lieu à une action en diffamation portait atteinte de manière injustifiée et disproportionnée à sa liberté d'expression.

La Cour a jugé que, même si les archives sur internet constituaient une source précieuse pour l'enseignement et les recherches historiques, le devoir de la presse était de se conformer aux principes d'un journalisme responsable, notamment en vérifiant l'exactitude des informations qui ont trait au passé. Elle a également observé que les articles étaient restés accessibles via la page des archives au cours de la procédure et que l'insertion obligatoire d'un avertissement adéquat visant les articles en question dans les archives en ligne ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans la liberté d'expression.

La Cour a conclu à l'unanimité qu'il n’y avait pas eu violation de l'article 10.

Usurpation d’identité sur un site de rencontres

Affaire K.U. c. Finlande – 2 décembre 2008

Le 15 mars 1999, en Finlande, une personne non identifiée a publié une annonce sur un site de rencontres par internet au nom d’un jeune garçon de 12 ans et à son insu.

Le père du mineur a alerté les autorités finlandaises et a demandé à la police d'identifier l'auteur de l'annonce afin d'intenter contre lui une action en justice. Cependant, le fournisseur d'accès a refusé de communiquer l'identité du détenteur de l'adresse dynamique IP, s'estimant lié par la confidentialité des télécommunications prévue par la loi. La police finlandaise s’est tournée, sans succès, vers les juridictions nationales afin d’obtenir cette information.

En 2002, une requête fondée sur les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) a été déposée auprès de la Cour de Strasbourg. Le requérant y dénonçait une atteinte à sa vie privée, ainsi que l’absence de recours effectif dans la législation finlandaise permettant de découvrir l'identité de la personne qui avait publié l’annonce.

La Cour a conclu qu'il y avait eu violation de l'article 8 de la Convention. Elle a considéré que la protection pratique et effective du requérant impliquait l'adoption de mesures efficaces pour identifier et poursuivre l'auteur, c'est-à-dire la personne qui avait passé l'annonce. Elle a aussi estimé que, si les utilisateurs des télécommunications et des services internet doivent avoir la garantie que leur intimité et leur liberté d'expression seront respectées, cette garantie ne peut être absolue et doit parfois s'effacer devant la prévention des infractions pénales ou la protection des droits d'autrui.

Surveillance du courrier électronique d’une employée et de son usage d’internet

Affaire Copland c. Royaume-Uni – 3 avril 2007

En 2000, Lynette Copland, une Britannique travaillant comme secrétaire à la présidence d’un college (établissement d’enseignement supérieur) administré par l’Etat, a déposé une requête auprès de la Cour. Elle se plaignait de la surveillance, par ses supérieurs, de ses appels téléphoniques, de son courrier électronique et de son usage d’internet. Elle invoquait les articles 8 (droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance) et 13 (droit à un recours effectif).

Le college a affirmé que seules des informations automatiquement produites, comme les numéros de téléphone, les adresses électroniques et internet ainsi que les dates
– mais pas le contenu – avaient fait l'objet d'un contrôle afin de déterminer si les ressources de l’établissement avaient été utilisées à des fins personnelles.

La Cour a estimé que la collecte et la conservation de données à caractère personnel se rapportant à l'usage que la requérante faisait du téléphone, du courrier électronique et d'internet avaient constitué une ingérence dans l'exercice du droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et de sa correspondance et que cette ingérence n’était pas « prévue par la loi ». Il y a donc eu violation de l'article 8.

Pour la Cour, les appels téléphoniques, les courriers électroniques et l’usage d’internet sur le lieu de travail sont a priori compris dans les notions de « vie privée » et de « correspondance » au sens de l'article 8.

Bien que la Cour n’exclue pas qu’un employeur surveille, dans un but légitime, l'usage que fait un employé du téléphone, elle a estimé dans le présent cas que ce n’était pas nécessaire « dans une société démocratique ».

Contact :

Service de presse du Conseil de l'Europe

Tél. : +33 (0) 388 41 25 60

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Mise à jour : août 2010