Text Box: Cour européenne des droits homme- egalité femmes et hommes

Cour européenne des droits de l'homme

- égalité entre les femmes et les hommes

Introduction

En 2010, le Conseil de l'Europe célèbre le 60e anniversaire de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Au fil des ans, la Cour européenne des droits de l'homme, qui a été créée pour interpréter et mettre en œuvre la Convention par le biais de ses arrêts, a beaucoup contribué à façonner les droits des hommes et des femmes en Europe. Il y a des violations des droits de l'homme dont les femmes souffrent particulièrement.

La Cour a, par exemple, rendu des arrêts dans des domaines comme la protection des femmes contre les violences domestiques (Opuz c. Turquie) et contre les violences sexuelles (M.C. c. Bulgarie), la discrimination subie par les mères célibataires (Marckx c. Belgique), le droit de porter son nom de jeune fille (Ünal Tekeli c. Turquie), la protection de l’intégrité physique (Y.F. c. Turquie) et la protection contre la traite des êtres humains (Rantsev c. Chypre et Russie).

Protection des femmes contre les violences fondées sur le sexe

Opuz c. Turquie (2009) - En 2002, Mme Nahide Opuz, ressortissante turque, a introduit une requête devant la Cour car elle estimait que les autorités turques ne les avaient pas protégées, elle et sa mère, contre les agressions commises par son ex-mari, qui avaient causé le décès de sa mère et s’étaient traduites par des mauvais traitements infligés à la requérante. Dans son arrêt, la Cour a conclu à la violation du droit à la vie (article 2), du droit de ne pas être soumis à la torture ni à de mauvais traitements (article 3) et du droit de ne pas subir de discrimination (article 14).

La Cour a estimé que « les violences subies par la requérante et sa mère pouvaient être considérées comme fondées sur le sexe et qu’elles constituaient donc une forme de discrimination à l’encontre des femmes ». La requérante a démontré que les violences domestiques affectaient principalement les femmes en Turquie, que la passivité généralisée et discriminatoire des juridictions turques créait un climat propice aux violences domestiques et que le système de justice pénale n’avait pas un effet dissuasif suffisant.

Protection des femmes contre les violences sexuelles

M.C. c. Bulgarie (2003) - En 1997, une ressortissante bulgare, M.C., qui avait été violée par deux hommes à l’âge de 14 ans, a introduit une requête dans laquelle elle alléguait que le droit et la pratique internes en matière de viol et l'enquête sur le viol dont elle avait été victime n'avaient pas permis d'assurer le respect de l'obligation positive qui incombait à l'Etat bulgare de la protéger effectivement, par la loi, contre le viol et les violences sexuelles.

La Cour a estimé que les Etats ont l'obligation positive, inhérente aux articles 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention, d'adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent effectivement le viol et de les appliquer en pratique au moyen d'une enquête et de poursuites effectives.

La Cour a observé que, traditionnellement, le droit et la pratique internes de nombreux pays exigeaient la preuve de l'emploi de la force physique et celle de la résistance physique dans les cas de viol, mais qu’on observait une tendance générale à considérer l'absence de consentement, et non pas l'usage de la force, comme l'élément constitutif de l'infraction de viol. La Cour a aussi relevé que la manière dont le viol est vécu par la victime est mieux comprise aujourd'hui et qu’on s'aperçoit que souvent les victimes de violences sexuelles n'opposent pas de résistance physique à leur agresseur pour un certain nombre de raisons d'ordre psychologique ou par peur de la violence de l'auteur de l'acte.

La Cour a estimé que l'enquête menée par les autorités bulgares, et en particulier la démarche adoptée par le magistrat instructeur et les procureurs (qui s’étaient focalisés sur l’absence de preuve de la résistance de la requérante), n'a pas répondu aux exigences inhérentes aux obligations positives de l'Etat qui consistaient à établir et à appliquer effectivement un système pénal qui punisse toutes les formes de viol et de violence sexuelle.

Discrimination contre les mères célibataires

Arrêt Marckx c. Belgique (1979) - En 1974, Mme Paula Marckx, journaliste belge qui, célibataire, avait donné naissance en 1973 à une fille, Alexandra, a introduit une requête (en son nom propre et au nom de sa fille) pour dénoncer l’incompatibilité avec la Convention des dispositions du Code civil belge relatives au mode d’établissement de la filiation maternelle « naturelle » et aux effets de cet établissement quant à l’étendue de la famille et aux droits patrimoniaux de l’enfant et de sa mère. Mme Marckx dénonçait aussi la nécessité, pour la mère, d’adopter l’enfant si elle voulait accroître les droits de celui-ci.

La Cour a constaté plusieurs violations de l’article 8 et de l’article 14. Elle a estimé que, en agissant de manière à permettre le développement normal de la vie familiale d’une mère célibataire et de son enfant, l’Etat doit se garder de toute discrimination fondée sur la naissance. Elle a aussi considéré que le fait d´imposer à la mère une reconnaissance volontaire ou une déclaration judiciaire pour l’établissement de la maternité, emportait violation du droit au respect de la vie privée et familiale. En outre, la Cour a jugé discriminatoire la capacité limitée de la mère de disposer en faveur de sa fille avant l’adoption.

Droit de porter uniquement son nom de jeune fille

Ünal Tekeli c. Turquie (2004) - En 1995, Mme Ayten Ünal Tekeli a introduit une requête dans laquelle elle alléguait que le refus des juridictions turques de lui accorder l’autorisation de porter uniquement son nom de jeune fille avait porté atteinte de manière injustifiable à son droit à la protection de la vie privée. Elle s’estimait aussi victime d’une discrimination en ce que seul l’homme marié pouvait continuer à porter son nom patronymique après le mariage. A la suite de son mariage, la requérante avait acquis le nom de son mari. Comme elle était connue sous son nom de jeune fille dans son milieu professionnel, elle avait continué à utiliser celui-ci devant son nom de famille légal. Toutefois, elle ne pouvait utiliser ces deux noms en même temps sur les documents officiels.

La Cour a conclu à l’unanimité qu’il y avait eu violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). L’objectif de traduire l’unité de la famille par un nom de famille commun ne saurait justifier la différence de traitement fondée sur le sexe dont se plaignait la requérante.

En outre, la Cour a rappelé que si les Etats jouissent, au regard de la Convention, d’une certaine marge d’appréciation en ce qui concerne les mesures à prendre afin de manifester l’unité de la famille, l’article 14 exige que toute mesure de cet ordre s’applique dans les mêmes conditions aux hommes et aux femmes, sauf en présence de raisons impérieuses justifiant une différence de traitement.

Protection de l’intégrité physique

Y.F. c. Turquie (2003) - En 1998, M. Y.F. a introduit une requête dans laquelle il alléguait la violation du droit au respect de sa vie privée à raison de l'examen gynécologique auquel son épouse, Mme N.F., avait été contrainte de se soumettre.

En 1993, le requérant et sa femme ont été placés en garde à vue au motif qu'ils étaient soupçonnés d'aide et d'assistance au PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), une organisation terroriste illégale. Mme F. a été maintenue en garde à vue durant quatre jours, pendant lesquels les policiers l'auraient frappée, insultée et menacée de viol. Après sa garde à vue, elle a été examinée par un médecin. Dans la mesure où la police avait demandé que le certificat médical précise que l'intéressée n’avait pas eu de rapports sexuels durant sa garde à vue, Mme F. a été contrainte de subir un examen gynécologique malgré son refus. Il a été indiqué dans le certificat médical qu'elle n'avait pas eu de rapports sexuels pendant qu´elle était détenue.

Dans son arrêt, la Cour a conclu à la violation du droit au respect de la vie privée. Tout en acceptant l'argument du Gouvernement selon lequel l'examen des détenus par un médecin légiste peut constituer une garantie importante contre les fausses accusations d’agressions sexuelles, la Cour a considéré que toute atteinte à l'intégrité physique d'une personne doit être prévue par la loi et requiert le consentement de l'intéressé. La Cour a aussi rappelé que, en droit turc, toute atteinte à l'intégrité physique d'une personne était interdite, sauf en cas de nécessité médicale et dans les circonstances définies par la loi.


Protection contre la traite des êtres humains

Rantsev c. Chypre et Russie (2010) - En 2004, M. Nikolay Rantsev, ressortissant russe, a saisi la Cour d’une requête pour dénoncer plusieurs violations des droits de l'homme dont aurait été victime sa fille, Oxana Rantseva, qui s’était rendue à Chypre pour y travailler dans un cabaret et était décédée en 2001 dans des circonstances étranges et inexpliquées après être tombée d’une fenêtre.

Mlle Rantseva est arrivée à Chypre avec un visa d’« artiste » et a commencé à travailler dans un cabaret, mais a quitté son travail et son logement au bout de trois jours. Le directeur du cabaret l’a retrouvée dans une discothèque quelques jours plus tard et l’a emmenée au poste de police, où il a demandé son placement en détention en tant qu’immigrée illégale ; il souhaitait apparemment qu’elle soit expulsée afin de pouvoir la remplacer dans son établissement.

La police a refusé de placer Mlle Rantseva en détention car ses papiers semblaient en règle et a demandé au directeur du cabaret de revenir avec elle plus tard dans la matinée, en vue d’un examen plus approfondi de son statut d’immigrée. Le directeur a conduit Mlle Rantseva dans l’appartement d’un autre employé du cabaret, où elle a été installée dans une chambre située au sixième étage. Au matin, elle a été retrouvée morte dans la rue en bas de l’appartement.

La Cour a conclu que Mlle Rantseva avait été victime de la traite et qu’il y avait eu plusieurs violations de la Convention :

- une violation de l’article 2, au motif que les autorités chypriotes n’ont pas mené d’enquête effective sur les circonstances du décès de Mlle Rantseva ;

- une violation de l’article 4 (interdiction de l’esclavage et du travail forcé) par Chypre, au motif que ce pays n’a pas établi de cadre juridique et administratif permettant de lutter contre la traite favorisée par le régime en vigueur des visas d’artiste, et au motif que la police n’a pas protégé Mlle Rantseva contre la traite, alors que les circonstances faisaient légitimement soupçonner qu’elle pouvait être victime de faits de cette nature ;

La Cour a noté que, au même titre que l’esclavage, la traite des êtres humains, compte tenu de sa nature et des fins d’exploitation qu’elle poursuit, suppose l’exercice de pouvoirs comparables au droit de propriété. Les trafiquants voient dans l’être humain un bien qui se négocie et qui est astreint à un travail forcé. Ils doivent surveiller étroitement les activités des victimes, qui, souvent, ne sont pas libres d’aller et venir. Ils ont recours à leur encontre à la violence et aux menaces.

- une violation de l’article 4 par la Russie, au motif que ce pays n’a pas recherché comment et où Mlle Rantseva avait été recrutée et, en particulier, n’a pas pris de mesures pour déterminer l’identité des recruteurs et les méthodes qu’ils avaient utilisées ;

- une violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) par Chypre, au motif que Mlle Rantseva a été retenue environ une heure au poste de police, alors qu’il était confirmé que l’intéressée n’était une immigrante illégale, et a ensuite été assignée à résidence dans un appartement privé.

Pour plus d’informations :

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Egalité entre les femmes et les hommes

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 Mise à jour : juin 2010