Text Box: Protocole n° 14 – Réforme de la Cour

Protocole n° 14

Réforme de la Cour européenne des droits de l’homme

Depuis sa création il y a 51 ans, la Cour européenne des droits de l’homme, en interprétant et en appliquant dans ses arrêts la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, protège les droits consacrés par cet instrument sur l’ensemble du continent.

La Cour défend aujourd’hui les droits de 800 millions de personnes dans 47 pays. Par suite de l’adhésion de nouveaux Etats à la Convention après la chute du mur de Berlin en 1989 et d’une plus grande sensibilisation au rôle de la Cour partout en Europe, le nombre de requêtes dont celle-ci est saisie chaque année a augmenté de manière spectaculaire, ce qui nuit à son efficacité et met son avenir en péril.

Le nombre d’affaires en instance devant la Cour ne cesse de croître. En 1999, 8 400 requêtes ont été attribuées à un comité de juges ou à une chambre. En 2003, ce chiffre était passé à 27 200, alors qu’environ 65 000 affaires étaient déjà pendantes. En 2009, 57 200 requêtes ont été attribuées à une formation judiciaire et l’arriéré d’affaires atteignait le chiffre de 119 300.

L’engorgement de la Cour résulte en particulier de deux facteurs :

-       le traitement d’un grand nombre de requêtes déclarées irrecevables (plus de 90 % des requêtes donnant lieu à décision) ;

-       les requêtes portant sur des problèmes structurels sur lesquels la Cour a déjà rendu des arrêts constatant une violation de la Convention et qui font l’objet d’une jurisprudence bien établie. Ces requêtes, appelées « affaires répétitives », représentent chaque année quelque 60 % des arrêts rendus par la Cour.

Le Conseil de l’Europe recherche depuis de longues années des solutions à ces problèmes. En 1998, une mesure forte a été prise pour faire face au nombre croissant de requêtes : une Cour permanente a été mise en place à Strasbourg. Cette réforme visait aussi à simplifier le système, à raccourcir la durée des procédures et à les rendre purement judiciaires.

Néanmoins, la perspective d’une croissance continue de la charge de travail de la Cour fit bientôt apparaître qu’une réforme était indispensable pour garantir la pérennité du système. Les Etats s’accordèrent sur le fait que cette réforme devait préserver les spécificités du système, à savoir le caractère judiciaire du processus et le droit de recours individuel.

En mai 2004, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté le Protocole n° 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. Ce texte vise à améliorer l’efficacité de la Cour et à réduire sa charge de travail ainsi que celle du Comité des Ministres, chargé de surveiller l’exécution des arrêts. Il s’agit, à terme, de permettre à la Cour de se concentrer sur les affaires qui soulèvent des problèmes importants en matière de droits de l’homme.

En 2009, considérant que le Protocole n° 14 tardait à entrer en vigueur et jugeant néanmoins urgent de prendre des mesures pour réduire l’arriéré d’affaires de la Cour,  le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, lors de sa session de Madrid, a adopté le Protocole n° 14 bis à la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’un accord sur l’application provisoire de certaines dispositions du Protocole n° 14 relatives aux compétences des juges uniques et des comités de trois juges.

Le Protocole n° 14 entrera finalement en vigueur le 1er juin 2010,  trois mois après sa ratification par la Russie, dernier Etat à le ratifier.

Quels sont les principaux changements apportés par le Protocole n° 14 ?

Le Protocole introduit des changements dans trois directions :

-       le renforcement de la capacité de filtrage de la Cour, pour faire face au grand nombre de requêtes manifestement irrecevables ;

-       un nouveau critère de recevabilité concernant les affaires dans lesquelles le requérant n’a subi aucun préjudice important ;

-       des mesures pour traiter plus efficacement les affaires répétitives.

Les principales modifications apportées à la Convention sont les suivantes :

Election des juges : Les juges seront élus pour un mandat non renouvelable de neuf ans. Dans le système actuel, ils sont élus pour un mandat de six ans renouvelable une fois. Cette réforme vise à accroître leur indépendance et leur impartialité. La limite d’âge demeure fixée à 70 ans.

Compétences des juges uniques : Un juge unique pourra rejeter les requêtes manifestement irrecevables, « lorsqu’une telle décision peut être prise sans examen complémentaire ». Cette décision sera définitive. Avant l’entrée en vigueur du Protocole n° 14, ces décisions devaient être prises par un comité de trois juges. En cas de doute quant à la recevabilité de la requête, le juge unique renverra celle-ci à un comité de juges ou à une chambre. Lorsqu’il agira en qualité de juge unique, un juge n’examinera aucune requête introduite contre l’Etat au titre duquel il a été élu.

Compétences des comités de trois juges : Un comité de trois juges pourra déclarer les requêtes recevables et statuer sur le fond dans les affaires manifestement bien fondées et celles pour lesquelles existe une jurisprudence bien établie. A l’heure actuelle, les comités de trois juges peuvent seulement déclarer les requêtes irrecevables à l’unanimité sans se prononcer au fond. Ces affaires sont traitées par des chambres de sept juges ou par la Grande Chambre (17 juges).

Désormais, même si le comité de trois juges rend une décision au fond, le juge élu au titre de l’Etat concerné par la requête ne sera pas membre de droit du comité. Ce dernier pourra inviter ce juge à siéger en lieu et place de l’un de ses membres, mais uniquement pour des raisons spécifiques, par exemple lorsque la requête se rapporte à l’épuisement des voies de recours internes.

Décisions sur la recevabilité et le fond : Pour permettre au greffe et aux juges de gagner du temps dans le traitement des affaires, les décisions sur la recevabilité et le fond des requêtes individuelles seront prises conjointement. Cette pratique est déjà en usage à la Cour. Toutefois, cette dernière pourra toujours décider, au cas par cas, de prendre des décisions séparées. La nouvelle disposition ne s’applique pas aux requêtes interétatiques.

 

Nouveau critère de recevabilité : Le Protocole dote la Cour d’un outil supplémentaire pour lui permettre de se concentrer sur les affaires qui soulèvent des problèmes importants en matière de droits de l’homme. Il lui octroie en effet le pouvoir de déclarer irrecevables des requêtes lorsque le requérant n’a subi aucun préjudice important si, au regard du respect des droits de l’homme, elles ne nécessitent pas un examen au fond et ne soulèvent pas de questions sérieuses d’application ou d’interprétation de la Convention ou de questions importantes relatives au droit national.

 

Commissaire aux droits de l’homme : Le Commissaire pourra exercer un droit de tierce intervention en formulant des observations écrites et en prenant part aux audiences. Jusqu’à présent, le Président de la Cour avait la possibilité d’inviter le Commissaire à intervenir dans les affaires pendantes.

Règlements amiables : Afin de réduire la charge de travail de la Cour, le Protocole n° 14 encourage les règlements amiables à un stade précoce de la procédure, en particulier dans les affaires répétitives. Il prévoit également la surveillance de l’exécution des décisions entérinant ces règlements par le Comité des Ministres.

Exécution des arrêts : Le Protocole habilite le Comité des Ministres à demander à la Cour une interprétation d’un arrêt définitif si des difficultés surgissent dans le cadre de la surveillance de son exécution. Pour ne pas surcharger la Cour, en cas de divergences au sein du Comité sur l’interprétation à donner à un arrêt, une décision peut être prise à une majorité qualifiée.

Vu l’importance d’une exécution rapide des arrêts, notamment dans les affaires qui portent sur des lacunes structurelles, afin d’éviter des requêtes répétitives, le Protocole permettra au Comité des Ministres de décider, dans des situations exceptionnelles et à la majorité des deux tiers, d’introduire devant la Grande Chambre de la Cour un recours en manquement afin d’obliger l’Etat concerné à exécuter l’arrêt initial. A l’issue de cette procédure, la Cour rendra un autre arrêt portant sur le défaut d’exécution effective.

Adhésion de l’Union européenne : L’article 17 du Protocole instaure la possibilité pour l’Union européenne de devenir partie à la Convention. Le traité de Lisbonne, qui est entré en vigueur en décembre 2009, prévoit par ailleurs l’adhésion de l’Union européenne à la Convention. Pour permettre cette adhésion, la Convention devra être encore une fois modifiée. L’adhésion de l’UE constituera une étape décisive vers la création d’un espace européen des droits fondamentaux. Lien vers la fiche d'information sur l'adhésion de l'UE

Le Protocole n° 14 s’appliquera-t-il aux requêtes pendantes devant la Cour ?

Dès l’entrée en vigueur du Protocole, ses dispositions pourront s’appliquer immédiatement à toutes les requêtes pendantes, à la seule exception du nouveau critère de recevabilité qui ne s’appliquera pas aux requêtes déclarées recevables antérieurement. Pendant une période de deux ans après l'entrée en vigueur du Protocole, seules les chambres et la Grande Chambre pourront appliquer ce critère de recevabilité.

Qu’adviendra-t-il du Protocole n° 14 bis et de l’accord de Madrid quand le Protocole n° 14 sera entré en vigueur ?

Le Protocole n° 14 bis et l’accord de Madrid visaient à accroître à court terme la capacité de traitement des requêtes de la Cour en attendant l’entrée en vigueur du Protocole n° 14, en permettant l’application immédiate de deux de ses dispositions, habilitant un juge unique à rejeter les requêtes manifestement irrecevables et un comité de trois juges à déclarer les requêtes recevables et à statuer au fond dans les affaires répétitives. Le Protocole n° 14 bis et l’accord de Madrid s’appliquaient exclusivement aux requêtes introduites contre les Etats qui avaient accepté ces procédures.

Le Protocole n° 14 bis et l’accord de Madrid cesseront d’être en vigueur ou d’être appliqués à la date d’entrée en vigueur du Protocole n° 14. En pratique, cela n’aura pas d’incidence sur les activités de la Cour, car les dispositions du Protocole n° 14 bis et de l’accord de Madrid figurent également dans le Protocole n° 14.

Le Protocole n° 14 résoudra-t-il le problème de la charge de travail de la Cour ?

Il améliorera sensiblement l’efficacité de la Cour, mais ne permettra pas de résorber son arriéré d’affaires. Pour ce faire, une nouvelle réforme du système de la Convention est nécessaire.

En 2006, un Groupe des Sages composé d’éminents juristes a soumis plusieurs propositions au Comité des Ministres. Il préconisait notamment de mettre en place un nouveau mécanisme de filtrage judiciaire et d’établir un statut régissant certaines modalités de fonctionnement de la Cour, qui pourrait être modifié selon une procédure plus souple que celle requise pour un traité international tel que la Convention.

Quelles seront les prochaines étapes de la réforme de la Cour ?

Une conférence ministérielle sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme s’est tenue en février 2010 à Interlaken (Suisse). Les représentants des 47 Etats membres ont publié une déclaration conjointe qui contient un Plan d’action prévoyant des mesures à court et moyen termes, assorti d’un calendrier de mise en œuvre.

Certaines propositions concernent les procédures de filtrage des requêtes, la surveillance de l’exécution des arrêts ou la mise en œuvre de la Convention au niveau national. Pour ce qui est de ce dernier point, par exemple, les Etats parties sont invités à informer le Comité des Ministres, avant la fin de 2011, des mesures qu’ils auront prises.

Le Comité des Ministres devrait évaluer, entre 2012 et 2015, dans quelle mesure la mise en œuvre du Protocole n° 14 et du Plan d’action aura amélioré la situation de la Cour. Avant la fin de 2019, le Comité devrait décider si des changements plus fondamentaux s’avèrent nécessaires.

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Mise à jour : 25 mai 2010