Appel de Slavutych lancé par la Conférence internationale "Tchernobyl 20 ans après :

Les pouvoirs locaux et régionaux face aux catastrophes"

Slavutych (Ukraine), 2– 4 mars 2006

Nous,

Participants de la Conférence internationale "Tchernobyl 20 ans après", élus locaux et régionaux, parlementaires et représentants de gouvernements, d’organisations internationales et d’organisations non gouvernementales, et experts,

Réunis à Slavutych pour marquer l’anniversaire des 20 ans de la catastrophe de Tchernobyl,

Adoptons un appel qui sera transmis au Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe et communiqué aux autres organisations pertinentes.

Ici, à cinquante kilomètres de Tchernobyl, 20 ans après la plus terrible catastrophe technologique de l’histoire de l’humanité, nous éprouvons la nécessité de réaffirmer solennellement cinq grands principes, que nous appellerons désormais "Principes de Slavutych" et qui devraient servir de lignes directrices aux autorités publiques dans les domaines de la sûreté nucléaire.

Cet appel que nous adoptons, nous souhaitons qu’il inspire à la fois les travaux du Congrès et que, s’il en est d’accord, il puisse faire l’objet d’une recommandation au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Les "Principes de Slavutych" :

1.       Le rôle central des Etats

L’industrie nucléaire, par la complexité et la dangerosité des processus engagés, est par nature de la responsabilité de l’Etat, en particulier pour les grands problèmes de technologie énergétique, d’implantation des installations et de sécurité afférentes à ces problèmes.

Les responsabilités éminentes de l’Etat à cet égard ne sauraient être déléguées. Seule une maîtrise par les acteurs étatiques en relation avec la communauté internationale permet d’envisager une gestion globale de la sûreté nucléaire, à l’échelle mondiale. De plus, seuls les Etats peuvent mobiliser les moyens nécessaires à l’éducation et à la recherche scientifique, qui sont essentielles et qui sont les premières mesures d’une politique de prévention à long terme.

2.       Le rôle essentiel des collectivités territoriales

Par leur position de première ligne et leur proximité aux populations directement concernées qu’ils représentent, les pouvoirs territoriaux ont un rôle déterminant à jouer en partenariat avec les Etats dans la perspective d’une association des citoyens et d’une protection des populations.

3.       La solidarité de voisinage

La catastrophe de Tchernobyl est devenue le symbole du fait qu’un accident nucléaire ignore les frontières locales, nationales et internationales.

Aussi, la sûreté nucléaire ne saurait se satisfaire des limites politico-administratives de nos Etats. Elle implique une solidarité effective de voisinage, une coopération transfrontalière qui fait de chaque territoire concerné, quelque soit son rattachement, un acteur à parité avec tous les autres.

4.       La transparence et l’information

L’accès à l’information doit être large et permanent. Les organisations internationales, les gouvernements, les opérateurs nucléaires et les gestionnaires des installations nucléaires ont une obligation d’information honnête et complète, à l’égard des populations des territoires concernés, des populations voisines, et de la communauté internationale. Cette obligation doit être mise en œuvre en temps normal comme en temps de crise.

5.       L’association et la consultation des populations

Tant au niveau national pour les grands choix technologiques et, en particulier, celui du choix du nucléaire civil, qu’au niveau local pour les implantations, les mesures de sécurité prises, et la fermeture des sites, les populations directement concernées doivent être associées et consultées selon des procédures propres à chaque pays y inclus toutes les formes de consultation directe.

Cette association est nécessaire à l’instauration d’une culture de sûreté, seul bouclier crédible face à l’ampleur des risques et condition indispensable à la mise en œuvre des plans globaux de sécurité.

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Par ailleurs, il est important que les pouvoirs territoriaux qui ont déjà fait l’expérience ou qui sont confrontés aux risques d’une catastrophe, puissent échanger ces expériences. Ils appellent le Congrès du Conseil de l’Europe et le Comité des Régions de l’Union Européenne à donner la priorité nécessaire à ces problèmes dans leurs travaux. Le « Forum européen pour la gestion des catastrophes au niveau local et régional » qui a été lancé durant la Conférence de Slavutych, peut jouer un rôle important à cet égard. 

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Au-delà de l’affirmation des "Principes de Slavutych", la Conférence veut saluer le gouvernement ukrainien et les collectivités territoriales de ce pays qui depuis vingt ans font face aux tragiques conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Nous saluons la communauté internationale qui a fait des efforts non négligeables en faveur des pays touchés.

Nous encourageons aujourd’hui tous ces acteurs à bâtir le nouveau confinement du terminal 4 en conformité avec les normes écologiques internationales en vigueur. Nous sommes convaincus qu’un soutien technique et financier est indispensable pour aider ces collectivités à refermer ce chapitre noir de l’histoire industrielle du monde et nous nous engageons pour ce qui nous concerne à poursuivre ces buts.