21e SESSION

CG(21)21REV

20 octobre 2011

Visite à Mme Leyla Güven, membre du Congrès, détenue à la prison de type E de Diyarbakir, Turquie

Le Bureau du Congrès a pris note de ce document à ses réunions des 17 et 20 octobre 2011 et a décidé de communiquer cette version révisée aux membres du Congrès

Document d’information


En lien avec la détention, depuis le 24 décembre 2009, d’un nombre important de maires et de conseillers municipaux en Turquie, parmi lesquels Mme Leyla Güven, membre du Congrès, la Session, le Forum statutaire, le Bureau et la commission de suivi du Congrès ont exprimé leur préoccupation, affirmant que ces détentions empêchaient des dirigeants élus démocratiquement de remplir leurs obligations vis-à-vis des citoyens. Un grand nombre de ces responsables politiques ont été élus avec une large majorité et ont donc une forte légitimité démocratique pour représenter les populations des municipalités concernées. Le Congrès a souligné que l’application de la législation antiterrorisme avait eu un effet destructeur disproportionné sur le fonctionnement de la démocratie territoriale en Turquie.

Le Congrès essaie depuis 2010 d’organiser une visite à Mme Leyla Güven, Maire de Viransehir, qui a été incarcérée sans inculpation pendant près d’une année et – après l’ouverture d’une procédure judiciaire le 18 octobre 2010 – se trouve aujourd’hui encore en détention. En mai 2010, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Thomas Hammarberg a rendu visite à Mme Güven en prison et il a également exprimé sa préoccupation concernant la détention d’un grand nombre de responsables politiques locaux.

En réponse à une lettre du Président du Congrès Keith Whitmore au ministère turc de la Justice, les autorités turques ont finalement autorisé une délégation du Congrès à rendre visite à Mme Leyla Güven le 6 octobre 2011, à la prison de type E de Diyarbakir.

La délégation était composée de M. Anders Knape, Vice-Président du Congrès et Président de l’Association suédoise des autorités locales et régionales (SALAR), de M. Leen Verbeek, Vice-Président de la délégation néerlandaise du Congrès et gouverneur de la province du Flevoland, et de M. Andreas Kiefer, Secrétaire Général du Congrès. Ils étaient accompagnés de Mme Gaye Doganoglu, Présidente de la délégation turque du Congrès.

La délégation a pu s’entretenir avec Mme Güven pendant près de deux heures et s’informer des conditions de son emprisonnement. Il apparaît que le cas de Leyla Güven est représentatif de celui d’un grand nombre de responsables politiques locaux, élus avec de vastes majorités, qui sont maintenus en détention et empêchés de se mettre au service de leurs citoyens. Dans les semaines qui ont précédé la visite, des dizaines d’autres responsables politiques et fonctionnaires locaux ont été arrêtés. Le 4 octobre 2011, un litige a opposé le Premier ministre turc aux autorités allemandes, lorsque M. Erdogan a affirmé que des fonds allemands destinés à des projets d’infrastructures dans le sud-est de la Turquie étaient détournés au profit du PKK. Ceci a été rejeté par l’Allemagne.

D’après les informations communiquées à la délégation, plus de 3 000 responsables politiques municipaux, fonctionnaires locaux et militants des droits de l’homme étaient en détention au début octobre 2011.

Leyla Güven a semblé être en bonne condition physique, malgré l’insalubrité de la prison. Vingt-trois détenus devaient partager des cellules normalement prévues pour accueillir huit personnes ; les douches ne fonctionnaient chaque jour que pendant un temps limité. Mme Güven a confirmé qu’elle-même et les autres détenus étaient traités avec respect par toutes les catégories de personnel pénitentiaire. Elle a regretté que l’Union des municipalités de Turquie ou les membres de la délégation turque du Congrès n’aient pas pris contact avec elle. Elle a revendiqué, pour elle-même et les autres maires concernés, le droit de se défendre dans leur langue maternelle, à savoir le kurde. La délégation a aussi noté, cependant, des signes de stress tels que la perspiration ou la nervosité. Mme Güven a insisté sur le fait que les problèmes politiques qui se posent dans la région devaient être résolus dans le pays et que l’unité de la Turquie n’était pas menacée.

La délégation n’a pas commenté – et elle ne le fera pas – les arguments avancés par les parties concernées mais elle reste convaincue qu’une répression visiblement systématique, massive et prolongée de responsables politiques locaux constitue une menace pour la démocratie locale dans ce vaste Etat membre du Conseil de l’Europe qui s’est engagé, dès 1949, à respecter les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit.

La délégation a tenu un échange de vues avec un groupe de maires de la région, conduit par M. Osman Baydemir, Maire de Diyarbakir. Les maires ont exprimé leur incertitude et la crainte de ne pas être en mesure de remplir leurs responsabilités politiques jusqu’au terme de leurs mandats électifs.

Le Maire de Sur, M. Abdullah Demirbas, a présenté à la délégation un dossier médical complet et rappelé à ses membres qu’il lui était actuellement impossible de quitter le pays du fait d’une interdiction de voyager, bien que des médecins lui aient conseillé de se faire soigner à l’étranger.

La délégation, accompagnée par Gaye Doganoglu, Présidente de la délégation turque, a également rencontré le Gouverneur de Diyarbakir, M. Mustafa Toprak.

Les membres de la délégation proposent que le Bureau du Congrès prenne note de ces informations, les communique aux membres du Congrès lors de la session d’octobre et leur donne la possibilité de répondre à des questions des membres du Congrès.

Le Bureau du Congrès :

·                     condamne toute forme de terrorisme et les organisations impliquées ;

·                     continue à défendre publiquement les responsabilités des représentants élus démocratiquement dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Le Bureau du Congrès décide :

·                     de demander au Président du Congrès d’inviter le Commissaire aux droits de l'homme à examiner la question de la détention d’élus locaux en Turquie à la lumière de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et d’organiser une réunion avec une délégation du Congrès pour évoquer le cas de Leyla Güven et des autres élus locaux du sud-est de la Turquie qui sont dans une situation analogue ;

·                     d’envoyer une délégation rendre une nouvelle visite à Mme Güven avant un an, en signe de solidarité avec un membre du Congrès ;

·                     d’inviter la Commission de suivi à examiner attentivement la question de la détention massive d’élus locaux, en se référant à la lettre et à l’esprit de la Charte européenne de l’autonomie locale, et à présenter ses conclusions au Congrès ;

·                     de demander au Président du Congrès d’inviter le Président de la Commission de Venise à examiner la question de l’usage des langues autres que le turc dans le cadre de l’assistance constitutionnelle apportée par la Commission de Venise à la Turquie ;

·                     de soutenir les positions exprimées dans le cadre du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne concernant les progrès de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Turquie ;

·                     de demander à son Président de tenir le Comité des Ministres régulièrement informé de cette situation ;

·                     d’inviter le Président du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) à examiner les conditions de détention de Mme Güven dans la prison de type E de Diyarbakir ;

·                     de demander au Secrétaire Général du Congrès d’informer le Secrétaire Général de l’Assemblée parlementaire.