Sommet des maires sur les Roms - « Bâtir la confiance mutuelle sur le  terrain » - 22 septembre 2011, Strasbourg, France

Discours de M. Roland RIES, Sénateur-Maire de Strasbourg

22 septembre 2011 à 9h au Palais de l’Europe

Seul le discours prononcé fait foi

Permettez-moi tout d’abord de vous dire ma profonde satisfaction de voir la tenue du Sommet des maires sur les Roms organisé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en partenariat avec la Ville de Strasbourg, se tenir dans notre ville.

Il s’agit là, s’il fallait encore le démontrer, d’une illustration éloquente de notre excellente coopération et de notre volonté commune de construire une Europe toujours plus humaine, plus solidaire et plus proche des citoyens.

Malheureusement, Mesdames et Messieurs, ce Sommet s’inscrit dans un contexte français assez particulier : au début de ce mois, un campement situé à Saint-Denis, en région parisienne, où étaient installés quelque 150 Bulgares et Roumains a été évacué après une décision de justice. Un cadre local de la RATP a alors pris la décision d’affréter une rame spéciale de tramway pour la mettre à disposition de la police afin d’évacuer le camp. Cette opération, je dois le dire ici, a suscité un véritable émoi auprès de nombreux français. Au vu des responsabilités qui sont les miennes dans le domaine des transports publics mais aussi en tant qu’élu et tout simplement en tant qu’homme, j’ai été personnellement très choqué. En outre, moins de deux semaines plus tard, le Ministre français de l’Intérieur, a à nouveau jeté les Roms à la vindicte populaire en lançant son plan de lutte contre les jeunes délinquants roumains. Je le dis ici haut et fort, cette "politique du bouc émissaire" où une population complète est pointée du doigt est de mon point de vue inacceptable !

Pour moi en effet, tous les citoyens des Etats européens doivent avoir les mêmes droits mais aussi les mêmes devoirs. Alors certes, ne nous voilons pas la face, des problèmes existent bel et bien - et c’est d’ailleurs l’objet de ce sommet que de trouver des solutions pour y remédier- car nous devons nous assurer que ces solutions respectent les valeurs européennes et le droit en vigueur.

On estime aujourd’hui entre 15 et 20 000, le nombre de Roms originaires des Balkans qui font régulièrement l’aller-retour entre leur pays d’origine et la France. Vivant dans une misère extrême, n’ayant quasiment aucun espoir de trouver un emploi chez eux, nombreux sont ceux qui sont venus et qui viennent encore tenter leur chance à l’Ouest en quête d’une vie meilleure.

La question de l’intégration des Roms comporte donc une dimension européenne indéniable et c’est pourquoi les institutions européennes se mobilisent, Monsieur le Président,  à juste titre. Il n’en reste pas moins que cette intégration se vit au quotidien au niveau local et que les collectivités ont à ce titre un rôle particulier à jouer.

C’est ainsi qu’à Strasbourg, Mesdames et Messieurs, capitale européenne des droits de l’homme, nous avons décidé d’inscrire la question de l’intégration des populations Roms en Europe parmi les axes de coopération prioritaires au sein du Club de Strasbourg, que ma collègue Nawel Rafik-Elmrini mène avec beaucoup de conviction et de force, afin de réaffirmer l’engagement de Strasbourg et de ses villes partenaires à promouvoir les valeurs fondamentales qui sont à la base de notre identité européenne : les droits de l’homme, l’Etat de droit, la non-discrimination et la solidarité entre les peuples.

Dès la mi-octobre 2010, le Club de Strasbourg s’est donc mobilisé en organisant au Parlement européen, lors de sa 8ème rencontre annuelle, une table ronde sur l’intégration des populations Roms au niveau local. La création d’une commission thématique sur l’intégration des Roms au sein du Club de Strasbourg y a été décidée et une déclaration en faveur de l’intégration des populations Roms dans les villes européennes y a été adoptée. Des représentants des villes du Club de Strasbourg se trouvent d’ailleurs parmi nous aujourd’hui et je tiens ici à les saluer.

Le Conseil de l’Europe, qui travaille sur la question des Roms depuis longtemps, accorde désormais une priorité à cette population. Les événements français de 2010 ont en effet incité le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à intensifier son action et je voudrais l’en féliciter.

Comme cela a été rappelé, il a invité, dès le mois d’octobre 2010, l’ensemble des parties intéressées - gouvernements, Union européenne et Roms eux-mêmes - à une réunion à haut niveau à l’issue de laquelle les représentants des Etats membres ont signé la Déclaration de Strasbourg à laquelle il a été fait référence. Celle-ci a notamment mis en évidence l’importance de l’action locale et régionale dans l’amélioration de la situation des Roms.

Dans cette perspective, la Ville Strasbourg a souhaité soutenir les initiatives lancées par le Conseil de l’Europe sur la question des Roms et ce, dans le cadre de l’accord de partenariat signé en mai 2010 avec cette prestigieuse Organisation :

soutien à la mise en place d’un programme ROMED de formation européen pour les médiateurs issus des Roms - Mme BOUKOUYA, agent au sein du service Gens du voyage, y a participé au titre de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg-

soutien au Sommet des maires sur les Roms qui commence ce matin.

Oui, Strasbourg soutient fortement le Sommet des maires sur les Roms dont l’objectif est d’échanger les bonnes pratiques et les activités mises en place dans les villes et les régions européennes en vue de faire cesser les discriminations existantes et permettre une meilleure inclusion des communautés Roms. Je suis en effet personnellement convaincu que c’est en coordonnant nos efforts qu’il nous sera possible de contribuer positivement à l’évolution des mentalités et à l’amélioration concrète de la situation des Roms au niveau local et régional.

La présence de familles Roms à Strasbourg, pour les plus anciennes, date des années 1990 ce qui correspond à la chute du bloc de l'Est. La Ville de Strasbourg connait ainsi depuis plusieurs années une dizaine de sites occupés de manière illicite par des familles et des personnes issues de la communauté Roms majoritairement d’origine roumaine. En fonction des périodes de l’année, ces sites comptent plus ou moins d’occupants - environ 70 familles. Le nombre de personnes concernées peut ainsi être évalué à plus ou moins 300 personnes, dont un tiers d’enfants, qui vivent dans un état de dénuement parfois total.

Face à ces situations humaines difficiles, nous ne pouvons pas nous dérober. Nous avons des responsabilités. Il nous faut donc améliorer les conditions d’intégration des ces populations. J’estime que les villes européennes peuvent répondre à cette urgence en élaborant des politiques publiques destinées à accompagner les familles dans leurs projets de vie par le biais de l’aménagement d’espaces avec accès à l’eau et à l’électricité, le soutien à la scolarisation, l’accès à la santé et à l’emploi, l’accès à des logements sociaux, la concertation avec les riverains…

C’est ainsi qu’à Strasbourg, afin de renforcer cette action d’accompagnement, la Ville et la Communauté urbaine ont décidé de regrouper les familles en recherche d’insertion sur un site transitoire unique aménagé et présentant des conditions d’accueil conformes aux normes d’hygiène et de sécurité. C’est bien évidemment dans le dialogue et la concertation que le transfert de ces populations Roms se fera et non pas dans le cadre de procédures judiciaires que j’ai d’ailleurs décidé d’arrêter immédiatement dès que j’en ai pris connaissance.

Cet espace temporaire vise l’accueil contractualisé d’une vingtaine de familles accompagnées par une équipe médicosociale pluridisciplinaire composée d’acteurs de la Direction de Solidarités et de la Santé et de partenaires associatifs mobilisés autour d’un projet social partagé sous le pilotage de la Ville. Le coût global du projet est estimé à aujourd’hui à 440 000 euros financés exclusivement par la Ville de Strasbourg. La Communauté urbaine met quant à elle gratuitement à disposition le terrain qui accueillera ces familles. L’objectif de la mise en service de ce site, prévue dans quelques semaines à l’automne 2011, est bien entendu de donner aux Roms qui y seront installés le maximum de chances de pouvoir s’intégrer dans la vie de notre cité.

Mesdames et Messieurs, l’intégration ne se décrète par, elle se construit pas à pas, petit à petit, et sur le long terme. L’intégration demande aussi une vigilance de tous les instants et exige des politiques, des décideurs, que nous sommes des réponses rapides afin de sauvegarder la cohésion sociale et le vivre ensemble dans nos cités.

En conclusion, je voudrais dire que la lutte contre la discrimination et l’amélioration de la situation des populations Roms est un impératif catégorique pour tous et pour chacun, un véritable défi que nous nous devons de relever, au nom de la dignité humaine et des valeurs qui sont les nôtres. « Bâtir la confiance mutuelle sur le terrain » - c’est le thème retenu pour ce Sommet-, nouer ce lien de confiance, tel est bien l’objectif premier que nous devons nous assigner. C’est une Europe tolérante et inclusive que nous voulons construire, et nous appelons les autres villes d’Europe à se joindre à nous pour dire « Dosta ! » (Assez ! en romani) à la discrimination contre les Roms.