Forum de Lisbonne 2016 – Migration et droits humains : comment structurer une réponse collective efficace ? 

Lisbonne (Portugal), 24-25 novembre 2016

Allocution de Giuseppe Boschini (Italie, SOC), membre du Congrès

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

C’est un grand plaisir pour moi d’être ici à l’occasion du Forum de Lisbonne. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, que je représente, partage avec le Centre Nord-Sud une même vocation, qui est celle de la promotion du dialogue entre les différentes régions et partenaires européens. Ce dialogue est d’autant plus important aujourd’hui que nous faisons face à une crise migratoire qui requiert une réponse commune, encore difficile à obtenir.

Les effets négatifs de l’absence d’une réponse collective cohérente se sont fait ressentir en premier lieu aux niveaux local et régional. Nous faisons face à une «crise de politiques», en plus d’une «crise des réfugiés». Les collectivités locales et régionales ont en effet dû répondre aux besoins des réfugiés sans être encadrées, avec des moyens et un soutien souvent limités de la part de leur gouvernement national at au niveau européen. Plus encore, la lourde charge de la gestion de cette crise migratoire a trop souvent été laissée à un nombre limité de pays, en premier lieu les pays situés sur la côte méditerranéenne.

C’est pourquoi le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe défend une gestion de ce phénomène migratoire qui soit basée sur la coopération entre les différents acteurs européens. Nos collectivités locales et régionales ont besoin des cadres juridiques et financiers clairement définis, tout comme nos gouvernements nationaux ont besoin du soutien et de la solidarité européenne, pour répondre à cette crise.

L’approche prônée par le Congrès peut être résumée en trois points principaux, qui doivent guider notre action. Trois points que nous ne pouvons pas prendre pour acquis.

1. Le respect de la dignité humaine de tous les migrants: le contexte de crise ne doit pas dire que les droits difficilement acquis par nos sociétés soient relégués au second plan pour des raisons de sécurité, ou de budget. Les autorités locales et régionales ont une responsabilité et un devoir de protéger, de soutenir et d’offrir aux migrants un accès à leurs services publics, sans discrimination.

2. La construction de sociétés inclusives: les migrants d’aujourd’hui sont les citoyens de demain. Ce message doit être clairement relayé par les leaders politiques européens. Nous avons besoin de dialogue, d’éducation, d’inclusion et de participation active des migrantes et des réfugiés à notre vie sociale et politique locale, si nous voulons faire face à la crise migratoire sur le long terme. Il faut à tout prix éviter de répéter les erreurs passées de ghettoïsation, qui ont eu des effets dévastateurs dans certains pays.

3. La coopération entre tous les niveaux de gouvernements: ce point rejoint directement le thème de notre discussion d’aujourd’hui. Comme je l’ai expliqué, seule une action collective et coordonnée permettra de faire face à la crise des politiques enclenchée par la crise migratoire.

Les collectivités locales et régionales ont un rôle important à jouer dans cette reformulation de la réponse apportée à la crise migratoire. Elles doivent donc:

1. Jouer un rôle fédérateur et en rassemblant les acteurs locaux concernés par les différents aspects de la réception et de l’intégration des réfugiés.

- Par donner un exemple, la ville de Salzbourg en Autriche a lancé un plan d’action pour l’intégration des réfugiés dans le marché du travail et s’est associée, entre autre, à l’association de l’industrie locale, à Caritas Salzbourg, au fond autrichien d’intégration ÖIF et à l’Université de Salzbourg pour développer des cours de langue et des formations pour les jeunes réfugiés.

2. Prendre des mesures visant à promouvoir l’éducation interculturelle afin d’aider les communautés d’accueil à mieux connaître et à être plus sensibles aux milieux d’origine des migrants.

- La ville de Lublin en Pologne a, par exemple, lancé la campagne «Lublin 4 all» en présentant la diversité locale de la ville à travers l’exposition de portraits et des interviews de ses habitants

3. Mettre en place des réseaux,

afin de favoriser la coopération transfrontalière et permettre aux villes et aux régions de partager leurs exemples de bonne pratique.

- Par exemple, le réseau «Cités interculturelles» du Conseil de l’Europe présente sur son site internet des initiatives locales portant sur l’intégration des migrants dans le marché du travail ainsi que sur des échanges culturels via la musique, le sport et la cuisine.

4. Collaborer avec les autres niveaux de gouvernance, afin d’apporter une réponse coordonnée.

- La ville de Paris a lancé un projet de centre humanitaire d’accueil pour réfugiés et s’est associée à l’Etat français pour en financer la construction.

- En Italie, le Système national de protection pour les demandeurs d'asile et les réfugiés (SPRAR) découle d'un protocole d'entente entre le Ministère italien de l'Intérieur, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l'Association nationale des municipalités italiennes (ANCI), à laquelle l'Etat italien a confié la coordination.

Les gouvernements nationaux, enfin, ont un rôle important d’assistance aux collectivités territoriales:

- clarifier le cadre légal, pour faciliter l’action des collectivités territoriales;

- mettre en place voies d’entrée sûres et légales à l’Europe, et un mécanisme équitable de distribution des réfugiés entre les différentes collectivités, afin d’éviter un engorgement d’un trop grand nombre de dans certaines régions seulement;

- assurer aux autorités locales et régionales une allocation suffisante des ressources nationales et internationales.

Des initiatives pour répondre à l’urgence de la crise sont nécessaires, mais il ne faut pas oublier que la question des réfugiés doit également être pensée sur le long terme, comme un phénomène social de proportions historiques.

Cela inclus de changer la perception des migrants dans nos sociétés européennes afin de promouvoir une réponse qui soit basée sur les droits humains et la valorisation de l'identité personnelle de chaque réfugié.

Ce dont nous avons urgemment besoin c’est d’individualiser et de donner des visages aux groupes de réfugiés qui arrivent en Europe et en même temps de collectiviser notre réponse à cette crise migratoire. Il est plus que jamais urgent de promouvoir le respect de tous les êtres humains sans discrimination.

C’est la seule façon pour nous de construire une réponse cohérente, collective et sur le long terme.

Je vous remercie pour votre attention.