Union centrale des municipalités et des communes de Grèce

Conseil d’administration de KEDE - Athènes, 7 septembre 2016

Discours de Jean-Claude Frécon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Athènes, 7 septembre 2016

Chers élus de la Grèce, chers collègues,

C’est un honneur pour moi d’être invité à la session plénière du Conseil d’administration de KEDE. Je ne suis pas sûr que l’un de mes prédécesseurs ait eu cette opportunité. Je tiens à vous en remercier car elle me permet d’échanger avec une instance politique qui est notre partenaire de travail naturel sur la démocratie locale et régionale en Grèce.

Je veux saluer tout particulièrement la délégation grecque au Congrès : son président Michalis ANGELOPOULOS, son conseiller Anthony PAPADIMITRIOU, un compagnon de route du Congrès, un vieux compagnon de route du Congrès, tous les membres de la délégation dont j’apprécie l’engagement, votre président enfin, Yorgos PATOULIS, avec lequel j’ai eu hier des entretiens très utiles et très fructueux pour la démocratie locale en Grèce.

Et je vais vous faire une confidence, je ne suis pas ici par hasard. Je suis ici parce que vous et vos concitoyens vous faites face à des défis que très peu d’élus en Europe ont à relever. Vous êtes en première ligne et vous avez à accueillir un flux sans cesse renouvelé de réfugiés qui veulent entrer en Europe à travers votre pays ou vers des pays qu’ils imaginent prospères et accueillants.

Je suis ravi d’être invité à m’adresser à vous à l’occasion de votre Conseil d’administration. La Grèce mérite une grande attention et tout le respect possible de l’Europe, au regard des efforts exceptionnels que vous accomplissez sans moyens, sans budgets, sans soutien suffisant.

Vous êtes au milieu de difficultés économiques et sociales qui affectent directement vos populations et les efforts que vous faites pour les réfugiés ont un caractère d’autant plus exemplaire.

Et je vous dis cela en tant qu’élu français où nos collectivités n’ont pas à subir de telles pressions à l’exception de quelques cas critiques connus, comme celui de la ville de Calais.

Chers collègues grecs,

Je ne suis pas venu ici pour vous exprimer seulement des mots de solidarité. Je sais très bien que cette solidarité vous a cruellement manqué et que les mots ne sont pas à la hauteur des problèmes que vous traversez. Je suis venu vous dire - je m’y engage - que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe mettra ses forces modestes, mais déterminées, à convaincre les gouvernements de nos Etats membres de la nécessité, de l’ardente obligation de mobiliser les collectivités européennes, toutes les collectivités locales et régionales pour alléger votre fardeau, pour accueillir partout où c’est possible des familles avec l’objectif de les intégrer à la société européenne, et avec le souci de ne pas créer de ghetto.

Ce pays – votre pays – n’a pas vocation à devenir un gigantesque camp pour réfugiés. Ce pays – votre pays – par sa situation géographique, est en situation de premier accueil des familles de réfugiés avant qu’elles ne soient redirigées vers d’autres pays européens.

Je me suis rendu, à l’invitation de la Gouverneure de la région de l’Attique Rena DOUROU, aux camps de réfugiés de ELAIONAS et SKARAMARGAS, et je me rendrai cet après-midi au Centre logistique de premiers secours pour les réfugiés. J’ai eu des réunions de travail avec les collaborateurs de la gouverneure. J’ai pu échanger avec les autorités qui gèrent les camps. J’ai pris connaissance des politiques qui sont développées ici. Les difficultés sont nombreuses. La tâche est immense.

Chers collègues,

Il y a deux ans, le Congrès avec ses rapporteurs faisait le monitoring de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale. Il y a deux ans.

Pour certains d’entre vous deux ans c’est une éternité. En quelques mois la situation de votre pays, la situation de l’Europe s’est transformée du tout au tout. Et, sans doute, d’autres recommandations auraient pu être faites.

En deux ans, les défis qui se sont présentés à vous sont sans commune mesure avec ce que vous avez eu à affronter dans le passé. La plupart de vos communes, sans aucun moyen additionnel, ont dû faire face à un afflux sans précédent de réfugiés qui n’avaient d’autres objectifs que de traverser vos territoires pour rejoindre d’autres pays européens.

Ces réfugiés se retrouvent aujourd’hui bloqués en Grèce sans perspective, à la charge de vos communes. Cette situation n’est pas soutenable et nous devons trouver ensemble le chemin vers des solutions concrètes.

Seule la solidarité entre les collectivités, les gouvernements et les institutions européennes permettra de trouver les solutions qui s’imposent.

La politique du chacun pour soi, la politique des frontières fermées, des obstacles administratifs, des fils de fer barbelés, des murs… cette politique n’a pas d’avenir. Elle n’arrête rien et invite partout à la montée des populismes, de la xénophobie et du rejet de l’autre.

Nous ne lutterons efficacement contre ces dérives qu’en adoptant des politiques réalistes d’accueil équilibré, diversifié, des réfugiés, en ayant le souci d’éviter les concentrations qui ne peuvent conduire qu’à un rejet par les populations locales.

A cet égard, permettez-moi de vous dire que j’ai la conviction que nos Etats ne feront rien de bon s’ils ne sont pas capables d’associer les collectivités locales et régionales à ce défi majeur. Je ne crains pas de le dire : nous, collectivités territoriales, nous sommes une partie de la solution. L’ignorer serait une erreur historique dans la crise que nous traversons.

Chers collègues,

Une fois encore le destin de la Grèce est lié à la capacité de l’Europe à assumer ses responsabilités à tous les niveaux : européen, national, régional et local. C’est dans le respect mutuel de tous ces niveaux que nous trouverons les voies d’une solution collective.

Je veux vous transmettre ce message aujourd’hui au milieu d’une crise sans précédent avec la conviction que le Congrès, le Conseil de l’Europe en général, et l’Union européenne, ont l’obligation morale et politique d’ouvrir des perspectives audacieuses et optimistes pour le devenir de tout notre continent.

Je vous remercie.