Strasbourg, 14 septembre 2012                                                           CCJE-GT(2012)6

GROUPE DE TRAVAIL DU
CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

(CCJE-GT)

Rapport de la 23ème réunion

Strasbourg

18-20 juin 2012

 

Document du Secrétariat, préparé par la

Direction générale des droits de l'homme et Etat de droit


I.     Introduction

1.        Le Groupe de travail du Conseil consultatif de juges européens (CCJE‑GT) a tenu sa 22e réunion du 18 au 20 juin 2012, à Strasbourg. M. Paul MAFFEI (Belgique) présidait la réunion.

2.        L’ordre du jour et la liste des participants sont annexés au présent rapport (annexes I et II respectivement).

3.        En ouvrant la réunion, M. MAFFEI a souhaité la bienvenue à Mme Maria Giuliana CIVININI, l’experte scientifique qui a contribué aux travaux préparatoires sur le projet d’Avis et participé à la réunion.

II.    Communication du Président du CCJE, du Président du CCJE-GT et du Secrétariat

4.        Le Secrétariat a présenté aux membres du CCJE‑GT M. Artashes MELIKYAN, un administrateur qui a récemment rejoint la Division pour l’indépendance et l’efficacité de la justice.

5.        M. Gerhard REISSNER, président du CCJE, a informé les membres du CCJE‑GT que le Bureau suivait de près le débat sur la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme et avait, en particulier, rédigé ses commentaires sur les réflexions et conclusions formulées par la Cour elle‑même en guise de préparation à la Conférence de Brighton. M. Gerhard REISSNER a, en outre, indiqué que le Bureau continuerait de suivre ces développements et prendrait, si nécessaire, de nouvelles initiatives.

6.        Le président du CCJE a remercié les membres du Groupe de travail qui ont accepté de rencontrer les représentants de la commission nationale allemande chargée d’effectuer les travaux préparatoires en vue de créer une association nationale de juges dans cet Etat membre (les 20 et 21 juin, à Strasbourg). Cette rencontre avait pour but d’informer les collègues allemands de la structure et du rôle des conseils de la justice dans les pays représentés par les membres du CCJE‑GT et de présenter des arguments en faveur de la création de ces conseils.

III.   Préparation du projet d’Avis n°15 sur la spécialisation des juges

7.        Le président du Groupe de travail a présenté l’avant‑projet d’Avis n° 15 sur la spécialisation des juges (Document CCJE‑GT(2012)4 Rév2), au nom du groupe de rédaction désigné par le CCJE‑GT à sa précédente réunion, la 22e, tenue du 26 au 28 mars 2012.

8.        S’agissant de la rédaction de cet Avis, la principale difficulté consiste à définir les termes employés dans le contexte de la « spécialisation » sans créer de confusion entre les notions de tribunaux spéciaux, tribunaux spécialisés, juges spécialisés, spécialistes, membres du jury ou experts.

9.        En outre, l’Avis en cours de rédaction doit trouver un juste milieu entre la tendance actuelle à la spécialisation des juges et des tribunaux leur permettant de mieux faire face à la complexité croissante des affaires et à l’évolution du droit, d’une part, et la nécessité de maintenir le statut d’un juge généraliste, d’autre part.

10.      Ce texte, qui contient des amendements proposés par des membres du GT, a été examiné par le CCJE‑GT. Un nouveau projet de l’Avis n° 15 établi à la suite de cette discussion (document CCJE‑GT(2012)4 Rév5) est annexé au présent rapport (voir annexe III).

11.      Le Groupe de travail a ensuite décidé qu’après la nécessaire correction des épreuves, le nouveau texte serait transmis à ses membres pour de nouveaux commentaires qui seront analysés par le Bureau du CCJE. Un texte consolidé sera alors mis au point et adressé à tous les membres du CCJE avant le 15 septembre pour commentaires.

12.          Il a été décidé d’avertir tous les membres du CCJE que seuls les commentaires formulés par écrit, contenant des propositions concrètes de modification du texte et transmis à l’avance au Secrétariat seront pris en considération à la réunion plénière (5‑6 novembre 2012).

13.      A cette occasion, Lord Justice Richard AIKENS a réaffirmé qu’il était à la disposition du Bureau pour réviser le texte anglais final du projet d’Avis en vue de sa présentation à la réunion plénière.

IV.  DIVERS

14.          Au nom de ses collègues, M. Rafaele SABATO a invité le Groupe de travail du CCJE à tenir sa seconde réunion de 2013 (en juin en principe) à Rome.

 


Annexe I

ORDRE DU JOUR

AGENDA / ORDRE DU JOUR

1.    Ouverture de la réunion

2.    Adoption de l’ordre du jour

3.    Communication du Président, des membres du Bureau et du Secrétariat

4.    Préparation de l’Avis n° 15 sur la spécialisation des juges et des tribunaux

5.            Autres travaux du CCJE

6.    Divers


Annexe II

LISTE DES PARTICIPANTS

Membres du CCJE-GT

CROATIE :

Mr Duro SESSA, Judge, Supreme Court, Trg Nikole Šubica Zrinskoga, 310 000 Zagreb

ALLEMAGNE : (membre suppléant):

Mr Johannes RIEDEL, President of the Court of Appeal, Oberlandesgericht, Reichenpergerplatz, 50670 KÖLN, Vice President of the Constitutional Court of North Rhine-Westphalia

Luxembourg :

M. Jean-Claude WIWINIUS, Président de Chambre, Cour Supérieure de Justice, cité Judiciaire, 2080 LUXEMBOURG

NORVEGE :

Mr Nils A. ENGSTAD, Judge, Halogaland Court of Appeal, 0030 Tromsø

PORTUGAL :

M. Orlando AFONSO, Juge à la Cour Suprême, rue Général Humberto Delgado 43, 2e ét.e., Cova da Piedade, 2800-423, Almada

SLOVENIE :

Ms. Nina BETETTO, Supreme Court of the Republic of Slovenia, Tavčarjeva 9, 1000 Ljubljana

Tel: + 386 1 366 4227; e-mail: [email protected]

ESPAGNE :

M. José Francisco COBO SÀENZ, Magistrato, Presidente de la Secc. 2a, Provincial de Navarra, c/ Ran Roque s/n, 31071 Pamplona

SUISSE :

M. Bernard CORBOZ, Juge fédéral, Tribunal fédéral, 1000 LAUSANNE 14

L’EX-REPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACEDOINE” : (apologised/excusée)

Mrs Aneta ARNAUDOVSKA, Juge, Director of the Academy for training of judges and prosecutors, bul. Jane Sandanski 12, Skopje

ROYAUME-UNI :

Lord Justice Richard AIKENS, Royal Courts of Justice, Strand, LONDON WC2A 2LL

 

***

EXPERT CONSULTANT

Maria Giuliana CIVININI, Presidente di Sezione del Tribunale di Livorno, Italy

***

SECRETARIAT DU CONSEIL DE L’EUROPE

DGI - Droits de l’Homme et Etat de Droit

Division pour l’indépendance et l’efficacité de la justice

E-mail: [email protected]

Fax: + 33 (0) 88 41 37 43

Muriel DECOT, Secrétaire du CCJE, Tel: + 33 (0)3 90 21 44 55 ; e-mail: [email protected]

Ms Maria ORESHKINA, Co-Secrétaire du CCJE; Tel: + 33 (0)3 90 21 40 26; e-mail: [email protected]

Mr Hasan HENDEK, Conseiller spécial; Tel: + 33 (0)3 90 21 58 74; e-mail: [email protected]

Artashes MALIKYAN, Tel: + 33 (0)3 90 21 47 60; e-mail: [email protected]

Annette SATTEL, Communication ; Tel: + 33 (0)3 88 41 39 04; e-mail: [email protected]

Emily WALKER, Assistante; Tel: + 33 (0)3 90 21 48 39, e-mail: [email protected]

Pierre GELMETTI, Stagiaire ; Tel: + 33 (0)3 90 21 55 09,

***

INTERPRÈTES

Rebecca BOWEN

Derrick WORSDALE (18/06)

Nadine KIEFFER


Annexe III

CCJE-GT(2012)4 REV5

Strasbourg, 20 juin 2012

GROUPE DE TRAVAIL DU

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

(CCJE-GT)

AVIS (2012) N° 15

DU CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

SUR LA SPECIALISATION DES JUGES

PROJET

discuté lors de la 23ème réunion du CCJE-GT

*  *  *

Introduction

1.             Conformément au mandat que lui a confié le Comité des Ministres, le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) a décidé de préparer en 2012 un Avis sur la spécialisation des juges.

2.             L’Avis a été préparé sur la base des avis antérieurs du CCJE, de la Magna Carta des Juges, des réponses des Etats membres à un questionnaire sur la spécialisation des juges préparé par le CCJE, ainsi que d’un rapport préliminaire de l’expert du CCJE, Mme Maria Giuliana Civinini (Italie).

3.             Pour la préparation de cet Avis, le CCJE s’est également fondé sur l’acquis du Conseil de l’Europe, notamment la Charte européenne sur le statut des juges, la Recommandation Rec (2010)12 du Comité des ministres aux Etats membres sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités, et le rapport « Systèmes judicaires européens » (édition 2010) de la Commission européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ)[1].

4.             Les réponses des Etats membres au questionnaire et le rapport de l’expert démontrent que la spécialisation des juges ou des juridictions est largement répandue parmi les Etats membres. Cette spécialisation est une réalité et revêt les formes les plus diverses, soit par la création de sections spécialisées au sein même des juridictions, soit par la création de juridictions spécialisées. Cette tendance est générale en Europe[2].

5.             Dans le cadre du présent avis, le juge spécialisé est le juge qui traite de matières limitées du droit (par ex. droit pénal, droit fiscal, droit familial, droit économique et financier, droit de la propriété intellectuelle, droit de la concurrence) ou des affaires relatives à des  situations particulières dans des domaines spécifiques (par ex. social, économique, familial).

6.             Les jurés des tribunaux pénaux[3] ne sont pas compris dans les juges spécialisés mentionnés ci-dessus. En effet, ils n’interviennent que de manière limitée comme juges en matière criminelle, n’ont pas le statut de magistrat, comme les autres membres de l’ordre judiciaire, ne font pas partie de la hiérarchie judiciaire et ne sont pas soumis à la discipline des juges.

 

7.             Le but du présent Avis est d’examiner les problèmes principaux liés à la spécialisation, en tenant compte de la nécessité de garantir la sauvegarde des droits fondamentaux et la qualité de la justice.

A.            Avantages et inconvénients possibles de la spécialisation

a.             Avantages possibles de la spécialisation

8.             La spécialisation résulte souvent moins d'un choix que de la nécessité de s'adapter au développement du droit. L’adoption constante de nouvelles législations, que ce soit sur le plan international, européen ou interne, ainsi que l’évolution de la jurisprudence et de la doctrine font que la science juridique devient toujours plus vaste et complexe. Or, il est difficile pour le juge de maîtriser toutes ces matières alors que la société et le justiciable réclament toujours plus de professionnalisme et d’efficacité de sa part. La spécialisation du juge permet d'assurer qu'il ait les connaissances requises dans son domaine de compétence.

9.             Que le juge dispose de connaissances approfondies du domaine juridique en cause est de nature à favoriser des décisions de meilleure qualité. Le juge spécialisé acquerra une plus grande expertise dans son domaine, ce qui pourra accroître l’autorité de sa juridiction.

10.          La concentration des dossiers entre les mains d'un cercle restreint de juges spécialisés est de nature à favoriser la constance dans les décisions et, par conséquent, la sécurité juridique.

11.          La spécialisation permet au juge, par la répétition des affaires, de mieux comprendre et cerner les réalités qui concernent les litiges qui lui sont soumis, que ce soit sur le plan technique, social ou économique, et donc de trouver des solutions plus appropriées à ces réalités.

12.          Les juges spécialisés, en apportant la connaissance d’autres disciplines que le droit, peut favoriser une approche pluridisciplinaire des problèmes à traiter.

13.          La spécialisation, par sa connaissance particulière du domaine juridique concerné, peut contribuer à accroître l'efficacité du tribunal et à améliorer la gestion des affaires, compte tenu notamment de l’accroissement constant du nombre de celles-ci.

b.            Limites et dangers possibles de la spécialisation

14.          Si la spécialisation est souhaitable à maints égards, elle recèle également nombre de dangers dont le principal est l’éventuelle séparation du juge spécialisé du corps des juges généralistes.

15.          Les juges qui, en raison de la spécialisation, ont déjà eu à trancher les problèmes posés, peuvent être enclins à reproduire constamment les mêmes solutions que celles retenues précédemment, d’où un risque de sclérose de la jurisprudence, défavorable à l’évolution de celle-ci en fonction des besoins de la société. Ce danger existe également lorsque dans une matière déterminée, les décisions sont toujours prises par le même nombre restreint de juges.

16.          Les professionnels de la justice spécialisés ont tendance à développer des concepts propres à leur matière, (souvent) inconnus des autres juristes. Cela peut aboutir à un cloisonnement de la loi et de la procédure, qui isole le juge spécialisé des réalités juridiques dans les autres matières et l’éloigne potentiellement des principes généraux et les droits fondamentaux, au risque de mettre en péril le principe de la sécurité juridique.

17.          La société peut souhaiter avoir des juges spécialisés quand ce n’est pas le cas. La spécialisation n’est possible que dans des juridictions ayant une taille suffisante. Dans certaines juridictions de taille réduite, il n’est pas possible de créer des chambres spécialisées ou de créer un nombre suffisant de chambres spécialisées. Les juges doivent donc faire preuve de polyvalence afin de traiter les diverses matières spécialisées. Aussi, une trop grande spécialisation individuelle des juges constituerait une entrave à cette nécessaire polyvalence.

18.          L'existence de juges spécialisés peut, dans certains cas, nuire à l'unité du corps judiciaire. Il peut donner au juge le sentiment qu’en raison de son expertise dans le domaine spécialisé qui est le sien, il appartient à un groupe de juges d’élite, différents des autres juges. Cela peut également donner l'impression au public que certains juges sont des "super juges" ou, au contraire, qu'un tribunal ne constitue qu'un organe purement technique, détaché du corps judiciaire. Cela pourrait diminuer la confiance du public dans les juridictions qui ne sont pas perçues comme suffisamment spécialisées.

19.          La création d'un tribunal hautement spécialisé peut avoir pour but ou pour effet de séparer le juge du reste du corps judiciaire et, du fait de l’isolement qui en résulte, le rendre plus vulnérable à la pression des parties, des groupes d’intérêts ou des autres pouvoirs de l’Etat.

20.          Dans un domaine du droit restreint, le danger d’une trop grande proximité entre juges, avocats et ministère public lors de journées de formation commune, de conférences ou de réunions n’est pas imaginaire. Cela n’est pas seulement préjudiciable à l'image de l'indépendance et de l'impartialité du juge, mais peut également réellement exposer ce dernier à un risque d’influence occulte et, partant, d’orientation de sa jurisprudence.

21.          Comme les tribunaux doivent avoir un volume de travail suffisant, la création d'un tribunal spécialisé dans un domaine très limité peut avoir pour effet de concentrer la spécialisation au sein d’un seul tribunal pour tout le pays ou pour une seule région. Il peut en résulter un obstacle à l’accès au juge ou le danger d'éloigner le juge du justiciable.

22.          Le risque existe qu’un juge spécialisé, faisant partie d’une équipe et chargé de fournir un avis technique spécifique, donne une opinion personnelle ou tienne compte des faits directement avec ses collègues, sans les avoir présentés aux parties.

23.          Il faut toujours veiller à ce que les principes du procès équitable soient respectés, à savoir l'impartialité du tribunal dans son entièreté et la liberté du juge d'apprécier les éléments de preuve. Il est également crucial que les parties conservent la possibilité de réfuter l’avis donné au juge professionnel par l'assesseur ou l'expert siégeant éventuellement au tribunal. Dans le cas contraire, un tel avis pourrait faire partie du jugement sans que les parties aient eu la possibilité de le contester. Le CCJE estime que  la préférence doit être donnée à un système dans lequel le juge désigne un expert ou dans lequel les parties peuvent elles-mêmes appeler à témoigner des experts dont les constats et conclusions peuvent être contestés et débattus entre les parties devant le juge.

24.          La création de tribunaux spécialisés, en réponse à des préoccupations de l’opinion publique, peut conduire les pouvoirs publics à accorder à ceux-ci des ressources matérielles et humaines dont les autres tribunaux sont privés.

B.            Principes généraux – respect des droits et principes fondamentaux : position du CCJE

25.          Avant tout, le CCJE insiste sur le fait que le juge, tant généraliste que spécialisé, est le spécialiste de l’art de juger. C’est lui qui dispose du savoir-faire pour analyser et apprécier les faits et le droit, et pour prendre des décisions dans les domaines les plus divers. A cette fin, il doit avoir une vaste connaissance des institutions et principes juridiques.

26.          Il ressort des réponses des Etats membres au questionnaire et du rapport de l’expert que la plus grande partie des affaires soumises aux tribunaux est traitée par des juridictions généralistes. Cela ne fait qu’accentuer le rôle prépondérant des juges généralistes.

27.          En règle générale, le juge doit être capable de statuer sur des affaires dans toutes les matières. Grâce à sa connaissance générale du droit et des principes qui sont à la base de celui-ci, de son bon sens et de sa connaissance des réalités de la vie, il doit être en mesure d’appliquer la loi, quelle qu’elle soit, y compris dans les domaines spécialisés, si nécessaire avec l’assistance d’experts[4]. En aucun cas son rôle ne saurait être sous-estimé.

28.          Au sein d’une juridiction, l’affectation aux différentes sections spécialisées est généralement attribuée à des juges généralistes qui, au cours de leur carrière, changent plusieurs fois d’affectation. Cela leur confère une large expérience dans divers domaines du droit, leur permettant de s’adapter à de nouvelles affectations et à répondre aux besoins des justiciables. C’est pourquoi, il est indispensable que les juges bénéficient dès le départ d’une formation générale qui leur procure la flexibilité et la polyvalence requises pour faire face aux nécessités d’une juridiction à vocation générale, appelée à traiter les matières les plus diverses, même celles comportant un certain degré de spécialisation.

29.          Il n’en demeure pas moins que dans certains domaines, l’évolution du droit est à ce point complexe qu’un examen approprié des affaires qui les concernent réclame un plus haut degré de spécialisation. C’est pourquoi il est recommandé de désigner des juges qualifiés de manière appropriée, chargés de tâches spéciales, par exemple d'interroger des enfants dans des procédures concernant le droit familial ou des personnes accusées de participer à une organisation criminelle.

30.          Le juge spécialisé doit, tout comme les autres juges, répondre aux exigences d’indépendance et d’impartialité requises par l’article 6 de la Convention. Les tribunaux et juges spécialisés doivent respecter les autres exigences de cette disposition de la Convention : accès au juge, droit de la défense, droit à un procès équitable et droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Il appartient aux tribunaux d’organiser la spécialisation en leur sein de telle manière que ces exigences soient remplies.

31.          Le CCJE estime que la création de sections ou de juridictions spécialisées doit être strictement encadrée : elle ne doit pas mener à une dévalorisation de la mission du juge généraliste et doit en tout état de cause présenter les mêmes garanties et qualités. Dans le même temps, elle tiendra compte de tout ce qui conditionne la mission du juge : la taille des tribunaux, les nécessités du service, la difficulté pour le juge de maîtriser toutes les matières du droit et le coût de la spécialisation.

32.          En aucun cas la spécialisation ne saurait enfreindre les exigences de qualité auxquelles tout juge doit répondre. A cet égard, le CCJE rappelle les exigences contenues dans son Avis n° 11 sur la qualité des décisions de justice, qui sont applicables à tout juge et donc également au juge spécialisé. Tout doit être mis en œuvre pour que l’administration de la justice soit assurée dans des conditions optimales devant les juridictions spécialisées.

33.          En règle générale, c’est la procédure de droit commun qui doit être applicable devant les juridictions spécialisées. En effet, l’introduction de procédures spécifiques pour chaque juridiction spécialisée risque de produire une multiplication de celles-ci, mettant en péril l’accès à la justice et la sécurité juridique. Des règles de procédure particulières ne sont admissibles que lorsqu’elles répondent aux besoins qui justifient la création de la juridiction spécialisée (ex. : les procédures relatives au droit de la famille dans lesquelles l’audition des enfants sont soumises à certaines règles garantissant l’intérêt de ceux-ci).

34.          Qu’elles soient soumises à un juridiction spécialisée ou non, toutes les affaires doivent être traitées avec la même diligence. Il n’y a aucune raison d’accorder une plus grande priorité à une affaire traitée par une juridiction spécialisée. Les seules priorités admissibles sont celles fondées sur des nécessités objectives, telles que celles impliquant une privation de liberté ou des mesures urgentes à prendre en matière de garde d’enfants, de protection des biens ou des personnes, d’environnement, de santé publique, d’ordre public ou de sécurité.

35.          Si les juridictions spécialisées doivent bénéficier de toutes les ressources humaines, administratives et matérielles nécessaires à l’accomplissement de leur mission, cela ne saurait se faire au détriment des autres juridictions qui doivent bénéficier des mêmes conditions en matière de ressources.

36.          Le CCJE est d’avis qu’une plus grande mobilité et flexibilité des juges peut être un remède aux possibles inconvénients de la spécialisation mentionnés ci-dessus. Cela ne saurait mettre en péril le principe d’inamovibilité du juge. De cette manière, les juges pourront changer de juridiction ou de spécialisation, voire même passer d’une fonction spécialisée à une fonction généraliste ou inversement. Mobilité et flexibilité permettront au juge non seulement d’avoir une carrière plus variée et plus riche, mais également de se remettre en question et de s’ouvrir aux autres disciplines du droit, ce qui ne peut que bénéficier à l’évolution de la jurisprudence et du droit.

37.          La spécialisation du juge, en raison de la complexité de certains domaines du droit est étrangère à la création, en raison de circonstances particulières, de tribunaux d’exception, ad hoc ou extraordinaires. Le danger peut exister que ces juridictions ne présentent pas toutes les garanties consacrées par l’article 6 de la Convention. Le CCJE a déjà eu l’occasion d’exprimer ses objections contre la création de telles juridictions et renvoie à cet égard à ce qui est exposé dans son Avis n° 8 (2006) sur le rôle des juges dans la protection de l’Etat de droit et des Droits de l’homme. En tout état de cause, le CCJE insiste sur le fait que si de telles juridictions sont néanmoins créées, elles doivent remplir toutes les garanties des juridictions ordinaires.

38.          En tout état de cause, le CCJE estime que la spécialisation ne se justifie que si elle procure une plus-value à l’administration de la justice, c’est-à-dire si elle s’avère préférable pour assurer la qualité tant des procédures que des décisions judiciaires.

C.            Certains aspects concernant la spécialisation

1.             Spécialisation des juges

39.                  Tous ceux qui tranchent des litiges entre partie  sont des « juges » d'une manière ou d'une autre. Les réponses au questionnaire révèlent néanmoins des différences importantes entre Etats membres concernant les catégories de juges intervenant dans les juridictions « spécialisées ».

40.          La spécialisation peut présenter différentes formes. Des tribunaux spécialisés peuvent exister, si ceux-ci sont légalement prévus dans l’Etat concerné. Quand, au contraire, cela n’est possible, la loi peut autoriser l’établissement de tribunaux spécialisés dans l’organisation  du système judiciaire ordinaire dans son ensemble. Il peut en outre exister des juges spécialisés, gérant leurs tâches spécialisées dans le cadre du système judiciaire ordinaire. La compétence des tribunaux ou sections spécialisées sera spécifique. Leur compétence territoriale va souvent être différente que celle des tribunaux ordinaires, elles sont peu nombreuses, voire présentes uniquement dans la capitale du pays. Les tribunaux et sections spécialisées peuvent inclure des juges non professionnels.

41.          Le moyen le plus répandu de mettre en œuvre la spécialisation est de créer des chambres ou sections spécialisées, et ce souvent par le biais du règlement interne des tribunaux. Les principaux secteurs concernés par la spécialisation sont: le droit de la famille et le droit des enfants, le droit de la propriété intellectuelle, le droit commercial, le droit des faillites, les crimes graves, les enquêtes criminelles et l’exécution des sanctions pénales.

i.              Juges non juristes

42.                  Dans de nombreux Etats membres, il y a des tribunaux spécialisés composés d’un ou plusieurs juges bénéficiant d’une formation juridique et d’un ou plusieurs juges non juristes. Il existe une large variété de tels juges « non juristes », dont il est impossible d’analyser les différents types. De manière fréquente, ces « non juristes » soit, représentent un groupe d’intérêts quel qu’il soit (par ex. employeurs ou employés, propriétaires et locataires, échevins), soit ont une expertise spécifique adapté au tribunal concerné.

   

ii.            Juges professionnels

43.                  Les juges professionnels peuvent se spécialiser de différentes manières. Ils peuvent ainsi acquérir de l'expérience, soit en tant que juristes spécialisés avant d’être nommés juges, soit en assumant des fonctions spécialisées après leur nomination. Ils peuvent aussi recevoir une formation spécifique dans un domaine spécialisé puis être nommés dans un tribunal spécialisé ou s'occuper d'affaires spécialisées dans un tribunal généraliste.

44.                  Même si le nombre d’affaires concernant des domaines spécialisés est, a priori, moins important au niveau des cours d'appel, il est très peu probable qu'un juge d’appel puisse ou doive se spécialiser dans un seul domaine. La spécialisation aux échelons supérieurs de la pyramide judiciaire ne doit pas empêcher une certaine polyvalence, afin que les affaires les plus diverses puissent être gérées avec flexibilité au plus haut niveau. Cette souplesse est indispensable pour que les juridictions supérieures remplissent leur mission juridique et constitutionnelle, à savoir garantir la cohérence de la législation et de la jurisprudence. Cette flexibilité garantira également qu’en degré d’appel, les domaines spécialisés ne soient pas l’apanage d’un groupe de juges (trop) restreint qui peuvent être en position d’imposer leurs vues dans une matière déterminée et, de ce fait, entraver les développements de l’interprétation de la loi dans ce domaine.

2.             Spécialisation de certains tribunaux ou de juridictions faisant partie d'un groupe

45.                  Dans certains systèmes juridiques, il existe des tribunaux spécialisés, distincts des tribunaux généralistes[5]. Parfois, ces juridictions distinctes ont vu le jour grâce aux instruments de l’Union européenne sur la création de tribunaux spécialisés ou de sections spécialisées dans des tribunaux à compétence plus large[6]. Dans d’autres cas, le tribunal spécialisé peut aussi faire partie d'un groupe de tribunaux[7]. Dans chacun de ces cas, le tribunal est spécialisé, tout comme les juges. La structure judiciaire de chaque pays s'explique en partie par des raisons historiques et en partie par le besoin d’un type particulier de juridiction spécialisée ou de juge spécialisé au sein de cette juridiction. Selon le CCJE, les principes de cet Avis sont applicables à ces types de juridictions spécialisées.

3.             Répartition régionale des juges spécialisés

46.                  Il convient de garder à l’esprit que dans certains domaines très spécialisés, les affaires portées devant les tribunaux sont extrêmement rares. Il peut alors être nécessaire de concentrer les juges spécialisés dans un seul et même tribunal, afin que la charge de travail individuelle soit équilibrée et qu'ils puissent aussi s'acquitter d'autres tâches non spécialisées. Cependant, si cette concentration est excessive, le tribunal spécialisé risque de s'éloigner des justiciables, ce que le CCJE estime devoir éviter.

4.             Ressources humaines, matérielles et financières

47.                  Il est  indispensable que les juges et tribunaux spécialisés soient dotés de ressources humaines et matérielles adéquates, en particulier en matière de technologies de l'information.

48.                  Lorsque la charge de travail prévisible des tribunaux spécialisés est minime par rapport à celle des autres juridictions, il faudrait envisager de développer et d'utiliser, en commun, les ressources et les technologies utiles à plusieurs tribunaux spécialisés ou, mieux encore, à tous les tribunaux. La mise en commun des ressources humaines et matérielles peut être un moyen d’éviter les problèmes liés à l'organisation de la spécialisation. La création de vastes « centres de justice » regroupant des tribunaux et collèges généralistes et spécialisés risque cependant d’accroître les distances entre les tribunaux et d’entraver ainsi l'accès à la justice.

49.                  Les besoins et les coûts des tribunaux et juges spécialisés peuvent dépasser ceux des tribunaux et juges généralistes, par exemple parce qu’il faut prendre des précautions particulières, parce que les dossiers sont volumineux ou parce que les procès et donc les jugements exigent du temps.

50.                  Lorsque, dans un domaine de spécialisation donné, il est possible d’identifier de tels facteurs de coûts supplémentaires, un surcoût ne semblerait pas déraisonnable à partir du moment où il paraît justifié qu’un groupe spécifique de plaignants partage totalement ou partiellement cette charge supplémentaire. Ce principe peut par exemple s'appliquer aux affaires commerciales ou relatives au droit de la construction, aux brevets ou au droit de la concurrence, mais pas, par exemple, aux affaires concernant la garde d'enfants, les rentes alimentaires pour enfant ou d’autres domaines liés à la famille. Le coût supplémentaire engendré par les affaires spécialisées devrait être proportionnel aux efforts supplémentaires imposés aux tribunaux, à la charge de travail liée à la spécialisation et aux avantages apportés à celle-ci pour les plaignants comme pour les tribunaux. Les subventions croisées pour les affaires générales ou les dossiers spécialisés ne sont pas justifiables. De même, la création de tribunaux spécialisés dans le simple but d'obtenir davantage de ressources ne saurait se justifier.

D.            Spécialisation et statut du juge

1.             Statut du juge spécialisé

51.                  Dans tous les types de spécialisation ci-dessus mentionnés, il importe que la spécialisation n’affecte pas le rôle du juge en tant que membre du corps judiciaire. Elle ne peut justifier, ni réclamer de déroger à quelque aspect que ce soit du principe de l'indépendance de la justice (c'est-à-dire des tribunaux et des juges, voir Avis n° 1 du CCJE).

52.                  Le principe directeur doit consister à traiter les juges spécialisés, pour ce qui est de leur statut, de la même manière que leurs collègues généralistes. Les lois et les règles régissant les nominations, les mandats, les promotions, l’inamovibilité et la discipline devraient donc être identiques pour les uns et les autres.

53.                  Ceci peut être obtenu par l’existence d’un corps unique pour les juges, tant généralistes que spécialisés. L’unicité du statut du juge est une garantie pour le respect par le juge des droits et principes fondamentaux qui doivent être appliqués de manière générale. C'est pourquoi le CCJE n'est pas favorable à la création de systèmes ou d’organes judiciaires distincts selon leur spécialisation, dans lesquels les juges risqueraient d’être soumis à différentes règles dans des organisations différentes.

 

54.                  Le CCJE est conscient que dans de nombreux systèmes européens, il est traditionnel de voir des juridictions séparées (par ex. entre les juges ordinaires et administratifs); il considère néanmoins que de tels systèmes séparés constituent un obstacle à l’accès à la justice et sont souvent liés aux différences existantes concernant le statut des juges. Selon le CCJE, en attendant une unification importante des juridictions, les Etats membres devraient s’assurer que:

-           les litiges ne soient pas la conséquence d’une restriction à l’accès à la justice ou à des délais de procédure contraires à l’article 6 de la CEDH;

-           tous les juges est un accès approprié aux tribunaux, instances ou fonctions spécialisés; 

-           tous les juges de même expérience bénéficient de la même rémunération, à l’exception d’indemnités spécifiques résultant de tâches spéciales (voir paragraphe suivant).

55.                  Le principe d'égalité entre juges généralistes et juges spécialisés devrait également s'appliquer aux questions de rémunération. La Recommandation Rec(2010)12 indique que la rémunération des juges devrait être « à la mesure de leur rôle et de leurs responsabilités », notamment pour « les mettre à l’abri de toute pression visant à influer sur leurs décisions»[8]. A cet égard, il n’est pas justifié d’attribuer un complément de rémunération ou un émolument supplémentaire au seul motif de la spécialisation, car la spécificité de la profession et les responsabilités sont généralement équivalentes, que le juge soit généraliste ou spécialisé. Un complément de rémunération, un émolument supplémentaire ou certaines indemnités (par ex. en cas de travail de nuit) ne peut dès lors se justifier que lorsqu’il existe des raisons spécifiques de constater que la spécificité de la profession du juge spécialisé ou ses responsabilités (y compris la charge personnelle qui peut être associée à des fonctions spécialisées) exigent une telle compensation.

56.                  Les règles relatives à la déontologie et à la responsabilité pénale, civile et disciplinaire doivent être identiques pour tous les juges, généralistes ou spécialisés. Les normes de conduite énoncées dans l’Avis n° 3 du CCJE doivent s'appliquer aux uns comme aux autres. Aucun motif pertinent ne justifie un traitement différencié.

57.                  Dans les cas où le juge spécialisé a affaire exclusivement à un petit groupe de juristes spécialisés ou de plaignants, il doit être encore plus soucieux d’avoir un comportement garantissant son impartialité et son indépendance.

2.             Evaluation et promotion

58.                  Les critères d'évaluation du travail du juge sont nombreux et bien connus (voir Avis N° 3 et 10 du CCJE). La spécialisation en soi ne justifie pas de valoriser davantage le travail du juge spécialisé ; le juge généraliste peut être tout aussi compétent que le juge spécialisé. La flexibilité dont un juge fait preuve en acceptant de se spécialiser dans un ou plusieurs domaines peut être un aspect important de l’évaluation du travail du juge. 

59.                  Le Conseil de la Justice ou tout autre organe indépendant chargé de l’évaluation devrait, dès lors, se montrer très prudent pour déterminer si la performance d'un juge spécialisé est comparable à celle d'un juge généraliste. L’exercice exige une diligence et un soin particuliers, car il est généralement plus facile de dresser un bilan précis de la performance d'un généraliste que de celle d'un spécialiste dans la mesure où ce dernier peut faire partie d'un groupe restreint et où son travail n'est pas nécessairement aussi transparent pour l'évaluateur.

60.                  Ces considérations valent également pour les questions de promotion[9]. Pour le CCJE, rien ne justifie d'accorder plus rapidement une promotion à un juge spécialisé au seul motif de sa spécialisation.

3.             Accès à la formation et à la spécialisation

61.                  Les principes énoncés dans l’Avis n° 4 du CCJE au sujet de la formation générale s'appliquent aussi à la formation spécialisée. Les juges spécialisés ayant, en principe, le même statut que les juges généralistes, les exigences visant à garantir l'indépendance de la justice et la meilleure formation possible concernent à la fois les domaines des généralistes et ceux des spécialistes. De manière générale, les formations doivent être accessibles à tous les juges,.

62.                  En principe, il faudrait respecter et exaucer le vœu d'un juge de se spécialiser. A cet égard, le CCJE renvoie à son Avis n°10, en particulier ses dispositions sur la sélection des juges. Une fois ce souhait connu, une formation suffisante[10], devrait être fournie dans un délai raisonnable et dispensée avant l’affectation du juge au domaine de spécialisation et devrait s'achever peu avant le début de ces nouvelles fonctions.

63.                  Il doit y avoir un équilibre entre, d’une part, la nécessité et l'utilité de la formation et, d’autre part, les moyens disponibles. Ainsi, une formation spécialisée ne peut être souhaitée lorsque les ressources nécessaires font défaut ou qu’elles ne pourraient être dégagées qu'aux dépens de besoins de formation plus importants. Une affectation à un domaine spécialisé ne peut être demandée, par exemple, si la charge de travail prévisible dans cette matière est trop réduite pour justifier des tribunaux ou chambres spécialisés. La taille du tribunal, de son ressort, de la région, voire de l'Etat, peuvent dicter les solutions concernant la spécialisation et la formation dans des domaines particuliers. Toutefois, si les circonstances s'y prêtent, la coopération en matière de formation continue au-delà des frontières nationales peut être utile.

4.             Rôle du Conseil supérieur de la justice

64.                  Les prérogatives et  responsabilités du Conseil supérieur de la Justice, ou un organe équivalent, lorsqu’un tel organe existe, doivent s'appliquer de la même manière aux juges généralistes et spécialisés. Les juges spécialisés devraient être représentés ou avoir la possibilité d'exposer leurs problèmes au même titre que les juges généralistes. Tout traitement préférentiel de l'un ou l'autre groupe devrait être évité dans l'intérêt du public.

5.             Spécialisation et participation à des associations de juges

65.                  Les juges spécialisés doivent avoir le droit, comme tous les juges, d'adhérer à des associations de juges et d’en rester membres. Toutefois, pour la cohésion du corps judiciaire, il n'est pas souhaitable qu'il existe des associations distinctes pour les juges spécialisés. Il convient de répondre à l’intérêt qu’ils portent à des domaines spécifiques du fait de leur spécialisation, par le biais d’échanges professionnels, de conférences, de réunions, etc., mais leurs intérêts liés à leur statut peuvent et devraient être protégés au sein d'une association générale de juges.

Conclusions

i.               En principe, les juges « généralistes » devraient avoir un rôle prédominant en matière d'adjudication. Des juges et des tribunaux spécialisés ne devraient être mis en place que lorsque cela est rendu nécessaire pour une bonne administration de la justice, du fait de la complexité du droit ou des faits. Les juges ou tribunaux spécialisés et les tribunaux devraient toujours faire partie du corps judiciaire dans son ensemble.

 

ii.             En principe, les juges généralistes et spécialisés devraient bénéficier du même statut. Les règles d'éthique et de responsabilité des juges doivent être les mêmes pour tous. La spécialisation ne doit pas se faire au détriment de la qualité de la justice, que ce soit dans les tribunaux "généralistes" ou spécialisés.

iii.             Les juges spécialisés, comme les juges «généraliste», doivent respecter les exigences d'indépendance et d'impartialité, conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

  

iv.            La mobilité et la flexibilité des juges seront souvent suffisantes pour répondre aux besoins de spécialisation. En principe, la possibilité de se spécialiser et de se former en conséquence devrait être à la portée de tous les juges. La formation spécialisée devrait être organisée par les institutions judiciaires publiques de formation.

v.             Des assesseurs non juristes spécialisés peuvent siéger dans des panels de juges spécialisés. Il est cependant préférable que tous les avis d'experts nommés soit par le tribunal, soit par les parties, soient susceptibles d’être discutés et confrontés aux parties.

vi.            Les pouvoirs et responsabilités du Conseil de la Justice ou d’un organe similaire devraient s'appliquer de manière équivalente aux juges généralistes et spécialisés.



[1] Ces documents de référence ne traitent pas à proprement parler de la spécialisation des juges. Toutefois, ils concernent également le juge spécialisé dès lors que les principes qu’ils énoncent sont applicables à tous les juges.

[2] Les spécialisations suivantes ont été identifiées dans le questionnaire du CCJE comme exemples communs dans de nombreux Etats européens: tribunaux de la famille, tribunaux pour enfants, tribunaux administratifs/Conseils d’Etat, tribunaux en matière d’immigration et d’asile, Cour des Comptes, tribunaux militaires, tribunaux fiscaux, tribunaux du travail/en matière sociale, tribunaux de baux ruraux, tribunaux pour les plaintes des consommateurs, tribunaux des petits litiges, tribunaux en matière de testaments et d’héritages, tribunaux en matière de brevets/droits de reproduction/marques déposées, tribunaux de commerce, tribunaux des procédures collectives, tribunaux en matière de conflits de propriété, Cours d’arbitrage, tribunaux criminels/cours d’assise, tribunaux de contrôle des enquêtes criminelles (par ex. autorisant les arrestations, les mises sur écoute, etc.), tribunaux de contrôle de l’exécution des sanctions pénales et de la détention.

Le droit de l’Union européenne prévoit la création de chambres ou de juridictions spécialisées dans certains domaines du droit, tels que les dessins ou modèles communautaires (Tribunaux des dessins ou modèles communautaires, art. 80 du Règlement du Conseil (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires (JO L 003 du 5 janvier 2002)) et les marques communautaires (Tribunaux des marques communautaires, art. 90 du Règlement du Conseil (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993 sur les marques communautaires (JOL 011  du 14 janvier 1994)), en raison de la nécessité de protéger le marché intérieur et de disposer de juges disposant des connaissance requises.

[3] Par exemple, les cours d’assises en France et en Belgique.

[4] Comme c’est le cas en matière médicale, d’accident du travail, d’incendie, de construction, de questions technologiques etc.

[5] C’est par exemple le cas des tribunaux de commerce en France, des tribunaux du travail en Belgique, des « Employment Tribunals » au Royaume-Uni ou [autres exemples provenant des autres membres du Groupe de travail].

[6] Voir, par exemple, en matière de propriété intellectuelle

[7] En Angleterre et au pays de Galles, le Tribunal des brevets est intégré à la chambre de la Chancellerie, qui s'occupe essentiellement de litiges immobiliers et fiscaux. Le Tribunal de commerce fait partie de la chambre du Banc de la Reine, qui s'occupe du contentieux contractuel et des questions de droit administratif.

[8] Voir également Avis n° 1 du CCJE, paragraphe 61.

[9] Voir Avis n° 1 du CCJE, paragraphe 29.

[10] Voir Avis n° 4 du CCJE, paragraphe 30.