Forum sur l’avenir de la démocratie

Madrid, 15-17 octobre 2008

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

En mai 2005, le Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe, tenu à Varsovie, a réaffirmé que la sauvegarde de la démocratie et son développement vers la démocratie participative - une démocratie véritablement centrée sur le citoyen - constituait la priorité de notre Organisation. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont souligné en particulier l’importance des niveaux local et régional dans ce processus, en tant que socle de notre société démocratique.

C’est tout à fait évident parce que le développement de nos villes et de nos régions sert de base pour le développement national, et parce que c’est dans nos collectivités que commence la participation des citoyens dans les processus démocratiques. En fait, le principe de participation est même préconisé par la Charte européenne de l’autonomie locale qui considère que le « droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l’Europe ».

C’est aussi vrai qu’aujourd’hui, le développement territorial ne peut plus être « ordonné » d’en haut mais doit nécessairement impliquer l’action des pouvoirs locaux et régionaux, des élus représentants les intérêts et les préoccupations des « gens dans la rue ». C’est grâce à leur expérience sur le terrain et leur capacité pour la mise en œuvre pratique de nos propositions théoriques que les discussions durant ce Forum peuvent mener à des résultats tangibles pour nos citoyens.

C’est pourquoi le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, organe représentatif de plus que 200 000 collectivités territoriales de notre continent, s’est activement impliqué dans les travaux du Forum sur l’avenir de la démocratie depuis sa mise en place dès 2005, suite à la décision du Sommet de Varsovie. Et c’est pourquoi, dans ses propres travaux, le Congrès attache une importance particulière à la participation démocratique des citoyens dans tous les domaines, y compris à travers les technologies modernes de communication et les outils électronique, ce qui est le thème de ce Forum ici à Madrid.

Nous sommes convaincus que les niveaux local et régional sont les niveaux naturels pour l’application de la démocratie électronique, l’expérimentation des nouveaux outils et, surtout, l’analyse des réponses des populations,  le « feedback ». L’introduction du vote électronique, par exemple, est déjà effective dans un nombre croissant des municipalités – je peux citer comme un exemple immédiat les élections municipales en Finlande le 26 octobre prochain, qui seront observées par le Congrès. De plus en plus, les débats publics au niveau local deviennent ouverts à la participation des gens à travers l’internet, et l’accès au cyberespace – en fait, le niveau de numérisation des villes et des régions – est devenu un aspect important dans la mise en œuvre de la Stratégie de Lisbonne de l’Union Européenne et de la Stratégie d’innovation et de bonne gouvernance au niveau local du Conseil de l’Europe. Pour ne pas dire que les outils informatiques de visualisation ont un effet vraiment révolutionnaire pour – et facilitent énormément – le développement de l’espace urbain et rural.

L’année même de la fondation du Forum sur l’avenir de la démocratie, en 2005, le Congrès a réuni ses réflexions par rapport à la démocratie électronique dans la  résolution et la recommandation sur les technologies de la communication et de l’information comme une nouvelle opportunité pour la démocratie locale. Dans ces textes, adoptés en 2006 et ciblant surtout la participation des jeunes, le Congrès a appelé les pouvoirs locaux à combler le fossé digital en fournissant les infrastructures d’accès aux technologies modernes pour tous les groupes d’utilisateurs, indépendamment de leur caractère social ou leur localisation géographique – et en attirant l’attention sur les groupes défavorisés.

Ces textes viennent d’être complétés par les recommandations et les résolutions adoptées lors de la session plénière du Congrès en mai cette année – sur les outils électroniques en tant que réponse aux besoins des collectivités locales, et sur la démocratie électronique et la concertation sur les projets urbains. Nous avons réaffirmé notre conviction que les nouvelles technologies de l’information vont changer la face de la démocratie locale, et que la démocratie électronique est un outil qui permet de lutter contre la désaffection et la désillusion des citoyens envers la chose publique ainsi que de renforcer le dialogue et le niveau de confiance, qui sont essentiels à une bonne gouvernance.

Les outils électroniques permettent également d’améliorer les méthodes de travail et de moderniser les administrations et services publics et, en tant que tels, ouvrent de très vastes perspectives aux collectivités territoriales et aux élus locaux et régionaux. Leur intégration dans notre action donne la possibilité non seulement d’accomplir un travail plus efficace et de mieux l’organiser, mais aussi d’atteindre des citoyens qui ne participent pas d’ordinaire à la vie politique.

Les pouvoirs publics ont un double rôle à jouer dans ce processus, d’une part en tant que décisionnaires et prestataires de services, d’autre part en tant qu'acteur de la société qui informe, encourage et amorce le changement. La participation électronique contribue à mobiliser la société civile dans son ensemble et à renforcer les liens entre les différents niveaux de gouvernance ; en fait, elle permet de dépasser la simple consultation sur les projets pour créer une nouvelle culture citoyenne qui renforce leur engagement à l’échelon local et régional, en développant une position informée.

Mesdames et Messieurs,

Les pouvoirs publics à tous les niveaux de gouvernance doivent aujourd’hui faire face au désengagement politique des citoyens et à une crise de confiance envers les élus et les institutions politiques. Ces tendances exigent le renouvèlement des pratiques démocratiques, une plus grande transparence et le renforcement de la participation des citoyens aux processus décisionnels.

La démocratie électronique, l’utilisation des nouveaux outils de la communication et de l’information nous donne l’opportunité de répondre à ces préoccupations, en ouvrant les portes pour la création d’un nouvel environnement de consultation et de participation, « l’environnement citoyen ». Elle permet d’étendre nos efforts aux coins les plus éloignés et d’atteindre et engager les citoyens les plus désaffectés – en exposant des problématiques complexes, avec une information de qualité et compréhensible de tous, et en favorisant la transparence et l’expression des opinions tant individuelles que collectives.

La démocratie électronique nécessite cependant un processus d’apprentissage qui induit un changement indispensable de mentalité et de comportement tant des pouvoirs publics, des citoyens et des associations que des acteurs économiques. Les élus eux-mêmes expérimentent de nouveaux dispositifs qui permettent de dialoguer avec leurs concitoyens et de renforcer ainsi leur représentativité. C’est pourquoi la formation appropriée pour les administrations publiques, les élus et les citoyens est un facteur crucial pour la réussite de nos efforts, et doit être encouragée à tous les niveaux, aussi bien national que local et régional.

Un autre aspect important dans le succès de la démocratie électronique est le cadre législatif et juridique qui, lui aussi, nécessite la concertation de l’action des gouvernements, des parlements, des pouvoirs territoriaux et de la société civile.

C’est uniquement en mettant ensemble nos énergies, les énergies de nos citoyens dans un environnement participatif que nous assurerons le développement continu et durable de notre société démocratique. Les technologies modernes nous ouvrent la porte. Il est temps de franchir le seuil.

Je vous remercie.