30E SESSION

CPR30(2016)01

23 mars 2016

COMMUNICATION DE GUDRUN MOSLER-TÖRNSTRÖM

PRESIDENTE DE LA CHAMBRE

Strasbourg, mercredi 23 mars 2016


Chers collègues,

Lors de notre session d’octobre, je vous avais présenté le bilan de la Chambre des Régions et de son Bureau à mi-mandat. Six mois se sont écoulés depuis et six autres vont encore s’écouler avant le renouvellement, non seulement de la direction de la Chambre, mais aussi de sa composition. Permettez-moi de vous indiquer brièvement où nous en sommes aujourd’hui.

Au cours de notre session d’octobre 2015, la Chambre a adopté une importante Résolution sur « L’évolution de la régionalisation dans les Etats membres du Conseil de l'Europe » – préparée par notre collègue Marie-Madeleine MIALOT MULLER – qui énonce les principes directeurs de nos activités futures en matière de régionalisation. La Résolution et son exposé des motifs étaient fondés sur une étude de l’évolution de la régionalisation dans les Etats membres du Conseil de l'Europe qu’a préparée le Groupe d’experts indépendants du Congrès et que nous présentera le professeur MERLONI plus tard ce matin.

Autre rapport important, assorti d’un projet de résolution et d’un projet de recommandation, celui de notre collègue Karl Heinz LAMBERTZ, intitulé « Autonomie et frontières dans une Europe en mutation ». Il sera également examiné et adopté aujourd’hui par notre Chambre.

Ces rapports et l’étude du Groupe d’experts indépendants marquent une autre étape importante dans la mise en place du dispositif conceptuel que la Chambre a élaboré au cours des dernières années. Vous vous rappelez certainement qu’en octobre 2013, nous avions aussi adopté un important rapport, à savoir celui de notre collègue Bruno MARZIANO, sur les régions et les territoires dotés d’un statut spécial en Europe, démontrant que les principes de la démocratie régionale trouvent leurs cadres institutionnels les plus convaincants au sein des régions à statut spécial.

A cet égard, j’attends avec une grande impatience notre débat thématique de ce matin sur l’évolution de la régionalisation dans les Etats membres du Conseil de l'Europe au cours duquel nous entendrons des informations de première main de nos membres. Sans vouloir anticiper le débat, je dois vous dire que je suis très préoccupée par la situation qui est aujourd’hui celle de l’Europe, avec la montée du populisme et des nationalismes, qui va de pair avec la tendance qu’on observe, en maints Etats européens, à re-centraliser les compétences et les ressources. Il ressort de l’étude coordonnée par le professeur MERLONI que la régionalisation n’a guère avancé dans les Etats membres du Conseil de l'Europe au cours de la dernière décennie, sauf dans un pays, la Belgique, qui est en quelque sorte l’exception confirmant la règle. Permettez-moi d’attirer dès à présent votre attention sur une conclusion très préoccupante que vous trouverez dans l’étude et qui devrait être un signal d’alarme pour notre Chambre :

« La régionalisation est à l’arrêt, elle est peut-être même entrée dans une phase lente, mais manifeste, de déclin. A l’intérieur de l’Union européenne, le rôle des Etats membres est réaffirmé avec une grande vigueur, au détriment des liens plus étroits qui pouvaient être tissés au niveau régional. La question se pose, par conséquent, de savoir si l’idée régionale, avec ses promesses de développement autonome séparé, de solidarité et de péréquation des ressources financières, n’apparaît pas aujourd’hui comme trop étroitement liée à la longue période d’extension des droits sociaux et de développement de l’Etat providence et ne risque pas d’être remise en cause par les politiques d’austérité et la réduction brutale des dépenses publiques et du rôle de l’intervention publique dans l’économie et la société ».

A la lumière de ces occurrences politiques, permettez-moi de formuler quelques observations.

Les incidences générales de la crise économique et financière de ces dernières années aux niveaux national et européen ont aussi influé considérablement sur l’exercice et la qualité de la démocratie locale et régionale. Les collectivités territoriales ont été mises en péril par les conséquences de la crise en termes de perte d’autonomie, de manque de ressources et d’endettement. Une tendance à la recentralisation a ainsi été observée dans plusieurs Etats membres.

Lorsque j’ai pris la présidence de la Chambre, je vous ai fait part de mon souhait de poursuivre la priorité de ma prédécesseure à cet égard et de concourir à l’harmonisation de l’espace juridique européen, en particulier en ce qui concerne nos textes de référence, essentiellement, la Charte de l’autonomie locale, un traité contraignant. Après des années de suivi, son interprétation couvre également les régions. En outre, le Cadre de référence pour la démocratie régionale est un document politique de premier plan qui imprime une direction à nos travaux.

Nous savons où nous voulons aller, mais nous ne saurions ignorer la présence de graves obstacles sur notre chemin. La décentralisation n’est pas toujours un aller simple, quand bien même nous le voudrions. Certains gouvernements se sont servis de la crise économique pour reprendre des compétences aux collectivités locales et régionales.

Nous avons assisté récemment à des processus de recentralisation dans plusieurs de nos pays et d’autres continuent de réduire les ressources des autorités locales et régionales, ce qui fait qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile pour nos villes, cités et régions d’offrir aux citoyens les services dont ils ont besoin.

Nous constatons également que des gouvernements nationaux remettent en question leurs obligations internationales. Nous voyons des cours constitutionnelles remettre en question l’applicabilité de la Charte dans le droit interne, le dernier exemple en date étant la France. Tous ces développements sont préoccupants. L’heure n’est pas à la complaisance ; il est nécessaire de se battre pour protéger ces normes – et principes – qui nous sont si chers.

Permettez-moi maintenant de vous informer brièvement du travail accompli par le Bureau entre les sessions d’octobre et de mars. Conformément à sa pratique dorénavant bien établie, le Bureau a continué de suivre de très près les derniers développements politiques au niveau régional à chacune de ses réunions. Vous trouverez un résumé des informations correspondantes dans le document CPR30(2016)INF01 qui est à votre disposition.

Le Bureau a également tenu un échange de vues sur sa contribution aux priorités du Congrès pour la période 2017-2020. En conséquence, il a été inséré un paragraphe spécifique qui engage le Congrès à continuer d’agir comme fervent défenseur de la démocratie régionale dans tous les pays d’Europe et de promouvoir plus avant, notamment par ses activités de suivi, de post‑suivi et de coopération, le Cadre de référence pour la démocratie régionale dans la perspective de son dixième anniversaire en 2019, en tant qu’instrument favorisant la stabilité politique et l’intégrité territoriale.

Relevons enfin les efforts particuliers qui ont été déployés s‘agissant de la coopération de notre Chambre avec les Associations européennes des régions. Nous avons contribué au « Forum mondial des assemblées législatives régionales et infranationales » et à l’Assemblée plénière de la Conférence des assemblées législatives régionales européennes (CALRE) tenue les 23 et 24 octobre à Milan, à laquelle Clemens LAMMERSKITTEN a représenté la Chambre.

J’ai participé, pour ma part, à l’Assemblée générale et à la Conférence annuelle sur l’avenir de la coopération transfrontalière en Europe qui s’est tenue à Bruxelles le 13 novembre 2015, lors de laquelle j’ai eu l’occasion de souligner que la coopération transfrontalière est indispensable à l’intégration européenne et touche au cœur du projet européen. Malheureusement, la coopération transfrontalière devient aujourd’hui de plus en plus difficile, les contrôles aux frontières nationales ayant été renforcés du fait de la crise des réfugiés que nous connaissons aujourd’hui.

La Chambre a également participé par l’intermédiaire de notre Secrétaire exécutif Denis HUBER à l’Assemblée plénière extraordinaire de l’Assemblée des Régions européennes en décembre 2015 à Bruxelles où Hande BOZATLI a été réélue Présidente.

Nous avons certes accompli des progrès notables au cours des six mois  écoulés dans la mise en œuvre de nos priorités, il convient de le reconnaître, mais il reste assurément beaucoup à faire. Les temps sont difficiles pour l’Europe et ses régions !

Aujourd’hui, ce sont les jeunes ici présents qui feront avancer les choses dans les années à venir. Je suis très heureuse de constater qu’une fois encore nous avons une importante délégation de jeunes à la présente session. Il est indispensable que nous saisissions cette occasion de les convaincre de l’urgence de la tâche.

Je suis toute disposée à entendre vos observations et propositions pour nos travaux futurs.