L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes aux niveaux local et régional : une stratégie pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les villes et les régions - CG (11) 10 Partie II

Rapporteur:
Britt-Marie LÖVGREN, Suède,
Chambre des pouvoirs locaux
Groupe politique : NI

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EXPOSE DES MOTIFS

Introduction

Le Conseil de l’Europe mène une politique très active depuis 1995,par le biais notamment de son Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes (CDEG), pour promouvoir l’approche intégrée de l’égalité des sexes en Europe. L’approche intégrée de l’égalité a vu le jour lors de la 3e Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes (Nairobi, 1985). La 4e Conférence mondiale sur les femmes de Beijing (1995) a défini une stratégie destinée à favoriser la prise en compte de l’approche intégrée, explicitement approuvée dans le Programme d’action adopté à cette occasion.
Le Groupe de spécialistes du Conseil de l’Europe pour une approche intégrée de l’égalité (1995–1998)1 a défini cette approche comme consistant en «la (ré)organisation, l’amélioration, l’évolution et l’évaluation des processus de prise de décisions, aux fins d’incorporer la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place des politiques.

Suite à l’adoption du rapport du CDEG sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, le Conseil de l’Europe a défini et mis en œuvre une série d’activités de sensibilisation et de projets pilotes, parmi lesquels il faut citer une conférence sur «L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes: une chance pour le XXIe siècle» (Athènes, septembre 1999), la création d’un réseau informel d’expert(e)s en matière d’approche intégrée de l’égalité hommes-femmes, la promotion d’une politique d’intégration du principe d’égalité des sexes dans l’Organisation et la mise en route d’un projet pilote associant quatre autres de ses comités directeurs (le Comité européen pour la cohésion sociale, le Comité européen de la santé, le Comité pour le développement du sport et le Comité ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides), visant à déterminer comment ils pourraient incorporer la dimension de l’égalité dans leurs travaux. Le CDEG et le CDCS ont organisé fin 2002 un séminaire conjoint sur l’approche intégrée de l’égalité dans les politiques sociales. Un groupe de spécialistes élabore actuellement un rapport sur la promotion de l’approche intégrée de l’égalité des sexes à l’école. Un groupe d’experts s’est par ailleurs réuni en novembre 2002 pour d’identifier les activités que pourrait entreprendre le Conseil de l’Europe sur la question de la prise en compte du principe d’égalité des sexes dans les budgets.

Le Congrès pourrait apporter sa pierre au travail important déjà réalisé par le Conseil de l’Europe en réfléchissant à la manière de promouvoir l’approche intégrée de l’égalité hommes-femmes aux niveaux local et régional. Les collectivités locales et régionales, dans les politiques qu’elles mènent – en matière de cohésion sociale et d’éducation, par exemple – devraient prendre en compte l’idée d’approche intégrée de l’égalité des sexes. Pour pouvoir construire une société plus équilibrée, tous les responsables de l’action locale (et pas seulement les spécialistes des questions d’égalité) doivent inscrire la dimension de l’égalité des sexes dans les politiques dès le tout premier stade de leur élaboration. Cette préoccupation découle également de la nécessité d’assurer la meilleure utilisation possible des ressources des collectivités territoriales et d’améliorer l’efficacité des politiques publiques locales et régionales par une intégration appropriée du principe d’égalité des sexes dans l’établissement des budgets.

Certains Etats membres ont conduit avec succès des expériences pragmatiques visant à promouvoir l’approche intégrée de l’égalité des sexes. La Suède, par exemple, a introduit la méthode des «3R» (Représentation, Ressources et «Réalités») au niveau local2.

Suite à la proposition de Madame Kyller (Suède), la Commission de la Cohésion sociale propose d’entreprendre une étude sur la manière dont les collectivités territoriales peuvent contribuer au développement de l’approche intégrée de l’égalité. Cette réflexion aiderait à déterminer les principes à suivre dans la réalisation de projets dans ce domaine et apporterait des exemples de bonnes pratiques. Elle pourrait par ailleurs déboucher sur l’organisation, en 2004, d’une conférence conjointe avec le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a maintes fois émis le vœu de travailler avec le Congrès sur ces questions.

Le Bureau du Congrès a chargé la Commission de la Cohésion sociale d’entreprendre cette recherche en février 2003. La Commission a désigné Mme Lövgren (Suède) comme Rapporteur lors de sa réunion qui s’est tenue le 14 octobre 2003 à Rome. La Commission a organisé, le 22 mars 2004, une audition à laquelle ont participé Isabel Romao, Représentante du Comité pour l’Egalité entre les femmes et les hommes (CDEG), Françoise Gaspard, experte du Conseil des Municipalités et Régions de l’Europe (CCRE) et Jana Voldanova, Vice-Présidente du Réseau Européen des Organismes de Formation (ENTO). Le Rapporteur souhaiterait exprimer ses remerciements à Diane Bunyan, experte, pour sa contribution engagée pour la préparation de ce rapport.

1. Définition

L’égalité entre les hommes et les femmes est une exigence fondamentale des droits de l’homme et un critère essentiel de la démocratie.

On considère l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes comme l’une des stratégies clés pour réaliser l’objectif d’égalité entre les sexes. Elle a été entérinée par la 4e Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes (Beijing 1995). La signification de ce concept n’est toutefois pas toujours clairement établie et il est souvent assimilé aux politiques et plans d’actions spécifiques en matière d’égalité des sexes destinés à redresser les inégalités entre les hommes et les femmes.

En 1996 le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et les hommes du Conseil de l’Europe a créé un Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité, chargé de définir ce concept et de proposer une méthodologie pour sa mise en œuvre. Le rapport publié en 1998 par le groupe décrit le cadre conceptuel nécessaire à l’approche intégrée de l’égalité, présente la méthodologie de mise en œuvre et donne quelques exemples de bonnes pratiques.

Voici la définition de l’approche intégrée de l’égalité telle qu’elle figure dans le rapport :
“ L'approche intégrée consiste en la (ré)organisation, l'amélioration, l'évolution et l'évaluation des processus de prise de décision, aux fins d'incorporer la perspective de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place des politiques.”3
Cela signifie que l’élaboration et la mise en œuvre des politiques doivent, à tous les niveaux, prendre en considération les besoins, les intérêts, les compétences et les aptitudes des hommes et des femmes. Cela signifie en outre que toute politique doit être envisagée du point de vue de l’égalité des sexes afin de déterminer l’impact qu’elle pourrait exercer sur les hommes et les femmes et qu’un suivi des politiques doit être mené de manière à mesurer l’impact qu’elles exercent réellement sur les deux sexes. Toutefois, cela demande avant tout une action qui modifie les politiques, stratégies, allocation de ressources et la manière dont les services sont gérés pour faire qu’ils deviennent effectifs d’une manière égale entre les femmes et les hommes. Nous ne devrions pas sous estimer le changement que cela demandera par rapport à la manière habituelle de procéder pour de nombreuses autorités locales et régionales.

En 1998 le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe4 a recommandé aux gouvernements des Etats membres de diffuser largement le rapport du CDEG, d’encourager son utilisation en tant qu’instrument de la mise en œuvre de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes et d’inviter les décideurs/euses à s'inspirer du rapport afin de créer un environnement propice à cette approche et de faciliter les conditions pour sa mise en oeuvre dans le secteur public.

Depuis, de nombreux séminaires et conférences ont été organisés, permettant de partager les connaissances dans ce domaine et de soutenir le concept d’une manière générale. L’adoption de la politique par l’Union européenne s’est traduite par l’introduction d’un processus d’approche intégrée de l’égalité entre les sexes au sein de la Commission européenne et son adoption comme principe pour la distribution des fonds structurels.

Le rapport du CDEG5 montre que de nombreux pays ont adopté une politique d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes même si Mieke Verloo dans son rapport pour le Groupe de spécialistes du CDEG6, émet quelques réserves : « S'il faut évidemment se féliciter de ce genre d'attitudes positives, il subsiste cependant un certain nombre de problèmes, notamment la tendance à « l'habillage », la non-compréhension du concept et le fait que les politiques spécifiques ou ciblées d'égalité ne bénéficient plus désormais que d'un intérêt et de financements plus réduits qu'auparavant », en d’autres mots, les choses n’ont pas vraiment changé.

Pour la Commission de la Cohésion sociale du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes s’inscrit dans l’intérêt qu’elle porte à la promotion de la démocratie et de la bonne prise de décision et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle a proposé au CDEG d’organiser un séminaire conjoint en mars 2004 pour partager les bonnes pratiques en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes ; le Groupe de spécialistes en a fait le thème de sa réunion en septembre 2003 et a ainsi pu découvrir plusieurs exemples de la mise en œuvre de cette politique au niveau local dans lesquels l’adoption de l’approche intégrée de l’égalité a introduit des changements dans les politiques et les pratiques

Le résumé du rapport final du Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes7 explique en cinq raisons pourquoi cette approche est importante :

Cette recommandation s’efforce de proposer des actions spécifiques que les collectivités locales et régionales pourraient mener pour mettre en œuvre l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

2. Conditions requises à l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes

La volonté politique

La volonté politique est la condition la plus importante. Il existe un consensus général sur l’idée que l’autorité suprême doit produire une déclaration d’intention qui affirme clairement sa volonté d'inclure la perspective d'égalité entre les femmes et les hommes dans le but de réaliser l'égalité entre les sexes.

Cet engagement pris au niveau national a permis que des actions soient entreprises au niveau local. Ainsi en Suède, le gouvernement a adopté l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes au milieu des années 908 et l’Association suédoise des pouvoirs locaux a mené des actions spécifiques pour intégrer la perspective d’égalité dans ses travaux.9

En Belgique l’engagement a été pris au niveau du gouvernement régional10.

A Vienne, le Maire a déclaré son engagement envers l’égalité entre les sexes et l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes.11 Toutefois, quel que soit le niveau auquel est pris cet engagement, il est essentiel de convaincre tous les acteurs concernés qu’il s’agit d’une initiative pour laquelle on dispose de temps et de ressources.

Les responsables politiques ne doivent pas seulement affirmer leur volonté de mettre en œuvre l’égalité mais aussi se donner le moyen de le faire. Il est important de convaincre les citoyens que cela permettra de prendre de meilleures décisions. Comme le stipule le document flamand sur l’Evaluation de l’impact sur le genre : “ En 2000 les collectivités locales aspirent à une politique « sur mesure » pour le citoyen. A cet effet, il est fondamental de répondre au mieux aux attentes des individus ou de certains groupes cibles au sein de la population. Les politiques sont toutefois loin d’y parvenir. On doit cela au fait qu’une mesure spécifique est souvent mise au point avec l’image du « citoyen modèle » en tête, lequel n’existe pas dans la réalité.»12

Participation des femmes à la prise de décision

La présence des femmes dans les instances de prises de décision est la seconde condition préalable. L’exemple des pays nordiques montre qu’une forte représentation des femmes permet à la question de l’égalité de figurer à l’ordre du jour et d’être prise en compte13 ; de la même manière, les travaux sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes entrepris par le Parlement écossais et l’Assemblée galloise montrent que les femmes sont fortement représentées dans ces deux organisations.

Aussi est-il essentiel que les collectivités locales et régionales adoptent des méthodes pour encourager une participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique.14

Lisibilité et transparence dans la prise de décision

La lisibilité et la transparence dans la prise de décision sont essentielles pour permettre l’approche intégrée de l’égalité. Les évaluations d’impact sur le genre s’enrichiront des discussions et des informations sur les effets des politiques sur les hommes et les femmes, et doivent être partagées et débattues dans le cadre du processus démocratique.

Politiques et structures en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes

L’approche intégrée de l’égalité doit s’inscrire dans le cadre d’une politique d’égalité entre les sexes. Mais il faudra aussi prendre des mesures spécifiques destinées à promouvoir cette approche, comme une législation contre la discrimination sexuelle ; l’approche intégrée de l’égalité permet d’identifier les domaines dans lesquels les mesures spécifiques doivent être prises en priorité et d’améliorer ces dernières.

Il faut par ailleurs prévoir une structure permettant l’élaboration de politiques en matière d’égalité et l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ces structures peuvent prendre différentes formes selon le contexte, allant d’un comité de politique de haut niveau à un réseau informel d’individus dans différents départements ; mais ceux qui sont impliqués dans l’élaboration de politique et la prestation de services doivent pouvoir se référer à un système qui leur permet de comprendre et mettre en œuvre l’approche intégrée de l’égalité ; il faut également prévoir un moyen qui permet de suivre sa progression et à ceux qui la mettent en œuvre de pouvoir rendre des comptes.

Statistiques ventilées par sexe

Il est indispensable de connaître l’impact qu’ont les différentes politiques sur les hommes et les femmes de manière à pouvoir fixer un seuil de référence permettant de repérer tout changement qui interviendrait. Cela ne garantit toutefois pas que l’égalité soit effective ; en effet on dispose depuis des années d’informations concernant les salaires des hommes et des femmes mais les écarts dans ce domaine demeurent. Il s’agit là d’un domaine délicat dans la mesure où les statistiques sur les hommes et les femmes ne suffisent pas à mesurer l’impact ; aussi peut-être faudra-t-il mettre au point d’autres techniques plus sophistiquées.

Il est toutefois essentiel de commencer par des données ventilées par sexe. Ainsi le nombre de visiteurs à une manifestation culturelle ou le nombre d’enfants qui utilisent une aire de jeux permet de savoir si ces éléments répondent aux attentes des hommes et des femmes, des garçons et des filles ou s’il existe un équilibre.

Ces statistiques sont également indispensables pour convaincre les représentants élus, les employés des collectivités locales et régionales et les citoyens du bien-fondé de l’approche intégrée de l’égalité et de sa capacité à assurer l’égalité entre les sexes.

3. Les instruments pour l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes

Sensibilisation

Les personnes qui élaborent les politiques et fournissent des services pour les collectivités locales et régionales doivent comprendre l’impact différentiel que peuvent avoir ces politiques et services sur les hommes et les femmes. Il ne s’agit pas de savoir sur qui rejeter la faute mais de comprendre dans quelle mesure les principes et pratiques qui s’appliquent depuis longtemps influencent les décisions qui sont prises. C’est ici que les statistiques ventilées par sexe pourront être utiles pour montrer concrètement comment les décisions et les actions exercent un effet différentiel.

L’exemple du Danemark en matière d’emploi15 montre bien la façon dont les salariés du service pour l’emploi se laissaient guider par des préjugés « traditionnels » sur les compétences des hommes et des femmes qui les amenaient à ne pas proposer certaines offres d’emplois à la fois aux hommes et aux femmes. Une campagne de sensibilisation et un examen approfondi des démarches mises en œuvre ont permis qu’un plus grand nombre d’hommes et de femmes soient recrutées dans des professions traditionnellement réservées à l’un ou l’autre des deux sexes.

Le Royaume-Uni a adopté dans sa Loi sur les relations interraciales (amendement) de 200116 le concept de « Racisme institutionnel » qui attire l’attention sur le fait que les structures et systèmes exercent, ouvertement ou non, une discrimination raciale envers les individus et qui demande à toutes les instances publiques d’examiner l’impact de leurs politiques sur les relations interraciales.

Susciter l’engagement

Il est certes essentiel que l’engagement en faveur de l’approche intégrée de l’égalité soit pris au niveau des dirigeants mais chacun/chacune dans l’organisation doit aussi comprendre que cette politique doit être traitée comme toute autre procédure, telle que l'établissement d'un budget ou d'un bilan annuel afin qu’elle devienne, comme le dit le Professeur Teresa Rees “une composante naturelle de notre «mode d'agir».”17

Pour y parvenir, on peut fixer des objectifs ou intégrer l’égalité dans le système de gestion des performances et faire en sorte que les entrepreneurs soient tenus d’appliquer ces politiques dans leur programme normal de travail et de rendre des comptes dans ce domaine.

Lorsque les collectivités locales et régionales s’adressent à des fournisseurs privés pour l’achat ou la commande de services, il est important que les principes d’égalité et d’approche intégrée de l’égalité figurent dans les contrats afin qu’ils puissent être appliqués de la même manière que dans les processus internes et les services.

Participation et Consultation

Les femmes ont moins de chance d’être élues comme représentantes des collectivités locales et régionales et d’être nommées aux postes de décision politique au sein des organisations.18 Aussi, puisque leur voix a moins de chance de se faire entendre, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes solides et performants pour savoir ce que les femmes attendent des services fournis par les collectivités locales et régionales.

Ces consultations devront avoir un large champ d’application et tenir compte des différences entre les hommes et les femmes telles que l’âge, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, les convictions religieuses et l’infirmité. Elles pourront prendre différentes formes de manière à toucher ceux qui ont rarement l’occasion de se faire entendre.

Il est par ailleurs essentiel qu’une suite soit donnée à ces consultations afin d’éviter que le processus politique ne s’attire encore plus de défiance et de sarcasmes.

Les résultats de ces consultations constituent la référence informationnelle pour ceux qui s’intéressent à l’efficacité des politiques et services existants.

Il est utile de comparer les résultats des consultations avec les femmes avec les consultations à caractère plus général. La ville de Heidleburg mène par exemple une campagne de consultation distincte avec les femmes sur les aspects concernant l’aménagement du territoire.19

En débattant régulièrement avec les utilisateurs de services des politiques en place, de précieuses informations peuvent être obtenues sur l’efficacité de ces dernières. Cela permet d’établir un dialogue direct avec les personnes qui sont le plus directement concernées et de permettre à ceux qui ont peu de pouvoir et d’influence de s’exprimer. Certains exemples montrent par ailleurs que les utilisateurs participent à la prise de décision et sont directement impliqués dans l’élaboration des politiques.20

Evaluation de l'impact sur l'égalité entre les sexes

L’approche intégrée de l’égalité nécessite une analyse des politiques existantes pour déterminer leur impact sur le genre et une évaluation des nouvelles politiques pour savoir dans quelle mesure elles influenceront les femmes et les hommes. Cette démarche s’inscrit au cœur de l’approche intégrée de l’égalité entre les sexes et nous disposons, à cet égard, de plusieurs méthodes.

Le projet “JAMKOM”21 de l’Association suédoise des pouvoirs locaux a développé un instrument d’analyse, la méthode dite des 3R, permettant l’étude des pratiques utilisées sous trois angles : Représentation : « Combien de femmes, combien d’hommes ? » Ressources : «Comment les ressources – l’argent, le temps, l’espace, l’information – sont-elles distribuées entre les deux sexes ?» et Réalités : « Pour quelles raisons la représentation hommes/femmes et la ventilation des ressources sont ce qu’elles sont ? ». Les questions mais surtout les réponses qu’on y fait sont ensuite utilisées pour identifier les changements éventuels à apporter aux politiques et pratiques existantes.

L’Association des villes et communes flamandes a mis au point un instrument pour évaluer les effets des politiques locales sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes. Le LGIA22 (Evaluation de l’impact sur le genre) est une méthode progressive permettant l’évaluation et la correction éventuelle des politiques de manière à ce qu’elles répondent aux besoins de tous les habitants de la zone.

L’Irlande a adopté les principes directeurs de l’évaluation de l’impact sur le genre au niveau national pour l’analyse du Plan national de développement pour le développement économique et social et élaboré un manuel23 à l’intention des personnes qui réalisent ces évaluations. Ces principes comportent une évaluation de l’impact sur le genre en cinq étapes : Etape n°1 : Quels sont les différent rôles et expériences des hommes et des femmes susceptibles d’influencer la manière dont ils en bénéficient/y participent (Objectif/action) Etape n°2 : Quelles implications les différences induisent-elles pour cet objectif ? Etape n° 3 : Compte tenu de ces implications et dans le cadre de cet objectif, que devons-nous faire pour assurer une égalité de résultats pour les hommes et les femmes ? Etape n°4 : Qui sera chargé de la mise en œuvre de ces actions ? Etape n°5 : Comment mesurerons-nous la réussite dans ce domaine ? (indicateurs, cibles)

Tous ces exemples requièrent des statistiques ventilées par sexe et demandent une volonté et une aptitude à reconnaître la façon dont les systèmes, structures, politiques et procédures existants exercent une discrimination, intentionnelle ou non. Ainsi l’idée reçue qui veut que ceux qui travaillent de longues heures s’impliquent davantage dans leur carrière lèse les femmes qui ont souvent des responsabilités familiales qui les empêchent de faire de longues heures de travail.

Des actions concertées sont par ailleurs nécessaires pour le suivi des évaluations et une procédure permettant de vérifier que les changements décidés sont mis en œuvre doit être mise en place.

Ces changements ne nécessiteront pas forcément un financement supplémentaire mais impliqueront une redistribution ou une réallocation des ressources existantes.

Suivi et évaluation

Une fois réalisée l’évaluation de l’impact sur le genre, il faut assurer un suivi des effets des actions concertées afin de vérifier si elles produisent les résultats escomptés. Les données statistiques et les consultations seront à nouveau nécessaires pour témoigner du changement.

Il est par ailleurs indispensable que la politique soit effectivement appliquée. L’approche intégrée de l’égalité entre les hommes et les femmes est ainsi nécessaire dans l’application des fonds structurels de l’UE bien que cette politique ne semble que très peu mise en œuvre et que l’on craint désormais qu’elle ne disparaisse.24

Formation

Tous les acteurs concernés devront être formés à l’utilisation de ces instruments. La formation en matière d’égalité des chances est bien souvent axée sur les aspects juridiques et la façon d’éviter d’enfreindre la loi et aborde rarement les conséquences que les décisions et démarches politiques peuvent avoir sur les individus. Aussi, si l’on veut que l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes fonctionne, la formation doit s’inscrire dans le cadre du changement de la culture d’une organisation. Elle devra s’adapter en fonction des différentes fonctions exercées par les individus : les responsables politiques devront par exemple comprendre la démarche mise en oeuvre et s’intéresser aux principes impliqués, les personnes chargées des consultations devront s’assurer que ces dernières sont représentatives et celles qui analysent les statistiques devront suivre une formation technique.

L’exemple du Danemark25 révèle qu’il est nécessaire de modifier les procédures et les processus ainsi que les politiques et que c’est là le défi que doivent relever les formateurs dans la mesure où ils travaillent au changement des pratiques en cours et cherchent à dépasser les préjugés institutionnalisés.

Il est essentiel de poursuivre la formation et de faire en sorte que cette pratique se perpétue car les préjugés concernant le rôle des femmes et des hommes sont très fortement ancrés.26

Il est important que la formation en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les hommes et les femmes ne soit pas envisagée comme une option possible ou comme s’adressant uniquement à ceux qui le veulent mais soit perçue comme faisant partie intégrante de la culture de la collectivité locale et régionale et comme le moyen de fournir des services de meilleure qualité à tous les citoyens.

4. Partager l’information

Il est important que chacun puisse apprécier les bénéfices de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, aussi est-il essentiel que les changements intervenant dans les politiques et les pratiques se manifestent par des changements visibles des résultats. Par exemple une étude cherchant à déterminer qui paie les factures dans un foyer a démontré que la plupart des factures de la maison étaient réglées par les femmes, aussi la collectivité locale a-t-elle modifié les horaires d’ouverture de ses bureaux de façon à ce que les femmes qui travaillent et qui ont des responsabilités familiales puissent venir s’acquitter de leurs factures à l’heure qui leur convient.27

Dans certains cas l’évaluation de l’impact sur le genre démontre que les ressources sont allouées de manière différentielle : des sommes plus importantes sont ainsi consacrées à la fourniture d’équipements sportifs destinés aux jeunes garçons plutôt qu’aux jeunes filles ; cette politique est acceptable si l’on considère le fait que les équipements sportifs sont une manière d’empêcher le vandalisme ou les comportements antisociaux dans une zone, mais ce qui importe ici c’est que cette décision est prise délibérément, informations à l’appui et ne répond pas seulement à une habitude de faire.

Les citoyens veulent être impliqués dans les discussions qui portent sur la répartition des ressources limitées des collectivités locales et régionales et les responsables politiques veulent montrer que l’utilisation de ces ressources est optimisée.

La ville de Vienne gère un projet qui assure la réhabilitation d’une partie de la ville et la participation des femmes concernant l’aménagement et la conception ; l’objectif est de permettre la comparaison entre cette réalisation et celles des autres zones qui sont conçues selon la voie classique. Ce projet permettra de démontrer que même les décisions qui concernent l’aménagement du territoire peuvent prendre une dimension de genre qui devrait prise en compte.28

En Angleterre, les collectivités locales sont catégorisées selon les services qu’elles fournissent et la façon dont le conseil est administré. Cette classification est pour partie basée sur leur degré de sensibilité aux aspects d’égalité. L’Organisation des employés du gouvernement local conjointement avec la Commission pour l’égalité raciale, la Commission pour l’égalité des chances, la Commission pour les droits des handicapés et l’Association du gouvernement local ont établi une « norme d’égalité » qui comporte cinq paliers différents.29 Cela permet à un congrès de prouver au citoyen son aptitude à servir tous les membres de la communauté.30

Bonnes pratiques

Un certain nombre de collectivités locales et régionales changent leur manière de faire en introduisant l’approche intégrée de l’égalité entre les sexes. Il est capital que cette information soit partagée de manière à ce que tout le monde en profite. L’effet immédiat de l’impact de ces politiques au niveau local permettra par ailleurs d’encourager une action aux niveaux national et international.

Cette démarche est essentielle dans le rétablissement de la paix dans les anciennes zones de conflit et le travail accompli par le groupe spécial pour l’égalité entre les sexes dans les pays du Pacte de stabilité pour impliquer les femmes dans la prestation de services locaux et dans la participation aux processus démocratique et décisionnel, est une leçon dont chacun devrait s’inspirer.

Il est suggéré au congrès d’établir un répertoire des bonnes pratiques en matière d’approche intégrée au niveau local et régional illustrées d’exemples pratiques et à la disposition de tout un chacun.
Travailler avec d’autres partenaires

Le Comité des femmes du CCRE travaille actuellement sur les bonnes pratiques en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les hommes et les femmes ; il est recommandé que le Congrès travaille en étroite collaboration avec lui ainsi qu’avec d’autres agences impliquées dans ce domaine.

Les ONG sont actives dans ce domaine depuis un certain déjà et il est utile, au niveau régional et local, de collaborer avec elles notamment en ce qui concerne les démarches de consultations dans la mesure où elles ont souvent accès à des personnes dont les opinions ne sont pas prises en compte dans les structures plus formelles.

Un travail universitaire considérable est réalisé dans ce domaine et les collectivités locales et régionales devraient être capables de s’en inspirer pour définir leurs propres stratégies en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les sexes.

Le savoir-faire externe en matière de formation, de structures et de processus peut aussi se révéler utile et les difficultés externes qui se posent lors de la phase de suivi et d’évaluation peuvent également contribuer à l’efficacité de la démarche.

5. Conclusion

L’égalité entre les hommes et les femmes est un critère fondamental de la démocratie et, les collectivités locales et régionales étant les sphères de gouvernance les plus proches des citoyens, il leur incombe la responsabilité particulière de s’assurer que leurs politiques et pratiques n’exercent pas de discrimination, intentionnelle ou non. Dans le cadre d’une politique générale d’égalité, l’approche intégrée constitue un instrument essentiel de l’égalité entre les sexes et fournit aux collectivités locales et régionales une méthode leur permettant d’analyser et de modifier leurs politiques existantes et de s’assurer qu’elles sont équitables. En veillant à ce que les ressources, humaines, physiques et financières soient équitablement réparties, les collectivités locales et régionales prouvent qu’elles répondent aux aspirations de leurs citoyens et qu’elles contribuent au renforcement de la démocratie.

1 Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a été associé aux activités de ce groupe de spécialistes et a participé à l'élaboration d'une recommandation aux Etats membres du Conseil de l'Europe sur l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes, adoptée en octobre 1998.

2 Voir également le document EG–S–MS (98) 2 révisé, «L'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes: cadre conceptuel, méthodologie et présentation des bonnes pratiques» (mai 1998, page 65), ainsi que le document EG (99) 13, «L’approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes: pratique et perspectives (décembre 1999), établi par Mme Mieke Verloo, consultante

3 Approche intégrée de l’égalité entre les sexes : Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques » ( Strasbourg, mai 1998)

4 Recommandation N° R (98) 14

5 Etude du Conseil de l'Europe « Mécanismes nationaux, Plans d'action et approche intégrée de l'égalité » (EG (99) 12)

6 L'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes : pratique et perspectives. Rapport préparé par Mieke Verloo (EG (99) 13)

7 Approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes : Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des « bonnes pratiques » (EG (99)3)

8 Le gouvernement suédois a introduit la loi « partager le pouvoir, partager la responsabilité » en 1994.

9 L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes en Suède. Fiche d’information du Ministère de l’Industrie, de l’Emploi et des Affaires sociales.

10 Evaluation de l’impact local sur le genre Association des villes et communes flamandes août 2003

11 Département du Maire, Vienne

12 Evaluation de l’impact local sur le genre Association des villes et communes flamandes août 2003

13 Predicting the Impact of Policy : Gender Auditing as a means of assessing the probable impact of policy initiatives on women. Rapport national : Suède. Minna Gillberg. Université de Liverpool: Feminist legal Research Unit, 1999.

14 Participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique Recommandation du Comité des Ministres Rec (2003) 3

15 Ministry of Employment in Denmark presentation to meeting of CDEG Working Group on gender mainstreaming, October 2003

16 Race Relations (Ammendment) Act 2000. HMSO.UK

17 Professeur Teresa Rees dans son allocution « Correction, adaptation, transformation: principes et outils de mise en oeuvre de l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes » lors de la Conférence « L’approche intégrée de l’égalité : une chance pour le 21e siècle » Athènes 16-18 septembre 1999 Actes EG/ATH(99)9

18 Participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique Rec (2003) 3

19 « Zukunftswerkstatten ». Consultation de Heidleburg, octobre 2002

20 Bristol Women Say Consultation. Bristol City Council

21 Projet JAMKOM de l’Association suédoise des pouvoirs locaux 1997

22 LGIA Association des villes et communes flamandes

23 Gender Proofing Handbook par Marie Crawley et Louise O’Meara An initiative of Six County Development Boards

24 Communication de la Commission sur la Mise en œuvre de l’intégration de la dimension hommes-femmes dans les documents de programmation des Fonds structurels 2000-2006 COM(2002) 748 final

25 Ibid

26 Ville de Gotteborg Homecare

27 Méthode des 3R Ibid

28 Ville de Vienne, réunion du CDEG, octobre 2003

29 Norme d’égalité pour le gouvernement local, The Local Government Employers Organisation, Royaume-Uni

30 Jamindex, Statistiques, Suède