30ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe– 22 to 24 mars 2016

Attribution des marchés publics : « La transparence est la meilleure protection contre la corruption »

Dans le cadre de son deuxième débat sur l’éthique et la transparence au niveau local, le Congrès s’est penché, le 24 mars 2016, sur la prévention de la  corruption lors des passations de marchés publics. Il a souligné l’importance de la transparence à tous les niveaux des procédures, depuis leur annonce jusqu’à la proclamation des résultats. Menée dans le domaine des marchés comme dans tous les autres aspects de la vie publique, la politique de transparence de la ville de Martin, en Slovaquie, constitue un exemple salué non seulement par l’Europe, mais aussi par les Nations Unies. Son maire adjoint, Imrich Zigo, a présenté au Congrès les clés de cette réussite. Sa ville s’est dotée, à partir de 2008, d’une réglementation locale sur la corruption, développée en coopération avec l’ONG « Transparency International ». Dorénavant, tous les marchés, contrats, factures et recrutements effectués par la ville, sont consultables en ligne par tous les citoyens 24 heures sur 24.

Comme l’a rappelé le président du Congrès, Jean-Claude Frécon en introduisant le débat, les marchés publics représentent 20% du Produit National Brut des Etats européens. L’opacité et le manque de transparence des procédures favorisent les irrégularités et la corruption, a-t-il souligné.

Elisabeth David-Barrett, professeur à l’Université de Sussex-Centre (Royaume-Uni), a précisé que les tentatives de corruption peuvent s’observer dès la publication des marchés, par exemple avec des appels d’offres rédigés de telle manière qu’ils disqualifient d’emblée certains candidats. Elle a présenté cinq grandes règles, applicables au niveau local, pour mieux prévenir la corruption : en premier lieu, les collectivités locales ne sont pas toujours assez compétentes en matière de préparation et de négociation des contrats, surtout face à des entreprises disposant parfois d’avocats spécialisés dans le domaine, et devraient améliorer leur propre expertise. Ensuite, elles devraient se montrer plus vigilantes lorsqu’elles extériorisent leurs services ou les délèguent à des experts ou des sociétés extérieures. De même, Mme David-Barret s’interroge sur les risques de dérives liés au fait, pour l’employé d’un service public, de rejoindre ensuite une société privée avant, parfois, de revenir dans le secteur public. Enfin, elle insiste sur l’importance des services d’audit indépendants et sur la nécessité de continuer à recourir à de tels professionnels impartiaux.

Pour elle, la publication en ligne des marchés publics, consultables par tous, constitue aussi l’un des meilleurs moyens de lutter contre la corruption. Elle préconise, enfin, de garantir l’anonymat des personnes dénonçant des faits de corruption, dans le public comme dans le privé, afin d’éviter qu’elles ne s’exposent à des représailles.

Martin, un modèle de ville transparente

Huitième ville de Slovaquie, Martin s’est doté, à partir de 2008, d’une réglementation locale sur la corruption, développée en coopération avec l’ONG « Transparency International ». Ces mesures ont fait de Martin une « ville transparente » aujourd’hui reconnue dans le monde entier. Pour son maire adjoint, Imrich Zigo, il s’agissait avant tout de « restaurer la confiance des citoyens dans leurs structures politiques locales », mais les efforts de la ville lui ont permis aussi d’économiser jusqu’à 20% de certaines dépenses, grâce notamment à des passations de marché plus équitables et transparentes. « Nous avons agi sur 17 points clés de la politique municipale », explique M. Zigo, avec notamment la mise en ligne de tous les marchés, contrats, factures et recrutements effectués par la ville, dorénavant consultables par tous 24 heures sur 24. La philosophie de la ville se résume dans l’idée que « la transparence protège de la corruption », poursuit le maire-adjoint, même si « rien n’est jamais gagné » et que ce type de délinquance évolue rapidement. De plus, les autorités municipales « n’écoutent pas seulement le public à la veille des élections », poursuit M. Zigo : « toujours dans notre optique de transparence, le maire reçoit sans rendez-vous, tous les premier mercredi du mois, toute personne qui souhaite s’entretenir avec lui ».

Toutes les communes peuvent faire le choix de la transparence et de la proximité

Intervenant lors du débat, Breda Pecan (Slovénie, SOC) s’est demandée si l’exemple de Martin peut être repris par des toutes petites communes : selon Mme David-Barrett, une informatique bien adaptée peut leur permettre d’instituer cette transparence dans leur travail. La transparence, a-t-elle ajouté, commence toujours au plus près du citoyen.

Barbara Toce (Italie, SOC) estime, quant à elle, que les passations de marché via des agences spécialisées favorisent la transparence mais peuvent, par leur caractère centralisé, s’opposer aux principes de la gestion locale. Sans doute faut-il, dans ce domaine, réserver les achats collectifs et centralisés à certains produits uniformisés, et conserver les procédures de marché locales pour les biens plus spécifiques. Enfin, Gyorgy Illes (Hongrie, GILD) a mis en garde, lui aussi, ses collègues sur les risques liés aux partenariats entre les services publics et privés insuffisamment contrôlés.