29ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 20-22 octobre 2015)

Réfugiés et migrants- quelle mission pour les pouvoirs locaux et régionaux ?

21.10.2015

Nawel Rafik-Elmrini, adjointe au maire de Strasbourg, France, et membre du Congrès

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Je tiens tout d’abord à vous remercier très chaleureusement Monsieur le Président de me donner la possibilité de prendre la parole dans le cadre de ce débat qui me tient tout particulièrement à cœur tant il touche à l’essence même des valeurs que nous défendons tous ici collectivement.

Chaque jour, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants tentent d’échapper à la mort en quittant leurs pays, et chaque jour des centaines d’entre eux périssent en traversant la Méditerranée pour rejoindre nos côtes.

Chacun le sait, le Congrès, via son Bureau, et grâce notamment à notre collègue italienne Barbara TOCE, s’est très tôt exprimé sur le sujet en adoptant une déclaration sur les naufrages tragiques en Méditerranée en octobre 2013. Dans la droite ligne des positions déjà exprimées par le Congrès, il a paru tout à fait naturel à la délégation française de présenter cette proposition de déclaration au Bureau. Permettez-moi de saisir l’occasion qui m’est donnée pour remercier l’ensemble des membres du Bureau qui ont adopté notre déclaration à l’unanimité et qui ont décidé qu’elle soit présentée pour débat en plénière par Gunn MARIT HELGESEN à qui j’adresse également mes plus sincères remerciements.

Oui, face aux drames qui se jouent sous nos yeux, les collectivités locales sont en première ligne et certaines le sont encore plus que d’autres et je tiens ici à leur rendre un hommage appuyé. A cet égard, je suis heureuse de pouvoir écouter cet après-midi Nihat CIFTCI, Maire de Sanliurfa, et de Giorgios KYRTSIS, Maire de Kos : Messieurs les maires, votre courage et votre détermination à relever le défi d’une situation que nous savons tous extrêmement complexe, nous rappellent avec force nos propres responsabilités.

C’est ainsi qu’à Strasbourg, outre notre investissement depuis 2012 à l’égard du peuple syrien notamment au travers de soutiens à des actions humanitaires dans des camps de réfugiés mais également en manifestant notre engagement politique avec l’accueil de délégations d’Alep et de Kobané, nous avons décidé d’agir non seulement au niveau local, mais aussi national et européen. En septembre dernier, nous avons ainsi, comme beaucoup d’autres villes, adhéré au réseau français des villes solidaires et très récemment, aux côtés des maires des villes italiennes de Catane et Rovereto, nous avons lancé ce réseau à l’échelle européenne, vous le rappeliez à l’instant M. le Président.

Ce réseau nous permettra de mieux coordonner nos actions de façon très concrète en faveur des réfugiés notamment en matière de logement, d’éducation et de soins. Il nous permettra d’avoir une réponse commune à l’échelle européenne pour relever le défi. Et j’espère vivement, M. le Président, que l’ensemble de mes collègues du Congrès pourront le rejoindre. Nous allons également porter cette initiative à l’occasion du Forum mondial de la démocratie de Strasbourg qui se déroulera à la mi-novembre et dont le Congrès est bien évidemment l’un des partenaires principaux.

Mes chers collègues, nous sommes une communauté de valeurs forte de 800 millions de citoyens. En 65 ans, nous avons su relever tant de défis ensemble : surmonter la guerre, faire tomber un mur, construire des démocraties, protéger les libertés fondamentales, concevoir une union fondée sur le respect de la diversité culturelle et tant d’autres choses. Mes chers collègues, aujourd’hui l’Histoire nous convoque. Et il est de notre responsabilité d’être à la hauteur du RDV. Nous le devons à la jeunesse, nous le devons aux jeunes ici engagés pour les droits de l’homme, pour nos valeurs qui ne doivent pas rester à l’état de discours mais se traduire par des actes. Et parce que nous voulons dire « non » à ceux qui veulent dresser des murs, à ceux qui veulent construire une Europe « forteresse », il est impératif que nous nous engagions ensemble à faire vivre l’Europe des solidarités. Nous devons nous battre pour défendre nos valeurs et à cet égard, permettez-moi, mes chers collègues, de rendre hommage à la nouvelle maire de Cologne, Henriette REKER, qui a été poignardée samedi dernier en raison de son positionnement en faveur de l’accueil des réfugiés dans son pays. Je rends ici publiquement et solennellement hommage à son courage politique et lui souhaite tous mes vœux de prompt rétablissement.

Car face aux idéologies qui prônent le repli sur soi et aux projets politiques qui se fondent sur le rejet et la haine de l’autre, il nous faut opposer une réponse claire et sans ambigüité. Une réponse marquée du sceau de la fraternité et de la solidarité. Une solidarité exprimée à l’égard des pays européens aujourd’hui en première ligne dans l’accueil des réfugiés, à l’égard de toutes les personnes vulnérables et en difficulté qui vivent dans nos villes sans concurrence ni hiérarchie.

Voici, mes chers collègues, quelques-unes des raisons qui ont motivé la déclaration proposée par la délégation française au Bureau et qui je l’espère de tout cœur emportera votre adhésion.

Mes chers collègues, permettez-moi enfin de clore mon propos en faisant référence à une poétesse américaine, Emma LAZARUS, qui en 1883 écrivit un sonnet gravé sur une plaque de bronze dans une paroi du socle de la Statue de la Liberté : « Donnez-moi vos pauvres, vos exténués qui, en rangs serrés, aspirent à vivre libres, le rebut de vos rivages surpeuplés, envoyez-moi ces déshérités rejetés par la tempête. De ma lumière, j’éclaire la porte d’or ». Ne perdons surtout pas de vue qu’à l’époque, le rebut de ces rivages et ces déshérités rejetés par la tempête étaient en majorité des réfugiés européens.

Je vous remercie de votre attention.