25ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

29-31 octobre 2013

Débat à la chambre des régions : Les effets de la crise économique sur la régionalisation et la décentralisation en Europe

30.10.2013 - Loin de n’affecter que la santé financière des régions européennes, la crise économique menace aussi leur équilibre politique au sein de leurs Etats : entre tentatives de recentralisation et tentations séparatistes, de nombreuses régions s’interrogent sur la pérennité de leur fonctionnement, comme l’a montré un débat sur les évolutions récentes de la régionalisation et de la décentralisation, organisé le 30 octobre 2013 par la Chambre des Régions du Congrès du Conseil de l’Europe.

Gouverneure du district autonome de Khanty-Mansiysk (Fédération de Russie), Natalia Komarova a présenté les initiatives de sa région  pour renforcer son tissu de petites entreprises, relancer l’investissement sur son sol et améliorer la vie de ses habitants. La République autonome de Crimée (Ukraine) est pour sa part la seule région de l’ex-URSS à disposer d’un statut d’autonomie aussi large : c’est grâce à lui qu’elle a pu se doter de structures politiques harmonieuses, loin des conflits qui déchirent d’autres régions de l’espace post soviétique, a rappelé Volodymyr Konstantinov, président de la Verkhovna Rada de la République autonome de Crimée.

Ces exemples réussis d’autonomie régionale contrastent avec le sentiment qu’ont d’autres régions européennes, notamment dans l’ouest du continent, d’être aujourd’hui l’objet d’une « recentralisation larvée » de la part des pouvoirs centraux, souvent au nom d’impératifs économiques. Sonja Steen, présidente de la commission culture, éducation et jeunesse de l’Assemblée des Régions d’Europe (ARE), citait  le cas de l’Espagne, qui menace de sanctions les régions qui ne respecteraient pas la discipline budgétaire du gouvernement, ainsi que celui de l’Italie où certaines régions considèrent que l’Etat veut « recentraliser » leur  gestion des fonds européens.

Ces tensions entre Etats et régions exacerbent les régionalismes voire les séparatismes, surtout dans les régions riches et fortement marquées culturellement, qui ont l’impression que les Etats les « ponctionnent » sans contrepartie. Magali Balent, chercheuse en sciences politiques  à la Fondation Robert Schumann (Paris, France), s’est intéressée à ces phénomènes dans trois régions où les partis « indépendantistes » recueillent des scores importants, à savoir la Catalogne (Espagne), la Flandre (Belgique) et l’Ecosse (Royaume-Uni). Selon elle, la crise économique radicalise les sentiments indépendantistes, même si la majorité des  électeurs qui s’expriment en leur faveur ne veulent  par forcément le séparatisme. Par ailleurs, elle a précisé que si une région devenait un Etat indépendant, il ne pourrait pas adhérer à l’Union européenne car aucun texte ne prévoit un tel accès direct alors même que les partis régionalistes sont tous des fervents partisans de la construction européenne.

Des initiatives régionales pour répondre à la crise

Les débats qui ont suivi les exposés ont plaidé pour un meilleur respect des subsidiarités et mis en avant l’intérêt de statuts  particuliers pour apaiser les tensions régionalistes. Mais les régions, notamment celles disposant de pouvoirs étendus, peuvent agir pour améliorer la situation économique sur leur sol, sans avoir à en référer à l’Etat. Clemens Lammerskitten (Allemagne, PPE/CCE), a présenté la décision de la Bavière, adoptée par référendum le 15 septembre dernier, de s’imposer une limite maximale d’endettement pour assainir ses finances à l’horizon 2020. Gudrun Mosler-Törström (Autriche, SOC) a détaillé quelques actions de sa région - le Land de Salzburg - en matière de soutien aux petites entreprises. Mais d’autres régions européennes considèrent  que la sortie de crise passe par un assouplissement du Pacte européen de stabilité, au profit d’une structure plus souple, tenant mieux compte de leurs intérêts, soulignait Bruno Marziano (Italie, SOC). Francis Lec (France, SOC) plaide quant à lui pour de vraies politiques régionales  de relance. Les régions doivent être conscientes qu’elles doivent elles aussi faire des efforts, et ne peuvent pas renvoyer en permanence la responsabilité de leurs difficultés vers l’Etat, a ajouté  Andrew Boff (Royaume-Uni, CRE), avant que sa compatriote Vanessa Churchman (Royaume-Uni, GILD) ne présente un dispositif de partenariat local entre les entreprises et les collectivités.

Ces débats sont venus enrichir le futur rapport que prépare Marie-Madeleine Mialot Muller (France, SOC) sur la régionalisation. Certaines de ses conclusions, en particulier le besoin de respecter l’autonomie régionale et le principe de  subsidiarité constitueront bien entendu le cœur de ce rapport, qui soutient aussi le concept de « statut particulier » pour apaiser les conflits régionaux, ainsi que l’initiative du Comité des Régions visant à élaborer une charte de la gouvernance multi-niveaux.