24ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (19-21 mars 2013)

Table ronde sur: “Régionalisation et décentralisation en Europe dans un contexte de crise économique”

L’Europe, les régions et la crise : les citoyens attendent des réponses économiques, mais aussi politiques

Strasbourg, 20.03.2013 - Si les régions d’Europe entendent prouver qu’elles savent répondre aux défis posés par la crise économique et préparer l’avenir de leurs citoyens, elles voient aussi leurs propres moyens, voire leurs compétences, rognés par les difficultés financières et sociales qui laminent le continent.

En consacrant une large partie de sa session plénière de mars 2013 aux effets de la crise économique sur les collectivités locales et régionales, le Congrès s’était promis  de privilégier la recherche de solutions et les débats concrets. L’objectif a été pleinement atteint lors de la table ronde organisée le 20 mars par la Chambre des régions sur « la régionalisation et la décentralisation en Europe dans un contexte de crise économique », au cours de laquelle les intervenants ont énuméré sans fard les risques que fait courir la crise actuelle à la cohésion sociale, économique et politique de l’Europe.

Certes, rappelait en ouverture Ulrike Guérot, représentante allemande du Conseil Européen des Relations Etrangères (ECFR), un certain nombre de régions continuent d’afficher une santé insolente, mais elles se trompent en pensant qu’elles pourront éternellement constituer des ilots de prospérité dans un océan troublé. L’accroissement des inégalités entre les villes et les campagnes, ainsi qu’entre les régions les plus centrales de l’Union européenne et les autres, constitue un défi  humain, social et politique pour tout le continent.

Les régions, poursuivait la présidente de l’Assemblée des Régions d’Europe (ARE), Michèle Sabban, disposent d’un certain nombre de leviers  économiques pour atténuer la crise, avec des aides à l’emploi et aux investissements, mais elles doivent aussi apprendre à travailler plus efficacement en optimisant leurs propres structures. C’est d’ailleurs ce que prépare actuellement l’Alsace, la plus petite région française, par ailleurs hôte du Conseil de l’Europe et du Congrès. Elle s’apprête à fondre ses deux départements et son conseil régional en une nouvelle entité régionale unique, plus performante, plus efficace et plus visible, comme l’a présenté Jean-Marie Belliard (PPE/CCE, France) au nom du Conseil régional d’Alsace.

Les politiques européennes sont-elles adaptées à la crise actuelle ?

Mais au-delà du développement économique, les régions doivent se faire entendre sur le thème de l’avenir politique de l’Europe. La présidente de la Conférence des Assemblées Législatives Régionales européennes (CALRE) et du parlement bruxellois, Françoise Dupuis, a plaidé pour une relance économique européenne et souligné le « déficit démocratique » de l’Union européenne, rappelant qu’il est temps de la remettre en phase avec les attentes de développement et de bien être des populations.

Bruno Marziano, membre de l’Assemblée régionale de Sicile et rapporteur du Congrès sur les régions à statut spécial en Europe, a insisté sur le rôle politique que peuvent jouer les régions pour la stabilité de l’Europe, notamment en tempérant les séparatismes, avant de plaider pour plus de souplesse dans la gestion des fonds européens. Ceux-ci restent difficiles à obtenir et à gérer, et sont assortis de nombreuses conditions qui entravent  leur utilisation optimale. Surtout, il faudrait selon lui  assouplir les mécanismes du pacte de stabilité européen pour favoriser les investissements et le cofinancement européen des activités économiques. « L’Europe s’est bâtie après 1945 pour éviter aux jeunes générations de nouvelles privations et la guerre, et doit aujourd’hui aider ses pays à sortir de la crise », a-t-il souligné en concluant son exposé sur un ton alarmiste également perceptible dans les réactions des membres du Congrès à ces cinq interventions.

Attention au rejet de l’Europe par ses citoyens !

Pour plusieurs orateurs en effet, il s’agit maintenant de « préserver » l’Europe, mais aussi la paix du continent. Le terme de séparatisme a été vivement commenté lors du débat car, même s’il n’est pas forcément en soi une mauvaise chose, comme le relevait Andrew Boff, Conseiller du Grand Londres, il est aussi la conséquence d’un excès de centralisation. Mais attention à l’éclatement de l’Europe et de ses valeurs, reprenait Françoise Dupuis, avant que d’autres orateurs ne rappellent à quel point la crise était devenue insupportable pour les Européens et notamment les générations les plus jeunes.

« Nous sentons monter l’anxiété et l’instabilité en Europe » résumait Marie-Madeleine Mialot-Muller (SOC, France), Vice-Présidente du Conseil Régional du Centre et rapporteur du Congrès sur la régionalisation dans les pays membres du Conseil de l’Europe, qui redoute de voir le rejet de l’Europe augmenter dans la population. Renforcer le rôle institutionnel et économique des régions peut contribuer à désamorcer ce rejet, mais il faut aussi que les régions fassent mieux entendre la voix des citoyens aux instances européennes. Elles doivent rappeler que l’Europe a besoin de solidarité et de cohésion, et contribuer, par leur action, à redonner espoir à la jeunesse.

La Chambre des régions poursuivra ses travaux en suivant trois axes prioritaires :

-          La gouvernance : quelle est la meilleure répartition des compétences entre les niveaux européen, national, régional et local, dans le respect du principe de subsidiarité ? Quels moyens nouveaux sont offerts aux autorités locales et régionales, notamment à travers l’utilisation des nouvelles technologies d’information, pour renforcer la participation des citoyens aux processus de décision ?

-          L’efficacité économique : comment veiller, par une répartition efficace des pouvoirs et des moyens, et une coopération effective entre les différents niveaux de responsabilités, à une utilisation optimale de l’argent public ? Ceci est d’une importance particulière dans la période actuelle où la crise financière et économique menace de se transformer en crise sociale et politique, et où les niveaux de défiance entre les citoyens et les responsables politiques sont très élevés. A cet égard, la promotion de l’éthique et la prévention de la corruption revêtent une importance particulière.

-          La montée des nationalismes régionaux : quelles en sont les causes et les possibles conséquences, et quelles réponses politiques peuvent y être apportées ?