CG/Bur (8) 95

Rapport d'information sur les dernières évolutions la situation de la démocratie locale et régionale en Moldova

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Rapporteurs : M. Claude Casagrande (L, France) et M. Yavuz Mildon (R, Turquie)

Document adopté par le Bureau du Congrès le 12 décembre 2001

1. Alertée en octobre 2001 par les associations représentatives des pouvoirs locaux et régionaux de la Moldova sur un projet de loi comportant une réforme territoriale susceptible de porter préjudice à l'autonomie des élus locaux et régionaux du pays1, la Commission institutionnelle du Congrès a chargé les Rapporteurs, de se rendre à Chisinau pour une première mission de vérification des faits.

2. Lors de cette mission, qui s'est tenue les 29-30 octobre 2001, les Rapporteurs ont eu la confirmation des faits dénoncés par les associations mentionnées ci-dessus. En raison de la gravité de la situation, les rapporteurs souhaitent porter à l’attention du Bureau les informations suivantes :

a) Suite à une proposition de la Commission parlementaire responsable de l’administration publique, le Parlement moldave est en train de discuter un projet de loi visant à abolir les 10 régions mises en place entre 1999 et 20002 et à les remplacer par 32 districts placés sous le contrôle des autorités centrales.

b) A la demande des Rapporteurs du Congrès, M. Iovv, Président de la Commission en question, s'est engagé à consulter, de façon officielle, le CPLRE sur tout projet de loi portant sur l'organisation territoriale du pays et/ou son système d'administration locale et régionale.

c) A défaut de cette consultation, au début du mois de décembre 2001, le Secrétariat du Congrès a été informé que le Gouvernement moldave aurait donné un avis positif au projet de loi préparé par la commission susmentionnée. Ce projet aurait d’ailleurs déjà reçu une première approbation par le Parlement. Malgré les promesses en ce sens de la part des autorités moldaves, ce projet n’a apparemment fait non plus l’objet d’aucune consultation officielle des élus locaux et régionaux concernés. Le Secrétariat a été aussi informé que suite à cette reforme, les maires en place seraient destitués et que des nouveaux maires seraient élus par les assemblées municipales. Selon les informations recueillies, l’ensemble de ces modifications seraient votées par le Parlement avant la fin de l'année en cours.

d) Pendant l’année 2001, le Parlement moldave a amendé la loi sur l’administration publique locale afin de réduire les pouvoirs des autorités territoriales en matière de finances. Le transfert de tout pouvoir décisionnel au préfet relatif aux dépenses de ces autorités a, de droit et de fait, déjà placé les collectivités locales et régionales sous une véritable tutelle.

e) Last but not least, les Rapporteurs ont pu constater que les craintes des associations représentatives des pouvoirs locaux et régionaux relatives à l’organisation d’élections locales anticipées étaient fondées. En effet, il est apparu que plusieurs dates seraient en discussion au niveau central, et ce, afin de permettre l’élection de nouveaux maires plus « positifs » par rapport à la réforme en cours.


3. Compte tenu de ce qui précède, lors de leur mission, les Rapporteurs ont saisi l'occasion d'informer les autorités moldaves de la nécessité de respecter les principes qu'elles ont souscrit au titre de la Charte européenne de l'autonomie locale. Par ailleurs, ils ont tenu à attirer l’attention de ces mêmes autorités sur l’importance de la mise en œuvre des recommandations du Congrès en matière de démocratie aux niveaux local au régional.

En particulier, selon les Rapporteurs, le retour aux anciens districts (qui ont déjà fait l’objet d’importantes critiques de la part du Congrès), représenterait :

a) un changement institutionnel allant dans la direction opposée aux principes promus par le Congrès en matière de démocratie régionale, tels qu’exprimés dans ses Recommandations 38 (1998) et 84 (2000) ; en fait, il s'agit de retour en arrière vers un système proche de celui en vigueur sous le régime précédent ;

b) une occasion pour renforcer les contrôles sur les maires (qui ne seraient plus directement élus par la population) et réduire ainsi l’autonomie politique, administrative et financière des collectivités locales concernées3 ; ces conséquences pourraient amener à de graves violations de la Charte européenne de l’autonomie locale que la République de Moldova a récemment signé et ratifié.

4. En conclusion, les Rapporteurs ont déclaré que :

a) la nécessité de rapprocher les citoyens de l’administration et de réduire le nombre de fonctionnaires publics - arguments évoqués par les autorités centrales moldaves pour justifier l’opportunité de la réforme - ne doit pas aller à l’encontre des principes démocratiques et des standards européens en la matière ;

b) ce n’est pas parce que les lois existantes en la matière ont des défauts, qu’il faut faire tabula rasa du système en vigueur, d’autant plus que ce système a été mis en place non sans difficulté et avec le soutien politique et financier de toute la communauté internationale active en Moldova ;

c) il est inadmissible qu’une réforme d’une telle ampleur soit décidée sans une véritable consultation, ouverte et officielle des acteurs concernés et mise en œuvre par des élections anticipées.

5. Suite à leur mission, n'ayant pas reçu de nouvelles sur le projet de réforme territoriale en question et inquiétés par des décisions parlementaires allant, apparemment, dans la direction opposée aux principes et recommandations susmentionnées, les Rapporteurs ont décidé de porter cette situation à l’attention du Bureau du Congrès afin que des mesures soient décidées de toute urgence.

6. Dans cette perspective, les Rapporteurs tiennent à informer le Bureau que dans le cadre de la préparation du deuxième rapport de monitoring sur la situation de la démocratie locale et régionale en Moldova (qui sera présenté au Congrès lors de sa prochaine Session Plénière de juin 2002), ils ont d’ores et déjà envisagé d’organiser leur prochaine visite officielle dans le pays au cours du mois de janvier prochain.

1 Voir document CG/Inst (8) 7

2 La création de ces régions a été fortement souhaitée par le Congrès dans le cadre de sa Recommandation 84 (2000), ainsi que, plus en général, par la communauté internationale active à Chisinau.

3 A ce sujet, M. Iovv, Président de la Commission parlementaire auteur du projet de réforme en question a expressément mentionné la nécessité de rétablir une hiérarchie verticale au sein de l’administration publique de son pays.