Strasbourg, le 6 février 2001

CG/Bur (7) 85

Rapport sur les élections en Serbie République fédérale de Yougoslavie, 23 décembre 2000

Chef de la délégation d’observateurs du Congrès: M. Yavuz Mildon (Turquie), vice-président du Congrès

Document adopté par le Bureau du Congrès le 1er février 2001
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I. Introduction

A l’invitation du Consul général de Yougoslavie, faite au nom du Gouvernement serbe, le Bureau du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) a décidé, lors de sa réunion du 15 décembre 2000, d’envoyer une délégation en Serbie, la plus grande composante de la République fédérale de Yougoslavie, qui a demandé son adhésion au Conseil de l’Europe. Le but de la mission était l’observation des élections anticipées à l’Assemblée nationale de Serbie, fixées au 23 décembre 2000.

La délégation d’observateurs du CPLRE, présidée par M. Yavuz Mildon (Turquie, R), vice-Président du Congrès, était composée de M. Viorel Coifan (Roumanie, R), M. Horst Lässing (Allemagne, L), Mme Sylvie Affholder ainsi que de M. Giampaolo Cordiale (Secrétariat du Congrès) et M. Dan P. Medrea (expert). M. Rinaldo Locatelli, chef du Secrétariat du Congrès, a rejoint la délégation les 21 et 22 décembre. Le rapporteur souhaite remercier M. Medrea qui a contribué utilement à la préparation de la mission du Congrès en Serbie et à la rédaction du présent rapport.

Les représentants du Congrès ont travaillé en étroite collaboration avec la délégation d’observateurs des assemblées parlementaires du Conseil de l’Europe et de l’OSCE.

La mission de la délégation était organisée par le Secrétariat du Conseil de l’Europe en coopération avec la Mission pour l’observation des élections de l’OSCE/BIDDH (MOE) aux élections législatives 2000 de la république de Serbie. Il convient de remercier tout particulièrement M. Nikolaï Vulchanov, chef de la Mission du BIDDH/OSCE, Mme Elisabeth Rasmusson, chef adjoint de la Mission, Mme Barbara Carrai, agent de liaison parlementaire ainsi que tout le personnel et les observateurs de la Mission de longue durée qui ont aimablement aidé les observateurs du Conseil de l’Europe. Une partie du présent rapport repose sur les informations fournies par la MOE qui bénéficie d’une présence de longue durée et d’un grand nombre d’observateurs pour ces élections.

Le programme des réunions fait l’objet de l’annexe 1 au présent rapport. Outre le programme officiel établi par l’OSCE/BIDDH, les membres de la délégation ont aussi rencontré:
- Le Professeur Mijat Dmjanovic, directeur du Centre de l’administration publique et des pouvoirs locaux à Belgrade (PALGO);
- M. Velimir Ilic, maire de Cacak et co-président du parti de la Nouvelle Serbie1, personnalité importante de l’opposition démocratique de Serbie;
- M. Irme Kern, président du conseil exécutif à Subotica.

Trois équipes d’observateurs ont été déployées comme suit:

M. Mildon / M. Medrea Cacak
M. Lässing / Mme Affholder Kraljevo/Vrnjacka Banja
M. Coifan / M. Cordiale Subotica

Ni le Conseil de l’Europe ni l’OSCE n’ont envoyé d’observateurs au Kosovo pour ces élections.

A l’issue du scrutin, les équipes du Conseil de l’Europe et de l’OSCE se sont réunies pour présenter chacune leurs conclusions et faire le bilan. Les deux Organisations politiques ont rédigé un communiqué de presse commun (voir annexe 2) et tenu ensemble une conférence de presse.

II. Contexte de l’élection

Après des années d’épuration ethnique, le conflit du Kosovo, la campagne de bombardement de l’Otan et un soulèvement populaire qui a déposé le Président, la Serbie s’engage sur la voie de la démocratie. Le pouvoir politique a été transféré à l’alliance de dix-huit anciens partis d’opposition (Opposition démocratique de Serbie – ODS) représentant un large spectre politique avec le Parti socialiste de Serbie de l’ex-Président yougoslave Slobodan Milosevic, qui se retrouve lui-même dans l’opposition pour la première fois depuis sa création en 1990. Le Parti radical Serbe de Vojislav Seselj, ultranationaliste, a rejoint l’opposition et reste très populaire.

Les gouvernements antidémocratiques, nationalistes, irresponsables et à courte vue de la dernière décennie ne pouvaient entreprendre les réformes économiques vitales. La forte récession économique a été accentuée par la guerre et les sanctions. Selon plusieurs représentants de la société civile que la délégation du Congrès a rencontrés, les Serbes font partie des populations les plus pauvres d’Europe ; ils ont aussi condamné la corruption qui sévit partout et qui constitue le problème majeur.

Les Serbes sont désireux de retrouver une identité nationale forte et pacifique mais ils risquent de rencontrer des difficultés face aux nationalistes durs et aux extrémistes. Résolue à laisser la voie libre au premier dirigeant yougoslave non communiste depuis la Deuxième Guerre Mondiale, l’alliance ODS a contraint les principaux partis politiques à s’entendre sur la tenue d’élections anticipées à l’Assemblée nationale de Serbie. Etant donné que la nouvelle Assemblée sera la première à être démocratiquement élue en Serbie, les enjeux de l’élection de décembre étaient particulièrement élevés.

La nouvelle loi électorale – un texte de compromis

Le 9 octobre, l’Assemblée nationale sortante de Serbie a adopté à la hâte une nouvelle loi sur les élections nationales, qui est entrée en vigueur le 18 octobre. D’après des informations fournies à la délégation du Congrès par des représentants des partis politiques, cette loi a été élaborée par le Parti radical Serbe, approuvée par les socialistes de Milosevic et acceptée par l’opposition démocratique comme un compromis. M. Zoran Djindjic, qui devrait remplacer le Premier ministre socialiste en exercice de Serbie fin janvier – aurait dit que cette loi était «très mauvaise» et, qu’une fois au pouvoir, l’ODS la modifierait afin que les droits des minorités ethniques soient respectés.

La nouvelle loi électorale se distingue de la précédente sur plusieurs points, par exemple en instituant un système à la proportionnelle dans une circonscription unique couvrant tout le pays; une commission électorale à deux niveaux; l’utilisation d’urnes transparentes; la signature du registre électoral; le marquage à l’encre du doigt pour éviter le vote double/multiple.

Malgré des lacunes, la nouvelle loi offre de meilleures conditions de sécurité qui rassurent les électeurs et les contestataires. C’est important, car beaucoup d’élections en Serbie ont été caractérisées par des manipulations et des irrégularités graves.

Une circonscription unique – absence de représentation des minorités régionales

La loi régissant les précédentes élections à l’Assemblée nationale prévoyait la création de 29 unités électorales supplémentaires qui favorisaient le parti majoritaire. L’une des modifications à la loi électorale établit un système électoral à une seule circonscription couvrant l’ensemble de la Serbie et instituant un système de répartition des sièges à la proportionnelle. Il convient de rappeler qu’en Serbie, il existe d’importantes minorités concentrées dans certaines régions comme les Hongrois en Vojvodine du Nord, les Vlachs de langue roumaine dans le Timocka krajina du sud-est de la Serbie et les Sandzaks dans le couloir de Novi Pazar2. Les partis qui ont une popularité régionale risquent fort de ne pas atteindre le seuil des 5 % requis par la loi pour entrer au Parlement, sauf en participant à une coalition avec des partis d’implantation nationale. Un moyen de régler ces problèmes pourrait consister à diviser le pays en un petit nombre de circonscriptions et peut-être à combiner une proportionnalité intégrale entre les partis et une représentation géographique.

Il est recommandé de s’attaquer prioritairement à ce problème lors du réexamen de la loi électorale en vue des élections futures.

La délégation suggère plusieurs améliorations (voir ci-après) qui pourraient être envisagées dans la nouvelle loi.

III. Administration électorale

Il y a de bonnes raisons d’être satisfait des dispositions prises pour améliorer la transparence, l’impartialité et la responsabilité durant ces élections. Des commissions électorales multipartites ont été constituées dans ce but.

La commission électorale de la république (CER) a comblé certaines lacunes de la loi électorale en prenant des dispositions d’une grande portée. D’après la loi, les élections devaient être organisées par une administration électorale à deux niveaux comprenant une commission électorale de la République (REC) et des bureaux électoraux. L’absence de niveau intermédiaire risquait d’alourdir les préparatifs électoraux et de retarder l’annonce des premiers résultats. La CER a compensé cette lacune juridique créée par l’absence de niveau intermédiaire en mettant en place des groupes de travail multipartites au niveau municipal. Les membres de ces groupes de travail, et un représentant du bureau statistique de la république, étaient chargés de contrôler les protocoles pour repérer les erreurs dans les écrits ou les chiffres et corriger les fautes mineures. En outre, le CER a chargé l’un de ses membres de coordonner le processus électoral dans les districts.

La délégation du Congrès a noté que les membres des bureaux électoraux et les groupes de travail étaient uniquement nommés par les partis politiques et elle s’est demandé si la présence d’une autorité indépendante (par exemple un juge) ne serait pas appropriée, au cas où un problème se poserait le jour des élections.

Lors de la réunion du 23 décembre, M. Andrija Simic, Président de la CER, a communiqué à la délégation les informations suivantes :
- 6 506 253 électeurs étaient enregistrés au niveau central ;
- 8 722 bureaux de vote étaient supposés être prêts pour le scrutin, y compris dans certains secteurs du Kosovo ;
- le personnel électoral était composé de 25 membres de la CER et de 25 adjoints, de 700 membres des groupes de travail et d’environ 110 000 membres des bureaux électoraux présents dans les bureaux de vote.

Des observateurs internes et internationaux étaient accrédités. Ils représentaient le CeSID (Centre pour les élections libres et la démocratie de Serbie), un certain nombre d’ambassades, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’OSCE et le Centre pour la transition démocratique de Podgorica3.

Sept partis politiques et une coalition s’affrontaient, présentant au total 1 530 candidats.

4 plaintes contre des décisions de la CER avaient été formées devant la Cour suprême de Serbie. La Cour s’était prononcée sur toutes ces plaintes, qui n’avaient pas eu de répercussions majeures sur la procédure électorale.

Concernant les élections tenues au Kosovo, les conditions légales étaient remplies dans les districts de Pristina, Pec et Mitrovica, ce qui n’était pas le cas à Prizren et Gjilane. 250 bureaux de vote devaient accueillir environ 150 000 électeurs.

La CER pourrait, à l’issue du scrutin, communiquer ses observations au nouveau parlement afin de l’amener à modifier la loi électorale en autorisant le vote des citoyens résidant à l’étranger et des détenus.

Ni la loi électorale ni le règlement de la CER ne prévoyaient de dispositions spéciales pour les personnes illettrées.

Plusieurs minorités fortement implantées dans certaines régions ne pourraient entrer au nouveau parlement en conséquence du système à circonscription unique.

Le nombre de candidatures féminines était peu élevé.

ELECTIONS MUNICIPALES ET LÉGISLATIVES

Les municipalités tiennent un registre informatique des électeurs, qu’elles sont supposées modifier d’office ou sur demande des électeurs. Elles relèvent un extrait du registre des électeurs pour chaque bureau de vote et le communiquent à la CER. Les municipalités fournissent également aux bureaux de vote des urnes, du produit de marquage à l’encre, des cloisons et du matériel de scellement.

IV. La campagne

La campagne électorale s’est déroulée dans le respect des libertés fondamentales de réunion, d’association et d’expression, et dans une atmosphère calme, dénuée de tentatives d’intimidation, ce qui constitue une amélioration sensible par rapport aux précédentes élections. Il s’agit d’un signe de progrès, qui montre que les autorités ont cessé d’appliquer la loi répressive sur les informations publiques adoptée en 1998, loi que le régime de Milosevic utilisait pour étouffer les médias indépendants.

Les élections de décembre ont fortement contrasté avec les précédents scrutins de septembre, en raison de l’extrême discrétion de la campagne. Le matériel de campagne était très limité et aucun grand rassemblement politique n’a eu lieu. Le nombre de réunions de campagne a été particulièrement bas.
La période préélectorale a cependant été assombrie par de violents affrontements au Sud de la Serbie entre des activistes albanais et des Serbes4. Ces heurts sont devenus de grands thèmes de campagne, avec des tentatives de réactivation de la paranoïa nationaliste pour détourner les électeurs des vraies questions.

Des représentants de partis opposés à l’ODS ont mis en exergue le déséquilibre de la campagne électorale, invoquant un accès inégal aux médias et aux mesures de sécurité. Reconnaissant l’inégalité de la couverture médiatique, M. Djindjic – président du Parti démocratique, clé de voûte de l’ODS – a souligné le manque d’intérêt des journalistes pour les partis qui avaient, plusieurs mois auparavant, exercé des pressions sur les médias indépendants.

Le CPLRE tient à rappeler que la couverture équitable, impartiale et exhaustive par les organes d’information est une composante cruciale du processus électoral.

V. Le jour du scrutin

Les équipes du Congrès ont pu visiter 48 bureaux de vote, en milieu rural et urbain. Elles ont également rencontré, dans les municipalités visitées, plusieurs responsables politiques locaux, des représentants de la société civile, ainsi que des observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH et des membres des groupes de travail.

La délégation du Congrès tient à souligner que ces élections se sont déroulées dans une atmosphère calme et pacifique. Les observateurs internationaux ont été bien accueillis dans les bureaux de vote et n’ont ressenti aucune hostilité. Le taux de participation a été assez satisfaisant, les électeurs ont pu voter librement et sans crainte, sans subir d’influence abusive, et se félicitaient de la tenue de ces élections. Il faut noter la faible proportion de bulletins de vote nuls (2,39 %).

Toutes les procédures ont été dûment appliquées, et les règles relatives au secret ont été observées pendant le dépouillement du scrutin. Les membres des groupes de travail ont rempli leur mission de façon satisfaisante et les observateurs du Congrès n’ont été témoins d’aucune erreur grave.

Les observateurs internes (c’est-à-dire recrutés et formés par le CeSID) avaient toutes chances de bien connaître leur rôle et leurs devoirs. Ils ont dûment fait rapport, sans entraver le travail du personnel électoral.

L’une des équipes du Congrès a visité, à Kraljevo, un bureau de vote réservé aux soldats stationnés dans les casernes proches. Cette équipe a constaté que les intéressés n’avaient subi aucune pression et qu’ils avaient pu exercer leur droit de vote.

La délégation admet que ces élections, bien que préparées en deux mois de temps, se sont déroulées de façon assez satisfaisante. Un certain nombre d’irrégularités et de carences ont cependant été observées par la délégation du Congrès, laquelle souhaiterait formuler des suggestions qui pourraient être examinées lors de la rédaction de la nouvelle loi électorale.

Les dispositions de la loi excluaient tout vote par correspondance pour les Serbes résidant à titre provisoire hors de la Serbie. Ainsi, conformément à la loi, ni les 30 000 Serbes déplacés au Monténégro ni les soldats servant dans l’Armée fédérale au Monténégro n’étaient autorisés à voter, à moins de retourner en Serbie.

Si la loi prévoyait une assistance aux électeurs non-voyants, illettrés ou handicapés dans les bureaux de vote, aucun dispositif n’avait été prévu pour permettre aux personnes handicapées de voter, au moyen par exemple d’une urne mobile.

Les détenus n’avaient pas la possibilité de voter.

Ces carences limitent, pour certaines catégories de la population, l’exercice du droit de vote.

Certains bureaux de vote ont été confrontés à des conditions de travail difficiles, surtout en période hivernale. L’accès aux bureaux de vote n’était pas toujours aisé, notamment pour les personnes handicapées ou âgées. Pour des raisons techniques, le nombre de bureaux de vote a été réduit dans certaines municipalités5, en particulier en milieu rural.

Aucun problème particulier n’a été relevé concernant les listes électorales, sauf pour certaines personnes déplacées qui n’étaient pas inscrites dans le bureau de vote approprié.

Ni la loi électorale ni les instructions de la CER ne contiennent de dispositions visant à empêcher l’électeur de quitter le bureau de vote avec son bulletin ou d’introduire des bulletins de vote frauduleux (« bourrage des urnes »).

Tous les bureaux de vote n’ont pas été dotés d’isoloirs garantissant à l’électeur la possibilité de voter en toute confidentialité.

Même si globalement, l’attitude du personnel électoral était satisfaisante, la délégation a eu l’impression qu’il n’avait pas reçu une formation suffisante, d’où la violation de plusieurs instructions de la CER. Il semble également que ces instructions manquaient de clarté et qu’elles ne décrivaient pas de procédure progressive. Par ailleurs, certains membres du personnel électoral ont affirmé que la formation avait essentiellement été assurée par les partis politiques, et que la participation des autorités avait été restreinte.

Dans de nombreux cas, l’identité de l’électeur n’a pas fait l’objet d’un contrôle adéquat, principalement en milieu rural.

Si la nouvelle loi électorale prévoit l’obligation de respecter le secret du scrutin, la pratique du vote « à découvert », observée dans la plupart des bureaux de vote, faisait douter du respect des dispositions de la loi.

Des pratiques de vote collectif ou familial ont également été relevées dans certains cas, le vote familial étant essentiellement limité au vote des deux conjoints.

Selon les informations communiquées par la CER, 21 bureaux de vote du Sud de la Serbie, situés en bordure du Kosovo, n’ont pas ouvert pour des raisons de sécurité.

La délégation du CPLRE est convenue que les carences observées n’avaient pas influencé l’issue des élections, parvenant à la conclusion que le scrutin du 23 décembre avait indubitablement constitué un progrès sensible vers la satisfaction des normes propres à une élection démocratique.

VI. Les résultats

La CER a validé le scrutin serbe, déclarant que 57,72 % des électeurs autorisés à voter avaient effectivement participé à l’élection de l’Assemblée Nationale. Elle a rendu public les chiffres définitifs suivants :

Nombre de voix (en %) / Nombre de sièges obtenus au parlement :
1. Opposition démocratique de Serbie 64,08 / 176
2. Parti socialiste de Serbie 13,76 / 37
3. Parti radical serbe 8,50 / 23
4. Parti de l’unité serbe 5,33 / 14

Grâce à sa majorité écrasante, la coalition de l’ODS, dirigée par Vojslav Kostunica, était en mesure de former le nouveau gouvernement serbe. Tenant les principaux leviers du pouvoir en République fédérale de Yougoslavie, notamment la police, forte de 60 000 hommes, les médias et l’appareil judiciaire, l’ODS devrait désormais avoir toute latitude pour mener à bien des réformes démocratiques.

Les Socialistes de Milosevic, longtemps dominants, arrivent en deuxième position, loin derrière l’ODS. Ils sont suivis de près par le Parti radical ultra-nationaliste de l’ancien chef paramilitaire Vojislav Seselj et par une organisation extrémiste, le Parti de l’unité serbe du défunt chef de guerre Arkan (Zeljko Raznatovic), inculpé pour crimes de guerre – la plus grosse surprise de ces élections. M. Seselj, nationaliste plus que convaincu, est particulièrement méfiant et rancunier à l’égard de l’Ouest. Arkan avait été inculpé par un tribunal des Nations Unies pour avoir commandé des unités paramilitaires dans les conflits en Bosnie et en Croatie au début des années 1990. Interpol le recherchait également pour plusieurs braquages de banques. Cependant, pour certains Serbes, il s’agit d’un héros qui a risqué sa vie pour leur pays.

Le Président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et Représentant spécial du Président en exercice de l’OSCE pour les élections en Serbie a déclaré, lors de la conférence de presse qui a suivi les élections, que « (…) les forces du nationalisme extrême sont toujours vivantes et les dangers qu’elles représentent ne sauraient être oubliés ni sous-estimés. »

Toutes les autres formations politiques ont obtenu moins des 5 % requis pour être représenté au parlement. Parmi les partis qui n’ont pas réussi à atteindre ce score figurent l’Alliance de la Gauche yougoslave - le parti néo-communiste de l’épouse de Milosevic, Mira Markovic - et le Mouvement pour le renouveau serbe de l’opposant indépendant Vuk Draskovic, qui a refusé de se rallier à la coalition de Kostunica à la veille des élections fédérales, provinciales et municipales de septembre.

Au Kosovo, le taux de participation a été inférieur à 60 % - soit le plus faible jamais relevé dans la région. Les Albanais ont boycotté le scrutin et le parti socialiste l’a emporté sur l’alliance de l’ODS.

A la demande du Parti radical serbe, la Cour suprême de la République a ordonné, le 4 janvier, l’organisation de nouvelles élections partielles dans 19 des 8 000 bureaux de vote, après que des irrégularités eurent été relevées lors des élections législatives de décembre.

Le nouveau scrutin qui a eu lieu le 10 janvier 2001 ne devrait donner aux Radicaux, au mieux, qu’un siège supplémentaire, mais il repoussera à fin janvier la première réunion du parlement serbe et, par conséquent, l’approbation du nouveau cabinet par l’assemblée.

Trois des 19 bureaux de vote dans lesquels l’élection a été réorganisée se situent dans la capitale, Belgrade, quatre dans la ville de Leskovac, dans le Sud du pays, et douze dans des localités dispersées dans toute la Serbie. Un total de 4 000 électeurs sont enregistrés dans ces bureaux de vote.

VII. Conclusions

Par l’élection du 23 décembre, la population serbe a manifesté sa volonté de poursuivre le processus de démocratisation entamé en septembre 2000. Le Congrès espère que cela aidera la Serbie - et la République fédérale de Yougoslavie - à continuer à avancer sur la voie de la réconciliation avec ses voisins de l’Europe du Sud-Est, et à renforcer ses liens avec l’ensemble des pays européens.

En attendant, il convient de noter qu’en Serbie, la démocratie, encore au stade du développement, reste fragile et qu’elle a besoin de l’attention et de l’aide internationales.

La nécessité de reconstruire, après le désastre des guerres qui se sont déroulées ces dernières années dans les Balkans, et de faire en sorte que de tels conflits ne se reproduisent jamais plus, a stimulé l’intensification de la coopération balkanique. Cette coopération pourrait se fonder sur la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière (1980) et ses deux Protocoles additionnels. La coopération régionale devrait également être le moteur de l’adaptation de l’aide économique à des besoins spécifiques.

Dès novembre 2000, lors du « Forum de Skopje », le Congrès a préconisé la conclusion rapide d’un accord multilatéral entre les pays d’Europe du Sud-Est aux fins du développement de la coopération interrégionale et transfrontalière, et appelé toutes les villes et régions d’Europe à établir des partenariats et à conclure des accords de jumelage avec leurs homologues de l’Europe du Sud-Est, en réponse à leurs demandes urgentes d’aide économique et sociale. Le Congrès a également souligné l’importance du renforcement de la coopération interrégionale et transfrontalière et des partenariats directs, et appelé de ses vœux la mise en place d’un réseau actif visant la création d’une union des associations des pouvoirs locaux et régionaux d’Europe du Sud-Est. Par ailleurs, le Congrès a demandé au Conseil de l’Europe, à d’autres organisations internationales et à leurs Etats membres de participer à la mise en œuvre de ces propositions, afin de permettre aux pouvoirs locaux et régionaux de coopérer librement par delà les frontières nationales. 

Le développement de la démocratie locale et régionale pourrait faciliter la résorption des difficultés en Serbie. Le Congrès pourrait souhaiter informer les autorités yougoslaves qu’il est disposé à aider les organes législatifs internes, les gouvernements et la société civile à relever les défis. Il pourrait notamment prendre l’initiative d’organiser une conférence internationale sur la démocratie locale en Serbie et la coopération transfrontalière. Le Bureau du CPLRE a d’ores et déjà décidé d’offrir son soutien et sa compétence en la matière. Des discussions sont déjà en cours avec la Conférence permanente des villes et municipalités yougoslaves.

ANNEXE I : PROGRAMME DE LA DELEGATION DU CPLRE

ANNEXE II: COMMUNIQUE DE PRESSE

Les élections législatives en Sérbie témoignent d’un changement très positif
Belgrade, 24 décembre 2000- Selon la Mission internationale pour l’observation des élections à Belgrade, les élections législatives du 23 décembre 2000 en Serbie qui, dans l’ensemble, se sont déroulées dans le respect des normes internationales agréées pour des élections démocratiques, témoignent d’un changement très positif.

Ces élections marquent pour la Serbie une étape importante sur la voie de la démocratisation. Contrairement aux élections précédentes, les libertés fondamentales ont été respectées au cours de la période pré-électorale, a déclaré Adrian Severin, président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et Représentant spécial de l’OSCE pour les élections serbes, et Andreas Gross, rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. La nouvelle législature et le prochain gouvernement seront confrontés à de nombreuses difficultés qu’il leur faudra résoudre. Ces élections, ainsi que le retour de la Yougoslavie au sein de l’OSCE et d’autres organisations internationales ouvrent la voie à un rétablissement à la fois politique et économique.

Une administration électorale multipartite a appliqué la loi récemment adoptée dans la transparence et avec impartialité et, en prenant certaines dispositions, a su remédier à bon nombre des lacunes de la législation héritée du passé, bien que des améliorations s’imposent encore. Le climat dans le secteur des médias s’est amélioré sensiblement depuis les dernières élections puisque des opinions politiques diverses ont pu s’exprimer, bien qu’en dehors du temps d’antenne gratuit, les médias appartenant à l’Etat ont assuré une couverture favorable à la coalition de la DOS. Pour la première fois, des organisations internes non partisanes ont été accréditées comme observateurs, permettant ainsi à des milliers de citoyens serbes d’observer librement le processus électoral.

Autre démarcation par rapport aux élections antérieures, la volonté des électeurs a été respectée le jour du scrutin et lors du décompte des voix.

Pour plus d’informations et annexes complètes, veuillez contacter : [email protected]

1 M. Ilic a joué un rôle-clef au cours du soulèvement d’octobre qui a renversé Slobodan Milosevic. L’autre co-président de la nouvelle Serbie est M. Milan St. Protic qui est devenu maire de Belgrade à la suite des élections municipales de septembre 2000.

2 Selon la nouvelle loi, la circonscription électorale unique couvre aussi la province du Kosovo administrée par l’Onu où les Albanais de souche représentent plus de 90 % de la population.

3 Le CPLRE a envoyé 6 observateurs et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe une délégation de 9 membres. Ceux-ci ont rejoint les 24 observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH et les 26 parlementaires de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. L’OSCE a signalé que plus de 300 observateurs internationaux à court terme avaient été déployés le 23 décembre.

4 Le secteur isolé proche de la frontière avec le Kosovo a été frappé le mois dernier par des activistes albanais de l’ « Armée de libération » de Presevo, Medvedja et Bujanovac, qui ont tué quatre policiers serbes et déclenché la colère de la population serbe locale.

5 A Kraljevo, le nombre de bureaux de vote est passé de 176 (en septembre 2000) à 99, ce qui a contraint certains citoyens à parcourir 10 kilomètres pour se rendre au bureau de vote le plus proche, dans des secteurs de montagne.