32e Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Débat à la Chambre des pouvoirs locaux sur l’accueil des enfants migrants non accompagnés

Organisé le 29 mars 2017, par la Chambre des pouvoirs locaux du Congrès, un débat sur « l’accueil des enfants migrants non accompagnés dans les villes européennes » a mis en lumière la difficile position des maires face à ces jeunes isolés, dont ils deviennent les « tuteurs » et qu’ils doivent à la fois protéger et aider à s’intégrer. Les participants ont souligné le manque de solidarité entre les pays européens et la nécessité d’un soutien financier accru de la part des Etats. Parmi les problèmes évoqués, figurent le nombre insuffisant d’interprètes, les risques liés à l’exploitation sexuelle et aux violences, ainsi que  la saturation des lieux d’accueil. Face à ces défis, plusieurs initiatives locales positives ont été présentées, comme par exemple le suivi et la formation proposées aux jeunes arrivants afin de les accompagner même après leur majorité ou encore l’accueil des enfants au sein de familles.

« Leurs parents leur font braver les dangers des traversées dans l’espoir qu’ils puissent gagner leur vie ou étudier en Europe, mais si nous ne les aidons pas à s’intégrer, beaucoup sombreront dans le désespoir, la colère et les addictions, voire disparaîtront de la société » a déclaré Ole Olsson, conseiller principal en politique d’intégration et de santé publique au sein de l’association suédoise des pouvoirs locaux et des régions (SALAR). La Suède a accueilli 37 500 migrants mineurs non accompagnés en 2015, qui sont de fait placés sous la responsabilité des communes et des maires, qui en deviennent les « tuteurs » officiels. Ceux-ci veillent notamment à leur logement et à leur scolarisation, mais les besoins restent importants, y compris en raison du nombre insuffisant d’interprètes, particulièrement criant dans le domaine de la santé. De plus, cette protection des jeunes migrants prend automatiquement fin à leur majorité. La SALAR propose des méthodes de transition moins brutales pour les jeunes arrivants devenus majeurs, incluant des possibilités de suivi et de formation professionnelle jusqu’à l’âge de 29 ans. Les municipalités suédoises ont fondé une « banque d’idées » pour trouver les meilleurs moyens d’intégrer harmonieusement les jeunes migrants dans la société. Certains d’entre eux se sont regroupés en associations pour mieux se faire entendre des pouvoirs publics car, a conclu M. Olsson, « les mineurs veulent qu’on leur parle, et non pas seulement qu’on parle d’eux ». 

Un appel à la solidarité européenne

Présidente du réseau grec METAdrasi, « action pour les migrations et le développement »,  Lora Pappa a participé à la création de cinq centres d’accueil pour enfants migrants isolés, mais déplore que tous ne puissent bénéficier de telles structures : idéalement, ils sont ensuite placés dans des familles, mais d’autres vivent dans des camps, une situation certes difficile mais moins terrible que celle subie par ceux qui sont livrés à eux-mêmes dans la rue. Elle en dénombre actuellement un millier, particulièrement menacés par les tous les dangers de la vie extérieure, y compris l’exploitation sexuelle.  Déplorant le manque de solidarité de beaucoup de pays européens, alors que la Grèce ne peut pas faire face seule à toutes les demandes, elle cite néanmoins de beaux gestes accomplis à travers le continent : « Nous venons d’emmener cinq enfants afghans isolés au Portugal, qui a accepté de les accueillir sans complication administrative, et nous espérons que d’autres pays feront de même ».

Quel suivi à long terme pour les enfants migrants isolés ?

Lors du débat, plusieurs membres de la Chambre des pouvoirs locaux ont souhaité un soutien financier accru de la part des Etats pour mener à bien leur rôle de « tuteurs des enfants migrants isolés ». Ils ont rappelé que « les structures d’accueil sont de plus en plus saturées » et fait part de nombreuses difficultés pratiques : Manuela Mahnke (Allemagne, SOC) a cité notamment les problèmes liés au passage à la majorité des jeunes – dont il est parfois complexe de connaître l’âge réel- ou les conséquences psychologiques à long terme des souffrances qu’ils ont endurées dans leur pays, alors même que l’Europe manque de psychologues pour les accompagner, surtout dans leurs langues d’origine. Autre grand défi, selon Lelia Hunziker (Suisse, SOC), le passage à la clandestinité de beaucoup de jeunes migrants, « qui disparaissent dans la nature par peur d’être expulsés ».

Remo Grenga (Italie, SOC) appelle lui aussi l’Europe à mieux tenir compte des droits des « préadultes » car, s’il n’y aucune différence entre un jeune âge de 17 ans et 364 jours et un autre âgé de 18 ans, tout change lorsqu’il s’agit de son statut de migrant ou de réfugié. Il plaide, avec plusieurs de ses collègues, pour une meilleure « culture de l’accueil » vis-à-vis des enfants migrants.

De nombreuses communes se sont mobilisées pour offrir des conditions d’accueil optimales aux jeunes migrants, et peuvent déjà se féliciter de résultats positifs. Le bourgmestre de Malmédy, Jean Paul Bastin (Belgique, PPE/CCE), constate que les 46 jeunes, principalement afghans, installés par sa commune dans un centre pour mineurs, « parlent déjà tous le français et s’intègrent bien dans la ville… même s’ils se regroupent entre eux dès qu’ils le peuvent, notamment pour faire du sport ». Enfin, lors du débat, plusieurs membres russes et ukrainiens ont regretté que les échanges ne portent que sur les enfants réfugiés en provenance du Moyen-Orient, et mis en avant les efforts consentis par leurs villes et régions pour accueillir eux aussi des réfugiés en provenance d’autres zones de conflits.