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Réf. DC 191(2016)

La Turquie avait de bonnes raisons de proclamer l’état d’urgence, mais les mesures prises dans ce cadre sont allées trop loin, estime la Commission de Venise

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Venise, 09.12.2016 – Un avis adopté aujourd’hui par les experts en droit constitutionnel du Conseil de l’Europe – la Commission de Venise – conclut que les autorités turques ont été confrontées « à une dangereuse conspiration armée » et avaient de « bonnes raisons » de proclamer l’état d’urgence, mais que les mesures prises par le Gouvernement ont outrepassé ce qu’autorisent la Constitution turque et le droit international.

Cet avis, qui avait été demandé par la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à la suite de la tentative de coup d’état du mois de juillet, critique le fait que les fonctionnaires aient été révoqués au lieu d’être suspendus et que les associations aient été dissoutes au lieu d’être provisoirement placées sous le contrôle de l’État.

Bien que les dispositions de la Constitution turque qui traitent de la proclamation de l’état d’urgence soient conformes avec les normes européennes communes, le Gouvernement a exercé les pouvoirs que lui confère l’état d’urgence au moyen d’actes réglementaires ad hominem. Ainsi, « des dizaines de milliers de fonctionnaires » ont été révoqués parce que leur nom figurait sur les listes jointes en annexe des décrets-lois pris dans le cadre de l’état d’urgence. Ces révocations collectives ne faisaient pas état d’éléments de preuves vérifiables qui concernaient chaque cas individuel. Selon la Commission de Venise, la rapidité avec laquelle ces listes ont été établies indique que les révocations collectives n’ont pas même été assorties d’un minimum de garanties procédurales. Ces révocations ne font apparemment pas l’objet d’un contrôle juridictionnel ou, du moins, l’accessibilité de ce contrôle juridictionnel reste sujet à controverse. Le recours à de telles méthodes de purge de l’appareil d’État ressemble fortement à des mesures arbitraires.

L’avis reconnaît l’existence de liens supposés de certains fonctionnaires avec le réseau guléniste ou d’autres organisations considérées comme des organisations « terroristes ». Mais la notion de lien a été « définie d’une manière trop large, sans exiger l’existence d’un lien sérieux avec ces organisations » qui permettait raisonnablement de douter de la loyauté de ces fonctionnaires. La Commission souligne que, même en supposant que certains membres du mouvement guléniste aient participé à la tentative de coup d’état, cela ne justifie pas d’engager la responsabilité disciplinaire de tous ceux qui ont eu des contacts avec ce réseau par le passé.

La Commission de Venise juge inquiétant qu’on ne puisse déterminer avec certitude si la Cour constitutionnelle a le pouvoir de contrôler de manière approfondie, comme elle devrait le faire, la constitutionnalité des décrets-lois pris dans le cadre de l’état d’urgence. La Commission souscrit à la proposition faite par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de créer une instance indépendante ad hoc chargée de l’examen de chaque cas de révocation en vue de sa soumission ultérieure à un contrôle juridictionnel.

L’avis se montre critique à l’égard de la disposition qui confère aux services répressifs le pouvoir de maintenir des suspects en garde à vue sans contrôle juridictionnel pendant une période qui peut aller jusqu’à 30 jours. La Commission est également préoccupée par les restrictions qui peuvent être imposées à l’accès d’un suspect détenu à l’avocat de son choix: cette restriction devrait être exceptionnelle et devrait se justifier par des faits précis.

L’avis adopté par la Commission de Venise sera publié dans son intégralité lundi 12 décembre.

Au cours de sa quatrième et dernière session plénière de l’année, la Commission devrait adopter d’autres avis, notamment un avis conjoint avec le BIDDH de l’OSCE qui porte sur la loi relative aux partis politiques en Arménie, un mémoire amicus curiae qui concerne la réévaluation provisoire des juges et des procureurs (loi sur la réévaluation) en Albanie, un avis sur le projet de loi relative à la Cour constitutionnelle d’Ukraine et un avis sur le projet de loi relative à la lutte contre la cybercriminalité en République de Moldova

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