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Réf. DC 118(2016)

Serbie : mauvais traitements, surpopulation et mauvaises conditions matérielles sont les principaux problèmes dans les prisons serbes, déclare le comité anti-torture du Conseil de l’Europe

Strasbourg, 24.06.2016 – Dans un nouveau rapport sur la Serbie publié aujourd’hui, le comité anti-torture du Conseil de l’Europe s’est félicité de la bonne coopération avec les autorités nationales, mais s’est dit préoccupé par le fait que, dans leur grande majorité, les recommandations formulées il y a cinq ans n’ont toujours pas été mises en œuvre. La réponse du gouvernement serbe au rapport a également été publiée aujourd’hui.

Le rapport fait suite à la visite d’une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en mai 2015 auprès de plusieurs commissariats de police, six prisons, un hôpital psychiatrique et un foyer social.

Au cours de la visite, la délégation du CPT a recueilli un nombre important d’allégations de mauvais traitements physiques infligés par la police, lors des interrogatoires, à des personnes soupçonnées d’une infraction pénale ; il s’agissait principalement de gifles, de menottage dans des positions pénibles, d’asphyxie avec un sac en plastique, de chocs électriques et de coups assenés sur la plante des pieds (« falaka »). Le Comité a jugé peu convaincante et insatisfaisante la réponse reçue de la part du ministère de l’Intérieur, qui rejette ces allégations et déclare que les policiers ont agi conformément à la réglementation et aux instructions pertinentes.

Le Comité a également recueilli des allégations de mauvais traitements dans toutes les prisons visitées hormis la prison du district de Belgrade, où la situation s’est considérablement améliorée depuis 2011. Le niveau de violence et d’intimidation entre les prisonniers était particulièrement préoccupant dans les prisons de Sremska Mitrovica et de Pančevo, où il était lié au manque de personnel chronique, à la consommation de drogues illicites, aux mauvaises conditions matérielles et au manque d’activités.

Ainsi que l’a déclaré le Comité, les autorités doivent envoyer un message fort pour souligner que le fait d’infliger des mauvais traitements à des personnes détenues est un acte illégal et un manquement professionnel qui sera sanctionné. Il conviendrait d’établir un mécanisme de plaintes indépendant, excluant tout lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les policiers soupçonnés d’avoir commis des mauvais traitements. L’examen médical des détenus qui se plaignent de mauvais traitements doit être effectué hors de la vue du personnel non médical, et les lésions doivent être dûment consignées.

Les conditions matérielles se sont considérablement améliorées dans la prison du district de Belgrade, mais elles restent mauvaises dans d’autres établissements, avec notamment une ventilation et un accès à la lumière du jour insuffisants, des conditions d’hygiène déplorables, des plafonds effondrés et des canalisations d’évacuation d’eau rompues dans les cellules.

Sur la question de la surpopulation, le rapport indique que la récente diminution globale de la population carcérale en Serbie était principalement liée à une amnistie plutôt qu’à un recours plus fréquent à des mesures alternatives à la détention. Ainsi qu’il est indiqué dans le rapport, les niveaux élevés de surpopulation observés dans certains des établissements visités, en liaison avec des conditions matérielles insuffisantes, pourraient être assimilés à des traitements inhumains ou dégradants, et les autorités devraient prendre des mesures d’urgence pour y remédier.

En ce qui concerne les établissements psychiatriques visités, le CPT a constaté que le personnel de l’hôpital psychiatrique spécial de Vršac avait en général une attitude bienveillante à l’égard des patients. Toutefois, la délégation a recueilli des allégations de violences physiques et d’insultes de la part du personnel à l’égard des patients, et la violence entre les patients semble poser de graves problèmes dans les deux institutions. Le Comité recommande de limiter le recours aux moyens de contrainte physique et à l’isolement des patients. Il critique le traitement des pensionnaires de l’établissement de Veternik et en particulier la fréquente administration de médicaments psychotropes à ceux qui ne souffrent pas de troubles mentaux. Le CPT recommande qu’un organisme externe indépendant se penche sur l’utilisation de la contention chimique. D’autre part, le CPT recommande aux autorités serbes de faire en sorte que les pensionnaires puissent introduire un recours contre leur placement dans un foyer social, et que la décision de placement fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel régulier.

Le Comité a relevé que la coopération avec la direction et le personnel des établissements visités était généralement bonne. Toutefois, il a noté, au cours des visites, des tentatives d’induire la délégation en erreur au sujet des locaux utilisés pour l’hébergement des personnes détenues, ainsi que des menaces d’intimidation et de représailles à l’égard des détenus qui souhaitaient parler avec la délégation, ce qui « constitue une violation manifeste du principe de coopération ». Le CPT constate avec préoccupation, en général, que dans leur grande majorité, les recommandations formulées en 2011 relativement à la surpopulation carcérale, à la rénovation du parc pénitentiaire et à la mise en place d’un régime motivant pour les prévenus n’ont toujours pas été mises en œuvre.

Contact : Tatiana Baeva, Porte-parole/Attachée de presse, Tél. +33 3 88 41 21 41