Forum mondial de la Démocratie
Lab 9 Réponses  interculturelles

18-20 novembre 2015, Strasbourg (France)

« Selon que l’on enseigne la haine ou le dialogue, on propage la haine ou on construit le dialogue »

Consacré aux réponses interculturelles pour prévenir la haine et la radicalisation, l’un des trois « Lab » parrainés par le Congrès lors du Forum Mondial de la Démocratie (18-20 novembre 2015) a présenté deux initiatives originales dans ce domaine. L’une, lancée par le Conseil de l’Europe, vise à définir et enseigner les compétences nécessaires à l’établissement et au maintien des valeurs interculturelles et démocratiques. L’autre, menée au Rwanda, a pour objectif de consolider le dialogue entre les toutes les communautés grâce aux danses traditionnelles, dans lesquelles tout le pays peut se retrouver.

Psychosociologue et responsable du projet développé par le Conseil de l’Europe, Pascale Mompoint-Gaillard a rappelé que la culture démocratique ne se nourrit pas que de connaissances, mais aussi d’attitudes et de valeurs : les Européens doivent disposer des compétences qui leur permettront de les mobiliser et de les déployer dans leur vie de citoyens. Le Service de l’Education du Conseil de l’Europe est en train d’élaborer un cadre visant à définir les principales compétences nécessaires aux citoyens pour participer de manière effective à la société diverse et démocratique. Plus d’une centaine de ces compétences, associant valeurs, attitudes, savoir et savoir-faire seront transmises, une fois évaluées par un millier d’experts, aux responsables des programmes éducatifs et scolaires et aux enseignants eux-mêmes. Parmi ces compétences, il importe par exemple de savoir « déconstruire les discours simplistes » ou, face aux extrémistes, de « déglamouriser » l’image du terrorisme et de la violence. autant d’exigences qui ne s’enseignent pas dans les écoles et que le cadre de référence élaboré par le Conseil de l’Europe se propose de concrétiser par l’éducation. De même, a poursuivi Mme Mompoint-Gaillard, « les citoyens devraient apprendre, par exemple, à travailler avec des personnes dont ils savent qu’elles ne partagent pas ces valeurs »,

Danser pour se réconcilier et se comprendre

Déchiré en 1994 par une guerre fratricide qui s’est achevée par le génocide des Tutsi, le Rwanda reconstruit difficilement son unité culturelle, et fait appel pour cela à ses racines et traditions, à l’image de la promotion de ses danses traditionnelles, l’une des grandes spécificités du pays. Le projet de « Sensibilisation au dialogue interculturel pour la coopération » (ISAR) menée par l’association Youth Service Organisation (YSO) permet aux Rwandais de toutes origines, mais aussi aux Rwandais nés à l’étranger et aux Congolais migrants, de se retrouver chaque semaine ou chaque mois, voire parfois même tous les jours, autour des danses traditionnelles qu’ils pratiquent ensemble. Président et Fondateur d’YSO, Pacifique Ndayishimye explique que la danse permet de réunir des jeunes d’origine différente et de favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle, même si cette initiative doit encore être élargie à plus de jeunes, notamment ceux issus des groupes les plus marginalisés.

Amina Bouayach (Maroc), secrétaire générale de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme et Dusica Davidovic, conseiller municipal de la ville de Nis (Serbie, SOC) et membre du Congrès, ont commenté ensuite ces projets et exprimé leur intérêt. Pour Mme Bouayach, il faut favoriser la primauté du droit et la multiplicité des points de vue, tout en recherchant les moyens de créer des liens communs au profit du dialogue interculturel et de la promotion des droits de l’homme. Elle a rappelé par ailleurs que les identités culturelles, loin d’être figées, sont elles aussi de plus en plus interactives.

 Les villes doivent trouver les bons partenaires pour promouvoir le dialogue interculturel

Selon Mme Davidovic, le travail éducatif mené par les ONG permet de contrer la radicalisation, le discours de haine et l’antisémitisme. Elle a présenté les initiatives de sa ville dans ce domaine, rappelant qu’elle finance de nombreuses structures et associations luttant contre les menaces portées contre la démocratie et au dialogue. « Par contre, il n’est pas toujours facile de trouver les bons partenaires locaux, et nous devons être vigilants sur nos choix », a-t-elle ajouté. Elle a rappelé aussi l’importance de soutenir les écoles dans la prévention de la radicalisation. Pour elle, les villes, les régions et l’Etat, doivent travailler ensemble pour promouvoir le respect et la tolérance. Il importe de combler les fossés et l’ignorance qui divisent les cultures, et de promouvoir le rôle de l’éducation dans l’acquisition des compétences nécessaires à la culture démocratique. Enfin, Mme Davidovic a souhaité que l’éducation interculturelle contribue aussi à prévenir le risque de radicalisation des migrants.

Lors du débat, plusieurs jeunes intervenants ont plaidé pour que, dans la situation traversée actuellement par la France, « le dialogue et l’éducation interculturelles puissent constituer une alternative aux mesures coercitives ». De nombreuses associations s’y emploient localement, par exemple en encourageant les échanges et les voyages, ou en mettant les nouvelles technologies de communication au service du dialogue culturel. Pour tous les intervenants, l’éducation est l’une des bases de ce dialogue, comme le résumait Pacifique Ndayishimiye : « si vous enseignez la haine, vous la propagerez, et si vous enseignez le dialogue, vous le construirez », a-t-il déclaré. Concluant la rencontre, Mme Bouayach a souligné, enfin, que « le tout sécuritaire n’était pas parvenu à vaincre le terrorisme, ce qui rend la mise en place de stratégies intégrées encore plus nécessaire ».