29ème Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 20-22 octobre 2015)

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Notes d’allocution pour le Rapporteur J.-L. Testud, (France, PPE-CCE)

Projet de résolution, projet de recommandation et exposé des motifs : « Lutter contre la féminisation de la pauvreté : la responsabilité des pouvoirs locaux et régionaux »

Chers collègues,

Déjà en 2007, le Conseil de l’Europe alertait ses membres sur la féminisation de la pauvreté et proposait des mesures concrètes pour la combattre.

Le présent rapport, préparé par la Commission des questions d’actualité et intitulé « Lutter contre la féminisation de la pauvreté : la responsabilité des pouvoirs locaux et régionaux », part du constat suivant : la crise économique et les mesures d’austérité qui ont souvent remplacé les politiques de protection sociale à partir de 2010 ont fait progresser la pauvreté en Europe. Si, au début de la crise, il semblait que les premières victimes de ces politiques étaient les hommes licenciés du secteur industriel, aujourd’hui, ce sont aujourd’hui surtout les femmes qui souffrent, à cause de leur plus grande vulnérabilité économique et sociale.

La pauvreté rend plus difficile l’accès à l’alimentation, au logement, à l’éducation ou aux soins de santé. Elle conduit à des privations qui sont autant d’obstacles à la pleine jouissance des droits de la personne humaine, qu’ils soient politiques, civils, sociaux ou culturels. Ceci est amplifié par le fait que, bien que le statut juridique des femmes ait été remarquablement amélioré ces dernières décennies, les discriminations continuent et expliquent dans une large mesure cette « féminisation » de la pauvreté. Trop souvent les femmes travaillent à temps partiel, dans le secteur informel et occupent des emplois précaires. L’écart salarial sexo-spécifique s’élève quant à lui dans la plupart des Etats européens à plus de 15%.

Ce constat justifie amplement que l’on étudie le potentiel des autorités locales et régionales pour combattre la pauvreté féminine.

Enfin, les disparités hommes/femmes se constatent également au niveau des retraites. Malgré leur arrivée massive dans le monde du travail depuis les années 1970, les inégalités en termes d’écarts de salaires, de temps partiel ou encore de choix familiaux, perdurent, avec des conséquences directes sur la retraite. Rien qu’au sein de l’Union européenne, l’écart entre les pensions de retraite des hommes et celles des femmes peut atteindre jusqu’à 39 %. C’est un sujet dont nous parlons hélas trop peu et qui est pourtant d’une importance cruciale car, même si l'écart entre les pensions de retraite des hommes et celles des femmes se réduit peu à peu, il n'est pas prêt de disparaître, détériorant les conditions de vie des femmes âgées.

Alors que la crise se prolonge, le Conseil de l’Europe réaffirme la pertinence du modèle européen des droits de l’homme et exige l’accès de tous à la protection contre la pauvreté. La pauvreté n’est pas le problème des seules personnes en souffrant, mais également celui de la société dans son ensemble.

Ce rapport apporte une dimension locale et régionale à l’analyse et aux politiques engagées au Conseil de l’Europe pour combattre la pauvreté croissante des femmes.  Il identifie les mécanismes de politiques régionales et locales qui jouent un rôle clé dans la « féminisation » de la pauvreté et évalue les actions nécessaires pour combattre la pauvreté aux niveaux local et régional, notamment en répertoriant les bonnes pratiques. Il fournit également des exemples d’actions stratégiques pour intégrer le thème de l’égalité dans les politiques de cohésion sociale des pouvoirs locaux et régionaux.

Chers collègues,

Il est crucial de prendre en compte les dimensions multiples de la pauvreté afin de développer des solutions adaptées aux besoins spécifiques des membres les plus vulnérables la population. C’est à la lumière de ces conclusions et en vue d’améliorer la situation économique des femmes que je vous demande aujourd’hui d’adopter le projet de résolution suivant.

Dans cette résolution, nous mettons l’accent sur la nécessité d’adopter des politiques et de prendre des mesures qui empêcheront les victimes des mesures d’austérité de tomber dans une pauvreté « chronique », avec tous les problèmes qui en découleraient, pour elles et pour leurs enfants, et pour ceci nous devons :

  1. Faire un état des lieux de la situation actuelle en établissant des outils statistiques pour mesurer la pauvreté des revenus des femmes et identifier les problèmes dus aux difficultés d’accès dans certains domaines comme le niveau d’éducation, les barrières linguistiques ou les restrictions fondées sur les croyances ou la religion
  2. Encourager et soutenir l’auto-organisation des femmes pour améliorer la fourniture des services sociaux et pour créer des emplois et des revenus ;
  3. Et offrir aux femmes en situation de pauvreté des services de santé reproductive gratuits;

Nous devons également :

  1. Développer les économies durables, tout en reconnaissant la valeur du travail des femmes et en considérant celles-ci comme la solution à bon nombre des problèmes sociaux, plutôt que comme victimes de ceux-ci ;
  2. Et envisager, à long terme, d’explorer la possibilité d’une application « automatique » de droits sociaux et économiques

Dans notre recommandation, nous demandons ainsi aux gouvernements nationaux de :

  1. Prendre systématiquement en compte, lors de l’élaboration des politiques macro-économiques, et lors de la prise de décision en matière de dépenses sociales, les conséquences éventuelles pour les droits de l’homme, et en particulier les droits économiques et sociaux affectant les femmes ;
  2. Envisager l’établissement d’outils statistiques pour mesurer la « pauvreté de revenus » des femmes et la mise en place d’une protection sociale minimale susceptible d’améliorer la situation économique des femmes.
  3. revoir leur législation afin d’individualiser les droits sociaux et économiques de manière à valoriser les femmes en tant qu’individus, souvent responsable d’enfants en tant que parents isolés

Chers collègues, cette résolution et cette recommandation sont importantes pour nous car elles interviennent dans un domaine qui est vital et touchent une part importante de la population : les femmes et les enfants. Je vous invite donc à adopter ces projets de résolution et de recommandation.

Je vous remercie pour votre attention.