Strasbourg,12 décembre 2014                                                                                     CEPEJ(2014)15

COMMISSION EUROPÉENNE POUR L’EFFICACITÉ DE LA JUSTICE

(CEPEJ)

 

Lignes directrices sur l’organisation

et l’accessibilité des tribunaux (bâtiments)

Document adopté par la CEPEJ lors de sa 24ème réunion plénière

(Strasbourg, 11-12 décembre 2014)

Sommaire

Introduction. 3

1.      UNE POLITIQUE IMMOBILIERE POUR LES BATIMENTS JUDICIAIRES. 3

1.1 La connaissance du patrimoine. 3

1.2 L'analyse prospective de l'activité. 4

1.3 Établissement d'un schéma directeur immobilier 4

2. CONSTRUCTION NEUVE OU RENOVATION : LE CHOIX. 4

2.1 Les critères de choix. 4

2.2 L'analyse des critères et la mise en place de la politique immobilière. 6

3. LA PRISE EN COMPTE DE LA SPECIFICITE JUDICIAIRE. 6

3.1 Le bâtiment judiciaire est un édifice public. 6

3.2 Le symbolisme judiciaire. 6

3.3 L'élaboration d'une documentation spécifique pour les architectes. 7

3.4 L'association des utilisateurs au projet 8

4. LA CONSTRUCTION DE BATIMENTS NEUFS. 8

4.1 L'accessibilité au bâtiment judiciaire. 8

4.2 L'accueil du justiciable. 9

4.3 La fonctionnalité du bâtiment 10

4.4 La sécurité dans le bâtiment 11

4.5 La circulation dans les locaux. 12

4.6 Les espaces d'audiences. 12

5. INTEGRER LES PERSPECTIVES D’EVOLUTION DU BATIMENT. 14

5.1 Constituer une réserve foncière. 14

5.2 Favoriser la modularité. 14

5.3 Intégration du coût de la maintenance. 14

5.4 La prise en compte du développement durable. 14

5.5 La logistique pour les nouvelles technologies. 14

5.6 La reconversion à d’autres usages. 15

6. LES RENOVATIONS DES BATIMENTS EXISTANTS. 15

6.1 La rénovation complète. 15

6.2 La mise aux normes. 16


Introduction

1.     Améliorer l’efficacité et la qualité du service public délivré par les systèmes judiciaires au regard des attentes de praticiens du droit et des justiciables est au cœur de l’action de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Son Groupe de travail sur la qualité de la justice (CEPEJ-GT-QUAL) est entre autres chargé d'« élaborer des solutions concrètes à l’attention des décideurs publics et des tribunaux permettant d’améliorer l’organisation des juridictions » ainsi que leur bon fonctionnement, y compris d’un point de vue matériel et logistique.

2.     L’objectif du présent document est de fournir un cadre de référence qui pourra servir aux administrateurs et aux décideurs pour la construction de nouveaux bâtiments judiciaires ou l’aménagement de bâtiments anciens. Ces lignes directrices concernent toutes les branches de la justice.

3.     La CEPEJ considère que les projets de construction et la rénovation de bâtiments judiciaires doivent être conçus afin de permettre l’exercice d’une justice de qualité et tenir compte des attentes de l’usager.

4.     Il importe en particulier que ces lieux de justice puissent garantir la sérénité nécessaire aux débats judiciaires. Dès lors, les bâtiments judiciaires présentent une spécificité par rapport à un édifice administratif.

5.     Il convient de faciliter l’accès du public à la justice en améliorant l’accueil au sein des palais de justice en portant une attention particulière aux personnes à mobilité réduite. L’accès à l’information par le justiciable à travers les nouvelles technologies devrait être également encouragé. Un autre objectif doit aussi être poursuivi, celui de permettre au personnel de justice de travailler dans des conditions satisfaisantes. Il importe aussi de garantir la sécurité de ceux qui sont présents dans un tribunal en adaptant les mesures de sécurité aux risques prévisibles.

6.     L'aménagement d'un bâtiment judiciaire doit aussi permettre la mise en œuvre concrète de l'exercice des droits de la défense ou de la personne détenue.

7.     Le présent document se veut un ensemble de lignes directrices afin de repérer les facteurs à prendre en compte en veillant à renforcer la qualité du service public et l’accueil du justiciable.

8.     Ce document a été préparé par le Groupe de travail de la CEPEJ sur la qualité de la justice (CEPEJ-GT-QUAL) sur la base d’un document de travail de Gilles Accomando et Michel Perchepied (experts scientifiques, France).

1.   UNE POLITIQUE IMMOBILIERE POUR LES BATIMENTS JUDICIAIRES

1.1 La connaissance du patrimoine

9.     Cette connaissance du patrimoine suppose dans un premier temps un recensement des bâtiments judiciaires puis une évaluation afin de déterminer leur adaptation aux besoins.

10.  Le recensement des bâtiments existants permet d’initialiser une base de données patrimoniale qui sera enrichie à partir de la collecte des informations suivantes:

-          Caractéristiques principales : adresse, statut, propriétaire, références cadastrales, date de construction, composition, nombre de niveaux, etc.

-          Renseignements d’urbanisme : règlement, protections et servitudes applicables, etc.

-          Surfaces (terrain, bâtiments)

-          affectations

-          effectifs

11.  Dans un second temps, il convient de s’attacher à évaluer l'état de ce patrimoine d’un point de vue technique, réglementaire, économique et fonctionnel.

12.  L’évaluation technique passe en revue les différents composants du bâtiment pour qualifier leur état et leur durée de vie restante (clos et couvert, équipements techniques, aménagements intérieurs, aménagements extérieurs), l’évaluation réglementaire établit un bilan du bâtiment du point de vue des obligations légales s’appliquant aux établissements recevant du public (accessibilité aux handicapés, hygiène et santé, sécurité des personnes), l’évaluation économique repose sur la collecte des coûts liés aux loyers et impôts, aux fluides, à l’entretien et à l’exploitation et l’évaluation fonctionnelle analyse la situation géographique et urbaine du bâtiment, son organisation générale, les espaces publics, les espaces dédiés aux utilisateurs et les espaces sécurisés. 

13.  Ces évaluations s'effectuent par des visites des bâtiments, des enquêtes auprès des chefs d’établissement, des collectes de données financières et de documents de référence liés au fonctionnement du bâtiment. Elles peuvent être enrichies par la réalisation d’audits thématiques suivant les priorités identifiées.

14.  La base de données est enrichie avec le résultat des évaluations.

1.2 L'analyse prospective de l'activité

15.  Cette analyse est construite à partir de la carte judiciaire et de ses éventuels aménagements. La CEPEJ a défini les lignes directrices relatives à la création des cartes judiciaires — CEPEJ (2013) 7 —. Plusieurs facteurs sont pris en compte pour définir le meilleur compromis entre l'activité des tribunaux et la proximité des usagers : la densité de la population, la taille du tribunal, le flux des affaires et l'emplacement géographique.

16.  Cette révision de la carte judiciaire doit reposer sur des objectifs destinés à accroître l'accès à la justice, l’efficacité, renforcer la spécialisation ou améliorer la performance globale, et ce en fonction d’indicateurs de performance. Ces indicateurs sont de différents types : financiers tels le coût de la justice par habitant, d’accès à la justice comme le nombre de tribunaux par habitant, de performance (durée d’écoulement du stock des affaires pendantes) ou qualitatifs avec des indicateurs de satisfaction des usagers de justice.

17.  Les perspectives générales d’évolution de fonctionnement de l’organisation judiciaire doivent également être intégrées si elles sont connues comme par exemple la réorganisation des compétences entre les juridictions.

18.  En l'absence de modification de la carte judiciaire, il s’agit d’identifier les effectifs cibles et donc les surfaces théoriques nécessaires à moyen et à long terme, et ce à partir des données d’effectifs et d’activité judiciaire et en se basant sur des projections démographiques.

19.  Ces simulations peuvent se faire selon des échelles géographiques différentes en fonction des projections démographiques disponibles.

20.  La méthode peut être affinée pour distinguer les évolutions par catégories d’effectifs ou par type de juridictions.

1.3 Établissement d'un schéma directeur immobilier

21.  En intégrant les paramètres liés à l’évaluation des bâtiments ainsi qu’à l’écart entre les surfaces existantes et les surfaces théoriques, il est possible d’identifier les interventions immobilières prioritaires.

22.  Des études de faisabilité plus précises et des audits techniques approfondis peuvent être engagés sur ces sites pour préciser le programme de travaux à mettre en œuvre ainsi que l’estimation du coût correspondant.

2. CONSTRUCTION NEUVE OU RENOVATION : LE CHOIX

2.1 Les critères de choix

2.1.1 Les perspectives d'activité

23.  À l'issue de l'analyse prospective d'activité, il convient d'évaluer si les surfaces actuelles permettent ou non de satisfaire aux besoins. Si tel n'est pas le cas, une construction nouvelle ou une extension s'impose.

2.1.2 Le regroupement ou la coexistence de différents sites

24.  Le regroupement des différents lieux de justice en un seul site permet une meilleure accessibilité du citoyen au service public de la justice. Cela permet également une meilleure mutualisation des espaces communs.

25.  La surface globale des juridictions d’une même ville sera par conséquent sensiblement inférieure dans l’hypothèse d’une cité judiciaire regroupant toutes les juridictions par rapport à une ville comportant un bâtiment par juridiction.

26.  En fonction de la tradition judiciaire de chaque pays si certaines juridictions sont clairement identifiées l'existence de différents sites n'apparaît cependant pas comme un obstacle à l'accès à la justice.

27.  Le regroupement de différentes juridictions nécessite souvent la création de bâtiments nouveaux. La conception de ces bâtiments est plus complexe, en particulier quand ils comportent une activité pénale qui induit des flux de détenus avec des circulations spécifiques sécurisées.

2.1.3 L'état du bâtiment

28.  L'évaluation technique du bâtiment est un élément essentiel. Lorsque des travaux concernent les structures mêmes du bâtiment, le coût comparé entre rénovation et construction nouvelle penche en faveur de la dernière solution.

29.  Les possibilités de réutilisation d’un bâtiment devront faire l’objet d’un diagnostic technique détaillé et d’une étude de faisabilité architecturale, économique et fonctionnelle.

2.1.4 Les possibilités d’adaptation

30.  Les palais de justice sont souvent des monuments qui présentent un intérêt historique et à ce titre sont protégés par une réglementation qui limite leur modification.

31.  L'adaptation des structures anciennes – des salles avec des plafonds hauts, de grands couloirs… — aux nécessités nouvelles, de la justice, si elle est toujours possible sur un plan technique, peut engendrer des surcoûts tant à la construction qu’à l’exploitation.

2.1.5 La localisation

32.  Les bâtiments de justice sont souvent situés dans le centre-ville où il est rare de disposer de disponibilités foncières pour envisager une extension du bâtiment. Le coût des terrains est souvent sensiblement plus élevé.

33.  La construction de nouveaux bâtiments suppose l'acquisition ou la mise à disposition de terrains de superficie relativement importante qu’on ne pourra souvent trouver que dans des quartiers situés en périphérie du centre-ville. Pour le choix des terrains, il est important d’examiner les perspectives d’évolution urbaine à moyen et long terme de la ville et des quartiers concernés : transfert des pôles d’attraction, évolution des schémas de transports et des plans d’urbanisme. Une bonne desserte par les transports en commun et la proximité de zones de stationnement public sont particulièrement importantes.

2.1.6 Le maintien de la continuité de fonctionnement de l’institution judiciaire

34.  Une rénovation suppose soit de maintenir l'activité sur le site soit de trouver des solutions extérieures provisoires (ci-dessous 7). Ces aménagements peuvent se révéler plus au moins complexes et coûteux à mettre en œuvre et doivent être étudiés parallèlement aux solutions immobilières définitives.

35.  En cas de construction nouvelle, il convient de déterminer si les sites actuels peuvent être maintenus durant la durée de mise en œuvre du projet et s'ils ont la capacité de traiter les flux d'affaires. En particulier, les juridictions situées dans des zones à forte évolution démographique peuvent se trouver en difficulté si un délai trop long s’écoule entre la prise en compte du projet et sa mise en œuvre, pour des raisons budgétaires par exemple.

2.1.7 La prise en compte des ressources budgétaires

36.  L’avantage des opérations de restructuration est qu’elles peuvent être phasées alors que les opérations de construction neuve doivent être financées en totalité pour en avoir les bénéfices.

37.  Outre l’étalement de l’impact financier, le phasage permet également de faciliter les opérations de relogement intermédiaires.

38.  Ce découpage de la réalisation doit être précisé dans le cahier des charges des architectes et la phase d’études doit intégrer la totalité de l’opération afin de bien s’assurer de la cohérence des phases initiales avec le projet final.

39.  L’étalement dans le temps de la réalisation doit cependant rester raisonnable faute de quoi l’évolution réglementaire ou l’évolution des besoins peuvent remettre en question la légitimité du projet initial.

40.  Il est donc très important au vu du total des besoins identifiés dans la phase d’évaluation et chiffrés dans la phase de faisabilité de définir le budget qui sera consacré à l’immobilier, ce qui déterminera directement le volume annuel des opérations pouvant être financées et la durée nécessaire de l’effort d’investissement.

2.2 L'analyse des critères et la mise en place de la politique immobilière

41.  Les interventions principales vont consister à envisager des constructions neuves sur les sites les plus dégradés et les plus contraints et des restructurations lourdes avec extension éventuelle sur les autres sites.

42.  Une hiérarchisation des projets sera à établir en fonction des critères suivants : ressources disponibles, état des bâtiments au vu de la phase d’évaluation, dégradation des conditions de fonctionnement envisageables au vu de l’analyse prospective d’activité, importance de la juridiction notamment.

43.  Certaines interventions plus légères de mises à niveau techniques ou fonctionnelles peuvent également apparaître dans cette phase et alimenter la programmation pluriannuelle de travaux.

44.  Outre la programmation des interventions correctives, il est également nécessaire de prévoir un budget annuel pour les interventions préventives qui permettent d’allonger la durée de vie des composants techniques du bâtiment et de retarder les actions correctives.

45.  L’ensemble de ces interventions constituera le programme immobilier pluriannuel.

46.  Le choix entre construction nouvelle ou rénovation est une décision qui peut s'inscrire dans une dimension plus large que celle fondée sur les critères qui ont été énoncés.

47.  Le palais de justice est un marqueur de l'espace public et à ce titre la construction d'un nouveau bâtiment judiciaire peut résulter d'une volonté des pouvoirs publics de regrouper différents bâtiments publics dans une nouvelle ville ou quartier.

48.  En sens inverse, l'implantation historique d'un palais de justice dans une ville et le maintien de ce bâtiment en ces lieux peut être le critère prédominant au choix.

3. LA PRISE EN COMPTE DE LA SPECIFICITE JUDICIAIRE

3.1 Le bâtiment judiciaire est un édifice public

49.  Le bâtiment judiciaire est une construction publique qui comporte des spécificités. Comme tout bâtiment public, il est soumis à certaines règles (sécurité incendie, nature des matériaux utilisés...) qui ne sont pas énoncées dans le présent document et qui relèvent du champ architectural.

3.2 Le symbolisme judiciaire

50.  Un bâtiment judiciaire est un lieu spécifique où se rend la justice. Dans le modèle du temple grec qui s'est imposé au XIXe siècle, le palais de justice est surélevé, c'est un espace séparé, fermé et sacré. Ce type de bâtiment s’est développé en Europe et même aux États-Unis et il demeure dans les représentations collectives l’image du palais de justice.

51.  Des études[1] ont mis en évidence les éléments communs de ce symbolisme judiciaire et les représentations judiciaires induites.

52.  Le palais de justice classique avec de grands escaliers, d’importantes salles de pas perdus sombres, des statues imposantes produit un effet intimidant pour le justiciable.

53.  Le symbolisme judiciaire s'est renouvelé, il reflète l’évolution de la conception de la justice. L’objectif n’est plus d’écraser par les volumes et les jeux d’ombres le justiciable. Au contraire, les tendances contemporaines favorisent la présence de la lumière dans les bâtiments, un accès aisé pour le public et une symbolique souvent moins massive et plus accueillante pour le justiciable.

54.  Il n’en demeure pas moins qu’un symbolisme judiciaire s’impose, il a pour fonction d'identifier le bâtiment comme étant un lieu de justice, afin de rendre lisible cet espace public particulier. Une attention particulière doit être portée à l'architecture de la façade d'entrée.

55.  À l'intérieur d'une cité judiciaire, le besoin de symbolisme est plus fort en matière pénale que dans le domaine civil, en raison du caractère plus formel des procédures.

56.  Un choix architectural favorisant l’identification extérieure du caractère judiciaire du bâtiment se fera cependant au détriment de sa reconversion ultérieure. Dans l’hypothèse d’un relogement à la suite d'une réorganisation des activités, la valorisation du site existant peut s’avérer une ressource substantielle pour financer le nouvel équipement ou au contraire un frein si sa reconversion est trop compliquée du fait d’une image trop marquée.

Deux exemples de façade de palais de justice : le Palais de justice de Strasbourg, à gauche, exemple de façade classique, et la Cour européenne des droits de l’homme, à droite, exemple de façade contemporaine

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Palais_de_justice%2C_Strasbourg.jpg/320px-Palais_de_justice%2C_Strasbourg.jpg

droits de l'homme

3.3 L'élaboration d'une documentation spécifique pour les architectes

57.  Les règles spécifiques préconisées par le CEPEJ pour les constructions nouvelles d'une part et pour les rénovations d'autre part sont énumérées ci-dessous (5 et 6). Cependant, quelle que soit la nature de la construction, il importe que les architectes soient informés des modalités de fonctionnement des juridictions pour adapter les édifices aux besoins fonctionnels et techniques des juridictions. De même que les utilisateurs doivent être associés au projet.

58.  Le fonctionnement d'une juridiction est complexe pour celui qui est extérieur au monde judiciaire. La présentation du circuit procédural, du rôle de chacun des intervenants doit être effectuée à destination des architectes.

59.  Cette documentation peut prendre en compte les spécificités procédurales. Dans les différents pays d'Europe, les procureurs ou représentants des autorités de poursuites n'occupent pas la même place dans les salles d'audience.

60.  La construction de cette documentation peut être amorcée par un bilan de la qualité d’usage d’un échantillon du parc immobilier existant, en particulier sur les thèmes de l’architecture, de la fonctionnalité, de la sûreté et de l’exploitation maintenance.

61.  Il s’agira de disposer d’un référentiel fonctionnel et technique de la maîtrise d’ouvrage, qui permet d’harmoniser la construction ou la réhabilitation des palais de justice du point de vue de l’organisation interne et des performances.

62.  Ce document servira de base à la rédaction des programmes qui permettront la consultation des maîtres d’œuvre auxquels il est envisagé de confier la réalisation des opérations immobilières.

63.  Il servira également de base à la concertation avec les utilisateurs pour encadrer l’expression de leurs besoins spécifiques tout en s’inscrivant dans un cadre commun.

64.  Il est important que le programme final qui sera donné au concepteur comporte une hiérarchisation des objectifs fixés par le maître d’ouvrage, car la réalisation d’un projet nécessite de procéder à des arbitrages en cas d’incompatibilité entre plusieurs objectifs, compte tenu des spécificités du terrain ou de son environnement par exemple. Dans le cas, les arbitrages ne doivent pas être faits par l’architecte, au vu de sa propre interprétation, mais en fonction de la hiérarchie fixée par la maîtrise d’ouvrage.

3.4 L'association des utilisateurs au projet

65.  Comme pour tout projet architectural, les utilisateurs doivent être associés à la mise en œuvre du projet. En matière judiciaire outre les avis des juges, fonctionnaires qui occupent les locaux, agents chargés de la sécurité, les observations des avocats doivent être recueillies.

66.  En phase de programmation, il est nécessaire d’observer sur place comment s’organisent les activités et de procéder à des entretiens avec un échantillon d’usagers du bâtiment, de personnel de la juridiction et d’assistants de justice.

67.  La constitution d’un comité de pilotage avec éventuellement des groupes de travail thématiques permet d’approfondir la définition des besoins et l’adéquation avec le projet.

68.  Les avis du comité hygiène et sécurité ainsi que celui du médecin du travail peuvent également utilement être recueillis.

69.  En parallèle, un plan de communication peut également être mis en place pour informer sur l’avancement du projet, sur les dispositions qui vont améliorer les conditions de travail et d’accueil du public et sur les éventuelles nuisances pendant la construction. Cette communication peut prendre la forme d’un publipostage, d’un site internet dédié ou de lettre d’information périodique.

4. LA CONSTRUCTION DE BATIMENTS NEUFS

4.1 L'accessibilité au bâtiment judiciaire

4.1.1 Un accès simplifié quel que soit le moyen de transport

70.  Le choix du site est souvent fonction des réserves foncières disponibles ou de plans d'aménagement public. Cependant afin de faciliter l'accès du citoyen au service public de la justice il est essentiel que le site judiciaire soit desservi par des transports en commun. La proximité de parcs de stationnement publics est aussi indispensable et dans la mesure du possible l'aménagement d'un lieu de stationnement limité à la dépose rapide de personnes.

71.  L'accès piéton doit être dégagé et facilement identifiable.

4.1.2 L'accès aux personnes à mobilité réduite

72.  Une attention particulière doit être portée à ce public. Les entrées surélevées peuvent constituer une première difficulté même en présence de plans inclinés.

4.1.3 L'information sur l'accès au bâtiment judiciaire

73.  Les informations sur les conditions d'accès au tribunal doivent pouvoir être disponibles pour le public. Sur le site internet de la juridiction, il est utile pour les justiciables de trouver des indications concernant la localisation de la juridiction, les moyens de transport, les horaires d'ouverture, la distribution des salles d'audience, les horaires des audiences, etc.

74.  Le palais de justice doit également être clairement identifiable depuis l’espace public extérieur, soit par la symbolique de son architecture, soit par le biais d’un signal disposé à proximité de l’entrée comme un totem extérieur ou un mât avec des drapeaux, soit par le biais d’un enseigne de taille suffisante sur la façade. Un panneau d’information situé à l’entrée doit indiquer les heures d’ouverture au public avec une boîte aux lettres à proximité pour permettre au justiciable de déposer des documents qui seraient sinon envoyés par courrier ordinaire en cas de fermeture.

75.  Une concertation avec les services techniques locaux doit également permettre d’étudier et de mettre en place le jalonnement directionnel adéquat pour guider l’accès au bâtiment à partir des axes routiers principaux.

4.2 L'accueil du justiciable

4.2.1 Une architecture pour le justiciable

76.  Le citoyen qui pénètre dans un lieu de justice a souvent l'impression d'entrer dans un monde inconnu. Face à cette inquiétude présente chez un grand nombre les lieux doivent être rassurants et l'accueil renforcé.

77.  Les palais de justice classiques par leur monumentalité imposent la puissance de la loi et de la justice au public et intimident le citoyen. L'architecture contemporaine tend à développer de nouveaux espaces par le recours à la lumière naturelle et à des matériaux variés. Ce type de bâtiment favorise un comportement apaisé du public qui entre dans le tribunal.

4.2.2 Des espaces d'accueil

78.  Dès son entrée dans le tribunal, la personne qui se présente doit bénéficier d'un espace d'accueil où il peut recevoir trois types d'informations : orientations dans le tribunal, informations sur l'état d'une procédure et d'informations sur l'accès au droit.

79.  L'espace d’accueil directionnel doit permettre la réception et l'orientation du public valide ou handicapé avec par exemple des banques d'accueil à deux niveaux, la mise à disposition de boucles magnétiques pour les malentendants. Cet accueil directionnel peut être renforcé par la diffusion d’informations sur des écrans relatives à la répartition des audiences, aux horaires, ou aux parties concernées. Par ailleurs, le fléchage directionnel peut s’accompagner d’un marquage au sol (avec des lignes à suivre) ou d’une signalétique renforcée en particulier dans les bâtiments qui comprennent plusieurs juridictions différentes.

80.  C’est essentiel que du personnel dédié à l’accueil soit physiquement présent, pour répondre à des questions d’usagers qui pourraient se sentir intimidés, et ainsi les apaiser.

81.  Un autre espace d'accueil confidentiel est réservé aux informations sur l'état d'une procédure et/ou sur des informations relatives à l'accès au droit. Cet accueil est effectué par du personnel dédié ou des permanences organisées entre les différents services, des avocats et des associations extérieures dans des locaux aménagés permettant de recevoir une ou plusieurs personnes.

82.  Dans chaque tribunal, il convient de déterminer les tâches qui peuvent être confiées au service d'accueil et d'y affecter le personnel compétent. La présence d’agents d’accueil est essentielle, elle permet de répondre à des questionnements de justiciables souvent intimidés et ainsi d’apaiser les comportements.

83.  Cet accueil s'articule avec les informations qui peuvent être données sur un site internet ou par téléphone.

4.2.3 Une signalétique et un affichage des informations pratiques

84.  La signalétique est particulièrement importante dans un bâtiment judiciaire et ce d'autant que le citoyen a souvent l'impression d'être désemparé pour traiter sa procédure et encore plus pour s’orienter.

85.  Les informations pratiques sur le calendrier des audiences peuvent être diffusées à l'aide de panneaux d'informations sur des écrans électroniques.

86.  Dans les juridictions les plus importantes, la remise par l'espace d'accueil d'un imprimé comportant un plan des services s'effectue. La présence d'agents d'accueil et d'orientation au-delà de l'espace d'accueil est une aide appréciable pour le public.

4.3 La fonctionnalité du bâtiment

4.3.1 La détermination de zones

87.  Trois zones principales sont à définir, la première recevant le public, la deuxième réservée au personnel judiciaire et la dernière étant sécurisée. Les mesures de sécurité et la circulation dans le bâtiment sont fonction de ces différentes zones.

4.3.2 Les espaces réservés au personnel de justice

88.  De manière permanente, un personnel participe au fonctionnement de la juridiction. Cette dimension est parfois sous-évaluée dans le projet architectural centré sur le geste architectural du bâtiment, l'architecture de la façade d'entrée, celle de la salle des pas perdus ou des salles d'audience. L’élaboration d'une documentation spécifique pour les architectes (ci-dessus 4.3) constitue un point d'appui pour faciliter l'aménagement de cette zone.

89.  La concertation des architectes avec les utilisateurs est encore plus prégnante pour la détermination de la taille des bureaux, de leur distribution en fonction des circuits de procédure, des aménagements d'espaces de rangement ou de réunion.

90.  Ces espaces doivent répondre aux caractéristiques communes à tout espace tertiaire : agencement, ergonomie, luminosité.

91.  Ils comportent dans un premier temps les postes de travail des professionnels qui intègrent le mobilier de bureau et l’espace de rangement des dossiers vivants rattachés à ce poste de travail et l’espace nécessaire à l’accueil de visiteurs le cas échéant, voire du matériel technique si nécessaire (pour l’enregistrement des auditions par exemple).

92.  Différentes conceptions de ces espaces de travail sont envisageables suivant les méthodes de travail spécifiques envisagées :

·         le travail de réflexion sur dossier qui est mené particulièrement par le juge sera favorisé avec un aménagement en bureaux individuels bien isolés les uns des autres.

·         le travail collégial en équipe sera favorisé avec des espaces comportant des postes de travail multiples pouvant aller jusqu’à des conceptions de type « open space ».

·         une conception mixte est également possible avec des bureaux individuels d’une part et des salles de travail permettant le travail collégial d’autre part. Dans ce cas pour maîtriser la surface totale affectée aux postes de travail, il est possible d’envisager un partage des postes de travail de type « hot desking » permettant le partage d’un poste de travail entre plusieurs agents. Un nombre de salles de réunion adéquat aux besoins est aussi à prévoir.

93.  Chacun de ces partis d’aménagement nécessite des exigences techniques et une ergonomie spécifiques pour fournir un cadre de travail satisfaisant.

94.  Il est également judicieux de définir un ratio type de surface de travail à prévoir pour chaque poste de travail dans la documentation technique pour maîtriser cette surface lors de la mise au point du programme.

95.  L’effectif total du personnel à prendre en compte doit intégrer la prospective issue de la réflexion liée à l’évolution de la carte judiciaire ainsi que les postes de travail des stagiaires et des personnels non permanents (associations ou services extérieurs par exemple). Le pourcentage à affecter aux bureaux de passage peut être fixé à environ 15 % des surfaces des postes de travail permanents.

 

4.3.3 La prise en compte d'espace de services

96.  Le bâtiment comme tout édifice public comporte des locaux techniques qui répondent aux normes en vigueur dans chaque État. La spécificité judiciaire a trait aux besoins d'archivage de dossiers et de conservation de pièces à conviction. Dans un grand nombre de pays, les règles procédurales impliquent de conserver des documents ou pièces pendant plusieurs années et les locaux prévus à cet effet se révèlent très souvent sous-dimensionnés.

97.  Les circuits logistiques doivent être étudiés avec attention pour permettre l’accès des véhicules de livraison, leur déchargement et l’acheminement vers les locaux de stockage avec des chariots roulants.

98.  Certains services au public et au personnel sont également à prévoir, par exemple les crèches, les lieux de restauration et de pause, les fontaines à eau, les bornes WiFi ou les bibliothèques.

4.3.4 Un espace spécifique pour les avocats

99.     Compte tenu du rôle essentiel exercé par les avocats dans les différentes procédures, il convient de prévoir des locaux spécifiques dans les juridictions avec des zones de confidentialité afin de leur permettre de rencontrer leurs clients.

4.4 La sécurité dans le bâtiment

4.4.1 Des degrés de sécurité différents en fonction des contentieux

100.   La multiplication des agressions physiques et verbales au cours de ces dernières années a conduit à chercher à renforcer la sécurité au sein des tribunaux. Il appartient de définir pour chaque juridiction en fonction de la nature des contentieux traités le niveau de sécurité adapté ou de différencier au sein d'un même bâtiment des degrés de sensibilité permettant de déterminer des zones avec des mesures de sécurité croissantes. Ainsi les juridictions ayant en charge les procédures de criminalité organisée doivent bénéficier de mesures renforcées y compris dans certains espaces comme le parc de stationnement réservé au personnel de justice.

101.   Des postes particulièrement exposés sont les postes dédiés à l’accueil du public. Il semble utile d'équiper ces postes d’une séparation physique entre le personnel et le public. Ces aménagements ne doivent cependant pas dégrader la qualité de l’accueil du public par l’interposition d’équipement technique introduisant des difficultés de communication (par exemple des hygiaphones). Des systèmes pouvant être manœuvrés comme des vitres coulissantes peuvent permettre d’adapter le niveau d’isolation au besoin du personnel et au contexte du moment. Il peut être également envisagé l'installation de systèmes simples permettant le passage de documents.

102.   Les bureaux permettant un accueil individuel du public ou son audition sont également fortement exposés. Dans la conception de ces locaux, il est utile de prévoir un accès pour le justiciable et un accès pour le personnel à l’opposé qui permettra de servir d’issue en cas de menace.

103.   Des salles spécialement aménagées (sécurité renforcée, sorties différentes) doivent être programmées. Elles doivent être réservées au traitement de certaines affaires, mêmes civiles, pour lesquelles il est à craindre des violences entre les parties ou à l'égard des professionnels de justice.

104.   Des dispositifs d’appel d’urgence relié à l’accueil ou au poste de sécurité permettront quant à eux une intervention extérieure.

4.4.2 Des mesures de sécurité différentes selon les zones

105.   La détermination des trois zones (public, réservé, sécurisée) permet de fixer des mesures de sécurité différentes pour accéder à ces zones.

106.   L'accès à l'espace public peut être libre ou contrôlé avec passage par un portique de sécurité. Pour la partie réservée aux professionnels, un système de filtrage (personne convoquée, présentation de carte professionnelle) ou de badge permet une limitation de l'accès.

107.   La zone sécurisée comprend les lieux où sont retenues des personnes conduites sous escorte. En fonction de la taille de la juridiction, un ou plusieurs lieux peuvent être ainsi sécurisés. Ces zones bénéficient d'une sécurité renforcée avec un accès limité et autonome.

4.5 La circulation dans les locaux

4.5.1 La détermination de zone

108.   La distinction des trois zones permet de limiter les flux de circulation au sein du bâtiment. Il convient de procéder à une analyse des services au public à prévoir en zone publique : audiences publiques, audiences de cabinet, conciliations, accueil assis pour enregistrement de procédures. Le principe est de limiter l’accès du public à la zone réservée du bâtiment et de prévoir des locaux dans la zone publique vers lesquels les magistrats et les fonctionnaires du tribunal se déplaceront pour assurer les services au public. Le juge doit pouvoir travailler sereinement sans que tout justiciable puisse avoir accès à son bureau.

4.5.2 Des circuits différenciés

109.   Dans la mesure du possible, il convient de différencier les circuits concernant le public, le personnel et les détenus.

110.   Un circuit détenu spécifique et autonome est impératif pour garantir la sécurité. Des entrées spécifiques peuvent être prévues pour le personnel en fonction de la taille de la juridiction.

111.   Au sein du tribunal, un circuit spécifique doit permettre au personnel de justice d'accéder aux salles d'audience et au besoin, selon les traditions nationales, de distinguer les entrées « juges » et « procureurs » afin de marquer la différence entre les magistrats du siège et ceux du parquet.

112.   Il importe aussi de prévoir une circulation spécifique ou commune à celle du personnel de justice pour les jurés et les témoins vulnérables.

4.5.3 Le déplacement des personnes à mobilité réduite

113.   Ce paramètre est à prendre en compte non seulement pour la détermination des circuits publics, mais aussi pour les circulations des détenus et des professionnels de justice.

4.6 Les espaces d'audiences

4.6.1 Nombre et taille des salles d'audience

114.   Le nombre de salles d’audience est à déterminer en fonction d’un programme prévisionnel d’audiences basé sur le volume des affaires traitées des juridictions concernées. Une mutualisation des salles entre les différentes juridictions permet de limiter l'espace dédié à cette fonction. Dans l'évaluation des besoins, il importe de prévoir une réserve pour l’accroissement de l’activité (30 % par exemple).

115.   La taille des salles d'audience doit être adaptée à la nature des contentieux traités. Il ne semble pas nécessaire de prévoir une salle d'audience réservée pour des affaires avec une affluence exceptionnelle, mais plutôt une salle équipée d’un mur mobile de séparation avec la salle des pas perdus pour utiliser cet espace comme auditoire en cas d’audience avec affluence exceptionnelle.

4.6.2 Les différentes salles d'audience

116.   Il existe en Europe différentes conceptions des salles d'audience (place du ministère public, des témoins, surélévation) dont il appartient à chaque État de définir les règles.

117.   D'une manière générale, il convient de relever les points suivants :

118.   Pour la matière pénale, la spécificité réside dans un accès détenu autonome avec la présence d'un box sécurisé dans la salle pénale pour le ou les détenus et leur escorte. Le box doit éviter le contact physique avec l’auditoire ou le jet d’objets — niveau de protection antieffraction — tout en étant compatible avec la communication du  détenu avec son avocat, en position assise ou debout. Dans la mesure du possible, la salle devrait être organisée de manière à permettre un espace séparé pour les témoins.

119.   Pour traiter les contentieux civils, soit il est recouru à des salles d'audiences classiques, soit à des salles où les justiciables sont au même niveau que les juges et avocats et assis autour d'une même table. Ce dernier type de salle est souvent en nombre insuffisant.

120.   Une attention particulière doit être portée sur la conception de salles de conciliation ou de médiation dès lors que ce type de règlements des conflits se développe.

4.6.3 L'aménagement des salles d'audience

121.   La qualité de l'acoustique est déterminante pour le suivi de l'audience par le public. Il est important d’éviter une réverbération excessive et de prévoir un système de sonorisation pour les salles de grande taille.

122.   La salle d'audience doit être pourvue de moyens pour visionner films ou supports informatiques.

123.   Certaines salles d'audience doivent être conçues pour un recours à la visioconférence.

124.   Il importe que les parties puissent communiquer directement avec leurs conseils sans être entendues.

125.   Dans certains pays émerge une justice de cabinet, par exemple en matière d'affaires familiales. Le traitement deces procédures suppose que les parties soient reçues dans un lieu permettant de préserver le caractère intime de la matière abordée. Des bureaux, des petites salles d'audience ou de réunion spécialement dédiés à ce type de justice de cabinet pourraient être aménagés dans des espaces qu'il convient de distinguer des bureaux de juge.

4.6.4 L'aménagement de salles d'attente

126.   Il importe de prévoir des espaces d’attentes et de circulation suffisamment dimensionnés en fonction du nombre de salles d’audience prévues. L’espace de distribution principal (salles des pas perdus) pourra utilement être conçu avec des zones distinctes suivant le type d’audiences : publiques, affaires familiales, audiences de juges spécialisés.

127.   Pour les salles d’audience d'affaires familiales ou de cabinet, il est préférable de prévoir des salles d’attente distinctes pour les deux parties. Pour les salles consacrées à des audiences pénales publiques, une salle d’attente spécifique pour les témoins doit être aménagée.

128.   Il convient de porter une attention particulière aux victimes d'infractions pénales et d'aménager au besoin des d'attentes spécifiques.

4.6.5 Les autres lieux utiles

129.   Des lieux préservant la confidentialité réservés aux entretiens pour les justiciables avec leur avocat à proximité des salles d’audience présentent une utilité. Il en est de même d'une salle de presse.

130.   Pour les justiciables qui sont en attente, il convient de prévoir la présence d’un nombre de toilettes et des distributeurs de boissons adaptés aux besoins de la juridiction.

5. INTEGRER LES PERSPECTIVES D’EVOLUTION DU BATIMENT

5.1 Constituer une réserve foncière

131.   Les délais entre la conception et l'achèvement d'un bâtiment ne permettent pas toujours d'intégrer des évolutions des juridictions. La constitution d'une réserve foncière permet d'envisager une extension.

5.2 Favoriser la modularité

132.   Les réorganisations fonctionnelles sont fréquentes dans le domaine judiciaire et nécessitent une adaptation régulière des locaux.

133.   Pour faciliter ces nouveaux cloisonnements, il est judicieux de privilégier les bâtiments de trame régulière ainsi que les cloisons et les plafonds démontables dans les zones tertiaires.

134.   De la même façon, il est intéressant de concevoir les salles d’audience pour qu’une grande salle puisse être redécoupée en deux petites salles et que ces salles puissent être réunies pour former une grande salle.

5.3 Intégration du coût de la maintenance

135.   Certains choix architecturaux impliquent des coûts de maintenance élevés difficilement supportables par la suite. Tel est le cas par exemple de grandes surfaces vitrées qui nécessitent des moyens d'entretien spécifiques ou de plans d'eau difficiles à entretenir.

5.4 La prise en compte du développement durable

136.   Cette donnée est désormais intégrée dans la plupart des constructions publiques. Un bâtiment judiciaire avec des lieux comportant des volumes importants comme les salles d'audience ou la « salle des pas perdus » engendre des dépenses de chauffage et d'éclairage qu'il convient de maîtriser.

137.   Durabilité et facilité d’entretien : le choix des matériaux sera fait après examen de leur durabilité au vu notamment de l’usage spécifique du bâtiment.

138.   Des systèmes de contrôles des performances des systèmes de chauffage, de rafraîchissement, de ventilation et d’éclairage seront mis en place.

139.   Limitation des consommations d’énergie : une attention particulière sera apportée à la performance de l’isolation de l’enveloppe du bâtiment et au rendement des équipements techniques (chauffage, rafraîchissement, ventilation et éclairage).

140.   Confort et santé : une attention particulière sera apportée à la conception des protections solaires, à la stabilité des températures en différenciant les circuits suivant l’exposition des façades, à la qualité de l’éclairage naturel et au contrôle de la vitesse de l’air de ventilation.

5.5 La logistique pour les nouvelles technologies

141.   Les supports logistiques doivent permettre une adaptation aux nouvelles technologies. En l’état actuel, peu de juridictions sont aménagées afin de recourir à la visioconférence. Il convient de concevoir des salles d’audience dans lesquelles les dispositifs sont intégrés afin d’assurer un déroulement normal des débats et que chacun des participants dispose d'une vision complète.

142.   Par ailleurs, les connexions ou câblages des réseaux doivent être envisagés en fonction des évolutions technologiques prévisibles.

143.   Un accès gratuit à Internet par un réseau Wi-Fi devrait être encouragé dans les espaces d’accueil du public.

5.6 La reconversion à d’autres usages

144.   Dans l’hypothèse où la politique immobilière conduit à abandonner un bâtiment affecté à l’activité judiciaire, sa réutilisation à d’autres usages dépendra fortement de sa conception architecturale plus ou moins marquée par le symbolisme judiciaire. En effet, un bâtiment modeste n’abritant qu’une juridiction civile sera conçu de manière assez proche d’un bâtiment tertiaire classique et donc plus facile à reconvertir qu’une cité judiciaire intégrant une fonction pénale et comportant des circuits de circulation séparés et de grandes salles d’audience sécurisées.

145.   La réflexion liée à la modularité à envisager des espaces détaillée dans le point 6.2 participera cependant également à faciliter la reconversion ultérieure d’une cité judiciaire.

6. LES RENOVATIONS DES BATIMENTS EXISTANTS

6.1 La rénovation complète

6.1.1 Spécificité des chantiers dans les bâtiments qui restent en exploitation

146.   La solution la plus simple pour maintenir le fonctionnement de la juridiction est d’envisager un relogement complet pendant les travaux, ce qui permet d’éviter à gérer la co-activité avec le chantier.

147.   Cependant, vu les contraintes réglementaires qui s’appliquent aux établissements recevant du public, celles liées à séparation des flux pour préserver la sûreté du personnel et la nécessité de disposer de salles d’audience de grands volumes, le relogement complet de la juridiction n’est pas toujours envisageable, soit par impossibilité de trouver un bâtiment adapté dans le ressort du tribunal, soit par impossibilité de financer l’adaptation d’un bâtiment à l’usage judiciaire pour un relogement provisoire, en plus des travaux  sur le bâtiment existant.

148.   Une solution intermédiaire est d’externaliser au moins partiellement des surfaces tertiaires pour réaliser les travaux par phases. On réalise dans ce cas des opérations dites « tiroirs » en relogeant les services les uns après les autres. Ces relogements peuvent se faire dans un immeuble de bureaux à proximité du palais de justice ou dans des bâtiments modulaires si on dispose de réserves foncières sur le site existant. Les salles d’audience sont restructurées également les unes après les autres pour limiter au maximum la baisse de capacité d’audience de la juridiction. Il est éventuellement possible de prévoir une salle d’audience de capacité réduite dans les locaux servant au relogement provisoire. Plus les « tiroirs » sont petits, plus le délai du chantier est allongé.

149.   Lors des opérations « tiroirs » avec maintien du bâtiment en exploitation partielle, il est important de bien assurer la séparation des zones en chantier des zones en exploitation, tant pour la sécurité du public que pour la bonne cohabitation des activités :

·              mise en place d’accès et de circulations séparées : les zones en chantier doivent disposer d’un accès séparé en liaison avec une zone d’approvisionnement et de stockage des matériaux et des déchets.

·              dispositifs pour assurer la circulation des ouvriers et des matériaux en dehors des zones ouvertes au public : escaliers extérieurs provisoires, monte-charges, goulottes d’évacuation, etc.

·              cloisonnements provisoires pour assurer une bonne isolation à la poussière et au bruit de la zone exploitée par rapport au chantier. Le cas échéant, une adaptation des issues de secours sera nécessaire.

6.1.2 Une concertation sur le déroulement des travaux

150.   Une bonne concertation avec le chef d’établissement doit être assurée pendant les études pour prévoir les dispositifs nécessaires aux cahiers des charges des entreprises.

151.   Les travaux avec les plus fortes nuisances pourront être programmés en dehors des heures d’ouverture au public, le soir ou le week-end. Les entreprises doivent être informées de ces dispositions pour ne pas s’exposer à des réclamations en cours de chantier. L’impact sur le calendrier des audiences doit également être mesuré en vue d’adapter les convocations des justiciables dans les délais réglementaires.

152.   Cette concertation doit se poursuivre pendant le chantier avec la mise en place d’une cellule de coordination intégrant le maître d’œuvre des travaux et des représentants du chef d’établissement afin d’assurer une bonne communication en amont de chaque phase de travaux et une coordination du plan des travaux et des activités de la juridiction. Il est également utile d’intégrer l’entreprise chargée de la maintenance du site au sein de cette cellule pour programmer les interventions nécessaires sur les installations techniques existantes (coupures, isolements, purges, mise en eau, etc.).

6.1.3 Adaptation de la documentation de référence

153.   La documentation de référence pour les architectes sera la même que celle des constructions neuves.

154.   Le niveau d’exigences fonctionnelles, techniques et réglementaires devra cependant souvent être adapté aux possibilités d’aménagement du bâtiment pour rester dans des limites budgétaires raisonnables sachant par ailleurs que le risque d’aléa technique est sensiblement plus élevé dans la restructuration d’un bâtiment existant par rapport à la construction d’un bâtiment neuf.

6.2 La mise aux normes

155.   Il s’agit d’interventions partielles destinées à répondre à une obligation réglementaire ou technique.

6.2.1 La programmation des travaux

156.   Il convient de bien identifier les domaines d’intervention prioritaires pour optimiser les crédits disponibles. Ces priorités peuvent être diffusées par le biais d’une circulaire annuelle visant à recenser les propositions d’inscription à la programmation pluriannuelle. Elle s’appuie sur l’actualité réglementaire et sur l’analyse de l’état du patrimoine par le biais des évaluations définies en 2.1. Les points principaux concernent l’accessibilité aux personnes handicapées, les économies d’énergie et la sécurité incendie.

6.2.2 L’accessibilité aux personnes handicapées

157.   La recommandation 1592 et la résolution 1642 de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe préconisent l’aménagement de l’environnement bâti pour le rendre accessible aux personnes handicapées en appliquant les principes de la conception universelle et en évitant la création de nouveaux obstacles.

158.   Une première phase à envisager est de procéder à un audit systématique de l’ensemble du patrimoine de manière à pouvoir définir un indice d’accessibilité du patrimoine, une liste d’actions de mise en conformité à envisager et un chiffrage de leur coût. Les opérations prioritaires concerneront les bâtiments avec les indices d’accessibilité les plus faibles, accueillant le plus de public.

159.   Une seconde phase consiste à engager des études de faisabilité détaillées sur les sites prioritaires. S’agissant souvent d’un patrimoine ancien, soumis à des mesures de protection au titre du patrimoine, les interventions structurelles sur les accès et les circulations verticales sont complexes et coûteuses. Préalablement à une intervention de mise aux normes globales, il est nécessaire d’engager une réflexion sur l’organisation fonctionnelle du bâtiment et le rapprochement des services recevant le plus de public de l’accès au bâtiment.

160.   Ce genre de réorganisation participe également à l’amélioration de la sûreté dans le bâtiment en limitant l’accès du public dans les zones tertiaires neuves.

161.   Par ailleurs, l’étude de différents scénarios de mise aux normes peut servir de base à une discussion avec les services chargés de la protection du patrimoine et ceux chargés de la réglementation en faveur des handicapés de manière à aboutir à des projets qui pourront obtenir un permis de construire. Cette phase peut aussi permettre d’aboutir à des solutions dérogatoires validées par les services instructeurs et moins coûteuses qu’une mise aux normes conforme à la réglementation.

162.   En cas de contraintes budgétaires fortes, un phasage des interventions est à envisager en fonction de l’importance des fonctions à mettre aux normes pour le public suivant un ordre qu’on peut proposer de la façon suivante :

·         l’accès au bâtiment

·         le poste d’accueil du public

·         une salle d’audience par typed’usage (pénale, civile de cabinet)

·         des sanitaires à proximité de l’accueil et des salles d’audience

163.   Outre les interventions liées à l’accessibilité des personnes en fauteuil roulant, les interventions liées aux autres handicaps sont à prévoir : amélioration de l’éclairage et de la signalétique pour les malvoyants, mise en place de boucles magnétiques pour les malentendants, adaptations des poignées de porte et des hauteurs d’interrupteur par exemple. Bien souvent, ces interventions participent également à une amélioration de la qualité de l’accueil du public en général.

6.2.3 La prise en compte du respect de l’environnement

164.   Une politique efficace à ce sujet devra s’appuyer sur des actions concertées entre l’exploitation, la maintenance et les travaux d’investissement sur les bâtiments

165.   Concernant l’exploitation, une démarche de sensibilisation des occupants des bâtiments par les chefs d’établissement sur les enjeux, les objectifs, les actions à mettre en place et les résultats obtenus sera un préalable.

166.   Une démarche de limitation des équipements individuels à forte demande énergétique pourra alors être impulsée concernant notamment la limitation des chauffages et des éclairages d’appoint, des imprimantes individuelles, ou des théières et des cafetières individuelles.

167.   Une volonté de respecter des consignes de températures d’été comme d’hivers raisonnables ainsi que des débits de ventilation réglementaire pourra également être affichée et mise en application.

168.   Concernant la maintenance, l’introduction de clauses de performance dans les contrats permettra une évolution des pratiques en intéressant les entreprises aux économies générées par rapport à une situation de référence : respect des consignes de températures et de ventilation, mise en place de compteurs et de système de programmation horaire, remplacement des sources d’éclairage, mise en place de systèmes de récupération de chaleur, récupération des eaux de pluie pour l’arrosage, limitation des chauffe-eau pour le lavage des mains, etc.

169.   La politique d’investissement sur le patrimoine permettra de mettre en œuvre les actions les plus lourdes en recherchant l’optimisation du rapport entre les dépenses et les économies générées.

170.   Une première phase de cette politiqueconsiste à collecter les consommations d’électricité et de gaz par bâtiment. L’identification des sites à enjeux est déterminée au vu de la consommation totale de chaque site et de sa consommation par m2.

171.   Au vu de la consommation totale du patrimoine, il est possible de se fixer un objectif global de baisse de consommation.

172.   Les priorités d’intervention concerneront les sites à forte consommation ayant la consommation par m2 la plus élevée. Il est inutile de chercher à respecter l’objectif de réduction pour chaque bâtiment.

173.   Les interventions porteront sur l’isolation de l’enveloppe ou l’optimisation des équipements techniques.

174.   Pour les sites les plus simples, l’analyse s’appuiera sur les évaluations définies au 2.1. Pour les sites les plus complexes identifiés comme prioritaires, des audits détaillés seront menés pour définir et chiffrer les plans d’action.

175.   Il convient de prendre en compte les temps de retour des actions d’optimisation pour établir le programme d’intervention (coût d’investissement divisé par économie de consommations). À cet égard, on peut noter que les temps de retour sur les équipements sont sensiblement plus courts que ceux sur l’isolation de l’enveloppe.

176.   Parmi les actions intéressantes concernant les équipements, par ordre de priorité, on trouve le remplacement de la production de chaleur ou de froid, la mise en place de programmation horaire, l’optimisation des débits de ventilation, le remplacement des luminaires ou la mise en place de programmateurs ou de détection de présence sur l’éclairage.

177.   Parmi les actions intéressantes sur l’isolation de l’enveloppe, par ordre de priorité, on trouve l’isolation des toitures, l’isolation des planchers, l’isolation des murs et le remplacement des menuiseries extérieures. Pour cette dernière action, compte tenu de temps de retour très longs, elle est essentiellement justifiée en cas de mauvais état.

 

6.2.4 Sécurité incendie

178.   La réglementation relative à la construction définit précisément les règles à respecter dans les bâtiments qui reçoivent du public.

179.   La réalisation des contrôles périodiques permet d’actualiser la situation du bâtiment par rapport à la réglementation et à apporter les mesures correctives.

180.   En cas d’intervention importante sur le bâtiment, les autorités chargées de l’application de la réglementation incendie peuvent exiger une mise à niveau plus lourde du bâtiment.

181.   Dans ce cas, il ne faut pas chercher une mise aux normes du bâtiment, mais au vu d’un diagnostic de sécurité incendie proposer une mise en sécurité du bâtiment en proposant le cas échéant des mesures compensatoires pour compenser des situations dérogatoires à la réglementation qui seraient techniquement ou financièrement trop lourdes à mettre en œuvre. La mise au point de ces projets de mise en sécurité suppose une concertation étroite avec les services chargés de la sécurité incendie dans les bâtiments publics.



[1] GARAPON Antoine, Bien juger, essai sur le rituel judiciaire, Odile Jacob (2010) ; GARAPON Antoine, Imaginer le palais de justice du XXIe siècle, Institut des hautes études sur la justice, 2013 ; MULCAHY Linda, Legal architecture, Routledge (2011); RESNIK Judith, CURTIS Dennis, Representing Justice, Yale University Press (2011)