CCJE(2014)2

NB_CEStrasbourg, 24 octobre 2014

                               

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS (CCJE)

AVIS N°17 (2014)

SUR L'ÉVALUATION DU TRAVAIL DES JUGES, LA QUALITÉ DE LA JUSTICE

ET LE RESPECT DE L'INDÉPENDANCE JUDICIAIRE

PARTIE I. INTRODUCTION

A.   Objet de l’Avis 

1.    L’État de droit dans une démocratie exige non seulement que la justice soit indépendante mais aussi que soient mis en place de tribunaux compétents qui prennent des décisions judiciaires de la meilleure qualité possible. Le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) a toujours accordé une grande attention à deux questions fondamentales. La première est la protection de l’indépendance des juges[1]; la seconde concerne les moyens de maintenir et d’améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes judiciaires[2]. L’évaluation individuelle des juges est pertinente pour ces deux questions. Dans cet Avis,  l'expression «évaluation individuelle des juges» comprend l'évaluation du travail et des capacités professionnelles des juges individuels.

2.    Conformément au mandat qui lui est confié par le Comité des Ministres, le CCJE a décidé de consacrer cet Avis à la façon dont l'évaluation individuelle du travail des juges peut améliorer la qualité de la justice sans porter atteinte à l'indépendance judiciaire. Cet Avis porte essentiellement sur l’évaluation individuelle des juges en exercice ; il ne concerne pas la nomination initiale des juges[3] ou leur formation initiale[4]. Bien qu’il porte sur la relation entre la procédure disciplinaire et l’évaluation, cet Avis ne traite pas principalement des questions de discipline ou de responsabilité pénale[5], ni ne porte sur l'évaluation du system judiciaire d'un pays dans son ensemble ou l’évaluation des tribunaux dans un système judiciaire. Ces derniers sont des sujets importants en soi qui soulèvent d'autres questions et perspectives importantes.

3.    Le présent Avis a été élaboré sur la base des avis antérieurs et la Magna Carta des juges (2010) du CCJE et les instruments pertinents du Conseil de l’Europe, notamment la Charte européenne sur le statut des juges (1998) et la Recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des Ministres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités (ci-après la Recommandation CM/Rec(2010)12). Il tient également compte des Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature (1985), les principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire (2002), le rapport général[6] de l'Union Internationale des Magistrats (UIM) (2006) (ci-après rapport général de l’UIM), les Recommandations de Kyiv de l'OSCE sur l’indépendance des juges en Europe orientale, dans le sud du Caucase et en Asie centrale (2010) - l'administration judiciaire, sélection et  responsabilité (ci-après les Recommandations de Kyiv), ainsi que le Rapport 2012-2013 du Réseau européen des Conseils de la justice (RECJ) sur des normes judiciaires minimales concernant l'évaluation de la performance professionnelle et l'inamovibilité des membres de la magistrature (ci-après le Rapport du RECJ). Il tient compte des réponses des États membres au questionnaire sur l’évaluation et l’appréciation individuelles des juges en exercice, et d’un rapport préparatoire de l’experte désignée par le CCJE, Mme Anne SANDERS (Allemagne).

 

B.   Principales fonctions du juge comme l’objet de l’évaluation

4.    Les juges remplissent des fonctions indispensables dans toute société démocratique respectueuse de l’État de droit[7]. Ils doivent protéger les droits et libertés de toute personne de la même manière. Ils doivent agir en vue de garantir un règlement efficace des litiges à un coût raisonnable[8] et rendre des décisions en temps opportun et en toute indépendance, en se conformant au seul droit. Leurs décisions doivent être motivées[9] et rédigées dans un langage clair et compréhensible[10]. De plus, les décisions judiciaires contraignantes doivent être exécutées de manière effective[11]. L’indépendance des juges ne signifie pas que ces derniers ne doivent pas rendre compte de leur travail. Le CCJE insiste sur l’importance de maintenir et d’améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes judiciaires dans l’intérêt de tous les citoyens[12]. Lorsqu’elle est pratiquée, l’évaluation individuelle des juges devrait avoir pour objectif d’améliorer le système judiciaire afin d'en garantir la meilleure qualité possible. Cet exercice doit se faire dans l’intérêt du public dans son ensemble.

C.   Primauté de l’indépendance : de la difficulté de concilier évaluation et indépendance des juges

5.    L’indépendance des juges est une condition préalable à la sauvegarde de l’État de droit et à la garantie fondamentale d’un procès équitable[13]. Comme l’a indiqué le CCJE dans ses avis antérieurs, l’indépendance des juges peut être compromise par différents facteurs qui risquent d’avoir un impact négatif sur l’administration de la justice[14], par exemple le manque de ressources financières[15], des problèmes concernant la formation initiale et continue des juges[16], des éléments non satisfaisants liés à l’organisation du système judiciaire ou encore la responsabilité civile et pénale éventuelle des juges[17].

6.    Par conséquent, la règle fondamentale pour toute évaluation individuelle des juges doit être le respect total de l‘indépendance judiciaire[18]. Lorsqu’une évaluation individuelle a des répercussions sur la promotion, le salaire ou la retraite du juge, voire entraîne sa révocation, le juge évalué risque de ne pas rendre la justice en s’appuyant sur l’interprétation objective des faits et du droit, mais en agissant de manière à plaire aux évaluateurs. Par conséquent, l’évaluation des juges par des membres du pouvoir législatif ou exécutif de l’État est particulièrement problématique. Toutefois, même si l’évaluation est réalisée par d’autres juges, la menace pour l’indépendance des juges ne peut être totalement écartée. L’indépendance suppose non seulement d'être à l'abri d'une influence extérieure indue, mais aussi d'être soustrait à l'influence indue qui peut découler dans certaines situations de l'attitude d'autres juges[19], y compris les présidents des tribunaux.

PARTIE II: LES PRATIQUES ACTUELLES DANS LES ETATS MEMBRES

D.   Pourquoi évaluer les juges ? Quels sont les types d’évaluation existants ?   

7.    L’évaluation sert à apprécier les compétences des juges ainsi que la qualité et la quantité de leurs activités. Elle est utilisée, par exemple, pour leur donner un retour d'information, identifier les besoins de formation et déterminer le salaire basé sur la performance. Elle peut également permettre de repérer les candidats valables pour une promotion. Il est soutenu par certains que, de cette façon, en principe, l’évaluation individuelle peut ainsi contribuer à améliorer la qualité du système judiciaire et ainsi garantir que le pouvoir judiciaire rende compte de son activité au public.

8.    Le Rapport du RECJ distingue les pays selon leur système d’évaluation, « formel » ou « informel ». En bref, ces systèmes sont:

(I) Formel

9.    Dans le cas des évaluations les plus formelles, les objectifs, les critères appliqués, la composition de l’organe d’évaluation, la procédure et ses conséquences éventuelles sont clairement définis avant l’exercice d’évaluation. Lorsque l’évaluation est réalisée d’une manière formelle, les droits et obligations du juge évalué et de l’organe d’évaluation sont régis par des lois ou des règlements.

(II) Informel

10.  Une évaluation informelle ne s’appuie pas sur un barème ou sur des critères formalisés. Normalement, elle n’a pas de conséquences directes pour le juge évalué. Elle peut se dérouler dans le cadre d’une discussion permettant au juge concerné de parler des problèmes qu’il rencontre, de montrer ses compétences et de convenir d’objectifs professionnels[20]. La collecte informelle d’informations sur un juge candidat à une promotion[21] peut également être considérée comme une évaluation informelle.

E.    L’évaluation pratiquée dans les États membres

 

(I) Pays où elle est pratiquée

11.  Vingt-quatre États membres ont expliqué dans leurs réponses au questionnaire qu’ils évaluent les juges de manière plus ou moins formelle (Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Estonie, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », République de Moldova, Monaco, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovénie, Turquie, Ukraine). L’Estonie et l’Ukraine évaluent les juges uniquement avant leur nomination à titre permanent. Neuf États membres ont indiqué ne pas avoir recours à un système formel d’évaluation individuelle (Danemark, Finlande, Islande, Luxembourg, Norvège, République tchèque, Royaume-Uni, Suède, Suisse). Toutefois la Suède utilise certains outils d’évaluation pour déterminer une petite partie de la rémunération du juge selon sa performance[22]. La Finlande et la Suisse les utilisent pour préparer les discussions sur l’évolution de carrière. Au Royaume-Uni, une évaluation informelle a lieu lors de l’examen de la demande de promotion d’un juge.

(II) Objectifs des pays qui la pratiquent : qualité des juges, promotion, rémunération et discipline

12.  Dans la plupart des pays qui utilisent une forme d’évaluation individuelle, celle-ci vise à déterminer, maintenir et améliorer la qualité du travail des juges et du système judiciaire. De nombreux pays ont indiqué que le but de l’évaluation n’est pas simplement d’apprécier les résultats et les compétences ; il s’agit aussi d’identifier les besoins de formation et de donner un retour d’information («feedback»). Pour beaucoup d’États membres, l’évaluation sert de base aux décisions relatives à la promotion des juges. Pour quelques-uns, elle est particulièrement importante lorsqu’il faut nommer à vie des juges récemment nommés[23]. D'autres États membres utilisent l'évaluation pour déterminer les éléments de la rémunération ou de la pension de retraite liés à la performance individuelle d’un juge[24].

(III) Critères utilisés

13.  Dans la plupart des États membres, un certain nombre de critères quantitatifs et qualitatifs sont utilisés pour l’évaluation individuelle des juges. Par conséquent, les facteurs comme le nombre d’affaires traitées, le temps passé sur chaque dossier et la durée moyenne pour prononcer un jugement entrent souvent en ligne de compte parmi les critères « quantitatifs ». De nombreux États membres considèrent comme important le nombre de décisions rendues par le juge évalué ou le nombre d'affaires conclues autrement (par exemple, par un règlement ou un retrait)[25]. Dans certains États membres, la productivité d'un juge est mesurée en se basant sur un quota fixe[26] ou le nombre moyen de décisions rendues par d'autres juges[27]. En ce qui concerne les critères « qualitatifs », la qualité des analyses et la manière dont un juge traite des affaires complexes occupent une place importante dans la procédure d’évaluation. Dans bon nombre d’États membres, le nombre ou le pourcentage de décisions infirmées en appel sont des facteurs qui comptent aussi beaucoup en la matière[28]. Dans d’autres États membres[29], du fait du principe de l'indépendance des juges, ni le nombre de décisions infirmées en appel ni les raisons de l'infirmation ne sont pris en compte, à moins qu'ils soient révélateurs d'erreurs graves. Les autres facteurs examinés sont la capacité à jouer un rôle de médiation entre les parties, à rédiger des jugements clairs et compréhensibles, à coopérer avec les collègues et à travailler dans des domaines du droit qui sont nouveaux pour le juge, ainsi que la disponibilité à assurer des tâches supplémentaires de nature administrative, comme le mentorat et la formation de juges récemment nommés ou juristes[30]. Les aptitudes en matière d’organisation et l’éthique professionnelle[31] ou les activités universitaires, telles que des publications et des cours dispensés[32], entrent aussi en ligne de compte. Le respect ou non des règles et principes d’éthique et de déontologie est pris en considération dans le processus d’évaluation dans presque tous les États membres où l’évaluation des juges existe et ces principes sont énoncés. Tous les États membres qui ont rempli le questionnaire font une distinction entre le processus d’évaluation et les mesures disciplinaires.

 

14.  La façon dont les critères sont pris en compte dans le processus d’évaluation est très variable. La plupart des États membres signalent un système de notation pour évaluer le juge. Les systèmes de notation utilisés sont à peu près comparables et ils utilisent les notes comme «très bonne», «bonne», «suffisante» et «insuffisante»[33] ou A, B, C[34]. Certains pays font référence dans leurs notes à l'aptitude d’un juge évalué pour la promotion[35]. D'autres États membres refusent l'utilisation des notations formelles[36]. Dans certains États membres, des données comme le nombre d’affaires traitées sont converties en pourcentage ou en chiffre reflétant la performance du juge par rapport à ses collègues[37]. Dans certains États, les juges dont le travail a été étudié sont classés du meilleur au moins bon en fonction de leur évaluation[38]. La Hongrie détermine le grade respectif en comparant les performances d'un juge à un "facteur de productivité". Dans d'autres pays, les facteurs quantitatifs et qualitatifs de ce type ne constituent que le point de départ d'une évaluation individuelle[39]. Dans certains États membres, l'avis du barreau[40], des parties, des collègues et des juges plus expérimentés[41] est pris en compte.

(IV) Types d’évaluation et méthodes/procédures utilisées

15.  Dans la plupart des pays, les évaluations sont réalisées de façon systématique et à intervalles réguliers. Cependant, les États membres ont adopté des procédures plus ou moins formelles. L’Albanie, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, l’Espagne, la Chypre, la Croatie, la France, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », la République de Moldova, Monaco, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Turquie ont recours à un système d’évaluation formel, tandis que la Finlande, les Pays-Bas, la Suisse et le Royaume-Uni appliquent des systèmes d’évaluation plus informels.

 

16.  Dans certains pays, l’évaluation prend la forme d’une discussion plus ou moins formelle sur l’évolution de carrière. Au cours de ces échanges, le juge évalué et l’évaluateur ou la commission d’évaluation examinent ensemble les objectifs de carrière et de développement[42]. Dans les certains cas, le processus d’évaluation débute par une auto-évaluation du juge[43]. Dans d’autres pays, un Conseil de la Justice, ou son sous-groupe, réunit les informations sur le travail du juge évalué et procède à l’évaluation[44].

17.  Dans d’autres États membres, un évaluateur unique, en principe le président du tribunal dans lequel le juge évalué exerce ses fonctions, réunit les informations pertinentes sur le travail du juge[45]. Cela consiste par exemple à lire les décisions rendues par le juge, à assister aux audiences qu’il préside et à s’entretenir avec lui. Souvent, l’évaluateur prend la décision finale après que le juge a eu la possibilité de faire des observations sur l’avant-projet. Dans certains États membres, d’autres professionnels participent au processus d’évaluation[46]. En Pologne, l'évaluation individuelle des juges est assurée dans le cadre des inspections judiciaires régulières effectuées par des juges-inspecteurs d'autres tribunaux[47].

18.  Dans la plupart des systèmes, le juge évalué peut donner son point de vue sur le projet d’avis et il a la possibilité de contester la décision finale.

19.  Certains pays ont indiqué que, s'il n'y avait pas de procédure formelle d'examen par les pairs, les juges sont libres de se prêter mutuellement assistance en donnant des conseils et de l'information de manière informelle[48]. En Autriche, un projet d'évaluation volontaire par les pairs a été lancé par l'Association des juges autrichiens. Les juges participent réciproquement à leurs audiences et transmettent des évaluations informelles («feedback»).

(V) Conséquences

20.  Dans la plupart des États membres, l'évaluation individuelle est un facteur important pour les chances de promotion des juges et - notamment pour un juge récemment nommé - pour la confirmation dans un poste[49]. Dans certains États membres, elle entre en ligne de compte pour baser les salaires et les pensions sur la performance[50]; il peut même arriver qu'une performance médiocre déclenche des procédures disciplinaires[51], une rétrogradation salariale, voire la révocation du juge[52].

PARTIE III: ANALYSE ET RECOMMENDATIONS

F.    Pourquoi y a-t-il différents types d’évaluation ?

(I) Structure judiciaire du pays (modalités de sélection des juges, âge, formation, promotion etc.)

21.  La décision d’évaluer les juges et la manière de le faire sont indissociables de l’évolution des structures judiciaires des différents États membres. En particulier, le moment où une personne est nommée juge et les critères régissant son éventuelle promotion semblent particulièrement importants pour déterminer le type d’évaluation à mener. Par exemple, lorsque des juges récemment nommés ont eu une belle carrière comme avocats (comme c’est le cas dans les pays nordiques, au Royaume-Uni et à Chypre), l’évaluation individuelle formelle pourra s’avérer moins nécessaire que dans un système où les juges sont nommés immédiatement ou peu de temps après avoir achevé leurs études de droit (comme en Allemagne, en Espagne et en France). Dans un système judiciaire où les promotions dépendent de l’ancienneté (comme, par exemple, au Luxembourg), il est moins important d’évaluer individuellement les qualifications des juges.

(II) Culture du pays

22.  La décision d’évaluer les juges et la manière de le faire sont aussi indissociables de l’histoire et de la culture du pays et de son système judiciaire. Par conséquent, l’analyse de la nécessité de l’évaluation des juges varie considérablement selon les États membres. « L'ex-République yougoslave de Macédoine » et la Roumanie ont expliqué que l’indépendance des juges[53] et la confiance du public dans le système judiciaire[54] pouvaient être améliorées grâce à l’évaluation individuelle des juges. La Slovénie a déclaré que l’évaluation garantissait la transparence judiciaire et par la même occasion la qualité de la justice. L'Espagne a déclaré que déterminer une partie variable de la rémunération en fonction du nombre des affaires traitées par le juge respecterait l'indépendance judiciaire, tandis qu’évaluer les juges selon des critères qualitatifs[55] la mettrait en danger. L’Allemagne et la France, d'autre part, ont déclaré que l'évaluation de la performance sur des critères uniquement quantitatifs pourrait compromettre l'indépendance judiciaire. Parallèlement, d’autres pays, comme la Norvège et la Suisse, estiment que l’évaluation n’est pas utile pour garantir un système judiciaire de qualité. Le Danemark, le Luxembourg et la Suisse ont indiqué que l’évaluation individuelle des juges était incompatible avec l’indépendance des juges. Dans ce pays, la conduite d’un juge ne peut être examinée que dans le cadre d’une procédure disciplinaire. Il apparaît ainsi que ce qui est considéré comme un impératif pour l’indépendance des juges dans un pays est considéré comme contre-productif dans un autre.

G.   Le choix en principe : évaluer ou non   

23.  Dans une société démocratique, tout système judiciaire doit répondre à deux exigences essentielles, à savoir rendre une justice de la plus haute qualité et rendre compte à la collectivité. Pour atteindre ces exigences, une certaine façon d’évaluer le travail des juges est nécessaire. La question fondamentale est de savoir si cette évaluation doit prendre un caractère «formel». Le CCJE encourage tous les États membres d'examiner cette question. La réponse précise de chaque membre sera en conformité avec son système judiciaire, les traditions et la culture. Si un État membre décide que ces deux exigences essentielles peuvent être atteintes par d'autres moyens que l'évaluation formelle des juges, il pourrait décider de ne pas avoir une telle évaluation formelle. S’il conclut que ces exigences ne peuvent être atteintes par d'autres moyens, le CCJE recommande l'adoption d'un système plus formel d'évaluation individuelle des juges, comme discuté ci-dessous.

24.  Tout évaluation devrait viser à maintenir et à améliorer la qualité du travail des juges et, par la même occasion, du système judiciaire en son ensemble.

25.  L’évaluation informelle peut prendre la forme d’une aide aux juges pour leur donner la possibilité de s’auto-évaluer, en leur permettant un retour d’information sur leur activité  («feedback») et en cernant leurs besoins de formation. Tous ces éléments peuvent être des moyens efficaces d’améliorer les compétences des juges et, par la même occasion, la qualité globale du système judiciaire. L’évaluation par les pairs, l'auto-évaluation par les juges et des conseils entre juges peuvent également être utiles et devraient être encouragés[56].

H.   S’il y a évaluation formelle : comment procéder ?

(I)          Les objectifs éventuels et leurs effets sur l’indépendance des juges

(a) Assistance pour régler les problèmes liés aux conditions de travail

26.  Les systèmes judiciaires devraient utiliser les informations réunies dans le cadre des procédures d’évaluation non seulement pour évaluer les juges de manière individuelle mais aussi pour contribuer à améliorer la structure organisationnelle des tribunaux et les conditions de travail des juges. Il est particulièrement injuste qu’un juge ait une évaluation négative à cause de problèmes créés par de mauvaises conditions de travail sur lesquelles il n’a pas prise, comme les retards dus à la surcharge de travail, le manque de personnel judiciaire ou le caractère inadapté du système administratif.

(b) Promotion

27.  Le CCJE[57] et l’ONU[58] indiquent que la nomination et la promotion des juges ne devraient pas être fondées entièrement sur l'ancienneté mais sur des facteurs objectifs, notamment leur compétence, leur intégrité et leur expérience. Si les promotions sont décidées selon des critères objectifs de ce type, les juges doivent être évalués sous une forme ou une autre au moins lorsqu’ils sollicitent une promotion. Par conséquent, la collecte d’informations visant à déterminer si un juge a le profil adéquat pour une promotion peut être un objectif important de l’évaluation individuelle des juges.

(c) Rémunération

28.  Dans plusieurs des États membres, la rémunération est liée aux résultats de l’évaluation[59]. Cependant, le CCJE souscrit à la Recommandation du Comité des Ministres Rec(2010)12 que « les systèmes faisant dépendre l’essentiel de la rémunération des juges de la performance devraient être évités, dans la mesure où ils peuvent créer des difficultés pour l’indépendance des juges »[60]. Le CCJE affirme également que la pension d’un juge ne devrait pas dépendre de ses performances.

 

(d) Discipline

29.  Bien que les violations des règles ou normes éthiques et professionnelles puissent être prises en compte dans l’évaluation, les États membres devraient distinguer nettement l’évaluation et les mesures et processus disciplinaires. Les principes de nomination définitive et de l’inamovibilité sont des éléments clés de l'indépendance des juges et doivent être respectés[61]. Par conséquent, il ne devrait pas être mis fin à une nomination définitive en raison d’une simple évaluation défavorable. Il devrait être mis fin à une nomination définitive uniquement en cas de violations graves des règles disciplinaires ou des dispositions pénales prévues par la loi[62] ou lorsque la conclusion inévitable du processus d'évaluation est que le juge est incapable ou refuse d'exercer ses fonctions judiciaires à un niveau minimum acceptable, évalué objectivement. Dans tous les cas, il doit toujours exister des garanties procédurales adéquates pour le juge évalué et elles doivent être scrupuleusement observées. 

(II)   Cadre de l’évaluation formelle

30.  Lorsqu’un système d’évaluation formelle est utilisé, sa base et les éléments cardinaux (critères, procédure, conséquences de l’évaluation) devraient être fixés par la loi de manière précise et exhaustive. Les détails peuvent être régis par la législation subordonnée[63]. Le Conseil de la Justice (là où il existe) devrait jouer un rôle important en aidant à la formulation de ces questions, surtout des critères.

(III)  Critères d’évaluation formelle

31.  L’évaluation formelle individuelle des juges doit reposer sur des critères objectifs publiés par l’autorité judiciaire compétente[64]. Des règles objectives sont nécessaires non seulement en vue d'exclure toute influence politique, mais aussi pour d'autres motifs comme le souci de prévenir le risque de favoritisme, de conservatisme et de corporatisme qui existe quand les nominations ou évaluations ne suivent pas une procédure structurée ou qu'elles sont fondées sur des recommandations personnelles[65]. Ces critères objectifs devraient être fondés sur le mérite, eu égard aux qualifications, à l’intégrité, à la compétence et à l’efficacité[66].

32.  Le CCJE note que le rapport du RECJ recommande que les critères d’évaluation de la performance des juges soient exhaustifs et intègrent des indicateurs quantitatifs et qualitatifs, afin de permettre une évaluation complète et approfondie du travail des juges[67].

33.  Le CCJE note que les Recommandations de Kyiv[68] préconisent de réaliser l’évaluation conformément aux critères suivants : compétences professionnelles (connaissance du droit, capacité à mener la procédure judiciaire, capacité à rédiger des décisions motivées), compétences personnelles (capacité à assumer la charge de travail et à décider, ouverture aux nouvelles technologies), compétences sociales, par exemple, capacité à jouer un rôle de médiateur, respect des parties et, en plus, capacité à diriger pour des postes qui l’exigent.

34.  D’une manière générale, le CCJE partage les critères qualitatifs établis dans les recommandations de Kyiv. Le CCJE considère que les évaluations ne doivent pas être basées uniquement sur des critères quantitatifs. En outre, même si l’efficacité du travail d’un juge peut être un facteur d’évaluation important, le CCJE estime qu’il est problématique d’accorder une trop grande importance au nombre d’affaires traitées par le juge, parce que cela pourrait conduire à de mauvaises incitations.

35.  La qualité de la justice ne devrait pas être considérée comme synonyme de la simple « productivité » du système judiciaire[69]. Le CCJE met en garde contre le financement insuffisant et les réductions de budget. Ceux-ci ne doivent pas aboutir à un système judiciaire qui surestime la «productivité» dans l'évaluation individuelle des juges. C’est pourquoi le CCJE souligne à nouveau que tous les principes généraux et normes du Conseil de l'Europe donnent obligation aux États membres de prévoir des ressources financières qui correspondent aux besoins des différents systèmes judiciaires[70]. Le CCJE considère que la qualité, et pas simplement la quantité, des décisions rendues par un juge doit être au cœur de l’évaluation individuelle. Dans son Avis n° 11 (2008), il s’est intéressé à l’importance de prononcer des jugements de qualité. Pour évaluer la qualité d’une décision rendue par un juge, les évaluateurs devraient tenir compte de la méthodologie appliquée par le juge dans son travail dans l'ensemble, et pas simplement évaluer les aspects juridiques de décisions individuelles[71]. Ceux-ci doivent être déterminés uniquement par le processus d'appel. Les évaluateurs doivent considérer tous les aspects de bon travail judiciaire, notamment la connaissance juridique, la capacité de communication, la diligence, l’efficacité et l’intégrité. A cette fin, les évaluateurs devraient considérer l’ensemble du travail de juge en tenant compte du contexte de ce travail. C’est pourquoi le CCJE continue à considérer qu’il est problématique de baser les résultats de l’évaluation sur le nombre ou le pourcentage de décisions infirmées en appel[72], sauf si le nombre et les motifs des infirmations montrent clairement que le juge n’a pas les connaissances requises sur le plan du droit et de la procédure. Le CCJE note que les Recommandations de Kyiv[73] et le Rapport du RECJ[74]  partagent la même vision.

 

(IV) Comment évaluer ?

(a)  Qui évalue : managers, juges, autres professionnels ?

36.  Les évaluateurs devraient avoir le temps et les moyens suffisants pour réaliser une évaluation complète des compétences et de la performance de chaque juge. Le juge évalué devrait être informé de l’identité des évaluateurs et il doit avoir le droit de demander le remplacement de tout évaluateur pouvant être objectivement perçu comme partial.

37.  Pour protéger l’indépendance des juges, l’évaluation devrait être effectuée essentiellement par des juges. Les Conseils de la Justice (quand ils existent) peuvent jouer un rôle dans cet exercice[75]. Cependant, d’autres moyens d’évaluation peuvent être utilisés, par exemple, par des membres du système judiciaire nommés ou élus aux fins spécifiques d’évaluation d’autres juges. L'évaluation par le ministère de la Justice ou par d'autres instances externes devrait être évitée[76]. Le ministère de la Justice ou d'autres instances exécutives ne devraient pas non plus pouvoir exercer une influence sur le processus d’évaluation.

38.  En outre, d’autres professionnels susceptibles d’apporter une contribution utile au processus d’évaluation pourraient y participer. Cependant, il est essentiel que ces évaluateurs aient une connaissance et une expérience suffisantes du système judiciaire pour pouvoir évaluer le travail des juges. Il est aussi important que leur rôle soit uniquement consultatif et non décisif.

(b)  Comment évaluer : les sources d’information

39.  Les sources utilisées lors du processus d’évaluation doivent être fiables[77], en particulier les informations donnant lieu à une évaluation défavorable. Il est également crucial qu’une telle évaluation s’appuie sur des données suffisantes. Le juge évalué devrait avoir accès immédiat à tout élément destiné à être utilisé dans l’évaluation, afin de pouvoir le contester le cas échéant[78]. L'évaluation individuelle des juges et les inspections destinées à évaluer le travail d'un tribunal dans son ensemble devraient rester tout à fait distinctes. Cependant, les faits découverts lors d'une inspection du tribunal peuvent être pris en compte dans l'évaluation individuelle d'un juge[79].

(c)  Quand évaluer : régulièrement ? Uniquement lors des promotions ? Sur d’autres bases ?

40.  L’État membre qui décide de mettre en place un mode d’évaluation individuelle formelle doit déterminer si les juges seront évalués régulièrement ou uniquement pour des occasions particulières, par exemple lorsqu’ils sont candidats à une promotion[80]. Une évaluation régulière permet d’obtenir un tableau complet de la performance du juge. Elle ne devrait toutefois pas être trop fréquente, pour ne pas donner l’impression d’un contrôle constant qui pourrait, par sa nature, compromettre l’indépendance du juge.

(d)  Procédure d’équité à l’égard du juge évalué

41.  Comme le CCJE l’a indiqué précédemment, toutes les procédures d’évaluation individuelle devraient permettre aux juges d’exprimer leur point de vue sur leurs activités et l’évaluation à laquelle elles donnent lieu[81], ainsi que de contester cette évaluation devant une autorité indépendante ou un tribunal. Le juge évalué doit par conséquent avoir la possibilité de contribuer utilement au processus d’évaluation, par exemple en faisant des observations sur un avant-projet ou en étant entendu au cours du processus d’évaluation. De plus, il doit avoir le droit de contester de manière effective une évaluation défavorable, notamment lorsque celle-ci affecte ses «droits civils» au sens de l'Article 6 de la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Plus les conséquences de l’évaluation peuvent être graves pour le juge, plus ces droits à un réexamen effectif sont importants.

(e)  Conséquences pour les juges et les tiers

42.  Le CCJE  met en garde contre l’expression des résultats de l'évaluation uniquement en termes de points, de chiffres, de pourcentages ou de nombre de décisions prises. Toutes ces méthodes, si elles sont utilisées sans autre explication et autre évaluation, peuvent créer une fausse impression de l'objectivité et de la certitude. Le CCJE considère également comme indésirable le classement détaillé des juges à la suite de leur évaluation[82]. Un tel classement peut donner une fausse impression d'objectivité et de certitude, mais, pire encore, il n'est pas souple et peut difficilement être modifié sans un exercice de «reclassement» de tous les juges de même niveau. En conséquence, un tel système est impraticable, et, s’il est rendu public, s'avère être injuste. Il n’améliore en rien l'efficacité des juges ou leur indépendance.

43.  Cependant, un système de classement à des fins spécifiques, telles que la promotion, peut être utile. Par exemple, si deux ou plusieurs juges se sont portés candidats ou sont pressentis pour la nomination à une fonction, les candidats sont susceptibles de faire l’objet d'une forme de «classement» à cette fin.      

44.  Les résultats de l’évaluation individuelle ont certainement une incidence directe sur la carrière du juge et ses chances d’obtenir une promotion. Ils peuvent aussi déterminer les besoins de formation et l’affectation de ressources supplémentaires[83]. Comme cela a déjà été noté, la révocation ne devrait pas résulter, sauf dans des circonstances exceptionnelles, d’une simple évaluation défavorable, mais uniquement de violations graves des règles disciplinaires ou des dispositions pénales prévues par la loi à la suite d’une procédure en bonne et due forme et sur la base d’éléments fiables[84]. Cependant, comme indiqué précédemment, la révocation peut être une conséquence de la conclusion inévitable du processus d'évaluation selon laquelle le juge est incapable ou refuse d'exercer ses fonctions judiciaires à un niveau minimum acceptable, évalué objectivement. Dans tous ces cas, les garanties procédurales sont d’une importance cruciale pour le juge et doivent être scrupuleusement respectées.

45.  Il convient de ne pas utiliser l’évaluation individuelle pour déterminer les salaires et le niveau de retraite des juges[85]. Un tel processus peut influencer ouvertement le comportement des juges (aux dépens des parties en cause) et peut aussi compromettre l’indépendance des juges[86].

I.      Concilier indépendance et évaluation au terme de cet examen ; responsabilité à l’égard du public

46.  Il est difficile de concilier le principe d’indépendance des juges avec le processus d’évaluation individuelle. Pourtant, il est crucial de parvenir à un juste équilibre. Au final, l’indépendance des juges doit être la priorité en toute circonstance.

47.  En résumé, le moyen pour parvenir à cet équilibre comprend les éléments suivants : (1) Il doit exister des règles claires et transparentes relatives à la procédure, aux critères et aux conséquences de l’évaluation. (2) Le juge évalué devrait avoir le droit d’être entendu au cours du processus et de contester toute évaluation non satisfaisante, y compris le droit d'accès immédiat aux documents relatifs à l'évaluation. (3) L’évaluation ne devrait pas se fonder uniquement sur le nombre d’affaires traitées mais devrait mettre l’accent primaire sur la qualité des décisions du juge et aussi son travail judiciaire dans son ensemble. (4) Certaines conséquences comme la révocation en raison d’une évaluation négative devraient être évitées pour tous les juges permanents, sauf dans des circonstances exceptionnelles.

48.  L’évaluation individuelle formelle des juges, lorsqu’elle existe, devrait contribuer à améliorer ou à maintenir un système judiciaire de qualité au service des citoyens des États membres. Cela devrait ainsi servir ou aider à maintenir la confiance du public dans le système judiciaire. Cela exige que le public soit capable de comprendre les principes généraux et la procédure du processus d’évaluation. C’est pourquoi le cadre procédural et les méthodes d’évaluation doivent être rendues accessibles au public. En outre, de l’avis du CCJE, les processus d’évaluation individuelle des juges à des fins de carrière et de promotion ne devraient pas prendre en compte les avis du public sur le juge. Ils ne peuvent pas toujours être le résultat d’une information complète ou pleinement comprise ou, peuvent même être basés sur une mauvaise compréhension du travail des juges en général. Le processus et les résultats d’évaluation individuelle doivent en principe rester confidentiels. Ils ne doivent pas être rendus public car cela mettrait presque avec certitude en danger l’indépendance judiciaire, pour la raison évidente qu’une telle publication pourrait discréditer le juge aux yeux du public et le rendre vulnérable à des tentatives d’influence. En outre, la publicité pourrait soumettre le juge à des attaques verbales ou autres.

J.    Recommandations

49.  Le CCJE fait les principales recommandations suivantes:

1.         Une certaine façon d'évaluer individuellement les juges est nécessaire pour faire face à deux exigences essentielles de tout système judiciaire, à savoir rendre une justice de la plus haute qualité et rendre compte à la collectivité dans une société démocratique (paragraphe 23).

2.         Si un État membre, après une analyse complète, décide que ces exigences principales ne peuvent pas être atteintes par d’autres moyens (par exemple, l'évaluation «informelle»), le CCJE recommande l'adoption d'un système plus formel d'évaluation (paragraphe 23).

3.         Tout évaluation adoptée par un État membre, qu'elle soit «formelle» ou «informelle», doit viser à améliorer la qualité du travail des juges et, par la même occasion, du système judiciaire dans son ensemble (paragraphe 24).

4.         Le CCJE encourage tous les États membres à recourir à des procédures informelles d'évaluation qui contribuent à améliorer les compétences des juges et, par la même occasion, la qualité globale du système judiciaire. Ces moyens d'évaluation informelle peuvent prendre la forme d’une aide aux juges pour leur donner la possibilité de s’auto-évaluer, en leur permettant un retour d’information sur leur activité  («feedback») et d'une évaluation informelle par les pairs (paragraphe 25).

5.         La base et les principaux éléments d'évaluation formelle (là où elle existe) devraient être clairement définis de manière exhaustive, par la loi. Les détails peuvent être régis par la législation subordonnée qui devrait également être publiée. Le Conseil de la Justice (là où il existe) devrait jouer un rôle important en aidant à la formulation de ces questions, surtout des critères (paragraphe 30).

6.         L'évaluation doit être fondée sur des critères objectifs. Ces critères devraient principalement être constitués d'indicateurs qualitatifs mais, en outre, peuvent inclure des indicateurs quantitatifs. Dans tous les cas, les indicateurs utilisés doivent permettre aux évaluateurs d'examiner tous les aspects constitutifs d’une bonne performance judiciaire. L’évaluation ne devrait pas être uniquement fondée sur des critères quantitatifs (paragraphes 31-35).

7.         L’expression des résultats de l'évaluation par des chiffres, des pourcentages ou en classant les juges sans plus d'informations devrait être évitée car cela pourrait créer une fausse impression d'objectivité et de certitude. Le CCJE s'oppose à tout classement permanent des juges. Cependant, un système de classement est acceptable à certaines fins spécifiques telles que la promotion (paragraphe 42-43).

8.         Afin de préserver l'indépendance judiciaire, les évaluations individuelles devraient être faites principalement par des juges. Les Conseils de la Justice (quand ils existent) peuvent jouer un rôle dans cet exercice. Les évaluations par le ministère de la Justice ou par d'autres instances externes devraient être évitées (paragraphe 37).

9.         Les sources d'information sur lesquelles les évaluations sont fondées doivent être suffisantes et fiables, en particulier si cette information conduit à une évaluation défavorable (paragraphes 39, 44).

10.      L'évaluation individuelle des juges devrait - en principe - être distincte à la fois des inspections pour évaluer le travail d'un tribunal dans son ensemble et des procédures disciplinaires (paragraphes 29, 39).

11.       Il est essentiel qu'il y ait une équité procédurale dans tous les éléments des évaluations individuelles. En particulier, les juges doivent être en mesure d'exprimer leurs points de vue sur le processus et les conclusions proposées d'une évaluation. Ils doivent également être en mesure de contester cette évaluation notamment lorsque celle-ci affecte les «droits civils» du juge au sens de l'Article 6 de la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales (paragraphe 41).

12.      Une évaluation défavorable ne devrait pas à elle seule (sauf dans des circonstances exceptionnelles) être en mesure de conduire à une révocation. Cela ne devrait être le cas que face à des violations graves des règles disciplinaires ou des dispositions pénales prévues par la loi, ou lorsque le processus d'évaluation conduit à la conclusion inévitable que le juge est incapable ou refuse d'exercer ses fonctions judiciaires à un niveau minimum acceptable évalué objectivement. Ces conclusions doivent suivre une procédure appropriée et être basées sur des preuves fiables (paragraphes 29, 44).

13.      L'utilisation des évaluations individuelles pour déterminer le salaire et le niveau de retraite des juges est à éviter car ce processus peut clairement influencer le comportement des juges et ainsi mettre en péril l'indépendance judiciaire et les intérêts des parties (paragraphes 28, 45).

14.      Les principes et les procédures sur lesquelles les évaluations des juges sont fondées doivent être rendues accessibles au public. Cependant, le processus et les résultats des évaluations individuelles doivent, en principe, rester confidentielles, afin de garantir l'indépendance judiciaire et de préserver la sécurité des juges (paragraphe 48).



[1] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001).

[2] Voir les Avis du CCJE No. 3(2002), No. 4(2003), No. 6(2004), No. 11(2008), No. 14(2011).

[3] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), paragraphes 17-56.

[4] Voir l’Avis du CCJE No. 4(2003), paragraphes 23-30.

[5] Voir l’Avis du CCJE No. 3(2002), paragraphes 51-77.

[6] Ce rapport est intitulé « De quelle manière la nomination et l'évaluation (qualitative et quantitative) des juges est-elle mise en concordance avec les principes de l'indépendance judiciaire ?», voir à  http://www.iaj-uim.org/iuw/wp-content/uploads/2013/02/I-SC-2006-conclusions-F.pdf .

[7] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphes 59-65.

[8] Voir Magna Carta des juges du CCJE (2010), paragraphe 15.

[9] Voir l’Avis du CCJE  No. 11(2008), paragraphe 36.

[10] Voir l’Avis du CCJE  No. 11(2008), paragraphe 32.

[11] Voir l’Avis du CCJE No. 13(2010), Conclusion A; Magna Carta des juges (2010) du CCJE, paragraphe 17.

[12] Voir les Avis du CCJE No. 1(2001), No. 3(2002), No. 4(2003), No. 6(2004) and No. 11(2008).

[13] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), paragraphe 10; Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphes 3 et 11; Magna Carta des juges du CCJE (2010), paragraphe 2.

[14] Voir Magna Carta des juges du CCJE (2010), paragraphes 3 et 4.

[15] Voir l’Avis du CCJE No. 2(2001), paragraphe 2.

[16] Voir l'Avis du CCJE No. 4(2003), paragraphes 4, 8, 14 et 23-37.

[17] Voir l’Avis du CCJE No. 3(2002), paragraphe 51.

[18] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), notamment paragraphe 45; l’Avis du CCJE No. 6(2004), paragraphe 34.

[19] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), paragraphe 66; Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphes 22-25.

[20] Voir, par exemple, les systèmes finlandais et néerlandais.

[21] Comme au Royaume-Uni.

[22] Toutefois, des garanties strictes sont appliquées pour protéger l'indépendance d'un juge dans le processus.

[23] Allemagne, Bulgarie, Estonie, Hongrie, Ukraine.

[24] Espagne, Suède (cependant, un très faible pourcentage du salaire est déterminé individuellement et des garanties strictes sont appliquées pour protéger l'indépendance d'un juge). En Belgique et en Bulgarie, le salaire d'un juge peut être réduit en raison des résultats insuffisants de l'évaluation. En Turquie, les salaires et les pensions peuvent être augmentés en raison des résultats de l'évaluation.

[25] Allemagne, Albanie, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne (quand des salaires liés à la performance sont déterminés), Estonie, France, Grèce, Hongrie, Italie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », Pologne, Roumanie, Slovénie, Turquie. 

[26] Espagne, Bosnie-Herzégovine.

[27] Allemagne, Pologne.

[28]Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Espagne, Estonie, Géorgie, Grèce, Hongrie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », République de Moldova,  Pologne, Roumanie et Turquie.

[29] Allemagne et France.

[30] Allemagne, Autriche, Slovénie.

[31] Allemagne, Pologne, Suède.

[32] Allemagne, Croatie.

[33] Albanie, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, France, Grèce, Italie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », République de Moldova, Monaco, Roumanie, Slovénie.

[34] Géorgie, Turquie,

[35] Hongrie, Slovénie.

[36] Chypre (avec un facteur de productivité), Estonie, Finlande, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni.

[37] Bulgarie, Croatie, Espagne, Estonie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », Turquie.

[38] Croatie.

[39] Allemagne, Autriche, France.

[40] Grèce.

[41] Allemagne, Autriche, Hongrie, Monaco, Royaume-Uni.

[42] Belgique, Finlande, France, Monaco, Roumanie, Suisse.

[43] Belgique, France, Roumanie.

[44] Albanie, Autriche, Bulgarie, Croatie, Estonie, Italie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », République de Moldova, Slovénie, Turquie.

[45] Allemagne, Grèce, Hongrie, Pays-Bas.

[46] Chercheurs en droit et barreaux en Estonie, barreaux en Grèce et psychologues dans certains cas en Roumanie.

[47] Grèce utilise un système à peu près comparable.

[48] Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Finlande, Grèce.

[49] Allemagne, Bulgarie, Estonie, Géorgie, Grèce, Ukraine.

[50] Bulgarie, Espagne, Suède (cependant, seul un très faible pourcentage du salaire est déterminé individuellement et des garanties strictes sont appliquées pour protéger l'indépendance d'un juge dans le processus), Turquie.

[51] Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Grèce, Hongrie, Pologne, Slovénie.

[52] Autriche, Estonie, uniquement dans des cas rares: Grèce, Hongrie, Italie, « l'ex-République yougoslave de Macédoine », République de Moldova, Pologne, Roumanie, Slovénie.

[53] « L'ex-République yougoslave de Macédoine ».

[54] Roumanie.

[55] Cependant, en Espagne, des critères qualitatifs sont pris en compte si la promotion d'un juge est en question.

[56] Voir l’Avis du CCJE No. 11(2008), paragraphe 70.

[57] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), paragraphes 17 et 29.    

[58] Voir les Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l'indépendance de la magistrature (1985),  paragraphe 13.

[59] Espagne, Suède (toutefois, seul un très petit pourcentage du salaire est déterminé individuellement).

[60] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 55 ; voir également le Rapport général de l’UIM (2006), Conclusions, paragraphe 12.

[61] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 49.

[62] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 50.

[63] Voir le Rapport 2012-2013 du RECJ, paragraphes 4.17-4.18.

[64] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 58.

[65] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), paragraphe 24.

[66] Voir l’Avis du CCJE No. 1(2001), paragraphe 25.

[67] Voir le Rapport 2012-2013 du RECJ, paragraphe 4.8.

[68] Voir les Recommandations de Kyiv (2010), paragraphe 27.

[69] Voir l’Avis du CCJE No. 6(2004), paragraphe 42.

[70] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 32, et l'Avis du CCJE No. 2(2001), paragraphe 4.

[71] Voir l’Avis du CCJE No. 11(2008), paragraphe 57.

[72] Voir l’Avis du CCJE No. 11(2008), paragraphe 74, et l’Avis du CCJE No. 6(2004), paragraphe 36.

[73] Voir les Recommandations de Kyiv (2010), paragraphe 28.

[74] Voir le Rapport du RECJ, paragraphe 4.12.

[75] Voir l’Avis du CCJE No. 10(2007), paragraphes 42 et 52-56.

[76] Voir le Rapport du RECJ, paragraphes 4.13-4.15.

[77] Voir le Rapport du RECJ, paragraphe 4.16.

[78] Voir le Rapport du RECJ, paragraphe 4.19.

[79] Comme en Autriche ou en Bulgarie.

[80] Comme en Croatie et au Royaume-Uni.

[81] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 58. Voir aussi le Rapport 2012-2013 du RECJ, paragraphe 4.19.

[82] Comme en Albanie.

[83] Voir le Rapport 2012-2013 du RECJ, paragraphe 4.11.

[84] Voir la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphes 49 et 50.

[85] Cependant, en Suède, seule une très petite partie de salaire d'un juge est déterminée par les résultats de l'évaluation et il y existe des garanties strictes pour protéger l'indépendance d'un juge.

[86] Voir le Rapport général de l’UIM (2006), Conclusions, paragraphe 12. Voir aussi la Recommandation CM/Rec(2010)12, paragraphe 55.