Chambre des pouvoirs locaux

27e SESSION

Strasbourg, 14-16 octobre 2014

CPL(27)2 AMDT

13 octobre 2014

AMENDEMENTS

Ressources financières adéquates pour les collectivités locales

Commission de la gouvernance

Rapporteur[1] :     Gilbert ROGER (France, L, SOC)

Projet de résolution (pour vote) 2

Projet de recommandation (pour vote) 4

Résumé

Bien que le droit des collectivités locales à un financement suffisant soit un principe essentiel de la Charte européenne de l’autonomie locale (article 9, paragraphes 1 à 4), les collectivités locales déplorent souvent le non-respect de ce principe par les autorités nationales et régionales. En décembre 2013, dans le cadre de son dialogue avec le Comité des Ministres, le Bureau du Congrès a identifié le manque de ressources financières suffisantes comme l’un des « problèmes récurrents » rencontrés lors des activités de suivi.

Afin d’aider tous les niveaux d’autorité à mieux comprendre ce principe et à l’appliquer plus efficacement, le Congrès a élaboré des propositions et des recommandations, pour examiner régulièrement la corrélation entre les ressources et les compétences et adopter une procédure de consultation explicite et détaillée pour les négociations nécessaires sur les dotations aux collectivités locales et leur capacité à lever leurs propres taxes.


PROJET DE RESOLUTION[2]

1. Pour être effective, l’autonomie locale suppose que les collectivités locales disposent d’un financement suffisant, afin qu’elles gèrent une part importante des affaires publiques sous leur propre responsabilité et de manière significative, c’est-à-dire, de ressources financières proportionnées aux responsabilités qui leur sont attribuées par les autorités nationales et régionales, que ce soit dans la Constitution ou dans des lois et des arrêtés ministériels. L’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale garantit le droit des collectivités locales de disposer de ressources propres, droit dont le Congrès considère qu’il est une condition essentielle d’une gouvernance locale effective et responsable.

Amendement 1

Présenté par Bernd VÖHRINGER, Allemagne, PPE/CCE

Autres signataires : Gaye DOGANOGLU (Turquie, PPE/CCE), Angelika KORDFELDER (Allemagne, SOC), Barbara TOCEL (Italie, SOC), John WARMISHAM (Royaume-Uni, SOC)

Au paragraphe 1, après les mots « arrêtés ministériels », insérer le texte suivant :

1.         « Le principe de connectivité du “qui ordonne paye“  devrait être ancré dans les Constitutions ou dans les Constitutions des Etats fédérés, si possible. L’intégration constitutionnelle de ce principe est l’instrument légal le plus puissant pour protéger les intérêts municipaux ».

2. Le Congrès a observé, dans ses rapports nationaux sur la mise en œuvre de la Charte dans les Etats membres et dans les doléances exprimées par les associations nationales, que de nombreuses collectivités locales éprouvaient de plus en plus de difficultés à remplir leurs tâches et fonctions obligatoires et que peu d’entre elles avaient le pouvoir de lever leurs propres recettes, au moyen de redevances et d’impôts locaux, ou de déterminer leurs priorités en matière de dépenses.

3. Un devoir fondamental des élus locaux est de faire des choix politiques mettant en balance les avantages des activités des collectivités locales et leur coût pour les contribuables et les usagers des services locaux. Ces activités incluent l’offre de services publics locaux, ainsi que diverses autres responsabilités des collectivités locales telles que les activités culturelles et les actions en faveur de l’intégration et de la cohésion sociale. Bien que des limitations globales des dépenses puissent être définies au niveau national, il doit être gardé à l’esprit que c’est en premier lieu vis-à-vis de leur électorat que les collectivités locales sont responsables des services qu’elles proposent.

4. Le Congrès s’inquiète de ce que, dans certains Etats membres, l’équilibre des transferts centraux ait été modifié, les dotations affectées ou réservées prenant une place prépondérante au détriment des dotations générales dont l’affectation est laissée à la discrétion des collectivités locales. En conséquence, les collectivités locales ont une marge de manœuvre trop étroite dans la conception de leurs politiques et activités.

5. Le Congrès s’inquiète également de la tendance de certains pays à recentraliser des compétences, et les ressources financières correspondantes, au nom des programmes d’austérité et de rationalisation.

6. Le Congrès, conscient de la nécessité de veiller à ce que les ressources financières locales soient dépensées de manière efficiente et efficace pour les besoins locaux prioritaires, se félicite des améliorations apportées aux méthodes et techniques financières pour garantir le meilleur rendement coût-efficacité dans l’offre des fonctions et des services publics et décide d’encourager l’innovation, la formation et le partage des bonnes pratiques en matière de gestion financière locale.

7. En décembre 2013, dans le cadre de son dialogue avec le Comité des Ministres, le Congrès a identifié le manque de ressources financières suffisantes comme l’un des « problèmes récurrents » rencontrés lors des activités de suivi.

8. Le Congrès demande :

a. à sa Commission de suivi de continuer de porter à son attention les pays qui ne respectent pas leurs engagements au titre de l’article 9 de la Charte et d’entreprendre, lorsque cela est possible, des activités de post-suivi afin d’améliorer la situation ;

b. à sa Commission de la gouvernance d’entreprendre, dans les quatre prochaines années, un examen des pays qui rencontrent des difficultés particulières pour respecter leurs engagements au titre de l’article 9, et de s’appuyer sur les résultats de cet exercice pour une discussion avec le Comité des Ministres, afin d’attirer l’attention sur la nécessité, pour les Etats membres du Conseil de l’Europe, d’améliorer les processus de consultation entre les différents niveaux de gouvernance pour garantir une meilleure adéquation entre les compétences et les ressources ;

c. à sa Commission de la gouvernance de présenter des exemples où les collectivités locales sont impliquées et consultées dans les procédures et processus de répartition des recettes fiscales selon leur responsabilité, ainsi que dans la dotation de ressources propres.

9. Le Congrès demande aux associations nationales de pouvoirs locaux et aux délégations nationales :

a. de continuer de défendre et d’expliquer les besoins des collectivités locales et régionales lors des négociations des budgets nationaux et régionaux et de veiller à ce que le coût réel des tâches obligatoires soit évalué régulièrement ;

b. dans les pays où elle n’existe pas encore, de continuer de faire pression pour la communication publique et transparente des critères et méthodes utilisés pour calculer les dotations du pouvoir central et la péréquation financière.


PROJET DE RECOMMANDATION[3]

1. L’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale garantit le droit des collectivités locales à des ressources propres suffisantes et proportionnées, dans le cadre de la politique économique nationale.

2. Cependant, de récentes visites de suivi du Congrès dans le cadre de l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale ont mis en évidence de graves problèmes dans certains Etats membres concernant les ressources financières des collectivités locales, problèmes qui ne se limitent pas aux seuls effets de la crise financière.

3. Le Congrès reçoit aussi de plus en plus de plaintes d’associations nationales de pouvoirs locaux concernant les restrictions de l’autonomie financière et des ressources locales.

4. Une étude conduite en 2013 par le Groupe d’experts indépendants sur la Charte européenne de l’autonomie locale montre que, dans plusieurs Etats membres, les recettes des collectivités locales sont si basses que celles-ci sont dans l’incapacité d’assurer leurs tâches et fonctions obligatoires, ce qui indique que les autorités nationales en question ne respectent pas les engagements pris lors de la ratification de l’article 9 de la Charte.

5. Le Congrès sait que le Comité des Ministres, dans sa réponse[4] à la Recommandation 79 (2000)du Congrès, partage son opinion selon laquelle un équilibre adéquat doit être trouvé entre les responsabilités déléguées aux collectivités locales et les ressources financières dont elles disposent, que ce soit au moyen de dotations ou par l’imposition.

6. Le Comité souligne que :

a. les Etats membres parties à la Charte européenne de l’autonomie locale se sont engagés à garantir aux collectivités locales des ressources financières suffisantes et proportionnées aux compétences qui leur sont attribuées ; ces ressources doivent provenir en partie de redevances et d’impôts locaux, dont les collectivités ont le pouvoir, dans les limites de la loi, de fixer le taux ;

b. les collectivités locales doivent être consultées sur les modalités d’attribution des ressources qui leur sont redistribuées ;

c. l’autorité et la responsabilité légales d’exercer certaines fonctions sont dépourvues de sens si les collectivités locales et régionales sont privées des moyens financiers de remplir ces fonctions ;

d. les Etats membres disposent d’une marge de liberté considérable quant à la manière de garantir le financement suffisant des collectivités locales, pouvant choisir entre des dotations centrales, une part des impôts centraux, des droits et redevances pour les services publics, des impôts locaux, etc. ;

e. la plupart des Etats membres ne restreignent pas, en théorie, la manière dont les collectivités locales dépensent leurs ressources financières ; dans la pratique, cependant, la plus grande part des recettes locales est dépensée pour les tâches et fonctions obligatoires qui leur sont propres et déléguées, de sorte qu’il n’en reste qu’une petite part pour les priorités de dépenses relevant de la décision des collectivités locales.

7. Le Congrès exprime sa préoccupation sur les points suivants :

a. dans de nombreux Etats membres, les collectivités locales et régionales n’ont toujours pas le pouvoir de fixer le taux des redevances ou impôts locaux, dans les limites de la loi ;

b. les collectivités locales de certains Etats membres n’ont pas assez de ressources financières pour assurer les tâches et fonctions obligatoires qui leur sont assignées par les autorités nationales et régionales ;

c. il y a une tendance, dans certains pays, à recentraliser des tâches et des financements au nom des programmes d’austérité et de rationalisation, de sorte que les décisions ne sont plus prises au niveau le plus proche des citoyens ;

d. il y a encore des Etats membres qui transfèrent des compétences aux collectivités locales sans leur transférer dans le même temps des financements proportionnés. 

8. Ayant à l’esprit :

a. la Recommandation 79 (2000) du Congrès sur « les ressources financières des autorités locales par rapport à leurs compétences : un test concret pour la subsidiarité » et la réponse des Délégués du 14 mars 2001 qui stipule que « Le Comité des Ministres partage l'opinion du Congrès qu'il faut trouver le juste équilibre entre le recours à une décentralisation des compétences et les ressources financières des collectivités locales. » ;

b. la Recommandation Rec (2005) 1 du Comité des Ministres relative aux ressources financières des collectivités locales et régionales, qui contient des lignes directrices destinées aux autorités centrales, et souligne le fait que l’autonomie locale implique une certaine autonomie financière ;

c. la Recommandation 340 (2013) du Congrès sur les réponses des collectivités locales et régionales à la crise économique ;

d. la déclaration de Kiev et les Lignes directrices de Kiev adoptées par les Ministres responsables des collectivités locales et régionales lors de leur Conférence de Kiev (Ukraine) en 2011, qui appellent à une action conjointe des pouvoirs nationaux et des collectivités locales et régionales en réponse à la crise économique ;

e. la Résolution 1886 (2012) de l’Assemblée parlementaire, relative à l’impact de la crise économique sur les collectivités locales et régionales en Europe, et sa Résolution 1884 (2012) sur les mesures d’austérité ;

f. la synthèse des « problèmes récurrents » rencontrés lors des activités de suivi, soumise par le Président du Congrès au Comité des Ministres le 13 décembre 2013 ;

9. Le Congrès demande par conséquent au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres :

a. à garantir que :

i.        les décisions prises au niveau national et/ou régional concernant l’allocation de ressources financières aux collectivités locales le soient de manière publique et transparente ;

ii.       l’équilibre entre les tâches et fonctions obligatoires et les ressources dont disposent les collectivités locales fassent l’objet d’évaluations et de discussions régulières entre les différents niveaux d’autorité concernés ;

iii.      des mécanismes de consultation effective soient créés afin de garantir la prise en compte des vues des collectivités locales lors de la préparation du budget ;

b. à donner aux collectivités locales, dans le cadre de la politique économique nationale :

i.        un financement suffisant pour assumer les tâches et fonctions obligatoires ;

ii.       le pouvoir de lever leurs propres recettes, à la hauteur de leurs responsabilités en matière de dépenses ;

iii.      la liberté de décider de leurs priorités concernant les dépenses ;


10. Le Congrès demande au Comité des Ministres :

a. d’inviter les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à envisager de ratifier l’article 9.5 de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui prévoit la protection des collectivités locales les plus faibles au moyen de mesures de péréquation financière, afin de permettre aux collectivités locales de proposer un niveau de services publics homogène ;

b. d’inclure dans son dialogue politique avec le Congrès sur la situation de la démocratie locale et régionale en Europe, au moins une fois pendant chaque mandat du Congrès (tous les quatre ans), la question du financement suffisant des collectivités locales.



[1] L : Chambre des pouvoirs locaux / R: Chambre des régions

PPE/CCE : Groupe du Parti Populaire Européen au Congrès

SOC : Groupe Socialiste

GILD : Groupe Indépendant et Libéral Démocratique

ECR : Groupe des Conservateurs et Réformistes européens

NI : Membre n’appartenant à aucun groupe politique du Congrès

[2] Avant-projets de résolution et de recommandation approuvés par la Commission de la gouvernance du Congrès le 2 juin 2014.

Membres de la commission (Chambre des pouvoirs locaux uniquement) :

T. Arifi, I. Bolojan, W. Borsus, T. Bransdal (remplaçante), M. Chernishev, W. Czarnecki, B. Degani, I. De la Serna Hernaiz, J. Eerola (remplaçante: S. Ilvessalo), A. Eroi (remplaçant), A. Erzen (remplaçante : G. Doganoglu), H. Feral (2ème Vice‑Président), A. Galster, G. Gerega, M. Hegarty, S. Hornik, H. Huseynov, F. Johansson Metso, O. Kidik, C. Kiefer, B. Krnc(remplaçante : B. Pecan), P. Kurz, R. Lindal, O. Luk’ianchenko, L. Marras, H. McGuigan (remplaçante : M. Evans), A. Mediratta (3ème Vice‑Président), M. Mugosa, A. Nefeloudis, R. Nwelati, P. Pedergnana, E. Penzes, J. Pulido Valente, S. Reid, G. Roger, V. Rogov, M. Sant, D. Suica, L. Swietalski, C. Tascon‑Mennetrier, R. Thurner, S. Tobreluts, A. Vestea, L. Vokueva (remplaçant : V. Novikov), P. Wies, R. Yanakieva.

N.B. : Les noms des membres qui ont pris part au vote sont imprimés en italique.

Secrétariat de la commission : T. Lisney, N. Howson.

[3] Voir note de bas de page 2.