« Le dialogue interculturel: l'interaction entre la culture et la religion »

Bakou ; Azerbaidjan, 1-2 septembre 2014

Allocution de Jean-Claude Frécon, (France, SOC), Président de la Chambre des pouvoirs locaux du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire général adjointe du Conseil de l’Europe,

Monsieur le Représentant de la Présidente de  l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe,

Excellences,

Chers collègues,

C’est avec un très grand plaisir que je prends la parole devant vous aujourd’hui, au nom du Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en ma qualité de premier vice-président du Congrès.

L’interaction et le dialogue entre la liberté religieuse et la diversité culturelle croissante des sociétés contemporaines, qui est le thème principal de nos discussions, gagne en importance dans le monde d'aujourd'hui.

Nous sommes dans un contexte rempli de contradictions. Si les processus de mondialisation et l’intégration offrent des possibilités sans précédent pour les personnes de différentes origines religieuses en créant des communautés de plus en plus multi-confessionnelle, il y a malheureusement aussi de vrais menaces qui pèsent sur nos communautés dans un contexte de montée de la xénophobie et de l'intolérance, alimentée par les conséquences de la crise économique. 

Notre défi est de pouvoir instaurer un dialogue pour faire valoir les valeurs universelles défendues par le Conseil de l’Europe tout en assurant une place à l’héritage culturel religieux – et ceci plutôt dans l’esprit d’une approche inter-religieuse. Le but n’est pas de vivre l’un à côté de l’autre mais de vivre ensemble, de « faire société ».

C’est un défi urgent et de taille et d'une importance toute particulière pour le Congrès car nous sommes conscients que le dialogue commence au niveau de nos communautés : Les autorités locales et régionales jouent un rôle clé dans la création des conditions pour un tel dialogue et elles doivent continuer leurs efforts pour l'encourager.

Un de nos rapporteurs sur le sujet avait remarqué en 2007 que le paradoxe du dialogue interreligieux pour les collectivités locales, c’est que la collectivité doit naviguer au plus près « entre non-indifférence et non-ingérence », car dans nos démocraties où la dimension religieuse relève de la liberté de conscience, il n’appartient pas aux pouvoirs publics de conduire ce dialogue. Néanmoins, il faut intervenir et persévérer pour promouvoir la dimension culturelle et sociale des religions pour qu’elles soient perçues non comme un problème mais comme un véritable atout.

Le Congrès, assemblée des élus territoriaux des 47 pays européens, travaille depuis presqu’une décennie en faveur de l’action pour encourager le dialogue entre les représentants des différentes cultures et religions dans nos 200 000 collectivités locales.

Juste à titre d’exemples, permettez-moi de me référer aux 12 principes du dialogue interreligieux pour les collectivités locales que le Congrès a adopté il y a quelques années à la suite des deux colloques internationaux tenus à Montchanin en France, à quelques kilomètres de la communauté de Taizé qui a tant œuvré pour le dialogue entre les religions. Je me réfère aussi à nos résolutions et recommandations à l'appui du Réseau des Cités interculturelles ainsi que tout le réseau des villes pour la politique d’intégration locale, connu sous son sigle anglais CLIP, dont la préoccupation principale est la situation des résidents étrangers, notamment des migrants, qui représentent la principale source de diversité culturelle et religieuse en sont témoins. 

Nous avons également une résolution et une recommandation appelant les autorités locales à établir des politiques appropriées pour promouvoir les relations interculturelles et demandant aux gouvernements nationaux de soutenir l’action municipale dans ce domaine.

Notre action la plus récente vise à modifier les perceptions de la diversité par l'éducation interculturelle et une communication efficace au niveau local.

Nous travaillons à cet égard sur un rapport, qui sera à l’agenda du Congrès à notre session d’octobre. Ce rapport s'appuie sur les expériences et les bonnes pratiques des réseaux municipaux actifs dans ce domaine, telles que Cités interculturelles, les villes pour la politique d'intégration locale, et la Coalition européenne des villes contre le racisme, entre autres.

C’est vous dire que nous participons à cette conférence avec la conviction bien ancrée de l’importance cruciale de cette thématique.

Mesdames et Messieurs, chers participants,

Le Congrès soutient toute action qui promeut l’acceptation de la différence et de la diversité pour combattre les attitudes et pratiques discriminatoires et qui encourage la réflexion sur la richesse culturelle crée par cette diversité. C'est pourquoi je salue en particulier le fait que, aujourd’hui au cours de cet échange, nous allons discuter de la question de la contribution que les convictions religieuses ou non-religieuses peuvent apporter au combat contre toutes formes de discrimination.

En conclusion, je voudrais réaffirmer au nom du Congrès que la poursuite de politiques municipales ciblées dans ces domaines, ainsi que la conception d’espaces publics permettant aux personnes d’origines culturelles différentes de se mélanger et d’échanger est la seule voie pour favoriser la compréhension mutuelle, indispensable à l’équilibre de nos sociétés.

Nous parlons ici beaucoup de la nécessité du dialogue, alors, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais vous dire combien nos travaux d’aujourd’hui et de demain sur le dialogue interculturel prennent une résonance toute particulière en ce moment où un pays membre du Conseil de l’Europe est en proie à une guerre atroce qui a déjà fait des milliers de victimes et voit son territoire souverain partiellement occupé par un autre pays membre du Conseil de l’Europe : la Russie. A cette heure dramatique pour l’Ukraine et pour toute l’Europe des valeurs, je forme le vœu que nos travaux sur l’importance du dialogue, s’imposent dans cette région de l’Europe avec l’urgence impérative qui seule pourra sauver ces populations piégées dans une guerre d’un autre siècle.

Je vous remercie.