2e Rencontre de Montchanin « Pouvoirs locaux et religions : quelles stratégies pour consolider le dialogue interreligieux ? »

Montchanin, France,  le 19 novembre 2010

Discours de Jean-Claude Frécon, Président de la Chambre des pouvoirs locaux du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Monsieur le Maire de Montchanin,

Chers collègues élus,

C’est avec un très grand plaisir que je prends la parole devant vous aujourd’hui, au nom du Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Ce sentiment est bien justifié : c’est le Congrès, assemblée des élus territoriaux des 47 pays européens, qui a lancé, il y a quatre ans, le processus de réflexion en faveur de l’action pour encourager le dialogue entre les représentants des différentes cultures et religions dans nos collectivités locales.

Cette initiative s’est inscrite dans l’action plus élargie du Conseil de l’Europe pour instaurer le dialogue interculturel et interreligieux en Europe, ce continent multiculturel, multi-religieux et multilingue, continent fier de sa diversité. Les travaux dans ce domaine ont abouti à la publication d’un Livre Blanc sur ce dialogue, et à l’organisation des échanges annuels européens sur ce sujet, sous l’égide du Conseil de l’Europe.

Pour sa part, le Congrès a toujours été convaincu que le dialogue interculturel et interreligieux commence au niveau local, dans nos villes et communes. Car c’est là que les représentants des différentes cultures cohabitent de la façon la plus proche, c’est là qu’ils vivent et travaillent côte à côte, et c’est là que leur interaction est la plus visible, et produit les résultats les plus tangibles. C’est également au niveau local que les tensions et les conflits entre les groupes culturels et religieux prennent leur racine.

Motivé par cette conviction, le Congrès a entrepris d’élaborer des principes pour une action en faveur du renforcement du dialogue interculturel, afin d’aider les autorités locales à promouvoir ce dialogue dans leurs collectivités. Notre rencontre aujourd’hui ici, à Montchanin, n’est pas par hasard : c’est ici où, en novembre 2006, que les douze principes du dialogue interculturel et interreligieux pour les pouvoirs locaux ont été discutés et finalisés, lors de la 1re Rencontre de Montchanin organisée par le Congrès.

Ces principes ont fait partie de la contribution du Congrès aux travaux du Conseil de l’Europe dans ce domaine, et particulièrement au Livre Blanc. Les actes de la 1re Rencontre ont également été publiés par le Congrès sous forme de livre, avec le titre « Des Dieux dans la ville ».

C’est pourquoi c’est un grand plaisir pour moi de voir que notre action se poursuit en ce même lieu, et je remercie tout particulièrement le maire de Montchanin, Monsieur Jean-Yves VERNOCHET, et Monsieur Pierre CORNELOUP, secrétaire de la délégation française auprès du Congrès, ainsi que tous et toutes qui sont engagés dans l’organisation de la 2e Rencontre, pour cette excellente initiative.

Mesdames et Messieurs,

En effet, cette rencontre est une suite logique à l’élaboration des douze principes, et atteste de la continuité de notre action. Alors que les principes portent sur les moyens que les pouvoirs locaux peuvent utiliser pour la promotion du dialogue interreligieux, l’objectif de notre séminaire aujourd’hui est d’examiner les stratégies de leur mise en œuvre et de leur application pratique dans nos collectivités.

A cet égard, le programme conjoint du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne, intitulé « Cités interculturelles » et lancé en 2008, peut servir de source d’inspiration pour nos discussions. Le Congrès s’associe activement à ce programme qui vise à aider les villes à encourager les échanges entre les cultures de personnes d’origines diverses, et la recherche d’un équilibre entre les notions d’identité, d’inclusion et d’exclusion. L’objectif est d’instaurer des politiques municipales en faveur de l’interculturalisme, et à créer dans les villes européennes un cadre – ou plutôt un environnement – propice à l’interaction productive et à l’enrichissement mutuel des cultures et des confessions.

Concrètement, cette rencontre de l’autre et cette promotion du dialogue peut avoir pour cadre l’école, l’habitat, le secteur social ou des loisirs, et cherche à remplacer l’hostilité ou l’affrontement par la compréhension mutuelle.

Le concept de cité ou ville interculturelle préconise la poursuite de politiques municipales ciblées dans ces domaines, ainsi que la conception d’espaces publics qui permettent aux personnes d’origines culturelles différentes de se mélanger et d’échanger pour favoriser la compréhension mutuelle. Un réseau des villes participant à ce programme a été formé depuis son lancement ; en France, la ville de Lyon y prend une part active, et nous espérons que davantage de municipalités françaises s’y joignent dans sa deuxième phase, à partir de l’année prochaine.

En mars 2009, le Congrès a organisé une table ronde à ce sujet à Strasbourg, qui a abouti à deux textes adoptés :

Dans la poursuite de cette action, nous appelons, au Congrès, les collectivités locales à s’engager en faveur d’une démarche politique interculturelle, à reconnaître l’utilité de la contribution de chaque communauté et à stimuler le développement d’identités culturelles multiples.

Cet engagement pourrait passer par des programmes de formation et de sensibilisation, l’implication accrue des immigrés dans l’action locale et la mise en place du dialogue permanent entre les groupes culturels. Il revient aux collectivités de traduire concrètement la diversité au sein même de leurs administrations: il importe en effet de mieux associer et intégrer les immigrés au sein des personnels municipaux.

Un autre réseau municipal cofondé et soutenu par le Congrès, et dont les travaux peuvent contribuer aux stratégies pour le dialogue interreligieux, est le Réseau des villes pour la politique d’intégration locale, connu sous son sigle anglais CLIP – Cities for Local Integration Policy. Près de 40 municipalités européennes se sont jointes à ce réseau depuis son lancement en 2006, dont Nantes et Strasbourg en France. La préoccupation principale de ce réseau est la situation des résidents étrangers, notamment des migrants, et leur intégration dans le reste de la communauté urbaine. Pour un grand nombre des villes, ces résidents représentent la principale source de diversité culturelle et religieuse, ce qui est directement lié au thème de ce séminaire.

Dans ce contexte, le Congrès a organisé, en octobre dernier à Strasbourg, une conférence internationale sur l’intégration des résidents étrangers à la ville publique locale. Cette conférence, organisée en coopération avec la ville de Strasbourg, a rassemblé les municipalités qui ont déjà établi des conseils des résidents étrangers, qui poursuivent activement les politiques d’intégration et de relations interculturelles au niveau local, et qui souhaitent se joindre à ces efforts. Elle a offert un forum pour discuter des différentes formes de participation des citoyens, comparer le fonctionnement des conseils de résidents étrangers et relever les problèmes et les solutions communs.

Dans une Déclaration adoptée lors de la conférence, les participants ont appelé les Etats membres du Conseil de l’Europe à ratifier et mettre en pratique la Convention européenne sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, visant à permettre à tous les citoyens, qu'ils soient ressortissants de l’Union européenne ou non, de participer pleinement à la vie de leur collectivité. Ils ont demandé aux institutions européennes et aux pouvoirs publics de tous niveaux, non seulement d'accorder le droit de vote et d'éligibilité au niveau local aux citoyens-résidents, mais également, de développer des politiques garantissant à tous les résidents les mêmes possibilités d'agir et de participer, au niveau local, en tant que citoyens à part entière.

Enfin, cette Déclaration de Strasbourg a appelé les Etats, les régions et les communes à faciliter la mise sur pied d’organes consultatifs de représentation des résidents étrangers, et à organiser les moyens administratifs et financiers nécessaires à leur fonctionnement.

Un autre aspect que je voudrais citer est la situation des populations Roms en Europe. Réagissant à leurs expulsions récentes, le Conseil de l’Europe a mobilisé la communauté européenne pour définir le cadre juridique existant concernant les Roms, et identifier des pistes d’action possibles afin d’améliorer leur situation. Une rencontre des hauts représentants des gouvernements sur ce sujet, organisée le 20 octobre à Strasbourg, a notamment mis en exergue qu’aucune action ne pourra réussir sans un engagement actif, et des mécanismes de mise en œuvre, au niveau local. Aujourd’hui, les discussions dans le cadre de notre séminaire peuvent également contribuer à l’élaboration d’une stratégie européenne.

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, je souhaite réitérer l’importance que le Conseil de l’Europe et son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux attachent au dialogue interculturel et interreligieux, à sa promotion et à son renforcement dans nos collectivités locales. En effet, une collectivité dont les résidents ne s’entendent pas ou se ressentent exclus ne peut par fonctionner correctement.

Il y a quatre ans, la rencontre de Montchanin a proposé des principes pour mettre sur les rails un dialogue entre les cultures et les confessions. Je suis convaincu qu’aujourd’hui, ce séminaire dans cette même ville contribuera à la formulation de stratégies pour l’application effective de ces principes.

Je vous souhaite un grand succès, et je vous remercie.