Confédération européenne des pouvoirs locaux intermédiaires (CEPLI)

Conférence politique

Berlin, Allemagne, le 10 novembre 2010

Discours de Antonella Cagnolati, Directrice du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Tout d’abord, je souhaite vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre élection à ce poste important, ainsi que tous les nouveaux membres du Bureau de votre Confédération qui ont été élus pour diriger cette organisation. Je vous souhaite un grand succès dans l’exercice de votre mandat, et je suis confiant que les relations de coopération entre la CEPLI et le Congrès du Conseil de l’Europe que je représente, ne seront que renforcées et intensifiées au cours de votre présidence.

Il y a un peu plus que deux ans, en juillet 2008, j’ai eu l’honneur de participer à la conférence du lancement de la CEPLI, à Avignon. J’ai exprimé à ce moment-là le soutien du Congrès à cette initiative, car les pouvoirs intermédiaires occupent un créneau important dans l’architecture politique européenne, jouant un rôle d’interface entre les collectivités territoriales et les autorités centrales.

Aujourd’hui, deux ans plus tard, je suis contente de voir votre Confédération avoir consolidé son action et avoir trouvé sa place bien méritée parmi les institutions et associations européennes. La participation à cette conférence et à cette table ronde des personnalités éminentes européennes en est la meilleure preuve.

En même temps, cette conférence a lieu dans un nouveau contexte, caractérisé par l’évolution de la situation sur notre continent : d’un côté, l’évolution de la situation économique et sociale dûe à la crise économique et ses conséquences pour nos collectivités locales et régionales ; de l’autre côté, l’évolution de la situation politique suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

Ces deux points forts peuvent être perçus comme mettant en exergue le besoin de la recentralisation du pouvoir et du renforcement des compétences des autorités centrales, que ce soient nationales ou européennes – ce qui était, dans le cas de la crise, la réaction immédiate de certains gouvernements nationaux.

Or, paradoxalement pour certain, mais naturellement pour nous, la crise et le Traité de Lisbonne ont souligné de nouveau le rôle crucial des pouvoirs territoriaux en Europe. En novembre 2009, la conférence des ministres européens des collectivités locales et régionales, tenue à Utrecht, Pays-Bas, a mis en exergue l’importance de l’action au niveau de base pour la relance économique, et appelé aux gouvernements à offrir le soutien nécessaire aux pouvoirs sous-nationaux.

Les études d’experts montrent la relation directe entre la décentralisation et la bonne performance économique, les pouvoirs territoriaux étant mieux conscients des besoins et des ressources de leurs communes, et des possibilités de leur utilisation optimale. C’est pourquoi aujourd’hui, nous parlons du besoin de revoir le cadre national du financement des activités locales et régionales dans le contexte de la crise. Ses effets étant les plus tangibles à la base, c’est de la base que la relance économique commence.

De l’autre côté, l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a renforcé la base juridique de la décentralisation en Europe. Le principe de la subsidiarité, reconnu fermement par les gouvernements européens, a trouvé une place éminente dans ce Traité. Ceci nous permet de clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de gouvernance,  et d’examiner les possibilités d’établir un nouveau système de relations entre eux, dans le cadre de la « gouvernance multiniveaux ». Ce concept a été lancé par le Comité des régions de l’Union européenne, dont la Présidente, Madame Bresso, que je salue ici, vient de s’adresser à cette conférence. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a donné son plein soutien à cette initiative, et notamment à la proposition d’élaborer un Charte européenne de la gouvernance multiniveaux.

En effet, le principe de la subsidiarité et du transfert des compétences et des moyens financiers au niveau le plus proche du citoyen a été énoncé pour la première fois dans la Charte européenne de l’autonomie locale, et sa mise en œuvre est au cœur de la mission du Congrès. Or, ce même principe de la répartition des tâches entre les niveaux local, régional et national dans un Etat, ce qui est l’objet des activités du Congrès et de sa procédure de suivi, ou monitoring, s’applique parfaitement aussi au niveau européen. Il s’inscrit dans le cadre de la délimitation des pouvoirs européen, étatique et sous-national et de l’interaction entre eux en tant que partenaires égaux de la gouvernance multiniveaux.     

Dans ce système, chaque niveau de la gouvernance est doté des compétences et exercent les fonctions bien définies, ce qui reflète, largement, à la fois la situation de plus en plus émergente et une véritable hétérogénéité de l’organisation territoriale que connaît notre continent – que ce soit les communes, les villes, les provinces, les départements ou encore les régions. Pour nous, cette diversité des territoires en Europe est synonyme de richesse, une richesse d’une valeur incommensurable due à la pluralité d’ethnicités, de langues, de cultures, et de traditions qui sont enracinées dans nos collectivités.

En même temps, cette diversité, qui repose sur des valeurs démocratiques communes, nécessite une cohésion politique, économique et sociale impliquant tous les niveaux de gouvernance, une cohésion permettant de tenir ensemble le tissu de nos diverses sociétés.

En effet, le seul point commun entre ces différentes « couches » territoriales, c’est au fond qu’elles se situent au niveau sous-national dans l’Etat – en fait, au niveau intermédiaire entre les citoyens et le pouvoir central.

Mesdames et messieurs,

Dans ce contexte, les pouvoirs intermédiaires, représentés par la CEPLI, ont pour vocation de jouer un rôle important dans la mise en œuvre d’un nouveau système de la gouvernance en Europe. Chaque niveau des collectivités a sa propre pertinence dans le paysage territorial, avec des atouts et un rôle qu’il faut exploiter d’une manière spécifique à chaque pays d’Europe. C’est pourquoi l’importance reconnue des collectivités d’une certaine taille, comme les régions, ne doit pas être au détriment des collectivités d’un taille inférieure comme celles dites « coincées » entre les communes et les régions . Ces divisions territoriales bénéficient parfois aussi de compétences particulières. Dans certains pays, par exemple, les pouvoirs intermédiaires sont parfois mieux placés que les régions pour assurer l’application efficace de la Charte européenne de l’autonomie locale, renforcer la démocratie de proximité, ou organiser les investissements dans l’économie locale.  

Il est clair aujourd’hui que l’Etat ne peut s’exprimer aux citoyens sans passer par le niveau plus proche à leurs collectivités. D’un autre côté, les pouvoirs territoriaux ne peuvent pas s’adresser aux niveaux national et international sans passer par les institutions intermédiaires les représentant. C’est dans ce cadre-là que nous voyons l’utilité et le rôle des pouvoirs intermédiaires qui sont les interlocuteurs légitimes et reconnus des Etats. Les niveaux intermédiaires ont pour vocation d’exercer un rôle de coordination, de mise en commun et d’orientation de différentes autorités existant sur un territoire plus vaste. Ces niveaux sont de plus des atouts précieux dans l’architecture institutionnelle d’un pays, dans  la mesure où ils représentent une passerelle vers une meilleure démocratie de proximité.

Enfin, permettez-moi de dire quelques mots sur l’utilité des pouvoirs intermédiaires, et de leur organisation représentative, la CEPLI, plus concrètement pour le Congrès du Conseil de l’Europe. 

Comme la CEPLI, le Congrès vient de voir les élections de ses nouveaux Présidents et de son nouveau Bureau à la fin d’octobre, mais ces élections ont eu lieu dans le cadre plus large de la réforme de ses priorités politiques, structures et méthodes de travail. L’objectif de cette réforme, qui coïncide avec le processus de réforme plus global du Conseil de l’Europe, est de recentrer l’action du Congrès sur sa mission principale, de mieux cibler ses activités sur les défis réels de nos collectivités, et d’augmenter leur impact par un meilleur suivi de la mise en œuvre de nos recommandations. Le but est de rendre le Congrès plus pertinent aux attentes des citoyens et des collectivités.

Le succès de cette réforme dépend principalement de notre capacité d’étendre et de renforcer nos partenariats en Europe et de créer des synergies avec nos partenaires institutionnels. Dans ce contexte, nous espérons pouvoir compter sur une coopération constructive et fructueuse avec la CEPLI, de la même façon que nous avons établi une bonne coopération avec de nombreuses organisations et associations des pouvoirs territoriaux en Europe.

Nous concevons le niveau intermédiaire comme un très bon relais pour transmettre les initiatives et les projets à caractère international de notre Congrès vers les niveaux local et régional ; comme un très bon vecteur pour favoriser l’application des principes fondamentaux énoncés dans la Charte de l’autonomie locale. Les niveaux intermédiaires sont le véhicule utilisé par les pouvoirs territoriaux vis-à-vis, d’une part, des gouvernements nationaux et, d’autre part, des institutions internationales telles que le Congrès du Conseil de l’Europe. En tant que tel, vous êtes nos partenaires naturels.

C’est précisément la raison pour laquelle le Congrès attache une importance particulière à la coopération avec les pouvoirs intermédiaires et leurs associations, leur implication dans ses activités, le maintien d’un dialogue permanent avec eux, tout en leur offrant son expertise et son acquis. En effet, nous avons développé une véritable culture de coopération avec les associations des pouvoirs locaux et régionaux dans nos activités quotidiennes. Pas plus tard qu’en septembre dernier, nous avons bénéficié de la contribution des associations nationales et européennes aux propositions de la réforme du Congrès, lors de leurs 3e Assises.

Nous comptons y inclure une coopération avec la CEPLI, qui, en tant qu’interlocuteur politique, porte la voix des pouvoirs intermédiaires, acteurs clés d’une dynamique locale européenne. Avec la CEPLI, les collectivités qui se trouvent entre les communes et les régions ont obtenu une représentation politique, le rôle joué par l’Assemblée des Régions d’Europe, ARE, pour les régions et par le Conseil des Communes et Régions européennes, CCRE, pour les communes. Comme ces deux associations, qui ont le statut d’observateur auprès du Congrès, la CEPLI doit aussi bénéficier de la coopération accrue avec notre institution, et j’espère à cet égard voire les relations plus étroites entre les nouveaux Présidents, les nouveaux Bureaux et les Secrétariats de nos deux instances.

Je vous remercie.