19e SESSION PLÉNIÈRE DU CONGRÈS DES POUVOIRS LOCAUX ET RÉGIONAUX

DU CONSEIL DE L’EUROPE

27 October 2010, strasbourg, FRANCE

Allocution de M. Musa XHAFERRI, Ministre de l’Autonomie Locale de « l’ex-République yougoslave de Macédoine », au nom de la Présidence du Comité des Ministres

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les membres du Congrès,

Mesdames et Messieurs,

C’est un réel plaisir pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui, au nom de la présidence macédonienne du Comité des Ministres. Tout d’abord, M. Whitmore, je voudrais vous présenter mes sincères félicitations pour votre élection en tant que Président du Congrès.  Je vous souhaite beaucoup de succès dans cette fonction.  A cet égard, je voudrais attirer votre attention sur le stade crucial auquel nous nous trouvons actuellement au Conseil de l’Europe.

Le vent du changement souffle sur notre Organisation. Comme vous le savez, le Secrétaire Général a lancé une réforme dont le but est de rendre le Conseil de l’Europe plus pertinent, plus visible et plus efficace sur la scène internationale. Réforme, rénovation et rationalisation sont au centre des discussions dans tous les secteurs.

Le Comité des Ministres soutient totalement les ambitions du Secrétaire Général. Il estime que toutes les parties de l’Organisation doivent être pleinement impliquées dans la poursuite de ces ambitions, sans quoi ces dernières ne pourront se concrétiser. Nous devons tous nous concentrer davantage sur les objectifs essentiels, améliorer notre flexibilité et notre capacité à réagir aux nouvelles tendances ou aux nouveaux problèmes et faire encore plus d’efforts pour nous assurer que tous les organes du Conseil de l’Europe travaillent de manière coordonnée, plutôt qu’en parallèle, pour parvenir aux mêmes buts.

C’est pourquoi le Comité des Ministres se félicite de la détermination du Congrès à mener à bien le processus de réforme qui est à votre ordre du jour cette semaine. Il suit de près les propositions du Congrès, aussi bien en ce qui concerne les changements de structure et de méthodes de travail, mais aussi les priorités pour les années à venir. Je ne doute pas que les résultats des débats approfondis qui ont eu lieu et se poursuivent au sein de votre assemblée iront dans le sens fixé par le Secrétaire Général et contribueront de manière importante à renforcer l’impact de la réforme.

Mesdames et Messieurs,

Il y a maintenant 25 ans, à quelques jours près, que la Charte européenne de l’autonomie locale était ouverte à la signature. C’est un événement important qui mérite d’être célébré. Le préambule de la Charte affirme que « le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe » et que « c’est au niveau local que ce droit peut être exercé le plus directement ».

La force de cette Charte, aujourd’hui ratifiée par 44 Etats membres, est donc de rapprocher la démocratie du peuple, aussi bien en théorie qu’en pratique. À cet égard, je tiens à rendre hommage au travail considérable accompli par le Congrès pour promouvoir l’autonomie locale en supervisant l’application des principes de la Charte et avec ses rapports par pays, dont trois seront examinés cette semaine[1]. Il s’agit d’un travail concret et ciblé, qui contribue efficacement à promouvoir l’un des objectifs essentiels du Conseil de l’Europe et dont la poursuite doit être encouragée.

L’observation des élections est un autre secteur d’intervention important du Congrès ; d’ailleurs, le dernier rapport, sur les élections municipales en Géorgie est à l’ordre du jour de votre séance d’aujourd’hui. Après une première mission pré-électorale en Ukraine au début de ce mois, le Congrès, qui sera le seul observateur international présent, dépêchera cette semaine une délégation de 25 observateurs dans ce pays pour suivre le déroulement du scrutin. Le Comité des Ministres examinera ses conclusions avec intérêt.

J’en viens maintenant à quelques-unes des récentes décisions du Comité des Ministres qui concernent tout particulièrement votre Congrès.

Dans le courant du mois, le Comité des Ministres a pris note de l’adoption par la Plate-forme d’acteurs sur la Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local des règles régissant l’adhésion à la Stratégie et l’octroi du Label européen d’excellence dans la gouvernance.

Ce nouveau label européen est un outil de développement utile pour la démocratie locale : il donne aux collectivités locales un objectif et les incite tout particulièrement à évaluer et améliorer la mise en œuvre des douze principes de bonne gouvernance démocratique définis dans la Stratégie pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local. Les Représentants du Congrès seront des ambassadeurs importants de ce nouveau label dans leurs territoires respectifs. On espère que de nombreuses communes en feront leur compas pour parvenir à des pratiques démocratiques effectives et authentiques.

Une deuxième décision concerne le Centre d’expertise sur la réforme de l’administration locale. Lors de l’examen du rapport annuel de ce dernier, le Comité des Ministres a pris acte du rôle qu’il peut jouer pour soutenir les collectivités locales, tout particulièrement en période de difficultés économiques, et l’a invité à poursuivre et, si possible, à étendre ses activités en coopération avec tous les partenaires concernés, en particulier avec le Congrès, pour exploiter les synergies existantes et en créer de nouvelles. Je profiterai de l’occasion pour rappeler aux membres du Congrès que ce centre est bien un centre d’expertise et qu’il dispose à ce titre d’un certain nombre d’outils pour aider les collectivités locales à atteindre leurs différents objectifs en matière de performance démocratique.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots au sujet de la présidence macédonienne, qui touche à sa fin. Ces six derniers mois, pendant lesquels nous avons œuvré à faire avancer les objectifs centraux du Conseil de l’Europe, ont été bien remplis. Les priorités que nous avions annoncées pour notre présidence étaient centrées sur le renforcement de la protection des droits de l’homme et visaient à favoriser l’intégration dans le respect de la diversité et à promouvoir la participation des jeunes. Toutes ces intentions ne peuvent aboutir si elles ne sont pas prises en compte au niveau local et régional.

Je commencerai par le renforcement de la protection des droits de l’homme. C’est l’un des rôles et devoirs premiers des Etats membres, mais il ne concerne pas seulement l’Etat central. Sur un plan pratique, il concerne largement les collectivités locales et régionales, car ce sont les représentants de ces niveaux qui sont en contact direct avec les citoyens, qui connaissent le mieux leurs préoccupations, leurs problèmes et les obstacles qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs libertés et droits fondamentaux. C’est aux collectivités locales qu’il appartient de protéger les plus vulnérables, de stimuler la participation politique, de fournir les services élémentaires tels que le logement, l’éducation et la santé et donc de garantir l’accès aux droits économiques et sociaux de base.

Je voudrais aussi dire ici à quel point il est important de sensibiliser à la cause des droits de l’homme au niveau local, car transmettre aux citoyens la conscience des droits de l’homme est aussi un moyen de leur donner le pouvoir, de leur donner les outils pour contester des décisions, pour négocier des solutions et s’engager davantage dans la vie publique de la collectivité.

Le Congrès a déjà commencé à porter une attention accrue à la question des droits de l’homme, avec une recommandation portant spécifiquement sur cette question, qui est actuellement à l’examen devant le Comité des Ministres. C’est un premier pas, dont j’espère qu’il ouvrira la voie à l’exploration d’autres aspects relatifs aux droits de l’homme dans le contexte local et régional.

La deuxième priorité de mon pays a été de favoriser l’intégration dans le respect de la diversité. Nous savons tous que la diversité est, dans nos sociétés, source de richesse et qu’il faut aller vers le multiculturalisme.

À ce sujet, permettez-moi de souligner qu’une conférence internationale a eu lieu à Skopje, les 7 et 8 juin, dans le cadre de la présidence macédonienne, au sujet de la participation effective au processus décisionnaire des personnes appartenant à des minorités nationales comme moyen de favoriser l’intégration et de renforcer la cohésion des sociétés européennes. Cette conférence a conclu à la nécessité d’assurer l’application effective de la Convention-cadre sur les minorités nationales à tous les niveaux – régional, national et local. Elle a également conclu à la nécessité de lier le processus de décentralisation à une meilleure inclusion des minorités au processus de prise de décision politique au niveau local.

Cependant, nous savons aussi que le processus d’intégration n’est pas toujours un long fleuve tranquille, que des problèmes se posent, que ce soit par manque de tolérance, d’éducation ou tout simplement par peur de l’inhabituel, de l’inconnu. Là encore, c’est largement aux collectivités locales qu’il revient de faire face aux risques de tensions, de contribuer à l’intégration et de promouvoir la tolérance entre les citoyens de différentes origines culturelles, ethniques ou religieuses.

Je sais que le Congrès partage cette priorité. Au début du mois, il organisait une conférence sur les enjeux et les perspectives de l’intégration des résidents étrangers à la vie publique locale. De même, deux rapports sont au programme des discussions cette semaine : le premier, qui a été examiné hier, porte sur le défi des tensions interculturelles et interreligieuses au niveau local, tandis que le second concerne l’intégration culturelle des femmes musulmanes dans les villes européennes. Il s’agit de questionnements pertinents pour la promotion de l’intégration et nous continuerons de suivre le débat avec intérêt.

À propos d’intégration, je voudrais aussi mentionner le débat important qui s’est déroulé ces derniers mois au sujet des Roms et des Gens du voyage ainsi que la réunion de haut niveau qui a eu lieu le 20 octobre, à laquelle le Congrès a participé. Le Comité des Ministres compte évidemment sur l’entière coopération du Congrès pour mettre en œuvre la Déclaration de Strasbourg. Cette coopération sera cruciale à de multiples niveaux, mais surtout pour favoriser l’intégration des populations roms et garantir leurs droits fondamentaux au niveau local.

J’en viens enfin à la troisième priorité de la République de Macédoine, qui est de promouvoir la participation des jeunes. Les jeunes d’aujourd’hui sont les citoyens et les décideurs politiques de demain. Il est donc essentiel de mettre à profit l’enthousiasme et l’idéalisme de nos jeunes et de les encourager à s’engager dans la vie politique, sociale et économique de l’endroit où ils vivent. Car c’est là que la démocratie prend racine. Dans nos villes et nos villages. C’est là que nos jeunes sont formés, qu’ils font leurs premiers pas vers la citoyenneté. Là que leurs idées et leur vécu peuvent nourrir les politiques de demain. Mais nos jeunes doivent comprendre que leurs besoins et leurs aspirations ne pourront être entendus que s’ils se donnent la peine de les faire entendre. Alors il faut leur faire sentir qu’ils constituent une composante appréciée de la collectivité. L’éducation et les possibilités offertes ont un grand rôle à jouer, et c’est là que les collectivités locales peuvent faire la différence.

Je suis particulièrement heureux de voir que le rassemblement de jeunes d’Europe du Sud-Est organisé à Ohrid les 10 et 11 septembre pour marquer cette priorité a débouché sur le lancement du processus d’Ohrid, dont le but est de stimuler la participation des jeunes au niveau local, national et régional. Les participants à ce rassemblement, y compris le représentant du Congrès, ont aussi adopté la « Déclaration du processus d’Ohrid sur la jeunesse et la prise de décisions : vers une plus grande inclusion et appropriation ».

Permettez-moi de saluer ici le soutien que le Congrès apporte aussi au renforcement de la participation et de l’intégration des jeunes. Vos débats de cette semaine sur l’intégration des jeunes des quartiers défavorisés traitent encore d’une autre dimension importante.

Mesdames et Messieurs,

Tels ont été nos priorités pendant la présidence macédonienne, mais il y a des objectifs qui perdureront bien après la fin de celle-ci. Nous espérons que le Congrès, lui aussi, continuera de s’intéresser à ces questions importantes dans ses futurs travaux.

Avant de conclure, je voudrais dire à quel point la République de Macédoine est attaché au développement de la démocratie locale. Comme vous le savez peut-être, notre nouveau système d’autonomie locale n’est entré en vigueur qu’en 2005. Il se caractérise par une décentralisation poussée, résultat de l’Accord-cadre et des modifications à la Constitution adoptés en 2001.

Il y a cinq ans, à la suite du redécoupage territorial des collectivités locales, les compétences touchant à toutes les sphères essentielles de la vie des citoyens, comme l’enseignement primaire et secondaire, l’assistance sociale, le développement économique, la protection de l’environnement, la culture, la protection anti-incendie, etc., ont été transférées au niveau local. L’autonomie locale est organisée en un seul niveau, les 84 communes, en tant que collectivités locales autonomes, disposant toutes des mêmes compétences. Seule la ville de Skopje, en tant que capitale, a un statut de collectivité locale distinct ; elle est organisée territorialement en dix communes.

Ces cinq dernières années, parallèlement aux transferts de compétences, un gigantesque transfert de ressources a également été fait. De nombreuses institutions, avec leurs employés, ont changé de statut pour devenir locales, adaptant leurs méthodes de travail à cette nouvelle situation. On peut considérer que cette adaptation s’inscrit dans la réforme de l’administration publique. Plusieurs formations ont été organisées pour l’administration locale, afin qu’elle puisse s’acquitter de ses nouvelles fonctions. Nous essayons actuellement de voir s’il est nécessaire et possible de créer un centre de formation au niveau local, qui dispenserait une formation institutionnelle continue de qualité pour l’administration locale, dont les agents ont le statut de fonctionnaire.

La décentralisation du pouvoir reste une priorité du gouvernement. Comme toujours, dans la coopération avec les collectivités locales, l’accent sera mis, pour la prochaine période de programmation, sur l’amélioration de la qualité des services, l’égalité d’accès de tous les citoyens aux services publics, ainsi que sur la participation des citoyens au processus décisionnaire au niveau local, pour laquelle les conditions préalables juridiques sont réunies.

Mesdames et Messieurs,

En ces temps d’incertitudes économiques et sociales, nous avons vu que les collectivités locales ont une responsabilité particulière qui leur impose d’entretenir un contact étroit avec les populations, les groupes sociaux et les entreprises au niveau local. Même avec des budgets en baisse et des ressources limitées, ne doutons pas que les collectivités locales feront tout pour améliorer la qualité de vie de leur population. Elles devront aussi se charger en priorité d’apaiser les craintes, de favoriser la cohésion sociale, de protéger les faibles et de faire en sorte que les citoyens sentent qu’ils peuvent leur faire confiance.

C’est pourquoi tous mes vœux de réussite vous accompagnent, aussi bien pour la réforme du Congrès en tant qu’institution que dans votre rôle de promoteurs et de défenseurs des valeurs essentielles de cette Organisation dans vos villes, rôle qui est aujourd’hui plus important que jamais.

Je vous remercie de votre attention. 



[1] Sur l'Estonie, le Monténégro et la Russie.