Johannes Hahn : « Les régions et les villes européennes joueront un rôle déterminant dans la sortie de crise »

La dimension locale et régionale est capitale dans l’Union européenne, ne serait-ce que du point de vue du rôle déterminant que les régions et les villes d’Europe joueront pour atteindre les objectifs de la Stratégie UE 2020, déclare Johannes Hahn, Commissaire de l’UE chargé de la politique régionale, dans l’entretien qu’il a accordé. Pour M. Hahn, si le Conseil de l'Europe s’attache à promouvoir la démocratie aux niveaux régional et local et si l’UE se concentre sur la promotion du développement économique, social et territorial et la réduction des inégalités entre les régions, l’amélioration de la gouvernance locale et régionale est une dimension importante pour les deux organisations

Interview : 26 octobre 2010

Question : Comment qualifieriez-vous la place qu’occupe la dimension locale et régionale dans la politique actuelle de l’Union européenne ? Quelle est la principale orientation de la politique régionale de l’UE ?

Johannes Hahn : La dimension locale et régionale est capitale dans l’Union européenne d’aujourd’hui, ne serait-ce que du point de vue du rôle certain que les régions et les villes d’Europe joueront pour atteindre les objectifs de la Stratégie UE 2020 et nous sortir de la crise. Je suis en outre convaincu que la politique régionale de l’UE peut être l’instrument permettant de concrétiser ces ambitions.

La Stratégie UE 2020 définira le cadre du développement économique, social et environnemental de l’UE des dix prochaines années. Dans la conjoncture actuelle, il ne sera pas facile d’atteindre ces objectifs. Toutefois, grâce au cadre intégré d’investissement, aux moyens efficaces déployés et à une adhésion au niveau local, la politique de cohésion peut être, et sera l’un des principaux moteurs du succès de la Stratégie UE 2020.

La politique, qui privilégie la connaissance, l’innovation, les compétences et l’économie verte peut accroître les possibilités de développement et contribuer à jeter les bases de la reprise économique et de la prospérité à long terme. Entre 2007 et 2013, pas moins de 230 milliards d’euros de fonds régionaux (pour un total de près de 350 milliards d’euros) seront investis dans le développement de la technologie et la recherche de pointe, l’innovation, les technologies de l’information et de la communication, le développement des entreprises et la formation. Les activités caractéristiques du XXIe siècle seront privilégiées, voire renforcées.

Question : L’Union européenne et le Conseil de l'Europe sont actifs aux niveaux local et régional. Comment voyez-vous leurs rôles respectifs ? Leurs activités sont-elles complémentaires ?

 

Johannes Hahn : Les activités du Conseil de l'Europe aux niveaux local et régional, menées par l’intermédiaire du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, diffèrent peut‑être de celles de l’Union européenne par leur portée mais elles sont complémentaires. Nos rôles, nos méthodes de travail et nos ressources devraient être placées dans leur cadre respectif – vous vous efforcez de promouvoir la démocratie aux niveaux local et régional tandis que notre mission essentielle consiste à promouvoir le développement économique, social et territorial et à réduire les disparités économiques entre les régions. Dans cette perspective, l’amélioration de la gouvernance aux niveaux régional et local est toutefois un volet important, les pouvoirs locaux en particulier joueront un rôle essentiel dans le succès de la Stratégie UE 2020.

Si elles ont sans doute des objectifs fondamentaux différents, les deux organisations œuvrent de concert dans plusieurs domaines. Depuis 2005, le Conseil de l'Europe a conclu un accord de coopération avec le Comité des Régions. Parallèlement, nous collaborons pour exécuter des programmes conjoints CdE/UE, comme celui des « Villes interculturelles », et un certain nombre d’autres projets dans l’UE, les Balkans occidentaux et d’autres parties de l’Europe.

Question : Les institutions européennes partagent désormais un problème, celui de l’absence de crédibilité auprès du public. Parallèlement, l’enjeu de la politique au niveau local devrait être d’améliorer la participation des citoyens. Comment faudrait-il, à votre avis, définir les politiques territoriales pour que les citoyens s’intéressent aux questions européennes ?

Johannes Hahn : Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d’améliorer l’engagement et la participation de nos citoyens. Comment lutter contre le changement climatique, venir à bout de la récession, assurer la croissance et créer des emplois, faire face à l’exclusion sociale ? Toutes ces questions nous concernent tous dans notre vie quotidienne. L’Europe travaille dans tous ces domaines, en concertation avec les pays membres et les collectivités territoriales afin de trouver des réponses et d’améliorer notre vie.

Dans mon propre domaine, la Direction générale de la politique régionale a récemment mené une vaste enquête sur l’attitude des citoyens de l’UE face à la politique régionale de l’Union. Environ un tiers (34 %) des citoyens de l’UE déclarent avoir entendu parler de projets cofinancés par l’UE pour améliorer leur région et sur ce pourcentage, trois quarts (76 %) estiment que le soutien de l’UE a eu des effets positifs sur le développement de leur ville ou de leur région. Cela étant, la prise de conscience est très diverse, elle est généralement plus forte dans les pays qui ont bénéficié de fonds plus importants. Nous nous efforçons de faire passer le message et même si nous progressons, il reste beaucoup à faire.

Les investissements en matière de politique régionale qui l’Europe fait par l’intermédiaire des fonds structurels ont profité à des millions de citoyens de l’UE. Les fonds de l’UE ont eu des effets directs sur l’accélération de la croissance de nombreuses régions ; ils ont été investis dans des projets d’infrastructure, dans la recherche et l’innovation, l’environnement, le développement des compétences et le soutien de l’activité économique. Il est essentiel de travailler en partenariat si l’on veut obtenir des résultats. La Commission publiera sous peu le cinquième rapport sur la cohésion qui définira les grandes orientations de la future politique en la matière après 2013. A ce sujet, j’entends veiller à ce que le système de gouvernance à plusieurs niveaux, c'est-à-dire une action coordonnée entre l’UE, les Etats membres et les collectivités territoriales, demeure au centre de la politique régionale. Les organes locaux et régionaux doivent participer pleinement à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique pour que les actions soient adaptées à la situation sur le terrain et qu’il existe une véritable volonté de succès commun, succès qui devrait pouvoir mobiliser les citoyens.