Conférence des OING du Conseil de l’Europe

Table ronde : D’Utrecht à Moscou, gouvernance et développement durable, les enjeux du futur

Strasbourg, 23 juin 2010

Discours du Jean-Claude Frécon, Vice-président de la Chambre des Pouvoirs Locaux, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conseil de l’Europe

Mesdames les Présidentes,

Mesdames et Messieurs membres des ONG internationales,

Chers amis,

Tout d’abord, je voudrais vous remercier de me donner la possibilité, à l’occasion de cette
table-ronde, de présenter la position du Congrès du Conseil de l’Europe. Comme vous le savez, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est directement concerné pas les décisions de la Conférence d’Utrecht et de la CEMAT, et activement impliqué dans leur mise en œuvre.

La participation des représentants du Congrès aux travaux de la Conférence des OING et notre collaboration sont bien plus qu’une bonne tradition. Cette participation répond à la nécessité d’établir des relations étroites de coopération entre tous les acteurs de la gouvernance de la société, à la nécessité d’une action coordonnée au sein d’un nouveau système, que nous appelons la gouvernance multi-niveaux.

Ce système présuppose la participation de l’ensemble des acteurs – les gouvernements, les parlements nationaux, les collectivités territoriales, la société civile – à l’élaboration des politiques, à la prise de décision et à leur mise en œuvre. Dans ce contexte, la société civile – représentée tout en premier lieu par les ONG, les associations des pouvoirs locaux et régionaux, les associations professionnelles – est notre partenaire privilégié dans la recherche des réponses à apporter aux défis posés à notre société d’aujourd’hui.

C’est dans cet esprit que le Congrès a adopté, en 2008, une résolution sur le partenariat entre les pouvoirs locaux et régionaux et les ONG dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Nous sommes convaincus que la Conférence des OING du Conseil de l’Europe apporte une contribution importante aux efforts menés par les autres partenaires de la gouvernance, notamment les  collectivités locales et régionales en général et leur organe représentatif, le Congrès en particulier.

C’est également dans cet esprit que le Congrès a soutenu l’initiative de la Conférence des OING d’une Journée Européenne de la Biodiversité, le 28 avril à Strasbourg ; Nous avons aussi cosigné à cette occasion, avec la Conférence des OING et l’Assemblée parlementaire, une Déclaration conjointe « Agir ensemble pour la biodiversité ». Aujourd’hui, nous avons besoin de la contribution de l’ensemble de la société civile, de son expertise et de sa capacité de mobilisation, pour mener l’action nécessaire en matière de biodiversité et de changement climatique mais bien au-delà pour apporter des réponses durables aux besoins impérieux de ce début de 21e siècle.

Mesdames et Messieurs,

Le monde d’aujourd’hui est un monde en pleine mutation. C’est un monde qui doit faire face à des défis sans précédents et qui est en proie à la crise économique et énergétique la plus grave depuis des décennies. C’est un monde où des millions de personnes sont exposées au chômage, à la précarité, à la pauvreté, à l’insécurité économique et alimentaire. C’est un monde incertain soumis au changement climatique, à la crise écologique et aux migrations massives qui en découlent. Mais paradoxalement, ces défis globaux exigent des réponses au plus près des citoyens de la part des élus responsables de nos villes et de nos régions ;des réponses de l’ensemble des acteurs de la société. En effet, si l’heure est à la mondialisation, l’heure est aussi aux collectivités locales, l’heure est aux réponses locales.

Dans ce contexte contraint, aggravé par l’accroissement des inégalités, aggravé par la polarisation sociale et par les problèmes démographiques, nos citoyens attendent des solutions de la part des collectivités territoriales. Ce sont ces mêmes collectivités qu’ils tiennent pour responsables de leur condition et de leur cadre de vie. Ce sont les collectivités territoriales qui doivent agir en première ligne pour la défense des droits de l’homme.

De ce fait, les collectivités territoriales peuvent souvent aller plus loin que les autorités nationales dans leur engagement. Le meilleur exemple à cet égard est celui de la lutte contre le changement climatique. Les mesures locales et régionales d’atténuation et d’adaptation des territoires aux effets du réchauffement climatique représentent aujourd’hui entre 50 et 80 pour cent de l’impact global des efforts menés dans ce domaine.

Par leur proximité et par leur connaissance du terrain, les collectivités peuvent agir de manière plus flexible et plus adaptée aux besoins réels des populations que le niveau national. Leur action dont l’impact est beaucoup plus palpable peut aussi dépasser le cadre formel de leurs compétences. Cependant, un lien des plus étroits entre les pouvoirs territoriaux et la société civile est impératif pour rendre cette action plus efficace et ainsi renforcer la confiance des citoyens dans les politiques publiques locales.

Ce partenariat doit faire partie intégrante du système de gouvernance multi-niveaux dont j’ai parlé au début de mon allocution. Nous trouvons déjà des éléments concrets de ce système dans le paysage politique européen, mais surtout les éléments du cadre juridique de ce système sont inscrits dans la Charte européenne de l’autonomie locale. C’est bien la Charte, ce premier traité international contraignant sur la démocratie locale, qui a établi le droit de la population à participer à la gestion des affaires des collectivités locales, qui a mis en place le principe de subsidiarité, le principe de l’indépendance des pouvoirs locaux, et l’obligation des gouvernements de consulter les collectivités locales pour les problèmes concernant les populations.

La Charte européenne de l’autonomie locale a posé les bases pour la délimitation des compétences des différents niveaux de gouvernance ainsi que les principes de leur financement, ce qui est essentiel pour une action publique face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Le droit fondamental à la participation démocratique est désormais confirmé dans le Protocole additionnel à la Charte, ouvert à la signature en Novembre dernier à Utrecht à l’occasion de la Conférence des Ministres responsables des collectivités locales et régionales. La Conférence des OING a grandement contribué aux réflexions pour mieux encadrer et faire accroitre la participation des citoyens à tous les niveaux de gouvernance, en particulier avec le Code de bonne pratique pour la participation civile au processus décisionnel. Le Congrès a soutenu l’élaboration de ce Code dans son avis adopté l’année dernière.

Les pouvoirs locaux et régionaux, la société civile et les gouvernements nationaux se doivent de travailler côte à côte pour la mise en œuvre des décisions de la Conférence d’Utrecht et, plus largement, pour l’amélioration de la démocratie locale et régionale en Europe.

Le Groupe Chaves, qui a tenu sa première réunion à Paris il y a deux jours, est l’instance qui traduit d’une manière concrète notre engagement commun et notre participation conjointe à la formulation des mesures à prendre à l’échelle européenne. De même, les travaux de la CEMAT s’inscrivent aussi dans les efforts pour le développement territorial durable et l’amélioration de la cohésion territoriale à travers le continent européen. Nous partageons au Congrès les objectifs de la CEMAT et nous travaillons de notre côté également à apporter des réponses concrètes aux défis de ce début de siècle.

Par ailleurs, le Congrès entend poursuivre la coopération fructueuse avec les ONG dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Ainsi a-t-il a confirmé la place prépondérante qu’elles occupent, en tant qu’interlocuteurs privilégiés sur le terrain des collectivités locales et régionales. En effet, lors de sa réunion ce vendredi, la Commission permanente du Congrès a adopté un nouveau règlement du suivi de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui préconise formellement les consultations avec la société civile dans le cadre des visites de suivi pour la préparation des rapports et des recommandations que le Congrès fait périodiquement et sur chacun des 47 pays membres du Conseil de l’Europe.

Enfin, dans le cadre de la réforme que le Congrès mène actuellement et de la discussion sur ses priorités pour 2011-2012, nous avons également décidé d’inclure la question de la mise en œuvre des droits de l’homme au plan local dans notre processus de suivi ou de « monitoring ». Il va de soi que nous comptons nous appuyer sur la société civile dans cet exercice.

Mesdames, Messieurs,

Ces démarches mettent en évidence le fait que la société civile, les ONG restent les partenaires indispensables dans notre mission qui est en réalité une mission commune, qui est de défendre et de faire avancer la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit sur notre continent.

Je nous souhaite à nous tous beaucoup de succès dans nos efforts pour un dialogue politique fructueux, pour une meilleure gouvernance et pour un mieux vivre ensemble.

Je vous remercie.