En Grande-Bretagne, les contrôles restrictifs instaurés par le pouvoir central entravent l’action des autorités locales, estime Ken Davey

Professeur à l'université de Birmingham (Royaume-Uni), Ken Davey était l'un des intervenants de l'atelier consacré aux ressources propres et à l’autonomie de gestion budgétaire lors de la conférence sur la démocratie et la décentralisation organisée à Saint-Gall (Suisse) les 4 et 5 mai 2010. Dans cet entretien, il exprime une vision critique du cadre de l’autonomie locale en Grande-Bretagne, qu'il juge trop restrictif.

Entretien du 4 mai 2010

Question : Lors de cette conférence, il a beaucoup été question de la nécessité d'une décentralisation du pouvoir. Le Royaume-Uni a une certaine expérience dans ce domaine, puisque des compétences ont été transférées à l'Ecosse et au pays de Galles après de longs débats et de nombreux efforts politiques. Comment jugez-vous les résultats de ce processus ?

Ken Davey : Je pense que le transfert de compétences, effectué il y a maintenant dix ans, a été très positif. Cependant, il repose sur un dispositif financier très particulier dans lequel les recettes des gouvernements écossais et gallois proviennent du budget national, mais guère des impôts créés par les parlements de ces régions. L'argent est distribué à l'Ecosse et au pays de Galles selon une formule très avantageuse : par habitant, les recettes perçues par les gouvernements écossais et gallois sont supérieures d’environ 20% à la moyenne pour l'ensemble du Royaume-Uni, ce qui permet à ces gouvernements d'offrir de nombreux services et prestations qui seraient trop onéreux en Angleterre. Sur ce plan, le transfert de compétences semble par conséquent donner de très bons résultats, mais il n’est pas toujours équitable pour les contribuables anglais.

Question : La décentralisation implique une grande autonomie financière des collectivités régionales et locales. Or, le manque de ressources est l’un des principaux problèmes au niveau local. Comment ce problème est-il traité dans votre pays ?

Ken Davey : Je pense que le système britannique n'est guère satisfaisant car les impôts locaux se limitent à la taxe foncière sur les maisons ou les résidences, qui ne représente qu'une faible part, environ 25%, du budget total des autorités locales. Le reste vient d'une manière ou d'une autre du budget national. L’argent est versé essentiellement sous forme de subventions globales, que les autorités locales sont relativement libres de dépenser à leur guise. Mais la répartition est fondée sur un système de péréquation qui change très souvent et elle manque de transparence. Le dispositif est compliqué, ce qui s’explique probablement par des raisons historiques. A la situation financière s’ajoutent d'autres difficultés, liées au fait que nous avons eu un pouvoir très centralisé pendant vingt ans, qui a instauré des contrôles et des objectifs. Ceux-ci ont considérablement restreint la marge de manœuvre des autorités locales et eu des effets très contreproductifs. L'autonomie locale est également limitée par les nouvelles réglementations en matière de santé, de sécurité et d'environnement, qui peuvent certes être bénéfiques mais ont des répercussions très importantes.

Question : Comment jouer la carte de la décentralisation au niveau européen, dans un contexte d'intégration européenne et d’efforts pour renforcer l’Union européenne ?

Ken Davey : Je ne pense pas que les gouvernements européens aient la volonté de continuer à renforcer l'Union européenne. Avec la crise économique et la crise grecque actuelle, le processus d'intégration va se ralentir. Je ne dis pas que c'est une bonne chose, mais c'est la réalité.