18e session plénière du Congrès

Interview - Strasbourg, 17 mars 2010

Stefan Wolf, maire de Weimar (Allemagne),

« Le but de tous les investissements politiques dans une communauté est de permettre à l’ensemble des habitants de vivre dans la dignité »

Le maire de Weimar (Allemagne), Stefan WOLF, s’est exprimé lors du débat sur le rôle des pouvoirs locaux et régionaux dans la mise en œuvre des droits de l’homme, durant la 18e session plénière du Congrès. Il a souligné, dans son entretien, qu’il n’est nul besoin de justifier en tant qu’investissement politique la mise en place d’une politique progressiste et moderne des droits de l’homme au niveau local qui doit demeurer le but premier.

1. Quels sont pour vous les principaux indicateurs permettant de mesurer le respect des droits de l'homme dans les villes, les communes et les régions ?

Le premier indicateur est l’échange d’informations et d’idées -en toute liberté et sans entraves- entre et avec tous les membres d’une même entité territoriale. Ceci concerne en particulier la communication avec ceux et celles qui, au plan social, géographique ou politique, se situent aux marges de la société : chômeurs, habitants des barres d’immeubles à la périphérie des villes, demandeurs d’asile. L’existence d’une communication active avec ces catégories-là  de citoyens et d’habitants d’une entité donnée est en soi un indicateur essentiel, attestant le respect des droits de l'homme au sens d’intégration de l’individu dans les processus décisionnels qui le concerne. S’y ajoutent de multiples facteurs statistiques relevant de la police, de la protection sociale ou de l’environnement, comme le nombre d’arrestations ou de délits violents, la participation des citoyens et des habitants de l’entité en question aux processus sociopolitiques (exercice de fonctions bénévoles, participation aux élections, activités éducatives et socio-culturelles, développement urbain) et des indicateurs environnementaux, comme l’aménagement d’espaces verts ou la teneur de l’air en particules fines.

2. Comment les communes et autres entités territoriales peuvent-elles faire comprendre à leurs habitants, mais aussi aux  élus locaux que le respect des droits de l'homme est l’une des conditions préalables à une coexistence pacifique dans une société libre, démocratique et prospère ?

Pour prendre l’exemple de Weimar, le travail de mémoire offre ici un potentiel inépuisable. Qu’est-ce que l’histoire de l’Europe au XXe siècle ? De la violence, des dictatures, des  millions de violations des droits de l'homme. Villes, communes et régions ont toutes le devoir de cultiver le travail de mémoire et notamment, de faire entendre la voix des victimes du processus civilisateur européen. Pour Weimar, le « legs de Buchenwald », la déclaration dans laquelle d’anciens détenus du camp de concentration s’engagent, de pair avec le conseil municipal, à cultiver le souvenir et à lutter contre l’extrême droite constitue à cet égard un fondement important. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut replacer l’attribution d’un prix international des droits de l'homme pour protéger les lauréats annuels. Je mentionnerai enfin une  coopération active avec la société civile et le soutien de ses initiatives dans le domaine des droits de l'homme.

3. Pour mettre en œuvre une politique progressiste dans le domaine des droits de l'homme, il faut y consacrer les ressources financières correspondantes, par exemple, pour la construction d’habitat social ou l’intégration de groupes défavorisés. Comment justifier de tels investissements quand les caisses des villes, communes et régions sont  vides  ?

Le but de tels investissements est toujours le même  : permettre à l’ensemble des habitants de mener une vie digne. Dès lors, nul besoin de justifier la mise en place d’une politique de droits de l'homme -progressiste et moderne- visant, par exemple, à développer la construction d’habitat social ou à œuvrer à l’inclusion des groupes défavorisés. Elle doit être pour les autorités sur place le but premier de leur travail politique et administratif. A Weimar, nous poursuivons  essentiellement ce but en privilégiant l’économie communale. Les participations communales dans les services publics de base – habitat, énergie, eau, culture – permettent à la politique et aux instances élues de disposer de la marge de manœuvre qu’il leur faut pour concourir activement à la création d’une entité respectueuse des droits de l'homme.