Forum pour l’avenir de la démocratie - Kiev, 21-23 octobre 2009

23 octobre 2009

Conclusions de Jean-Claude Frécon, Vice-Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Congrès

Seulement le discours probnoncé fait foi.

Mesdames et Messieurs,

Lorsqu’il a ouvert ce Forum mercredi, le Président de la Commission Institutionnelle du Congrès, Keith WHITMORE, a très justement rappelé le principe fondamental posé par le Préambule de la Charte européenne de la démocratie locale qui réside dans  le « droit des citoyens de participer à la conduite des affaires publiques ».

C’est au moment des élections que ce principe prend toute sa valeur, tout son sens. La qualité de la participation aux affaires publiques à travers une élection se révèle en particulier au moment des élections locales. A cette occasion en effet, le vote local du citoyen se mesure d’une manière d’autant plus concrète que l’électeur vote pour une personne qu’il sera peut-être amené à rencontrer, ou bien même qu’il connait déjà, et à qui il pourra s’adresser plus directement, en tous cas plus facilement, qu’au niveau national. Le poids du bulletin dans l’urne prend donc une dimension plus concrète qu’à l’échelle d’une élection nationale ou européenne. C’est souvent à ce niveau que le citoyen déclare « je vote pour la personne, pas pour le parti ».

Je relève que la question de la participation aux élections, de son contenu, a été soulevée dans quasiment tous les ateliers, que ce soit directement ou de manière incidente.

Le problème de l’abstention et de la baisse du taux de participation est un problème récurrent dans la plupart des pays membres du Conseil de l’Europe et concerne les élections dans leur ensemble, quelque soit le niveau auquel elles ont lieu, même si en général la participation est meilleure au niveau local, et l’image de l’élu plus positive. Les causes en sont multiples, et elles sont en général identifiées ou au moins identifiables.

Les ateliers qui se sont déroulés dans le cadre de ce Forum ont mis en exergue une somme de facteurs qui permettent de renforcer le caractère démocratique des élections, notamment en assurant un égal accès aux élections pour favoriser un haut niveau de participation, et la tenue d’élections libres et équitables qui soient conformes aux normes internationales.

La règlementation électorale, le mode de scrutin, les moyens mis en œuvre pour faciliter l’exercice du droit de vote, une couverture médiatique transparente et équitable, sont autant de conditions permettant de restaurer la confiance des électeurs dans la gestion des élections, et impliqueront dès lors qu’ils se rendront plus facilement aux urnes.

Nous avons vu combien le rôle des partis politiques, le choix d’un mode de scrutin approprié ou encore le rôle des médias, traditionnels et nouveaux, dans la couverture d’une campagne électorale peuvent constituer des éléments déterminants à cet égard.

Etant moi-même élu local, et membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, j’ai souligné à plusieurs reprises, lors de ces ateliers, l’importance d’une bonne gouvernance dans le processus électoral. Cela implique de prendre en considération le rôle fondamental que peuvent jouer certains acteurs des différentes sphères de pouvoir dans la vie politique locale et régionale. Les citoyens ne se sentiront directement concernés par une élection que s’ils sont sensibilisés, responsabilisés, par la perception de l’efficacité de leur suffrage. Ils doivent s’identifier avec les grands thèmes de la campagne.

Encore faut-il qu’ils soient en mesure d’exercer leur droit de vote ou de faire valoir leur droit à l’éligibilité… Par exemple, dans de nombreux pays, y compris le mien, l’accès aux élections locales et régionales ne va pas encore de soi pour les femmes. Les mentalités doivent certes évoluer, mais pour ce faire, la mise en place de certains types de systèmes électoraux peuvent accélérer ce changement. La Commission de Venise l’a d’ailleurs très bien souligné dans un de ses rapports.

Le Congrès vient d’adopter une recommandation sur l’égalité d’accès aux élections locales et régionales lors de sa session plénière qui s’est tenue la semaine dernière. Ce texte couvre la plupart des aspects qui ont été discutés dans les ateliers d’hier, à savoir : la question de la représentation égale des sexes dans la vie politique, le droit de vote et d’éligibilité des personnes résidant légalement depuis au moins 3 ans sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe, la question de l’appartenance à un groupe minoritaire, l’implication des jeunes dans la vie politique locale, la création de moyens alternatifs sécurisés d’accès au vote, la garantie d’une couverture médiatique juste et équilibrée des candidats à une élection, ou encore l’assistance spéciale due, notamment par les autorités locales et régionales, aux personnes atteintes de déficiences physiques et qui doivent pouvoir exercer leur droit de vote.

Cette recommandation adressée au Comité des Ministres Ministres, pourrait indiquer une direction de travail, un nouvel instrument, fort et efficace, que le Conseil de l’Europe, et le Congrès en particulier, serait à même d’utiliser au cours de ses missions d’observation des élections locales et régionales.

Au-delà de ces normes, il me semble que des rassemblements réguliers tels que le Forum sur l’avenir de la démocratie, constituent des outils de réflexion importants pour renforcer les travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie.

Je voudrais enfin ajouter une remarque concernant le vote électronique dont nous avons beaucoup parlé comme moyen alternatif destiné notamment à enrayer le manque de participation. Il y a le vote électronique (ou électronisé) et le e-voting (le vote à distance par internet). C’est ce dernier système de vote qui me pose problème. La participation à une élection en tant qu’électeur implique une démarche personnelle consistant à se déplacer pour aller voter, et montrer matériellement son implication dans la vie politique. C’est un message porté par le citoyen, une manifestation de son engagement politique de la même façon qu’il se déplace lui-même à chaque fois qu’il veut marquer son engagement pour quelque chose ou pour quelqu’un.

Nous ne pouvons pas arrêter l’évolution des nouvelles technologies, mais le vote est un acte VISIBLE, personnel. Je crains que le vote par internet n’enlève cet élément crucial de cet exercice qui est l’essence même de la participation, la marque d’un engagement personnel. Par conséquent, je ne conçois pas le vote à distance par internet comme un moyen adéquat pour restaurer la participation.

En l’espèce, ces ateliers ont permis, il me semble, d’identifier des procédés électoraux, des garanties qui ne peuvent, indubitablement, que contribuer à renforcer la démocratie sur notre continent, à condition, bien sûr, que nos conclusions et que nos propositions émises au cours de ces deux journées, ne restent pas lettres mortes et soient reprises au plus tôt dans un texte rassemblant nos acquis en la matière. Nos travaux ont été stimulants. Laissez-moi rêver un instant que les organes du Conseil de l’Europe, le Congrès, l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, puissent leur offrir une mise en œuvre tout aussi stimulante pour nos démocraties.