Séance plénière du mardi 13 octobre 2009, Strasbourg

Discours de Gianfranco Martini à l’occasion de la remise de la Médaille du Congrès

Monsieur le Président du Congrès,

Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,

Chers collègues du Congrès et chers amis,

A tous les fonctionnaires et les collaborateurs sans lesquels toutes les décisions et les initiatives du Congrès risqueraient de rester inefficaces et sans aucun résultat,

Je suis très heureux de me retrouver dans cette salle et de pouvoir vous saluer personnellement et très amicalement.

Avant tout un grand remerciement, avec la joie et la satisfaction de revoir des amis et des collègues avec lesquels j’ai partagé depuis l’année 1962 dans laquelle j’ai siégé pour la première fois dans cet hémicycle, les engagements communs, les débats et les confrontations.

Il est donc évident  que le Congrès est aussi, pour moi, un lieu unique de mémoire et, avant tout, l’occasion pour nous poser,  tous ensemble, une demande fondamentale qui concerne l’avenir et non plus seulement les souvenirs du passé.

Quel rôle sommes-nous appelés à jouer  dans le Congrès et, plus en général, au sein du Conseil ? Ma réponse : un double rôle. La défense, le développement de l’autonomie locale et régionale, toujours et partout et, de l’autre coté, mais liée d’une façon permanente et indissoluble, l’unité politique et institutionnelle de l’Europe, sa mission de paix, de liberté, de démocratie, de défense des droits de l’homme, de progrès dans le monde.

Il s’agit certainement d’objectifs que vous connaissez très bien et qui vous ont  toujours inspiré dans votre travail.

Mais une seconde demande suit immédiatement : quel est le bilan de notre action, quels sont les résultats aujourd’hui ? On constate des progrès certains et importants dans les domaines de la démocratie, de l’autonomie et de la participation des citoyens et de l’application des principes de la Charte de l’autonomie locale du Conseil de l’Europe. C’est  la démonstration de l’efficacité de l’action cohérente et rigoureuse du Congrès à ce propos pour la vérification sur place de la situation réelle dans les différents pays membres.

Cette efficacité sera encore plus évidente dans la mesure où nous tous, membres du Congrès, serons capables de mobiliser, dans nos pays respectifs, les élus locaux et régionaux autour des valeurs essentielles dans une véritable démocratie,  de l’autonomie et de la participation des citoyens, de leurs libertés, de leurs droits.

Alors notre Congrès sera réellement une source d’initiatives qui, de Strasbourg, pourront élargir leur influence concrète au niveau de l’opinion publique et des différentes structures de la société nationale et européenne.

Des initiatives qui, loin de se borner aux seuls aspects administratifs, juridiques et financiers, contribueront à la création d’un « espace culturel européen » et aux progrès de la formation et de l’éducation civique des citoyens. Un dialogue permanent entre les « inputs » provenant de notre Congrès et les réponses (mais aussi les questions éventuelles) des citoyens, sera particulièrement efficace et constructif.

Cette action nécessaire est destinée à s’entrelacer avec notre aspiration à devenir, progressivement, de plus en plus des véritables citoyens européens, titulaires de droits et de devoirs, tout en restant, en même temps des citoyens loyaux envers nos pays respectifs, mais dans un horizon plus vaste que la globalisation nous impose.

Même en ce qui concerne l’unité européenne, on a certainement contribué à réveiller l’attention et l’intérêt de l’opinion publique et, en premier lieu, des élus locaux et régionaux européens  pour la nécessité de poursuivre ce grand projet, même en tenant compte des limites propres d’une organisation intergouvernementale, respectueuse de la souveraineté des Etats : tel est, en effet, dès son origine, le Conseil de l’Europe.

Il reste encore beaucoup à faire pour la démocratie, les droits, le dialogue entre interlocuteurs différents.  Il reste encore beaucoup à faire pour l’Europe et son unité, d’autant plus que le scepticisme, la désinformation, la déception sont en train de croître dans notre continent, au niveau des classes dirigeantes et de l’opinion publique, comme largement témoigné par les récentes élections pour le Parlement européen. Preuve d’un écart croissant entre les citoyens d’un coté, l’Europe et ses institutions de l’autre.

Que faire alors ?

Nous avons besoin de plus d’information et de connaissances sur l’Europe, d’une culture qui ne se renferme pas dans les étroites frontières nationales mais qui soit ouverte à l’avenir sur le plan politique et institutionnel, capable de surmonter, dans certains domaines importants, la souveraineté des Etats nationaux, sujets nécessaires de notre société globale, mais désormais incapables de relever efficacement les défis de plus en plus complexes et nombreux, de la paix durable, de la solidarité, de la pauvreté croissante, du développement réel, de la sauvegarde de la planète.

Voilà les objectifs vers lesquels nous tous, le Conseil de l’Europe, notre Congrès, l’Union européenne, l’ONU nous devons nous engager non à paroles, non seulement par des déclarations élaborées, mais par la construction quotidienne des conditions concrètes nécessaires à la réalisation de ces buts.

Nous devons nous demander non seulement ce que  l’Europe, ses financements, ses délibérations peuvent et doivent faire pour nous et pour nos pays respectifs, mais ce que nous et nos pays, nos sociétés, nos pouvoirs locaux et régionaux doivent faire pour une Europe et un monde plus libres, plus justes, plus pacifiques, plus démocratiques, plus vivables, au service de l’homme, de tous les hommes.

Je suis vieux, je peux rappeler à moi même avec beaucoup de témérité, les paroles de Saint Paul dans sa lettre à Timothée  (chapitre 4,7) : « J’ai combattu la bonne bataille, j’ai fini ma course, j’ai gardé la foi » (dans l’Europe, dans le Conseil de l’Europe, dans l’autonomie).

Mais nous devons laisser un exemple et un héritage aux nouvelles générations, des valeurs et des missions pour lesquelles la vie soit digne d’être vécue.

Avec tous mes vœux, je renouvelle mes remerciements et mon souvenir amical à tout le monde.

Gianfranco Martini                                                                 Strasbourg, le 13 octobre 2009