Présentation et conférence de presse sur le Livre Blanc sur le dialogue interculturel et la campagne contre la discrimination

Milan, Italie, 20 avril 2009

Allocution par Antonella Cagnolati, Directrice du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conseil de l’Europe

Mesdames et Messieurs,

Tout d’abord, je suis très contente pour cette occasion de vous présenter une partie importante, voire cruciale, de l’action du Conseil de l’Europe en faveur du dialogue interculturel, ainsi que de son action contre la discrimination.

Je dis « une partie cruciale » parce que, tandis qu’il est évident que cette action doit être formulée et coordonnée au niveau des gouvernements nationaux – dans la forme des stratégies, des politiques et du cadre législatif et juridique nécessaires – il est aussi certain que la question de sa mise en œuvre pratique, dans la vie quotidienne revient à nos collectivités locales et régionales. C’est dans nos villes et nos régions que sont le plus ressentis les tensions interethniques, le manque de dialogue et dl’interaction entres les communautés, et où sont les plus enracinés les préjugés et les pratiques discriminatoires, et c’est à ce niveau-là que les résultats de notre action sont les plus tangibles.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe est une assemblée des élus territoriaux représentant plus de 200 000 collectivités de 47 pays européens. De ce fait, il constitue une plate-forme unique paneuropéenne pour le lancement et la coordination de l’action politique au niveau local et régional sur notre continent. En même temps, en tant que forum pour un échange d’expériences et de meilleures pratiques entre les structures municipales et régionales, le Congrès représente une fabrique d’idées et des approches innovantes pour les autorités territoriales, et un moyen de coopération entre elles dans la mise en œuvre de ses propositions et initiatives.

De ce fait, il n’est pas étonnant que le Congrès soit chargé de la dimension locale et régionale dans la promotion du dialogue interculturel et interreligieux, faisant partie de l’action global du Conseil de l’Europe, ainsi que dans la campagne de cette Organisation contre la discrimination.

Dans le cadre de notre contribution au Livre Blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel et interreligieux, le Congrès a élaboré les douze principes pour guider les pouvoirs locaux dans la promotion et la consolidation de ce dialogue au sein de leurs collectivités. Ces douze principes font appel à la connaissance et l’intelligence de la situation religieuse locale, à l’interconnaissance des acteurs du dialogue, à la construction de relations partenaires et à l’évaluation de l’action des pouvoirs locaux. La formulation de ces principes a été finalisée lors d’une conférence sur le thème « Pouvoirs locaux et religions : quelles stratégies pour consolider le dialogue interreligieux ? », organisée par le Congrès dans la ville française de Montchanin en novembre 2006. Les travaux de ce colloque sont recueillis dans le livre « Des dieux dans la ville », une publication dans la collection « Local & Régional » du Congrès, que je vous invite à découvrir. Ce livre existe en anglais et en français.

Ceci dit, nous sommes convaincus que le dialogue interculturel, aussi important qu’il soit, n’est qu’un outil dans la construction des relations harmonieuses entres les différentes communautés, cultures et traditions. Au Congrès, notre philosophie va au-delà de l’interaction simple entres les groupes ethniques, vers leur coexistence synergétique et intégrée, menant à la transformation des communautés MULTIculturelles en communautés véritablement INTERculturelles. Bien entendu, les autorités locales jouent le premier rôle dans ce processus.

 

En effet, les pouvoirs locaux contribuent à la découverte des autres cultures, par l’observation des similitudes et des différences culturelles, la compréhension des personnes dont les conceptions diffèrent des coutumes et des pratiques locales, ainsi que la diffusion et la mise en commun de ces informations. En même temps, les pouvoirs locaux représentent un point de convergence et d’interaction pour les confessions religieuses, qui reflètent dans une grande mesure la différence des cultures présentes et qui, aujourd’hui, ont une influence importante sur les relations sociales dans nos sociétés et au sein de nos communautés. Par conséquent, c’est aussi une influence sur l’avenir du système politique, à commencer par le niveau local, ce qui justifie l’implication de très près des collectivités locales dans le développement interreligieux et interculturel.

Parmi les exemples récents des activités du Congrès dans ce domaine, je peux citer le programme intitulé « Cités interculturelles », lancé conjointement par le Conseil de l’Europe et la Commission européenne l’année dernière. En mars dernier, lors de sa session plénière, le Congrès a tenu une table rondeavec la participation des maires de plusieurs municipalités prenant part au programme – y compris Graziano Delrio, maire de Reggio Emilia en Italie. Les programmes de leurs municipalités, qu’ils ont présentés, étaient vraiment impressionnants, notamment les programmes pour promouvoir les identités et la diversité culturelles ainsi que les échanges entre groupes ethniques, religieux et sociaux. Ils ont en fait montré la force constructive majeure de différentes communautés culturelles qui, une fois réveillée, est un grand allié dans nos efforts pour la création d’une communauté interculturelle.

Cette table ronde était aussi une excellente occasion pour échanger des exemples de bonnes pratiques, particulièrement en ce qui concerne la gestion des conflits et des facteurs de risques dans l’élaboration de politiques locales inclusives. Ce qui est particulièrement important à souligner est l’insistance des participants à réaffirmer que, alors même qu’il peut y avoir contradiction entre les droits de l’homme et les politiques d’intégration dans certains domaines, les valeurs européennes communes, les droits de l’homme et les libertés fondamentales ne peuvent pas être mis en péril dans ce processus. Je crois que ce constat est aussi important et valable – en fait, représente une valeur ajoutée quand on parle de notre action contre la discrimination au niveau local.

Mesdames et Messieurs,

L’interculturalisme de nos villes et nos régions – plus précisément,  notre désir de bâtir des communautés interculturelles – va du pair avec la nécessité d’augmenter leur capacité créative et innovatrice, requise pour cette construction. Les collectivités riches de l’interaction de différentes cultures représentent une source de créativité et donc un potentiel de développement énormes – il suffit d’observer les succès de certaines villes cosmopolites. De plus, les villes sont, par excellence, des centres de culture et de science, c’est-à-dire des espaces de connaissance nécessaire pour faire évoluer cette dimension interculturelle, alimentée par l’innovation et les approches modernes.

La Commission de la culture et de l’éducation du Congrès mène actuellement des travaux en en ce sens, sur la conception des « villes créatives », centrée sur cet aspect de l’évolution urbaine, que nous débattrons lors de la session plénière en octobre cette année. Nous sommes convaincus qu’un tel développement aura aussi des répercussions positives sur des zones rurales, par exemple situées dans la même région ou dans la région transfrontalière, à condition que l’action de la ville en tant que moteur de développement soit bien canalisée en faveur de la cohésion territoriale.

C’est dans cet esprit que le Congrès a élaboré et adopté, en mai 2008, la Charte urbaine européenne II : Manifeste pour une nouvelle urbanité. La dimension interculturelle et la capacité créative figurent parmi des aspects clés de cette Charte, qui offre la vision d’un nouveau modèle de gouvernance et de vie urbaines modernes, la vision d’une ville citoyenne, une ville durable, une ville solidaire et une ville qui catalyse les savoirs et la créativité, une ville des connaissances et des cultures. Nous invitons les pouvoirs locaux et les gouvernements nationaux à s’engager d’une manière active pour la mise en œuvre de ce modèle, ce qui, nous en sommes sûrs, profitera à l’ensemble de nos citoyens.  

Je me permets d’ajouter quelques mots sur la campagne contre la discrimination, lancée par le Conseil de l’Europe. En fait, l’action du Congrès à l’encontre des attitudes et des pratiques discriminatoires aux niveaux local et régional sert de base à nos efforts pour une meilleure cohésion sociale de nos collectivités, pour un accès équitable aux droits sociaux et pour l’égalité des chances. Je peux mentionner comme un exemple concret le Prix Dosta!-Congrès  pour les municipalités, attribué depuis 2007 à des villes qui se sont distinguées par la mise en œuvre d’initiatives créatives et innovantes dans la lutte contre les préjugés à l’égard des Roms et en faveur de leur inclusion dans la vie politique et sociale.

A ce jour, ce Prix a été remis deux fois ; tous les lauréats sont des municipalités de l’Europe du Sud-Est, qui ont d’ailleurs souvent mis en oeuvre leurs initiatives dans un climat où l’opinion publique était majoritairement anti-Rom. C’est d’autant plus important qu’à travers ces efforts nécessaires et tellement difficiles, ces villes ont montré une qualité de leader et non pas de quelqu’un qui suit les autres – ce qui est, enfin, une qualité de démocratie locale saine, d’une véritable démocratie centrée sur le citoyen et orientée vers ses besoins. Je sais que l’inclusion et l’intégration des Roms est un thème particulièrement sensible ici en Italie, et j’espère voir des villes italiennes parmi les lauréats de prochaines éditions de ce Prix.

Afin de laisser le temps pour vos questions, je souhaite conclure sur cette note, et je vous remercie pour votre attention.