Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe
Paris, Bureau du Conseil de l’Europe, 9 Mars 2009
Présentation de la Charte urbaine européenne II – Manifeste pour une nouvelle urbanité par Carlos Alberto Pinto, Rapporteur du Congrès
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Je suis tout particulièrement heureux de m’adresser à vous dans le cadre du partenariat entre le Congrès et l’Assemblée Parlementaire. Les relations avec votre commission occupent une place privilégiée car nous sommes animés par le même souci de défendre, de développer, d’affirmer partout où nous le pouvons la démocratie locale et régionale ainsi que le rôle majeur que les villes et les régions doivent jouer dans le devenir de nos sociétés.
C'est un honneur pour moi, et un plaisir, de vous présenter aujourd’hui, en tant que Rapporteur de la Charte urbaine européenne II, ce Manifeste pour une nouvelle urbanité que notre Congrès a adopté lors de sa session plénière de mai dernier.
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Nous considérons ce document comme capital, comme un véritable manifeste pour le droit à la ville, un manifeste pour une nouvelle urbanité, pour des valeurs partagées du vivre ensemble en Europe au XXIe siècle. Face à la situation des villes en constante mutation, il pointe des défis, des méthodes, des moyens, pour agir dans le respect de nos diversités, de nos identités, de nos cultures, avec une volonté commune d'ouverture aux autres.
Déjà, en 1992, l’adoption par le Congrès d’une Charte urbaine était à l’évidence pionnière et novatrice. Elle marquait la reconnaissance du fait urbain, l'engagement des villes européennes comme "acteurs collectifs", capables de relever, avec et pour leurs citoyens, les défis de nos sociétés en mutation.
C’est dans ce contexte de transformation de nos sociétés, de nos économies, de nos cultures que les villes ont montré leurs capacités à faire face. Elles sont devenues les lieux privilégiés de l'adaptation aux nouvelles conditions économiques, sociales, environnementales, elles sont le creuset de nouvelles formes démocratiques, des lieux de solidarité, de liberté et d'émancipation, mais elles portent aussi des risques accrus de fractures, de discrimination et d'exclusion.
Ce document est un véritable manifeste, il porte un état d’esprit, il porte une ambition, il porte une revendication pour la ville. Cette revendication, c’est le rôle majeur et toujours plus important que les villes jouent. Nous voulons ensemble le promouvoir, le faire reconnaître et le mettre en œuvre avec les responsabilités spécifiques qui pèsent sur chacun de nous, élus locaux, représentants des gouvernements, représentants d’associations engagées dans la réflexion sur le devenir urbain, représentants de la société civile plus largement. C'est le premier objectif de ce manifeste.
Nous avons voulu ce Manifeste comme le Manifeste de la ville pour notre temps, comme une déclaration politique majeure qui précise notre vision d’une nouvelle urbanité, d’un nouveau savoir-vivre ensemble, d’une nouvelle culture de la vie en ville.
Mesdames, Messieurs,
Nous, élus locaux, chers collègues, devons porter la responsabilité qui nous est confiée par nos concitoyens parce que nous avons de l’ambition pour nos villes. Je voudrais, si vous le permettez, rapidement en dégager quatre parmi les plus fortes.
Notre première ambition est avant tout celle d’une ville citoyenne, celle du droit à la ville pour chacun, d’une éthique publique forte, d’une subsidiarité active, efficace et solidaire. La ville que nous voulons est une ville où la démocratie s'y régénère sous toutes ses formes. A côté de la représentation par l'élection, on y développe différentes formes de participation, d'association et de débat, où l'interactivité des nouvelles technologies devrait nous offrir des chances supplémentaires.
C'est une ville qui recherche une proximité optimale, une relation nourrie, une relation vivante et riche avec les citadins-citoyens. Elle développe notamment la transparence, la clarté des compétences et des moyens pour agir, notamment financiers, le contrôle et l'évaluation de l'action publique.
Notre deuxième ambition pour la ville est celle d’une ville durable et respectueuse de l'environnement. Les villes ont un rôle majeur à jouer pour une planète durablement plus habitable, parce qu’elles sont le lieu où se concentrent les populations et les activités, et également le lieu où le changement des pratiques et des comportements produit massivement des effets.
Notre préoccupation est de développer l'écologie urbaine, de réduire l'empreinte écologique de nos villes, de préserver les ressources naturelles et la biodiversité, d’économiser l'énergie, de favoriser l'accès de tous aux biens publics majeurs.
Nous prônons des villes plus denses et plus compactes qui préservent l'espace et facilitent l'accès de tous aux services et aux loisirs. Il nous faut développer des mobilités alternatives à l'automobile, des transports collectifs économes en énergie, le vélo et la marche à pied tant, on le sait, la régulation de l’utilisation de l'automobile est importante pour préserver la santé, diminuer les pollutions, le bruit, l'insécurité routière et préserver nos paysages. Agir ainsi permet de proposer un cadre plus favorable au citadin, plus soucieux de la dimension humaine.
Nous voulons dès lors que la ville soit pensée en ayant de façon permanente à l’esprit la grille de décision de choix et d’analyse que constitue la perspective du développement durable.
Notre troisième ambition pour la ville est celle d’une ville solidaire, qui combat activement les fractures, les exclusions et les discriminations. C'est une ville attachée aux mixités, aux libertés et aux échanges. Elle est un espace de qualité, un espace de solidarité entre quartiers, entre catégories socioprofessionnelles, entre personnes d’origines différentes. Elle reflète notre ambition de bâtir, à travers l'Europe, une société plus inclusive, plus cohésive, plus diversifiée.
Nous devons faire de la dimension sociale le centre de nos politiques de développement durable des villes, parce que, on le sait, dans les villes se développent des phénomènes inquiétants de paupérisation, de ségrégation et d'exclusion.
Cette ville que nous voulons, c’est aussi une ville qui exprime pleinement à l’intérieur de ses murs cette préoccupation de solidarité, qui le fait à l’extérieur dans son hinterland régional par exemple, et également plus largement en étant solidaire avec le monde. C’est une ville ouverte, tournée vers le monde, car notre ambition est de bâtir avec les villes un monde plus solidaire, un monde de dialogue, d'échanges et de coopération.
Enfin,notre quatrième ambition pour la ville est celle d’une ville lieu de modernité, une ville qui catalyse les savoirs et la créativité, une ville des connaissances et des cultures.
Nos villes sont des carrefours des civilisations, des marqueurs d'identité, des lieux de culture et de mémoire. Ces expressions, loin d'être passéistes, renforcent le sentiment d’appartenance. Elles préparent l'avenir, s'allient à de formidables capacités de création, d'innovation, de progrès et d'adaptation.
Nos villes sont des lieux d’excellence, des pôles majeurs de développement de l'économie, des connaissances, de la recherche, de l'éducation qui sont gages d’un développement vraiment durable. A l’aube de ce millénaire, les technologies de l'information et de la communication devraient, là encore, s'y développer en ce sens.
Mesdames, Messieurs,
Alors même que la majeure partie des populations vit dans les villes, alors même que les équilibres écologiques globaux sont menacés, les villes, avec leurs systèmes productifs innovants, les villes bâtisseuses de solidarités efficaces, les villes à l'épreuve de nouvelles pratiques écologiques, les villes citoyennes, les villes interculturelles sont en marche, elles ont un rôle majeur à jouer et les moyens de construire l'avenir.
Puisse cette Charte mobiliser les énergies, et d'abord les nôtres, les vôtres. Je vous invite à la lire et à la faire partager dans vos pays et dans vos assemblées respectives.