SESSION DE PRINTEMPS CG(13)41PART2

(Strasbourg, 26-28 mars 2007)
COMMISSION PERMANENTE
COMMISSION DE LA COHESION SOCIALE

L’accès des personnes handicapées aux infrastructures et espaces publics

Rapporteur: Erich HAIDER, Autriche
Chambre des régions, groupe politique : SOC

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EXPOSE DES MOTIFS

Résumé du rapport :

Un accès sans obstacles et pour tous aux infrastructures et bâtiments publics constitue la pierre angulaire de l’inclusion sociale. Les Etats membres ont pris un ensemble de dispositions et d’engagements ces dernières années pour permettre l’accessibilité des espaces publics aux personnes dans des situations de handicap – physique, cognitif ou sensoriel. Mais les réglementations et les normes, quand elles existent, ne sont pas partout appliquées et les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes.

Ce rapport cherche à refléter à la fois la dimension locale et régionale de la question de l’accessibilité – la possibilité de se déplacer, de bénéficier des aménagements collectifs et, par extension, d’utiliser les services collectifs de façon autonome – il est destiné à compléter le Plan d’action du Conseil de l’Europe sur le handicap conçu sur une durée de 10 ans pour réaliser des progrès décisifs afin de garantir l’égalité des droits des personnes handicapées.

Le rapport souligne qu’il est indispensable que la notion d’accessibilité et le principe de “conception universelle” (normes et technologies intégratives qui, appliquées aux infrastructures et espaces publics rendent possible une vie plus autonome) trouvent leur place dans l’aménagement des territoires à tous les niveaux (ville, région, Etat).

Les recommandations du rapport incluent la promotion des Règles Standards des Nations Unies et le Plan d’Action du Conseil de l’Europe, la signature et la ratification des instruments juridiques pertinents tels que la Charte sociale européenne (révisée) et la Convention des Nations Unies sur les Droits des Personnes handicapées, le développement de politiques nationales et régionales intégrées en matière d’accessibilité, l’institution de la fonction de « médiateur-accessibilité » aux niveaux national et local, le soutien financier des organisations non gouvernementales sur le terrain, un réseau européen d’échanges de pratiques sur les modalités de mise en œuvre du principe de « conception universelle » et des plans d’action aux niveaux local et régional incluant, au niveau régional, la création de conseils consultatifs et, au niveau local, de « commissions d’accès aux infrastructures et espaces publics ».

SOMMAIRE

Introduction

I. Le contexte historique et international : instruments et standards

1.1 Un nouveau cadre d’action politique pour l’intégration des personnes handicapées
1.2 L’entrée dans le 21ème siècle

II. Les organisations représentatives des personnes handicapées, les pouvoirs locaux et régionaux : enjeux et coopération

2.1 Les domaines de coopération entre les organisations de personnes en situation de handicap et les pouvoirs locaux et régionaux

2.1.1 L’accès aux bâtiments
2.1.2 L’accès aux locaux d’habitation
2.1.3 La voirie et les transports
2.1.4 Les taxis
2.1.5 Les services de transport alternatifs
2.1.6 L’environnement virtuel et l’information numérique

2.2 Le handicap psychique

2.3 Les modalités de coopération et d’organisation

2.3.1 Organisation de la concertation et mise en œuvre
2.3.2 Quelques exemples de bonnes pratiques et d’obstacles

III. Conclusion

Recommandations
I. Politiques et plans d’action
II. Organisation de la concertation
III. Normalisation
IV. Sensibilisation , information et formation
V. Evaluation et révision

Textes de référence

Introduction1

L’éradication des obstacles rencontrés par les personnes vivant des situations2 de handicap3 quelles que soient la nature ou l’origine de celui-ci est loin d’être satisfaisante dans bon nombre de régions et villes des Etats membres du Conseil de l’Europe. Ce constat peut cependant être nuancé par le fait que de réels progrès et avancées ont été faits ces dernières années en application, notamment, de l’article 15 alinéa 3 de la Charte Sociale Européenne Révisée (1996).

Les études réalisées par divers syndicats de transport (France) ou par certains Etats à l’exemple du Luxembourg4 montrent que ce sont 30 à 35% de nos concitoyens qui rencontrent une gène temporaire dans leur déplacement qu’elle soit due à leur âge (personnes âgées, enfants en poussettes), à un déplacement avec des bagages, encombrants ou lourds, à une gène temporaire résultant d’une condition physique particulière (femmes enceintes…) ou à un handicap, du fait de difficultés physiques (mobilité réduite) cognitives, ou sensorielles.

Face aux situations rencontrées par les personnes handicapées dans leur possibilité de pouvoir circuler, participer et bénéficier des espaces et infrastructures publics comme tout un chacun, le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux entend agir pour que l’accessibilité de ces espaces et infrastructures progresse de telle façon que les citoyens vivant des situations de handicap puissent constater, par la suppression des obstacles environnementaux, des améliorations notables dans leur vie quotidienne.

L’ensemble des questions que soulèvent l’aménagement des espaces et infrastructures publics et la mise en œuvre concrète de moyens prend appui sur le concept d’Accès. D’une façon globale, ce concept a pour sens le fait d’avoir la possibilité de prendre possession et de profiter de l’ensemble des prérogatives attachées à une dignité au sens donné à ce terme dans la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Ce qui implique pour chacun d’avoir la possibilité de choisir, de participer et de s’engager.

Plus précisément, pour ce qui concerne les diverses dimensions abordées dans ce rapport, ce concept trouve son opérationnalité à partir de la notion d’accessibilité. Cette notion recouvre l’accessibilité à un lieu (permettre de se déplacer d’un lieu à un autre), à des équipements (pouvoir utiliser et bénéficier de l’ensemble des aménagements ou matériels collectifs) et par extension l’accessibilité à l’ensemble des services communautaires (éducation, soins de santé…).

Le Conseil de l’Europe5 a choisi de définir la notion d’accessibilité en référence à la notion de « conception universelle »6 qui retient l’idée que tout le monde devrait avoir les mêmes possibilités de participer aux diverses activités que permet la vie en société. Pour cela, il est indispensable que les communes, les villes (du quartier à l’ensemble de la cité) dans toutes leurs composantes et le territoire que constitue la région soient conçus de telle façon que le plus grand nombre de personnes puisse faire usage de l’ensemble des espaces et infrastructures publics. Une véritable accessibilité des communes, des villes et des territoires régionaux doit permettre à chacun de se déplacer, de faire usage de divers services sans aide particulière.

La mise en œuvre concrète des principes de conception universelle ne peut être distinguée de la lutte contre toutes les formes de discrimination et d’égalité visant au plein exercice de la citoyenneté de chacun, ce qui inclut les personnes handicapées.

L’intégration des personnes handicapées dans l’espace social par l’application de principes d’accessibilité généralisés a pour effet l’amélioration de la sécurité, de la qualité de vie et de service de tous les citoyens. A titre d’exemple, la sonorisation, l’information écrite et le repérage par un code couleur interne aux bus, métro ou tramway permettent d’informer à la fois les personnes ayant une altération visuelle ou auditive, une altération cognitive, mais aussi les enfants ou les personnes distraites.

Les coûts financiers que représente la mise en œuvre du principe de « conception universelle » appliqué à l’environnement bâti et aux transports sont souvent avancés comme le premier des obstacles à l’action. Cet aspect non négligeable de la question de l’accessibilité peut être envisagé sous l’angle d’un investissement concourant au développement durable avec un effet à la fois sur l’aménagement de la commune, de la ville et de la qualité de vie des citoyens. Par exemple, en rendant les transports en commun accessibles au plus grand nombre, on réduit l’utilisation de la voiture individuelle, ce qui concourt globalement à la réduction de la pollution et de l’effet de serre.

Un autre avantage, en terme d’investissement financier réside dans le fait que les personnes en situation de handicap, lorsqu’elles peuvent se déplacer sans entrave, sont en mesure d’exercer une activité professionnelle. Elles ont accès aux centres de consommation et participent au développement économique au lieu d’être assistées financièrement. Dans le même esprit, lorsque l’environnement bâti7 et les logements sont accessibles et permettent la vie des personnes en situation de handicap dans la cité, des économies notables peuvent être réalisées en matière d’hospitalisation, d’hébergement en structures spécialisées…. De façon identique, si les exigences d’accessibilité sont intégrées dans la construction de logements, dans les rénovations de la voirie, du mobilier urbain ou des matériels de transport, cela ne donne lieu bien souvent à aucun surcoût ou un surcoût raisonnable compte tenu du retour sur investissement qui peut en être attendu au regard, particulièrement, de l’augmentation de la clientèle utilisatrice.

Ce rapport a pour but de faire le point sur les concepts et actions concrètes à mettre en œuvre par l’ensemble des acteurs pour rendre les espaces et infrastructures publics accessibles, cohérents et sans rupture à tous les citoyens et plus particulièrement aux citoyens en situation de handicap. Concevoir la commune, la ville, la région comme des espaces accessibles à tous sans créer d’effet discriminant.

I. Le contexte historique et international : instruments et standards

Dans la dynamique imprimée au niveau mondial par la décennie des Nations Unies (1982–1992) le Conseil de l’Europe engage dès 1984 par la résolution AP (84) 3 « relative à une politique cohérente en matière de réadaptation des personnes handicapées » un tournant majeur de son approche des questions politiques et sociales concernant les personnes handicapées. Avec cette résolution, est abandonné le modèle médical comme référence au profit de ce que l’on nomme aujourd’hui le modèle social8. Cette recommandation est un acte charnière entre deux époques et oriente la réflexion et l’action vers la mise en œuvre de politiques sociales intégrées fondées sur l’accès aux droits sociaux, économique, culturel et autres des personnes handicapées.

En 1991, la première Conférence européenne des Ministres responsables des Politiques d’Intégration des Personnes Handicapées confirme cette orientation par la Recommandation 1185(1992) de l’Assemblée parlementaire « relative aux politiques de réadaptation pour les personnes ayant un handicap ». Elle précise « Nos sociétés ont le devoir d’adapter leurs normes aux besoins spécifiques des personnes handicapées pour leur garantir une vie autonome. » Dans le même temps, la Recommandation R(92)6 « relative à une politique cohérente pour les personnes handicapées » adoptée par le Comité des ministres apporte une définition du handicap qui ancre, pour les décennies à venir, la question du handicap dans l’espace social avec pour toile de fond l’affirmation de l’accès aux droits des personnes handicapées sans discrimination10.

1.1 Un nouveau cadre d’action politique pour l’intégration des personnes handicapées

La fin de la décennie Onusienne des personnes handicapées voit la publication des règles pour l’égalisation des chances des personnes handicapées (1993). Au nombre de 22 ces règles vont constituer le premier instrument permettant d’organiser et de construire des politiques d’action en direction des personnes handicapées. Bien que non contraignantes pour les Etats, la Suède utilisera ces règles pour en faire, à travers « l’Agenda 2212 », l’instrument de sa politique locale et régionale en direction des personnes handicapées.

Ce nouveau cadre d’action verra le Conseil de l’Europe s’engager dans la révision de la Charte sociale européenne (1961). Cette révision achevée en 199613 sera soumise à la ratification des Etats à partir de cette date. A l’occasion de cette révision, l’article 15 est réécrit et prend pour titre Droit des personnes handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté. Fort de trois paragraphes, cet article ouvre sur la mise en œuvre de politiques sociales intégrées dans le domaine de l’éducation, de l’orientation et de la formation (alinéa 1), de l’emploi (alinéa 2) et de l’inclusion des personnes handicapées dans la vie sociale en ces termes (alinéa 3) : « les parties s’engagent […] à favoriser leurs pleines intégration et participation à la vie sociale, notamment par des mesures, y compris des aides techniques, visant à surmonter des obstacles à la communication et à la mobilité et à leur permettre d'accéder aux transports, au logement, aux activités culturelles et aux loisirs. » Ce troisième alinéa donne toute sa cohérence et dynamique aux deux autres alinéas. C’est sur ce dernier alinéa que peut se fonder une politique intégrée en matière d’accessibilité locale et régionale.

1.2 L’entrée dans le 21ème siècle

Le Comité des ministres et l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe s’engagent dans ce nouveau cadre d’action de façon concrète en adoptant un nombre non négligeable de recommandations ayant une visée pratique entre les années 2000 et 2005. A titre d’exemple, nous trouvons les textes suivants adressés aux Etats membres par le Comité des ministres : la Recommandation Rec (2001)19 sur la participation des citoyens à la vie publique au niveau local ; la Recommandation Rec(2003)19 sur l’amélioration de l’accès aux droits sociaux. ; la Résolution ResAP(2001)3 « Vers une pleine citoyenneté des personnes handicapées grâce à de nouvelles technologies intégratives » et la Résolution ResAP(2001)1 sur l’introduction des principes de conception universelle dans les programmes de formation de l’ensemble des professions travaillant dans le domaine de l’environnement bâti (« Résolution de Tomar ») ainsi que les textes suivants de l’Assemblée parlementaire : la Recommandation 1592 (2003) « Vers la pleine intégration sociale des personnes handicapées » ; la Recommandation 1598 (2003) sur la protection des langues des signes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il y a également une série de rapports sur la législation contre la discrimination à l’égard des personnes handicapées, la discrimination à l’encontre des femmes handicapées et l’accès aux droits des personnes handicapées en Europe.

La Résolution AP(2001)1 concernant l’introduction des principes de conception universelle dans les programmes de formation de l’ensemble des professions travaillant dans le domaine de l’environnement bâti pose la base de la notion de “conception universelle” (Universal Design) en ces termes :

Le prochain rapport intergouvernemental du Comité d’experts pour l’accessibilité du Comité pour la réhabilitation et l’intégration des personnes handicapées (CD-P-RR) qui a pour titre provisoire « participation et égalité des droits en réalisant l’accessibilité par la conception universelle » devrait venir enrichir de façon conséquente la réflexion et l’action en matière d’accessibilité.

En ce début de 21ème siècle, l’Organisation des Nations Unies et ses agences participent activement au renouvellement du cadre d’action des politiques en direction des personnes handicapées. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé a approuvé en 2001 la Classification internationale du Fonctionnement du handicap et de la santé (CIF) qui ouvre sur un nouveau modèle de compréhension des situations de handicap en intégrant comme variable dépendante l’environnement et la participation des personnes à la vie sociale. En 2003 les Nations Unies lancent le processus de construction de la « Convention internationale des droits des personnes handicapées » qui a « pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque. Art 1er  ». Selon le calendrier actuel, la ratification de cette convention devrait être proposée aux Etats en 2007.

Malgré l’ensemble de ces dispositions et les engagements pris par les Etats pour réaliser l’accessibilité, il faut reconnaître que bon nombre des améliorations attendues n’ont pas encore eu lieu. Comme l’ont reconnu les gouvernements dans le contexte de l’Année européenne des personnes handicapées (2003), peu de choses ont changé au cours des vingt dernières années. Les réglementations et les normes, quand elles existent, ne sont pas correctement mises en application et en vigueur partout.

Face à ce constat et à d’autres de même ampleur concernant l’inclusion des personnes handicapées, la seconde conférence européenne des ministres responsables des politiques d’intégration des personnes handicapées (Malaga 2003) a établi le calendrier de la politique européenne en matière de handicap pour la prochaine décennie. Le plan d’action, résultat direct de cette conférence, a pour but : la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées à la société et l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées en Europe pour la période 2006-2015.

Adopté par le Comité des ministres dans sa Recommandation (2006)5, ce plan d’action est composé des 15 lignes d’actions-clés suivantes :

Il attire l’attention sur les besoins des femmes et des enfants handicapés et sur les personnes gravement handicapées ayant des besoins d’assistance élevés.

Il est un instrument pratique conçu pour mettre en œuvre des stratégies viables afin de parvenir à la pleine participation de personnes handicapées à la société et à l’intégration des questions relatives au handicap dans tous les domaines d’actions retenus comme prioritaires.

Il est pour les communes, les villes et les régions des Etats membres un instrument particulièrement utile à la mise en œuvre de mesures concrètes visant à rendre les espaces et infrastructures publics accessibles aux personnes handicapées.

II. Les organisations représentatives des personnes handicapées, les pouvoir locaux et régionaux : enjeux et coopération

Comment s’instruire, participer à la vie sociale, développer et maintenir des liens amicaux ou familiaux, si l’on ne peut se déplacer et accéder à l’ensemble des espaces et infrastructures publics ?

Comme pour l’ensemble de la population, se déplacer, comprendre ou interpréter les codes ou modes de fonctionnement de son environnement, accéder aux équipements et services ouverts à tous constituent pour les personnes en situation de handicap un droit fondamental.

Pour être des citoyens à part entière, dans des conditions d'égalité, les personnes handicapées doivent impérativement pouvoir vivre et se déplacer dans leur environnement. Compte tenu du fait que l’accessibilité concourt au bien-être de l’ensemble des citoyens, il est particulièrement important que celle-ci trouve sa place dans les perspectives d’aménagement des territoires (commune, ville, région, Etat). Il ne serait pas très utile et efficace de concevoir des habitations (individuelles ou collectives) ou des installations accessibles (accessibilité des édifices publics) si les diverses composantes de l’environnement (voirie, transports) ne voyaient l’élimination des obstacles qui le caractérise bien trop souvent.

Les personnes en situation de handicap sont les révélateurs des obstacles rencontrés par la population générale dans l’usage qui peut être fait des espaces et infrastructures communautaires. C’est pourquoi, la coordination entre les administrations publiques de niveau local et régional14 et les organisations de personnes handicapées constitue la pierre angulaire d’une cohabitation participative permettant de rendre plus efficaces les actions respectives de chacun pour le plus grand confort de la population générale.

2.1 Les domaines de coopération entre les organisations de personnes en situation de handicap et les pouvoirs locaux et régionaux

Les domaines de coopération sont nombreux entre les organisations non gouvernementales de personnes handicapées et les pouvoirs locaux ou régionaux. Ils concernent, notamment, les domaines suivants :

L’accès aux moyens de transport est une condition préalable à la continuité du déplacement sans entrave des personnes en situation de handicap.

L’accès aux espaces et infrastructures publics concerne l’ensemble des dispositions architecturales et leur aménagement ainsi que les équipements interne et externe qui en font partie intégrante (ascenseurs, rampes d’accès…). Les principes qui fondent une telle exigence sont les suivants : 1) tout le monde peut et doit avoir un accès égal à l’environnement, 2) il n’y a pas de division à produire entre population valide et population handicapée. Autrement dit, l’accès aux espaces et infrastructures ne concerne pas exclusivement les personnes à mobilité réduite mais l’ensemble de la population que celle-ci rencontre des obstacles liés à une altération sensorielle, physique, psychique, cognitive ou à l’âge.

Sur la base de ces deux principes, la concertation entre les organisations de personnes en situation de handicap et les pouvoirs locaux et régionaux concerne, particulièrement, l’accès aux bâtiments, aux locaux d’habitation, à la voirie et aux transports, à l’environnement virtuel et à l’information numérique.

2.1.1 L’accès aux bâtiments

Dans le cadre de ce rapport, ce domaine concerne plus précisément l’accès aux bâtiments gérés par les services publics, comme par exemple, les musées, les bureaux de poste, les hôpitaux et les bâtiments historiques. Les bâtiments historiques sont souvent mis en avant pour démontrer que l’accessibilité ne peut être de dimension universelle. Alors même que de nombreuses expériences montrent qu’il est possible de rendre les bâtiments et lieux historiques accessibles sans compromettre leur intégrité architecturale ou historique15.

Dans ce domaine, la définition de normes est essentielle. Celles-ci doivent être établies afin de permettre aux personnes en situation de handicap dans des conditions normales de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, de se repérer sans difficulté dans les bâtiments.

Les conditions d’accès aux bâtiments par les personnes en situation de handicap doivent être les mêmes que pour l’ensemble de la population ou au minimum être d’une qualité d’usage équivalente. Par exemple, en cas de rénovation des sols, les espaces de circulation devraient respecter des règles de couleur et de relief pour les personnes mal voyantes ou âgées. Dans les locaux comportant des guichets, il s’agira de faire en sorte que chacun puisse bénéficier des prestations offertes dans des conditions adaptées (mobilier adapté, interprétariat en langue de signes…)

Cependant, l’accès aux bâtiments peut rester lettre morte pour deux raisons. La première tient au fait du manque de sensibilisation et d’implication des acteurs concernés, la seconde au fait que bien souvent certaines normes ne sont élaborées qu’en fonction de capacités «moyennes» ou «générales» excluant par conséquent les personnes handicapées, les enfants et autres groupes de personnes ayant des limitations fonctionnelles provisoires ou durables.

2.1.2 L’accès aux locaux d’habitation

La notion de qualité des conditions d’accès vaut aussi pour la construction d’habitations collectives, la réhabilitation de bâtiments et les circulations intérieures, couloirs, ascenseurs…. Aussi, un certain nombre de logements devrait présenter dès leur construction des caractéristiques permettant la circulation de personnes à mobilité réduite. Les locaux collectifs et leurs équipements devraient être rendus accessibles16. Par exemple, un cheminement praticable devrait être réalisé, ce qui signifie que la pente permettant l’accès à un bâtiment doit disposer d’un palier de repos si celle-ci est supérieure à 4%.

Lors de la construction de bâtiments d’habitation neufs, un pourcentage de logements répondant aux caractéristiques d’accessibilité devrait être réalisé. En la matière, la norme minimale généralement admise pour un logement accessible retient la composition suivante : une cuisine, un séjour, une chambre, un cabinet d’aisance et une salle d’eau. La conception des circulations (largeurs de porte, hauteurs des interrupteurs…) étant établie sur la base des besoins d’une personne en fauteuil. Ainsi, la cuisine devrait permettre le passage entre divers appareils ménagers ; la chambre, le cabinet d’aisance et la salle d’eau devraient permettre la rotation d’un fauteuil.

La notion d’espace de circulation adaptée recouvre également, autre exemple, la prise en compte lors de la construction de nouveaux bâtiments, si cela n’est pas d’emblée prévu, la réserve d’un emplacement pour l’installation d’un futur ascenseur. Les perspectives de vieillissement des populations justifient à elles seules une telle mesure.

Ainsi, toute construction doit pouvoir être transformable à l’usage des personnes en situation de handicap avec un minimum de frais. Un bâtiment conforme aux exigences de conception pour tous pourra s’adapter sans grande difficulté à des besoins changeants. Dans ces conditions, l’investissement réalisé permettra d’importantes économies par rapport à un bâtiment qui nécessitera des adaptations considérables et coûteuses plus tard.

2.1.3 La voirie et les transports

La continuité sans entrave du déplacement des personnes en situation de handicap oblige à supprimer tous les obstacles, que ceux-ci viennent des bâtiments, de l’aménagement des espaces publics, des systèmes de transport ou de la voirie. Elaborer de façon indépendante les unes des autres des normes dans chacun de ces domaines ne peut conduire qu’au maintien d’un certain nombre de problèmes pratiques. Il est essentiel, si l’on ne veut pas voir les efforts déployés être réduits à néant, de mettre en place les moyens d’une coordination des diverses autorités et services impliqués17 afin de rendre compatibles les différentes normes.

C’est pourquoi, la généralisation de l’accès à la voirie, aux espaces et infrastructures publics peut faire l’objet d’un plan d’action concerté entre les divers services techniques de la commune, de la ville et de la région en fonction du niveau d’intervention nécessaire. Afin d’éviter le plus possible les incohérences, les organisations non gouvernementales de personnes handicapées et des acteurs concernés18 devraient être associés dès le début à l’élaboration de ce plan d’action.

Ce plan d’action a notamment pour fonction de définir le calendrier de mise en accessibilité de l’ensemble des circulations piétonnes et des aires de stationnement. Ainsi, la programmation de l’extension progressive des bandes podotactiles19 sur les trottoirs, de revêtement spécifique installé en bord de quai des stations de bus, tramway, métro ou train est à elle seule une avancée considérable pour la sécurité des personnes aveugles et malvoyantes.

De même, la demande faite aux compagnies de téléphone de prévoir, sur une zone définie en fonction du nombre d’habitants par quartier, au moins une borne téléphonique disposant de téléphones positionnés à des hauteurs différentes, comme celle concernant les banques et sociétés de transport afin de prévoir l’installation de distributeurs de billets ou de titres de transport à des hauteurs différentes, offrent la possibilité aux personnes de petite taille ou en fauteuil de faire usage de ces équipements.

La redéfinition de l’espace piéton sur les trottoirs permet, quant à elle, de supprimer les obstacles (mobiliers urbains ou poteaux électriques mal positionnés …). La programmation de l’équipement d’un avertisseur sonore sur la plupart des feux tricolores permettra aux personnes aveugles et malvoyantes de circuler en sécurité.

Les réseaux de transport de surface (bus, autocar, tramway) peuvent bénéficier d’adaptations nécessaires permettant aux personnes en situation de handicap de circuler tout en renforçant le confort de tous. Il en va ainsi de la mise en place de panneaux d’annonce du temps d’attente, d’information sur le trafic, de vidéo-surveillance pour la sécurité des voyageurs, de bornes d’appel d’urgence. Ce type d’adaptation va de pair avec la réfection des matériels ou leur renouvellement programmé. A cette occasion, l’équipement des transports de surface sera choisi ou installé dans le but de faciliter l’accès des personnes en situation de handicap. Par exemple, on favorisera des équipements de type rampe d’accès rétractable venant combler l’espace entre la porte et le trottoir, l’aménagement d’emplacements réservés aux fauteuils roulants et poussettes… Ou encore la mise en place de dispositifs à une hauteur permettant la lisibilité des annonces par une personne mal voyante, la réhabilitation des matériels ou la mise en service de nouveaux matériels intégrant des dispositifs de prise en charge des personnes nécessitent l’aménagement de l’espace public dans la zone d’arrêt, élargissement et abaissement des trottoirs pour en faciliter l’accès. Dans ce domaine, le civisme des automobilistes est une donnée particulièrement importante.

Lorsque les villes disposent d’un métro, l’installation sur les quais de dalles podotactiles permet de signaler par un relief la proximité du bord du quai, l’annonce (nom de la station et affichage pour lecture à l’intérieur de la rame) à l’arrivée de la station permet aux personnes aveugles et sourdes et aux voyageurs distraits de descendre à la station voulue. Un signal sonore et lumineux sur chaque porte permet de signaler la fermeture des portes et ainsi d’éviter de possibles accidents. La mise en place d’un service d’information (téléphonique par exemple) sur l’indisponibilité des matériels, trottoirs roulants, escaliers mécaniques et ascenseurs, permet aux personnes en situation de handicap de prévoir leur déplacement. La mise en place de portillons de largeur adaptée au passage d’un fauteuil ou d’une poussette permet à la personne handicapée ou à la mère de famille d’accéder au métro sans encombre.

2.1.4 Les taxis

Bien que ne relevant pas du domaine des transports publics, ce secteur est primordial pour les déplacements des personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite. Il constitue, en effet, un mode souple de déplacement de porte à porte. Ici, il ne s’agit pas de promouvoir et de soutenir la transformation de véhicules pour en faire un service spécialisé, mais de favoriser l’aménagement de quelques véhicules par des modifications mineures qui ne touchent pas à la structure du véhicule (siège avant passager pivotant, espace agrandi entre les sièges de devant et de derrière, poignées de maintien,…). Là encore, il s’agit d’accroître la qualité d’un service pour le plus grande nombre et pas seulement pour les personnes à mobilité réduite.

2.1.5 Les services de transport alternatifs

Dans le cas, notamment, d’impossibilité technique avérée de la mise en accessibilité des réseaux de transports, un réseau de transport réservé aux déplacements des personnes dont le handicap ne permet pas d’accéder au réseau régulier malgré les aménagements est souhaitable.

Ce réseau alternatif de transports pour les personnes âgées ou à mobilité réduite qui ne peuvent prendre les transports en commun du fait de leur handicap se réalise dans des conditions économiques identiques à l’ensemble du réseau. Ainsi, intégré au réseau de transport général , il peut doubler un certain nombre de lignes de bus ou de métro non accessibles, sur la base de petits véhicules (mini-bus) équipés au minimum d’une rampe d’accès et d’un système d’ancrage pour fauteuils roulants.

2.1.6 L’environnement virtuel et l’information numérique

Que ce soit au niveau de la ville ou de la région, notre environnement bâti comprend de plus en plus de matériels et d’appareils électroniques, claviers d’ouverture de portes, distributeurs automatiques divers, etc. Ces technologies nouvelles sont un élément clé de l’accès à l’environnement bâti et doivent contribuer à faire disparaître les obstacles que rencontrent les personnes en situation de handicap, notamment, les personnes handicapées mentales et sensorielles. Ainsi, offrir la possibilité aux personnes malvoyantes et malentendantes de pouvoir d’un simple clic devant un écran accroître la taille des caractères ou augmenter le son facilite de façon considérable l’usage de ces technologies.

Une formation des professionnels à l’accessibilité doit accompagner la mise en place des mesures dans les divers champs évoqués. Celle-ci concerne les professionnels et intervenants dans les domaines du cadre bâti, de l’aménagement des espaces sociaux, des transports, de la sécurité et ainsi de suite.

2.2 Le handicap psychique

Il est important de souligner que l’un des enjeux forts pour les communes, les villes et les régions concerne l’accès des espaces et infrastructures publics aux personnes handicapées psychiques20.

Avec la mise à disposition des populations de nouveaux traitements depuis les années 1960, les personnes vivant des difficultés psychopathologiques sont de moins en moins hébergées dans des hôpitaux spécialisés. Elles vivent à hauteur de 90% dans la cité dans bon nombre de pays. Elle sont souvent abandonnées dans la ville ou appartiennent au groupe des « sans domicile ».

La mise en place d’espaces d’accueil spécialement adaptés au handicap de ces personnes, relève en partie de la responsabilité des pouvoirs locaux. Ces structures peuvent être pour ces personnes le moyen de renouer avec les services sociaux et sanitaires qui peuvent les soutenir dans le règlement de problèmes qu’elles ne peuvent assumer seules. Ainsi, des procédures d’attribution de logement ou la mise en place de solutions spécifiques d’hébergements (du type hébergement accompagné, logement groupé…) peuvent être promues, d’autant plus que ces personnes ne sont pas en mesure de répondre aux procédures habituelles d’obtention d’un logement.

Par ailleurs, la prise en compte de ces personnes dans l’élaboration de plans et programmes d’action peut faciliter la décision des élus dans le cadre de leurs responsabilités de maintien de l’ordre public.

2.3 Les modalités de coopération et d’organisation

L’Agenda 2221, document adopté par les autorités locales suédoises en vue de faciliter la planification de leur politique en matière de handicap, insiste sur la nécessaire coopération entre les différents acteurs, Etat, région, municipalité, entreprise. Ces acteurs sont invités à coopérer avec les organisations représentatives des personnes handicapées afin de réaliser avec elles, notamment : l’établissement de la liste des besoins rencontrés, l’intégration des questions concernant le handicap dans toute les décisions futures que les autorités locales ou régionales seraient amenées à prendre et l’évaluation à intervalles réguliers des politiques et des actions entreprises.

Dans cette perspective, la participation des organisations représentatives des personnes doit être posée comme préalable à toute démarche, tout comme la concertation préalable le plus en amont possible de la réalisation entre tous les acteurs. Ceci est l’assurance d’une accessibilité la plus réussie possible. Ne pas faire appel aux connaissances des organisations de personnes en situation de handicap ne peut entraîner que des erreurs qui généreront à terme des surcoûts pour les autorités locales ou régionales. Les compétences de ces organisations doivent pouvoir s’exercer au niveau de l’identification des besoins, de la planification, de la mise en œuvre des services et de leur évaluation.

Cependant pour être efficace, la concertation se doit d’être imaginée selon une approche territoriale globale (commune, ville, région). Aussi, la mise en oeuvre d’instances locales et régionales de concertation avec les organisations représentatives de personnes en situation de handicap doit être attentive au fait que soit représenté l’ensemble des divers types de handicap et pas exclusivement les organisations de personnes à mobilité réduite. Il ne faut pas, en effet, réduire l’accessibilité à un seul type de besoin.

De telles instances de concertation devraient avoir pour mandat d’intervenir dans tous les domaines pertinents (transports, construction, sécurité, technologies de l’information et de la communication, sécurité des produits, santé, etc.) et avec le souci d’une coordination permanente de tous les acteurs concernés. Ces instances pourraient fonder leur travail sur l’élaboration de programmes d’action issus directement de plans d’action validés par les instances politiques. Par ailleurs, elles pourraient s’assurer de la cohérence des chantiers ouverts et inclure dans leurs outils de pilotages l’élaboration de calendriers de réalisation, les moyens économiques nécessaires (budget et investissement prévisionnel) et les procédures d’évaluation (atteinte des objectifs et mesures concrètes du programme d’action.)

La mise en place de telles instances de concertation implique l’ensemble des acteurs de la vie économique du territoire, c’est-à-dire, les associations de commerçants et toutes les professions qui doivent être sensibilisées et informées des aménagements et transformations de l’environnement que générera la mise en accessibilité. Les avantages attendus de ce travail devront être soulignés, notamment auprès des commerçants et artisans, par le fait que les personnes en situation de handicap sont de nouveaux consommateurs avec un réel pouvoir d’achat. Le cas le plus exemplaire est celui des personnes âgées qui n’hésitent pas, du fait d’une accessibilité réalisée, à se rendre dans des lieux praticables et peu fatigants d’accès pour elles.

Les modalités de financement adoptées par la Suède pour la mise en œuvre de ces politiques s’appuient sur ce qu’il est nommé dans ce pays le « principe de responsabilité et de financement ». Selon ce principe, chaque domaine doit supporter les coûts qu’il encourt. Par exemple, le surcoût d’un équipement de grossissement de caractères d’un distributeur de titre de transport doit être inclus dans l’ensemble des coûts et pas seulement sur le point de distribution rendu accessible.

Par ailleurs, les pouvoirs locaux et régionaux peuvent influencer de façon majeure la mise en œuvre des principes de « conception universelle » en utilisant l’influence dont ils disposent pour l’inclure dans les appels d’offres ou lors de l’attribution de marchés publics de travaux (architecture, voirie, transports) et de services des exigences d’accessibilité. Tout contrat devrait, dans cette dynamique, signifier clairement que le prestataire s’engage à éliminer tout risque de désavantage pour les personnes en situation de handicap.

Par ces processus de concertation, il s’agit avant tout d’éviter que des réalisations, bien que conformes à la réglementation, soient totalement inefficaces. Pour prendre un exemple récent d’une telle situation, un musée parisien inauguré récemment (juin 2006) dispose d’une rampe d’accès de plus de 160 mètres de long avec des portions de 4 à 5% de dénivelé et seulement trois paliers de repos. Si le dénivelé est conforme aux normes de conception de rampe de quelques mètres, sur une telle distance et compte tenu du peu de palier prévu, cette rampe ne peut que très difficilement être utilisée par les personnes en fauteuil roulant manuel à moins d’être dans une condition physique digne d’un sportif de haut niveau. Les facilités de déplacement et le confort d’usage ne sont pas au rendez-vous dans ce cas.

2.3.1 Organisation de la concertation et mise en oeuvre

L’organisation de la concertation peut s’effectuer sur la base d’un inventaire ouvert de la réalité dans le but d’établir un état des lieux des services et des actions conduits par la commune, la ville ou la région. Dans le même temps, la réalisation d’un inventaire des besoins des divers groupes de personnes en situation de handicap ouvrira sur la possibilité de l’établissement d’un plan d’action. Ces inventaires devraient être confiés à des groupes de travail mixtes comprenant des représentants des pouvoirs locaux ou régionaux et d’organisations non gouvernementales.

Une telle démarche d’inventaire fait nécessairement émerger une quantité importante de besoins et des divergences de point de vue. Pour aborder l’ensemble des questions soulevées et prendre le temps d’une réelle concertation, le plan d’action devra s’envisager dans le cadre d’une programmation pluriannuelle.

Le plan d’action adopté par les instances politiques locales en cohérence avec les programmations régionales dans le but de lui donner toute l’influence nécessaire peut être concrétisé sous la forme d’un engagement formel (contrat) d’une commune, d’une ville ou d’une région vis-à-vis de l’ensemble de la population et des organisations non gouvernementales. Par exemple, en France l’Association des Maires de France s’est engagée avec un collectif d’associations de personnes handicapées dans la promotion d’une « Charte Commune-Handicap ». Signée aujourd’hui par plusieurs villes et pouvant être de niveau communal ou intercommunal, cette Charte vise à donner toute sa place aux personnes handicapées et à répondre à leurs attentes dans tous les domaines de la vie quotidienne : information, mobilité et transport, accès aux lieux publics, emploi, logement, enfance et éducation, culture, sports, loisirs, vie à domicile, vie sociale.

Un deuxième exemple est donné par la ville de Troyes (France), qui s’engage à partir d’objectifs fixés et clairement énoncés, à mettre en place des solutions de façon coordonnée et à en contrôler les avancées de façon régulière. La Charte signée par cette ville établit particulièrement les règles de la concertation entre les instances publiques et les associations et fixe la fréquence des réunions plénières, les conditions de la consultation des projets, la création d’une commission consultative et les modalités de création d’une cellule de conseil au sein de la ville. Concernant la mobilité et les transports, les aménagements de l’espace public sont établis afin d’assurer les déplacements des personnes handicapées et les objectifs à atteindre dans le domaine des transports individuels en commun et spécialisés. Sont également concernés les moyens mis en place pour faciliter l’accessibilité des lieux publics, le logement pour en améliorer les conditions d’accès et engager un recensement des logements accessibles, la mise en accessibilité des lieux culturels, de loisir et de tourisme : monuments, musées, salles de spectacles, salles de sport, piscines, plage. La formation des personnels communaux aux enjeux de l’accessibilité est également programmée.

Un autre exemple est celui de la municipalité de Radovljica (Slovénie) qui a mis en place un comité permanent sur les questions de handicap. Cet organe consultatif placé auprès du Maire a pour mission de surveiller l’exécution du plan d’action et de faire des propositions. Basé sur les règles standard des Nations Unies et les principes de « l’Agenda 22 », le programme d’action de cette municipalité est constitué de 44 mesures regroupées autour des thèmes suivants : l’information et la prise de conscience du public ; l’inclusion dans les programmes et politiques municipaux des questions de handicap ; le développement de l’environnement et l’élimination des obstacles (logement, santé, soutien aux ONG, éducation…); l’accès aux bâtiments publics (équipement spécifique) ; la voirie ; l’information. L’ensemble des ces mesures est accompagné du plan de financement permettant leur réalisation.

L’engagement de communes, villes ou régions dans une telle démarche de contractualisation avec les organisations non gouvernementales ne doit pas occulter le fait que la réalisation d’un certain nombre d’actions n’est pas de la seule responsabilité de la commune ou de la ville mais concerne très directement les Etats. Ceux-ci doivent en effet être à l’origine de la promotion au travers de mesures d’ordre législatif, réglementaire et de normalisation technique des cadres et politiques de l’accessibilité.

2.3.2 Quelques exemples de bonnes pratiques et d’obstacles

Avoir un logement accessible pour une personne handicapée est une nécessité, mais il ne faut pas pour autant que ce logement devienne un lieu d’où l’on ne peut sortir, parce que l’ascenseur est inadapté, parce que l’accès de l’immeuble ne peut être utilisé ou que la continuité sans entrave du déplacement des personnes en situation de handicap par des réseaux de transports accessibles ne peut à elle seule être satisfaisante. La voirie, le désencombrement des trottoirs et leur élargissement, des places de stationnement adaptées, tout comme les accès aux installations recevant du public sont également à prendre en compte.

Quelques exemples en photos :

- Appareils téléphoniques à deux niveaux de hauteur permettant un accès facile aux personnes de petite taille ou en fauteuil.

- Guichet d’une Mairie dont le comptoir a été mis à hauteur permettant ainsi aux personnes en situation de handicap d’être entendues en toute dignité. (Photo extraite du rapport sur l’accessibilité du CD-P-RR en cours d’élaboration)

- Places de stationnement avec un trottoir abaissé et un dégagement suffisant pour la sortie latérale d’un fauteuil.
- Trottoir abaissé avec bande podotactile et avertisseur sonore.


- Carrefour dans une zone commerçante disposant d’un abaissement total des trottoirs.
- Trottoir d’une largeur insuffisante disposant en son centre d’un pylône bloquant toute possibilité de cheminement.

- Immeuble d’habitation avec rampe d’accès adaptée.
- Immeuble d’habitation sans accès adapté malgré un espace le permettant

- Bus articulé pouvant embarquer une personne en fauteuil par l’intermédiaire d’un plancher amovible.
- Une barre de préhension empêche l’entrée ou la sortie des fauteuils roulants et la hauteur des marches est telle que toute personne accompagnée d’un enfant ou une personne âgée ne peut descendre de ce bus en toute sécurité.

- Pictogramme utilisé pour l’attribution du label « tourisme et handicap » (France). Sont présents quatre pictogrammes. Le « fauteuil roulant », « les visages » qui permettent aux personnes handicapées mentales d’identifier les lieux où elles peuvent trouver des personnes formées pour les aider, « l’œil barré » pour les personnes aveugles et malvoyantes et enfin « l’oreille barrée » pour les personnes sourdes et malentendantes.
- Plage rendue totalement accessible par un système de plan incliné et d’un passage pour accéder à la baignade.

III. Conclusion

Le principe de « conception universelle », sa reconnaissance et sa mise en œuvre rendent nécessaire le fait de considérer le cadre de vie des personnes en situation de handicap à travers les modalités d’action promues par la notion de politique sociale intégrée. Le plan d’action du Conseil de l’Europe, pour la période 2006-2015, constitue à cet égard un outil particulièrement utile comme support à l’action des pouvoirs locaux et régionaux.

Une politique sociale intégrée ayant pour objectif l’accès des personnes en situation de handicap aux espaces et infrastructures publics ne peut résulter que d’une logique de traitement global du logement, de la voirie, des transports, des équipements recevant du public. Par cette approche globale, il s’agit de mettre en place les mesures permettant à tous, sans entrave, d’étudier, de travailler, d’avoir une vie sociale, culturelle et de pouvoir exercer les actes de la vie quotidienne comme tout un chacun. Une personne ne vit pas des situations de handicap uniquement à cause de désavantages temporaires ou permanents qu’elle rencontre, mais aussi par le cadre et la société dans lesquels elle vit. C’est à la collectivité qu’il incombe de s’attaquer aux obstacles environnementaux et de les supprimer.

Un environnement accessible est un élément primordial pour que s’établisse une société fondée sur l’égalité des droits et permet à tous les citoyens de mener une vie autonome.

Construire un environnement qui ne crée pas d’entrave ni de limitation concerne tout le monde et pas seulement les personnes ayant des besoins singuliers. Dans la mesure où l’accessibilité concerne tout le monde elle favorise l’intégration et la participation sociale des personnes en situation de handicap.

Pour chacun des domaines évoqués dans ce rapport, il revient aux pouvoirs locaux et régionaux d’agir auprès de leur gouvernement pour que les dispositions nécessaires soient prises et les processus de normalisation mis en œuvre afin d’agir dans un cadre réglementaire cohérent et intégré. Cela peut consister, notamment, par la prise en compte dans l’élaboration des politiques publiques de l’article 15 alinéa 3 de la Charte sociale européenne ou en soutenant sa ratification si cela n’a pas été fait.

Recommandations

Afin de permettre aux personnes en situation de handicap de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société, les pouvoirs locaux et régionaux peuvent prendre de nombreuses mesures appropriées afin d’assurer l’accès aux espaces et infrastructures publics à égalité avec l’ensemble des citoyens. 

Les recommandations qui suivent concernent trois plans. Celui du politique et de sa mise en œuvre sous la forme de plans d’action, celui de l’organisation de la concertation entre les différentes organisations concernées et celui de l’élaboration de normes et de la sensibilisation/information des acteurs.

I. Politiques et plans d’action

La mise en œuvre de politiques et plans d’action efficaces, c’est-à-dire visant à modifier les conditions de vie de la population en général et à assurer la participation des personnes en situation de handicap en particulier, peut prendre appui sur les recommandations suivantes :

II. Organisation de la concertation

L’un des éléments essentiels concourant à la mise en œuvre de politique sociale intégrée – ou « mainstreaming » - réside dans la coopération des pouvoirs locaux et régionaux avec les organisations de personnes en situation de handicap. L’organisation locale et régionale de la concertation avec ces organisations peut prendre appui sur les recommandations suivantes :

III. Normalisation

L’élaboration de normes et références est indispensable à la mise en oeuvre d’actions visant l’accessibilité du cadre bâti, du logement et des transports. L’élaboration de ces normes relève dans de nombreux cas de la responsabilité d’instances nationales. Toutefois, à leur niveau de responsabilité les pouvoirs locaux et régionaux peuvent :

IV. Sensibilisation, information et formation

La sensibilisation, l’information et la formation des divers intervenants concernés par l’accès des personnes en situation de handicap aux espaces et infrastructures publics est un élément indispensable à la bonne réalisation de tout plan d’action. Afin de permettre aux personnes en situation de handicap de bénéficier pleinement de leurs droits politique, économique et sociaux et de la liberté de choix qui les accompagne, les pouvoirs locaux et régionaux peuvent :

V. Evaluation et révision

TEXTES DE REFERENCE

CONSEIL DE L’EUROPE

Résolution Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Déclaration des Chefs d’Etats et de Gouvernement

Nation Unies et agences

Union Européenne

ONG

Rapports du Conseil de l’Europe

Autres

1 Le Secrétariat du Congrès souhaite remercier l’expert, M. Marc Maudinet, pour la préparation du présent rapport. 2 Dans toute situation il y a des différences. On peut même soutenir qu’il n’y a que cela. Le terme de situation a pour but de souligner que le fait de se trouver dans une situation de désavantage du fait de difficultés rencontrées dans l’accès aux espaces et infrastructures publics, ne concerne pas exclusivement les personnes inscrites habituellement dans la catégorie « handicap ».

3 Il est important de préciser que l'utilisation du terme de « handicap » peut prêter à confusion. Il a dans certaines langues des connotations péjoratives, négatives, voire même injurieuses. Il est par conséquent à utiliser avec précaution.

4 Site luxembourgeois de l'accessibilité www.welcome.lu

5 Résolution AP(2001)1 sur l’introduction des principes de conception universelle dans les programmes de formation de l’ensemble des professions travaillant dans le domaine de l’environnement bâti. («Résolution de Tomar»), Comité des ministres du 15 février 2001.

6 L’expression « conception pour tous » a un rapport plus direct au sens commun que celle de « conception universelle » qui se positionne comme relevant de tous lieux et de toutes situations. L’utilisation de l’une ou l’autre de ces expressions dépend du contexte (plutôt concret ou politique) dans lequel elles sont utilisées.

7 Dans ce rapport l’expression environnement bâti ou cadre bâti est équivalente. Elle désigne tous les bâtiments, les voiries et les lieux ou espaces ouverts au public en référence à la Résolution AP(2001)1.

8 L’accès des personnes handicapées aux droits sociaux en Europe, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003.
9 Résolution AP (84)3.
10 En référence à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (1950).
11 Recommandation R(92)6.
12 Agenda 22 Autorités Locales, planification en matière de handicap. Instruction à l’intention des autorités locales. 
13 Charte sociale européenne (STE n° 35) et Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163).
14 cf. La Déclaration de Barcelone, Congrès Européen « La ville et les personnes handicapées », 1995.
15 L’exemple du Musée de Kelvingrove, municipalité de Glasgow (UK) est significatif des possibilités ouvertes dans ce domaine (http://www.glasgowmuseums.com/accessibility.cfm)

16 Par le positionnement des boîtes aux lettres ou de digicodes, des interrupteurs électriques et des boutons d’ascenseur à bonne hauteur, la création de places de parking bénéficiant de dégagements suffisants pour y effectuer les manœuvres nécessaires à la sortie d’un fauteuil ou d’un landau.

17 Gestionnaires des transports, services techniques de la voirie, police pour la surveillance du stationnement… 18 Par exemple, les commerçants et artisans dans le cadre de la création d’une zone piétonne et sa mise en accessibilité. 19 Il s’agit de bandes plastiques ou de carrés de béton inclus ou collés devant les passages piéton ou sur la bordure de quai de métro par exemple. Ces éléments ont pour particularité d’avoir leur surface recouverte d’un relief permettant à toutes personnes et plus particulièrement aux personnes mal voyantes d’être alertées, par leur canne ou en marchant sur ces éléments, de l’imminence d’une voie de circulation.

20 Le handicap psychique, maladie de l’esprit et du comportement, se manifeste plutôt chez le jeune adulte et l’adulte alors que le handicap par déficience mentale est plus liée à une altération intellectuelle relativement stable constatée dès l’enfance. Le handicap psychique concerne en moyenne 1% de la population générale.

21 Agenda 22. Autorités locales, planification en matière de handicap. Instruction à l’intention des autorités locales, 2001.