13ème Session plénière du Congrès 30 mai - 1er juin 2006

La démocratie locale au Liechtenstein

Rapporteur: Christopher NEWBURY, Royaume-Uni,

Chambre des pouvoirs locaux

Political Group : PPE/DC

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EXPOSE DES MOTIFS

I. Introduction

1. Le Liechtenstein est une principauté de 160 kilomètres carrés qui compte près de 34 000 habitants. Il comporte onze communes dont la taille varie entre 1000 et 6000 habitants, qui ont toutes un très fort ancrage historique.

2. Les caractéristiques des communes actuelles et du droit communal du Liechtenstein remontent loin dans le passé. Même durant la période « absolutiste » de la deuxième moitié du dix-huitième siècle, les communautés villageoises ont gardé leurs droits propres. Les caractéristiques actuelles des communes, leurs délimitations et leur statut datent du début du dix-neuvième siècle et ont été définis par la loi du 1er janvier 1810. Avec l’avènement de communautés politiques modernes, le rôle des communes dans la gestion des biens communaux et l’attribution du droit de bourgeoisie est passé progressivement au second plan. La loi du 1er août 1842 a maintenu au pouvoir central le droit de désigner les responsables communaux. Cette prérogative a été abandonnée avec la Constitution de 1862 et la loi du 24 mai 1864 qui ont consacré la libre élection de ces représentants. Cette loi a longtemps servi de cadre à l’activité communale et fut reprise dans ses grandes lignes par la loi de 1959. Finalement, c’est la loi du 20 mars 1996 qui a procédé à la modernisation du droit communal en prenant notamment en compte les orientations de la Charte européenne sur l’autonomie communale, que le Liechtenstein a ratifiée en 1988.

3. La démocratie locale au Liechtenstein est caractérisée par une vitalité et une très solide légitimité mais aussi par la faible taille des communes et la proximité du niveau « étatique » (Land). L’Etat ayant une taille qui, au plan européen, correspond à celle d’une collectivité locale, il est assez petit pour gérer lui-même un grand nombre d’affaires locales.

4. Dans l’ensemble, le Liechtenstein a tiré le meilleur parti de sa situation et a constitué une structure communale forte et bien dotée, parallèlement à un gouvernement central lui-même actif à tous les plans.

II. Fondement constitutionnel

5. Les communes du Liechtenstein bénéficient d’un solide fondement constitutionnel.

6. L’article 1 de la Constitution dispose que la Principauté est une union (Verband) de deux régions (Landschaften) avec onze communes nommément citées. Cette formulation pourrait donner l’impression que l’Etat du Liechtenstein est constitué des onze communes qu’il comporte. L’article ne doit cependant pas être interprété comme donnant à la Principauté un caractère fédératif ou comme signifiant que les communes participent au pouvoir d’Etat. Ces dernières ont un simple statut de collectivité locale et leurs compétences sont limitées à celles que leur attribue la Constitution ou la loi. Elles peuvent toutefois influer sur l’élaboration des lois, comme nous le verrons par la suite.

7. L’article 4.1 de la Constitution précise que la modification des limites communales, la création de nouvelles communes ou la fusion de communes doit être décidée par une loi et requiert l’accord de la majorité des citoyens. L’article 5 de la Charte européenne de l’autonomie locale est donc pleinement pris en compte.

8. L’alinéa 2 du même article institue un droit pour chaque commune de quitter le groupement que constitue l’Etat (Staatsverband). Cette sécession doit être adoptée par la majorité des citoyens de la commune suivant une procédure définie par la loi. Ce pouvoir de sécession a été introduit lors de la dernière réforme constitutionnelle de 2003.

9. En vertu de l’article 110 de la Constitution, la loi détermine l’organisation et les missions des communes. Par ailleurs, la Constitution garantit l’élection du Maire et des autres titulaires d’une fonction communale par l’assemblée municipale des citoyens.

10. La Constitution reconnaît également aux communes un droit de participation et d’influence sur l’activité législative :

- s’il y a accord d’au moins trois communes, une proposition tendant à l’adoption, la modification ou l’abrogation d’une loi peut être présentée et doit être discutée à la première session suivante de l’assemblée législative du Liechtenstein (Landtag) ;

- une demande de modification de la Constitution peut de la même façon être présentée par un minimum de quatre communes ;

- une demande de référendum législatif peut être présentée par un minimum de trois communes (quatre communes pour un référendum constitutionnel) ;

- un minimum de trois communes peut aussi présenter une demande de convocation ou de dissolution de l’assemblée législative ;

- enfin, toute résolution de l’assemblée législative visant à la ratification d’un accord international doit faire l’objet d’un référendum si au moins trois communes le demandent.

11. Cette protection constitutionnelle est cependant limitée à certains égards : la Constitution ne garantit pas formellement un noyau constitutionnel précis de compétences communales, ces dernières relevant essentiellement de la loi. Toutefois, dans un arrêt de 1982, la Cour constitutionnelle du Liechtenstein (Staatsgerichtshof) a jugé que la Constitution indiquait clairement que le législateur doit doter les communes d’un champ de compétences suffisamment conséquent pour qu’elles puissent fonctionner de façon satisfaisante.

12. Si la Constitution mentionne l’administration autonome du patrimoine communal, la gestion de la police locale et le maintien d’un système d’aide aux indigents, elle précise que ces pouvoirs s’exercent sous le contrôle du Gouvernement, ce qui peut signifier qu’il pourrait y avoir ingérence de ce dernier dans l’exercice de ces compétences. Cependant, le législateur a précisé que dans les domaines qui relèvent de la compétence propre des communes (eigener Wirkungskreis), le Gouvernement ne peut effectuer qu’un contrôle de légalité.

13. Les dispositions de l’article 4.1 de la Charte européenne de l’autonomie locale relatives aux garanties constitutionnelles et législatives de l’autonomie locales sont respectées.

III. Prise en compte de la Charte par la législation du Liechtenstein

14. Le Liechtenstein a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale le 1er septembre 1988.

15. Dans le système juridique du Liechtenstein, les conventions internationales régulièrement ratifiées sont directement applicables dans les tribunaux internes, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une loi de transposition du traité international en droit interne. Ces traités peuvent être invoqués directement car ils peuvent, de par leur nature, être considérés comme immédiatement exécutoires. Les autorités du Liechtenstein estiment toutefois que la Charte européenne de l’autonomie locale n’est pas applicable de la sorte car ses dispositions donnent une orientation générale.
16. Cette appréciation mériterait d’être nuancée. Chacune des dispositions de la Charte doit être examinée séparément pour déterminer sa portée. Plusieurs d’entre elles énoncent des règles qui sont suffisamment précises pour avoir un effet direct. On aurait tort de concevoir toutes les dispositions de la Charte comme des orientations générales. D’ailleurs, la Cour constitutionnelle du Liechtenstein a déclaré dans un arrêt du 13 septembre 1998 la recevabilité d’une requête fondée sur une inobservation de la Charte (St GH 1998/10). Elle a reconnu que l’article 8.2 de la Charte, qui énonce que « tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels [et non à effectuer un contrôle de l'opportunité] », s’impose au droit interne du Liechtenstein bien qu’il ne pose qu’un principe général auquel il est possible de déroger exceptionnellement dans des cas dûment motivés.

17. Les autorités du Liechtenstein soulignent que la ratification de la Charte a été suivie de diverses modifications de la législation. Les amendements constitutionnels et législatifs effectués depuis le 1er septembre 1998 ont tenu compte des règles et principes figurant dans la Charte.

18. Il convient cependant d’observer que le Liechtenstein a limité sa ratification de la Charte à certaines de ses dispositions. Le pays s’est déclaré lié par les dispositions suivantes : article 2, article 3 paragraphe 1, article 4, article 5, article 6 paragraphe 1, article 7, paragraphes 1 et 3, article 8, article 9 paragraphes 1, 2 et 5 à 7, article 10 paragraphe 1 et article 11. Ces réserves sont prévues par l’article 12 de la Charte et ne sont pas en soi sujettes à critique. Il paraît néanmoins surprenant que le Liechtenstein formule des réserves concernant des paragraphes de la Charte auxquels sa législation correspond parfaitement.

19. Des réserves ne devraient être faites que s’il existe des désaccords de fond ou des incompatibilités spécifiques entre une législation nationale et les dispositions de la Charte. De toute évidence, le fait de souscrire à des obligations internationales qui correspondent déjà à la pratique nationale n’apporte aucun avantage immédiat à la démocratie locale au Liechtenstein. Mais l’adhésion à la Charte a une portée plus vaste. Les Etats du Conseil de l’Europe définissent en commun une garantie internationale de l’autonomie locale. Le Liechtenstein apporterait une contribution réelle à cette démarche s’il venait à accepter l’ensemble des dispositions de la Charte, à moins qu’il ait des objections justifiées à l’encontre de certaines.

20. Si le présent rapport soulève quelques interrogations quant aux articles 8.2 et 9.7, il ne voit aucune contradiction réelle entre la législation du Liechtenstein et les paragraphes de la Charte.

IV. Les compétences des communes et le contrôle administratif de l’Etat

21. Le droit communal du Liechtenstein distingue, comme le font d’autres pays et comme le prévoit la Charte, deux catégories de compétences exercées par les communes.

A. Les compétences propres (eigener Wirkungskreis)

22. Ce domaine inclut toutes les questions qui intéressent au premier chef les communes et qui peuvent être prises en charge par elles, ainsi que toutes les activités qu’elles entendent exercer dans le cadre de leur propre liberté, dans les limites fixées par la loi.

23. L’interprétation faite par le Liechtenstein de l’autonomie communale et du principe de subsidiarité est conforme à l’article 4, paragraphes 2 et 3 de la Charte. Pour les communes du Liechtenstein, ces compétences propres incluent notamment :

- l’élection et l’organisation des organes de la commune,
- la gestion du patrimoine et des équipements communaux,
- la promotion de la vie locale sociale, culturelle et religieuse,
- la protection de l’ordre public local,
- l’urbanisme local et l’aménagement local du territoire,
- l’alimentation en eau, la collecte des déchets et le traitement des eaux usées,
- l’attribution de la qualité de citoyen communal.

24. Le contrôle de l’Etat est, dans ce cadre, limité au respect de la légalité et ne comporte pas en théorie de pouvoir d’appréciation de l’opportunité des mesures prises.

B. Les compétences déléguées (übertragener Wirkungskreis) ou compétences d’Etat déléguées aux communes par des lois spécifiques

25. L’Etat dispose à la fois d’un pouvoir de contrôle de la légalité et de l’opportunité (Sachprüfungskontrolle) de ces compétences déléguées. Ce pouvoir d’intervention de l’Etat dans les décisions prises par les communes dans le cadre des compétences déléguées est cependant exercé avec retenue et ne suscite que peu ou pas de critiques de la part des responsables communaux.

26. La distinction entre compétences propres et déléguées et ses conséquences en matière de contrôle sont conformes aux dispositions de la Charte, et en particulier à son article 8. On peut cependant s’étonner de ce que la loi prévoit un pouvoir de contrôle gouvernemental dans des domaines relevant des compétences propres des communes, tels que la gestion du patrimoine communal.

27. Par ailleurs, la législation du Liechtenstein prévoit des compétences mixtes dans certains secteurs pourtant classés dans les compétences propres des communes. Par conséquent, l’intervention de l’Etat dans ces domaines va au-delà du seul contrôle de la légalité. Cette situation concerne notamment l’urbanisme et l’aide sociale.

L’urbanisme

28. Dans le domaine de l’urbanisme et de l’attribution des permis de construire, il existe une action conjointe des communes et de l’Etat. Les communes se plaignent moins d’une ingérence excessive de l’Etat dans ces questions que d’une certaine lourdeur administrative pouvant aboutir à des délais de prise de décision jugés excessifs.

29. En vertu de l’article 3 de la loi sur l’urbanisme du Liechtenstein, les communes établissent des plans de zone et des règlements de construction, qui sont ensuite soumis au Gouvernement pour accord. La jurisprudence a établi (St GH 1998/10) que ce pouvoir d’approbation ne constitue pas seulement un contrôle de la légalité mais également en partie une appréciation de l’opportunité. La cour a considéré que cette exception au principe selon lequel, dans les domaines relevant des compétences propres des communes, l’autorité de l’Etat ne peut exercer qu’un contrôle de la légalité, était justifiée par la nécessité de faire prévaloir les intérêts généraux de l’Etat sur les intérêts particuliers des communes dans un domaine particulièrement sensible.

30. Par ailleurs, les demandes de permis de construire se font en deux étapes : tout d’abord, un examen et une autorisation par les autorités communales, puis un deuxième examen par l’organisme public chargé de la construction (Hochbauamt). Seul ce dernier est habilité à déclarer la conformité des projets avec la législation nationale pertinente (loi sur le contrôle de l'aménagement et législation subordonnée, plans locaux, réglementation en matière d'énergie, lois relatives à la prévention des incendies, etc.).

31. Cette répartition des compétences suscite un certain nombre de difficultés et n’est pas totalement satisfaisante au regard de l’objectif fixé par la Charte (et partagé par les autorités du Liechtenstein) visant à ce que les compétences soient clairement définies et les responsabilités bien délimitées. Toutefois, seules les communes les plus grandes semblent intéressées par un transfert complet du pouvoir en matière d’urbanisme et de contrôle des demandes d’aménagement. Les communes plus petites savent qu’elles ne sont pas outillées pour assumer cette responsabilité et que leur étroite proximité avec les demandeurs peut donner lieu à des pressions gênantes.

32. Dans d’autres pays, une solution a été la mise en place d’un système qui différencie grandes et petites communes. Il serait possible de déléguer, dans des conditions définies par la loi, une pleine compétence en matière d’urbanisme et de contrôle de l'aménagement aux communes ayant mis en place des services compétents à cet effet. Pour les autres, le pouvoir de décision final resterait au niveau de l’Etat. Il pourrait être intéressant pour le Liechtenstein d’envisager une telle solution. Des mécanismes appropriés pourraient empêcher qu’une telle forme de décentralisation remette en cause l’unité d’interprétation des règles applicables en matière d’urbanisme et de construction.

33. L’expérience d’autres Etats européens montre en effet qu’un renforcement des compétences locales en matière d’urbanisme et de contrôle de l'aménagement, voire l’attribution d’une pleine compétence dans ce domaine, est possible même pour des petites communes à condition que le cadre législatif et réglementaire soit clair et précis. Quand ce cadre est trop flou et comporte de trop grandes marges d’interprétation, cela peut donner lieu à des disparités excessives.

34. L’Assemblée législative du Liechtenstein a adopté une loi sur l’aménagement du territoire (Raumplanungsgesetz), qui a été rejetée par référendum. Il en résulte une certaine lacune au niveau de l’encadrement des politiques d’aménagement des communes. Le Gouvernement essaie de remédier à cette situation en établissant un plan d’orientation du Land (Landesrichtplan).

L’assistance sociale (Fürsorge)

35. Dans ce domaines aussi, il existe une articulation complexe des compétences entre les communes (l’aide sociale relevant de leurs compétences propres) et l’Etat, qui joue un rôle toujours plus important dans le domaine social en vue de garantir une égalité des conditions d’aide dans toute la Principauté.

36. La Commission d’aide sociale (Fürsorgekommission) relève de la commune, mais le service d’aide sociale (Amt für soziale Dienste) relève du Land. Les dépenses d’aide sociale sont partagées par moitié entre la commune et le Land. Les maisons de soins et de retraite sont gérées par une fondation. La majorité des membres du conseil d'administration de ces fondations sont des conseillers communaux, mais les dépenses d'investissement et les déficits de fonctionnement sont pris en charge à égalité par les communes et le Land. En vertu du principe de subsidiarité, le gouvernement a proposé que la responsabilité du fonctionnement et de la gestion des maisons de soins et de retraite soit entièrement confié aux communes, mais le parlement a décidé que le Land continue de prendre en charge la moitié d'un déficit éventuel du budget de fonctionnement. En vertu des articles 25 et 110 de la Constitution, une responsabilité plus importante pourrait être confiée aux communes. Cependant, les communes se félicitent de ce que le Land prenne en charge la moitié des déficits de fonctionnement. Il faut aussi reconnaître que le rôle du Land dans ce domaine est justifié par l’exiguïté des territoires des communes, la mobilité croissante des populations et la volonté de garantir une unité des critères de prise en charge.

37. Cependant, il conviendrait de favoriser la responsabilité et l’initiative des communes dans les domaines où la proximité et le contact direct sont essentiels.

38. La répartition des compétences entre les communes et l’Etat fait l’objet actuellement d’un projet de loi devant l’Assemblée législative visant à clarifier les attributions respectives des deux niveaux (Aufgabenentflechung zwischen Land und Gemeinden). Ce projet ne concerne qu’une proportion relativement réduite des pouvoirs locaux. Il vise, dans les domaines où il y a partage de compétences entre les communes et l’Etat, à constituer une compétence unique au profit de l’un des deux niveaux dans un souci de clarification, de plus grande efficacité et d’économie. Au total, cette remise en ordre ne devrait pas affecter substantiellement l’importance des pouvoirs et des charges financières des communes.

39. Ce projet de loi a recueilli l’adhésion de l’ensemble des communes, sauf en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées (maisons de retraite, etc.) où un transfert intégral aux communes est considéré comme financièrement trop lourd. On s’oriente donc vers le maintien d’un système de gestion par une fondation financée conjointement par les communes et l’Etat.

40. En résumé, les compétences attribuées aux collectivités locales sont conformes à la Charte.

V. Maîtrise par les communes de leur organisation et de leur administration

41. Les communes disposent d’une très large compétence en ce qui concerne l’organisation des services communaux et la gestion du personnel communal. Il n’existe pas de réglementation d’Etat quant au personnel communal, lequel relève donc entièrement de règlements municipaux. Ce sont les communes qui fixent la rémunération, organisent la formation permanente de leur personnel et décident de leur licenciement éventuel. Les enseignants sont des employés de l’Etat mais les communes prennent en charge la moitié de leur rémunération.

42. Les agents de police municipaux relèvent aussi du personnel communal et sont placés sous la direction du maire.

43. On peut donc considérer que les dispositions de l’article 6 de la Charte européenne relatives à la maîtrise par les communes de leur organisation interne et de leur personnel sont complètement respectées.

VI. Le statut des élus locaux

44. Le statut des élus locaux est garanti par la Constitution et par les dispositions de la loi communale. Les incompatibilités sont fixées par voie législative.

45. Les élus locaux ne font pas état de difficultés matérielles ou financières pour l’exécution de leurs mandats.

46. L’article 7 de la Charte apparaît donc comme respecté.

VII. Finances communales

47. Dans l’ensemble, la situation financière des communes est excellente et paraît même meilleure que celle de l’Etat, qui doit surmonter actuellement une situation de déficit. La plupart des communes disposent de ressources supérieures à leurs besoins actuels, de sorte qu’elles sont en mesure de constituer des réserves.

48. Les revenus des communes constituent une part significative de la totalité des revenus du secteur public : selon les années, ils représentent entre 35 et 40 % des revenus de l’Etat.

49. Une grande partie des ressources des communes (plus de 80 %, soit plus de 220 millions de francs suisses en 2004) proviennent de taxes, à savoir :

- un supplément sur l’impôt sur la fortune et sur l’impôt sur le revenu : les communes peuvent mettre en recouvrement un tel supplément qu’elles peuvent faire varier entre 150 et 250 % de la part étatique (en pratique ce supplément se situe entre 160 et 200 %). Cet impôt représente environ 35 % des recettes fiscales des communes du Liechtenstein. ;

- deux tiers de l’impôt sur les plus-values immobilières, et

- 50 % de l’impôt sur le capital et de l'impôt sur les bénéfices.

50. En 2004, ces ressources représentaient un revenu moyen de 4500 francs suisses par habitant. Le taux d’autofinancement des communes est en moyenne de 144 %, ce qui signifie qu’en règle générale, les communes sont capables de couvrir leurs dépenses sans emprunts (à l’exception de la commune de Gamprin) ; elles disposent en outre de réserves qui s’élèvent en moyenne à 280 % du montant de leurs dépenses annuelles de fonctionnement.

51. Afin de réaliser une certaine péréquation dans les ressources financières des communes, une redistribution d’une partie des recettes fiscales du Land est effectuée entre les communes. Au total, cette compensation financière représentait 65 millions de francs suisses en 2004. Il est prévu de revoir les règles de redistribution afin qu’elles prennent davantage en compte les besoins financiers des communes les moins aisées.

52. Les communes perçoivent encore d’autres impôts locaux de moindre importance, comme l’impôt sur les chiens.

53. Peu de communes du Liechtenstein ont recours à l’emprunt. Il semble qu’une seule ait eu recours à ce mode de financement et ait pu le faire librement.

54. Il est possible que l’organisation des finances communales puisse être améliorée par une réduction des subventions affectées à des projets spécifiques en faveur de subventions plus générales. En effet, l’article 9.7 de la Charte met l’accent sur le fait qu’un « recours excessif aux subventions pour [de tels projets] limite beaucoup la liberté des collectivités locales dans le choix des dépenses prioritaires. »

55. La loi du 3 juillet 1991 sur le versement de subventions d’Etat a maintenu un mécanisme de subventions affectées, en plus des subventions globales pour des projets de moindre importance (pauschale Investitionskostenbeitrag). Ces subventions représentent entre 30 et 85 % du coût des opérations subventionnées. Les modalités de leur attribution donnent à l’Etat une influence significative sur les opérations concernées. C’est la raison pour laquelle ce type de subvention est considéré comme entraînant une restriction de l’autonomie communale.

56. Les autorités du Liechtenstein pourraient examiner si cet aspect du financement des collectivités locales peut être revu.

57. Outre la réorganisation des compétences, il est prévu d’initier une réforme du système de financement des communes (Finanzausgleich). Dans ce cadre, il serait judicieux d’examiner les possibilités de réduire davantage encore le système de subventions spécifiques au bénéfice d’un système d’affectation globale.

58. Sans préjudice de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les dispositions de l’article 9 de la Charte relatives aux ressources financières des communes sont respectées.

VIII. Les institutions communales

59. Les communes du Liechtenstein sont organisées sur la base de trois institutions essentielles :

- la démocratie directe : l’organe principal de la commune est l’assemblée communale (Gemeindeversammlung) composée de tous les électeurs de la commune ; elle peut désigner les autres organes, adopter des règlements communaux, créer des institutions communales, participer à des groupements de communes et organiser des élections communales (l'élection du maire, du conseil communal et de la commission chargée de contrôler les finances et l'administration communales (Geschäftprüfungskommission). Un référendum ou une initiative peuvent être organisés sur demande d’un sixième des électeurs ;

- le conseil municipal (Gemeinderat) est l’organe administratif et exécutif de la commune. Il comprend le maire et six à douze autres conseillers. Il est responsable des tâches suivantes :

- et peut déléguer certaines fonctions moins importantes à des commissions.

- le maire (Gemeindevorsteher) est chargé de l’administration de la commune, de l’exécution des décisions du conseil municipal et de l’application des lois. Au total, le système de gestion des communes du Liechtenstein est équilibré et dynamique. Le maire dispose d’une position très forte dans l’organisation communale. Il s’agit d’une fonction à plein temps alors même que beaucoup de communes ont une taille réduite. Il dispose de larges pouvoirs d’administration (il peut par exemple décider seul de dépenses inférieures ou égales à 30 000 francs suisses).

- La Geschäftsprüfunskommission est chargée du contrôle quotidien de l'administration et des dépenses communales. Elle rend compte au conseil municipal de ses conclusions et lui demande d'approuver les comptes communaux et de donner quitus aux divers organes communaux.

60. Cette organisation communale en trois institutions est conforme à la Charte. Il convient de souligner que si la Charte préconise la conduite des affaires communales par des conseils ou des assemblées élus, elle consacre formellement le recours à des formes de démocratie directe (article 3 alinéa 2). La responsabilité des organes exécutifs à laquelle fait référence l’article 3 alinéa 2 de la Charte signifie que le maire doit rendre compte de son activité et que le conseil dispose d’un pouvoir de vérification, ce qui est le cas au Liechtenstein.

61. L’importance accordée à la démocratie directe mérite d’être approuvée et encouragée même si beaucoup de décisions prises par l’assemblée communale (Gemeindeversammlung) sont obtenues par un vote par les urnes traditionnel (Urnenabstimmung), l’évolution de la vie moderne conduisant à renforcer les formes de démocratie indirecte.

IX. Consultation des communes

62. Il est d’usage que les communes soient consultées pour tout projet qui les concerne, conformément à l’article 4 de la Charte, même si cette consultation n’est pas systématiquement prévue par la loi.

63. Le lien très étroit entre le niveau communal et le niveau de l’Etat garantit la réalité et le respect de cette consultation. Pour sa mise en œuvre, les autorités peuvent notamment s’appuyer sur l’organe représentatif que constitue la Conférence des Maires (Gemeindevorstehenkonferenz).

64. Il est également usuel que tout projet de loi intéressant la commune lui soit soumis.

65. S’agissant des mesures les touchant plus particulièrement, telles que la modification des limites des communes ou la fusion de communes, les collectivités locales sont non seulement consultées, mais elles doivent également donner leur accord.

66. Enfin, les communes ont le pouvoir de prendre l’initiative de l’examen d’une décision étatique les intéressant en soumettant des propositions au Landtag.

67. On peut donc considérer que les dispositions de l’article 4 paragraphe 6 de la Charte sont respectées.

X. Coopération entre communes

Coopération intercommunale interne

68. L’article 7 de la loi sur les communes garantit aux communes le droit de constituer des groupements de communes. Cette possibilité a été utilisée notamment dans les domaines de l’alimentation en eau, de l’assainissement, du traitement des déchets (voir ci-dessous), de la gestion de la chasse, de la forêt, etc.

69. Dans certains cas, une institution intercommunale regroupe toutes les communes du Liechtenstein (par exemple, les organes chargés de l’assainissement ou du traitement des déchets). Une fondation créée par le Land et l’ensemble des municipalités gère les maisons de retraite pour personnes âgées.

70. On relèvera que cette solution des « groupements mixtes » entre l’Etat et les communes existe également dans d’autres pays et peut s’avérer une bonne solution pour prendre en charge certaines questions qu’il est préférable de laisser dans la compétence communale mais que les communes ont des difficultés à assumer seules.

71. De façon plus générale, compte tenu de la taille réduite des communes du Liechtenstein, on doit considérer que le recours à la coopération intercommunale est indispensable pour permettre au niveau communal de prendre en charge de manière efficace certaines missions. Aussi est-il souhaitable que le recours à la coopération intercommunale soit encore davantage encouragé. Ceci pourrait notamment concerner la mise en commun de certaines activités de gestion (par exemple : informatique et formation du personnel).

72. La création de structures intercommunales semble cependant susciter des réticences, car elle éloigne les activités concernées du contrôle direct des citoyens. Mais, d’une part, une gestion intercommunale reste, même au Liechtenstein, plus proche des citoyens qu’une gestion assurée par l’Etat, d’autre part, il est possible d’aménager le fonctionnement des institutions intercommunales de sorte que les habitants des communes intéressées et leurs représentants conservent des moyens effectifs d’influence sur ces structures.

73. Il convient aussi de mentionner le rôle positif, au niveau de la coopération intercommunale et de la défense des intérêts communaux de la Conférence des Maires. Cet organisme n’est pas prévu par les textes mais joue dans la pratique un rôle très utile comme cadre de concertation et d’expression des préoccupations communales.

74. La participation des communes du Liechtenstein à des activités transfrontalières (principalement avec la Suisse, située juste de l’autre côté du Rhin) est souhaitable. Elle est d’ailleurs une réalité puisque l’ensemble des communes du Liechtenstein adhère à une structure intercommunale transfrontalière chargée de l’enlèvement des ordures.

75. On pourrait cependant souhaiter que les bases juridiques de pareilles activités transfrontalières soient formulées plus clairement. Si le Liechtenstein a ratifié la Convention-cadre sur la coopération transfrontalière des collectivités locales, il n’a pas ratifié les protocoles additionnels à cette Convention ni adopté de dispositions de droit interne habilitant les communes à participer à des activités transfrontalières ou internationales dans les domaines de leurs compétences. Ce cadre juridique pourrait donc être amélioré.

76. Sans préjudice de ces observations, l’article 10 de la Charte est correctement appliqué.

XI. Voies de recours des communes

77. Les communes du Liechtenstein disposent de voies de recours pour contester les décisions prises par l’Etat qui portent atteinte à leurs droits tirés du principe de l’autonomie communale et de la libre administration. Elles peuvent ainsi exercer des voies de recours devant le tribunal administratif, et le cas échéant devant la Cour constitutionnelle.

78. Le tribunal administratif dispose d’un pouvoir de plein contrôle des actes pris par le Gouvernement mettant en cause l’autonomie communale. La loi récente sur la juridiction constitutionnelle a désormais également admis la possibilité pour les communes de présenter devant la Cour constitutionnelle (Staatsgerichtshof) un recours en inconstitutionnalité contre une loi.

79. Par contre, s’agissant des actes réglementaires, il semble que les communes ne disposent que de la voie d’exception (konkrete Normenkontrolle) : à l’occasion d’un recours contre un acte individuel pris sur le fondement d’un tel acte réglementaire, une commune peut faire valoir l’inconstitutionnalité de ce règlement et obtenir que la procédure soit suspendue jusqu’à ce que la juridiction constitutionnelle se soit prononcée sur cette contestation.

80. Ces dispositions satisfont à l’article 11 de la Charte.

XII. Etrangers

81. Le Liechtenstein est caractérisé par une proportion très importante d’étrangers (environ un tiers de la population totale de 34 000 habitants, et plus de la moitié de la population de la capitale, Vaduz). Cependant, une forte proportion de ces étrangers sont des « voisins » (allemands, suisses et autrichiens) qui ne rencontrent que peu ou pas de difficultés d’intégration.

82. Les autres étrangers bénéficient de diverses mesures destinées à favoriser leur intégration, notamment sur le plan de l’apprentissage de la langue allemande. Les communes du Liechtenstein jouent un rôle important à cet égard. Le système des commissions consultatives locales est accessible également aux étrangers. Bien que d’autres mesures plus spécifiques n’aient pas été prises pour associer les étrangers à la vie politique locale (telles qu’un conseil consultatif des étrangers ou le droit de vote aux élections locales reconnu pour les étrangers résidents de longue date), il n’est pas certain que de telles mesures soient vraiment nécessaires dans le contexte du Liechtenstein.

XIII. Conclusion

83. En conclusion, la situation des communes du Liechtenstein est à bien des égards remarquable et enviable. L’esprit et la lettre de la Charte de l’autonomie locale sont pleinement respectés.

84. L’esprit de la Charte invite les Etats adhérents à être attentifs à l’évolution de l’autonomie locale de sorte que celle-ci reste vivante malgré les tendances à l’uniformisation des modes de vie et à un déplacement vers le haut des pouvoirs de décision. A cette fin, il est constamment nécessaire de chercher à compenser les pertes d’action communale dans les secteurs soumis à la globalisation par un transfert compensatoire de nouvelles compétences vers les communes. Par conséquent, la loi sur la clarification de la répartition des compétences entre le Land et les communes (Aufgabenentflechtung zwischen Land und Gemeinden) pourrait être utilement complétée en examinant la possibilité de renforcer la décentralisation des pouvoirs au profit des communes de façon à ce que l’autonomie locale puisse se maintenir et se renouveler.