RAPPORT GENERAL DU SOMMET DES MAIRES SUR LES ROMS

22 septembre 2011

José Manuel Fresno García, président du Conseil pour la promotion de l’égalité de traitement et de la non-discrimination, Espagne, Rapporteur général

CONTEXTE ET CADRE DE TRAVAIL

Chers participants, l’objet de ce rapport général n’est pas de faire le compte rendu détaillé du sommet – dont nous recevrons tous une copie des actes – mais de donner un aperçu des enseignements de cette rencontre, des messages que nous pouvons relayer dans nos pays, et des éléments essentiels qu’il faut prendre en compte pour que nos actions futures soient efficaces.

Tout d’abord, je souhaite saluer l’initiative de tenir ce Sommet des maires à ce moment très opportun et dire combien j’ai apprécié le climat positif et constructif de cette journée.

Objectifs

Les objectifs de ce sommet étaient d’examiner les obstacles s’opposant à l’inclusion des Roms au niveau local et régional, de recenser les moyens permettant de surmonter ces obstacles et d’encourager la coopération mutuelle entre villes et régions ainsi qu’avec d'autres partenaires ; il s’agissait aussi, naturellement, d’instaurer une confiance mutuelle et de renforcer le dialogue à la base. Ce sommet a montré qu’il était l’espace le mieux adapté pour partager et tirer des leçons des expériences (bonnes ou mauvaises), d’approfondir nos connaissances, de renforcer les engagements pris par les principaux partenaires, d’unir nos forces et de mettre en commun nos ressources, de lancer de nouvelles activités et mesures et de faire des rencontres importantes. Le sommet a aussi été une rampe de lancement idéale pour de futures mesures concrètes grâce à l’engagement pris par les principaux partenaires d’unir leurs forces et de créer un cadre pour la coopération future.

Pourquoi privilégions-nous le niveau local et régional ?

Les politiques sont actuellement nombreuses aux niveaux national et international mais nous devons nous réorienter plus franchement et plus spécifiquement sur la base. Pourquoi un Sommet des maires et des élus locaux et régionaux ? Parce qu’ils ne sont pas seulement en toute première ligne pour affronter les problèmes et les résoudre, ils ont aussi la responsabilité morale d’agir pour tous leurs citoyens et, surtout, de servir d’exemple à leur électorat et aux autres élus. Cela suppose, comme il ressort de nos discussions d’aujourd'hui, la tolérance zéro pour les discours de haine et les propos discriminatoires, en particulier dans le discours politique.

Les problèmes

Pendant le sommet, nous avons débattu de persistance de l’exclusion et de l’augmentation de la discrimination à l’égard des Roms au sein des collectivités territoriales de toute l’Europe ; nous avons entendu divers intervenants dire que le phénomène concerne l’ensemble l’Europe et qu’il touche, dans une autre mesure, tous les pays et la plupart des villes.

Nous en avons aussi appris plus sur les causes, qui ont été récapitulées, et la véritable dimension de l’exclusion et de la discrimination dont souffrent  les Roms : la plupart des Roms continuent d’être marginalisés et d’être privés d’accès à l’éducation, au logement, à la santé et à l’emploi. Citons aussi la diminution des droits des Roms qui va de pair, malheureusement, avec l’augmentation des préjugés, des stéréotypes et de la discrimination, et notamment la violence et la haine ; et la quasi-absence de participation active (civique) des Roms à l’ensemble de la collectivité.

Cette situation, je l’ai dit, va en empirant et la crise financière, avec ses effets délétères sur les groupes les plus vulnérables, aggrave considérablement la situation, laquelle doit donc, plus que jamais, faire l’objet de mesures urgentes.

De nombreux élus locaux et régionaux sont confrontés quotidiennement à des problèmes liés à la ségrégation physique, à la gestion des conflits interethniques, au manque d’accès aux services publics et à des problèmes difficiles à résoudre, surtout à cause du contexte souvent prépondérant d’hostilité et de perceptions négatives de la part de la population.

On peut envisager la situation actuelle de différentes manières : le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ?

CONTRIBUTIONS DU DEBAT GENERAL

Droits, devoirs, responsabilités

Il importe de rappeler, comme les intervenants l’ont fait aujourd'hui, que les droits de l’homme sont juridiquement garantis à tous en Europe, y compris les Roms, au titre de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte sociale européenne.

Les pouvoirs locaux et régionaux sont responsables de protéger les droits et de favoriser le bien-être de toutes les personnes qui vivent au sein de nos collectivités, indépendamment de leur origine ethnique et de leur situation personnelle, et de leur garantir l’égalité d’accès aux services publics.

La gouvernance concerne tous les citoyens et les politiques doivent être conçues en quête de l’intérêt commun et en faveur de tous les citoyens sur un pied d’égalité, tout en remédiant aux désavantages et obstacles dont souffrent les personnes les moins favorisées et notamment les Roms.

Si les droits des Roms, en tant que citoyens égaux, doivent sans nul doute être garantis et soutenus par les collectivités territoriales, les Roms eux-mêmes doivent aussi assumer les responsabilités et devoirs qui leur incombent en tant que citoyens.

La voie du progrès : un changement de mentalité et d’orientation

On nous a dit qu’un changement de mentalité et d’approche était nécessaire pour progresser sur cette voie (s’agissant de la population en général et des fonctionnaires ainsi que des Roms eux-mêmes).

Tout d’abord, le point de départ peut s’ancrer dans la ferme conviction que nous pouvons changer la situation grâce à une attitude et des attentes positives. Ensuite, il faut considérer les Roms comme des citoyens à part entière et non comme un problème. Enfin, il convient de sensibiliser tous les acteurs concernés, la population en général, les médias, et les Roms eux-mêmes.

Un fossé qui doit être comblé : politiques nationales/mise en œuvre locale

Il existe un fossé entre les politiques et stratégies adoptées au niveau national et leur mise en œuvre pratique à la base ; ce fossé risque d’ailleurs de s’élargir. Le sommet d’aujourd'hui a montré que, pour le combler, il faut :

o    associer le niveau local/régional dès le début du processus d’élaboration des politiques et reconnaître leur expertise et leur expérience ;

o    développer les capacités locales et régionales ;

o    donner les moyens et les soutiens adéquats au niveau local, y compris sur le plan des ressources financières ;

o    insister sur le message selon lequel les acteurs locaux sont essentiels et doivent avoir le soutien du niveau national et, enfin et surtout,

o    faire en sorte que tous les acteurs et partenaires dans le domaine de l’inclusion des Roms unissent leurs forces.

Le sommet d’aujourd'hui a de plus mis en lumière les expériences nombreuses et positives qui ont été menées au niveau local et qui produisent des résultats concrets et transférables dans de nombreux secteurs, qui vont des instances participatives des Roms au niveau régional à l’élimination des quartiers insalubres et l’offre concomitante de logements convenables.

Il existe naturellement de nombreuses autres excellentes initiatives dont nous n’avons pas entendu parler aujourd'hui et qui produisent aussi des résultats positifs. Ces initiatives méritent de se faire largement connaître. Dans cette perspective, la base de données des politiques et bonnes pratiques du Conseil de l'Europe, créée par le Représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe pour les questions relatives aux Roms, sera un excellent outil.

Atteindre des résultats

Les expériences partagées aujourd'hui par les participants montrent que plusieurs conditions sont requises pour qu’une initiative ait des résultats positifs et efficaces. A savoir :

o    un engagement politique ;

o    une démarche sur le long terme ;

o    une approche multidimensionnelle, axée sur les résultats et intégrée ;

o    un soutien suffisant ;

o    l’intégration des questions roms dans les politiques publiques, assortie, parallèlement et le cas échéant, d’une compensation des désavantages par des mesures spécifiques (politiques explicites mais non exclusives au niveau local/régional) ; et

o    la participation active des Roms au niveau local, en particulier des femmes roms (une priorité) auxquelles il faut donner les moyens de se prendre en charge, ainsi que l’emploi de médiateurs (essentiel).

CONTRIBUTIONS DES ATELIERS

Je ne répéterai pas les rapports de nos trois ateliers que nos trois rapporteurs ont excellemment présentés ; je me contenterai de souligner les principaux messages que j’en ai tirés :

Egalité des droits à l’éducation

MESSAGE PRINCIPAL : La première des priorités est l’éducation. Elle est essentielle pour aider à favoriser les changements entre générations et constitue le meilleur instrument pour les progrès futurs : près de 50 % des Roms ont moins de 25 ans.

Nous devons éliminer les barrières qui s’opposent à l’accès à l’éducation, par exemple les exigences administratives excessives ou l’absence de documents. Les collectivités locales et régionales doivent veiller à ce que tous les enfants roms vivant sur leur territoire soient enregistrés à la naissance et munis de papiers d’identité.

Les écoles consacrées spécialement aux enfants défavorisées ou aux Roms condamnent ceux-ci à la ségrégation dès leur plus jeune âge. Il est impératif de mettre fin à la ségrégation.

Lutte contre les préjugés et gestion de la diversité

MESSAGE PRINCIPAL : Les collectivités locales et régionales doivent protéger les droits de leurs citoyens et empêcher qu’ils soient discriminés. La lutte contre les préjugés et les stéréotypes ne requiert pas seulement des fonds : elle exige une sensibilisation et des mesures de confiance ainsi que le dialogue entre Roms et non-Roms.

Nous constatons que, pour le succès des mesures, la réceptivité de l’environnement local est cruciale, notamment en ce qui concerne la lutte contre le racisme et la discrimination. L’ouverture locale peut se manifester par des initiatives positives telles que le rassemblement des communautés dans des activités culturelles et sportives ainsi que des activités interculturelles ou la participation active des Roms au processus démocratique et décisionnel. Une meilleure réceptivité au niveau local se traduit aussi par des services publics clairement accessibles à tous.

Les collectivités locales et régionales doivent en outre non seulement veiller à communiquer de manière positive sur les Roms mais aussi prendre à cœur leurs responsabilités d’exemple et de modèle et dénoncer fermement et sans ambiguïté les discours de haine et le dénigrement d’où qu’ils viennent.

Egalité d’accès au logement, à la santé et à l’emploi

MESSAGE PRINCIPAL : L’enjeu réel est d’avoir au niveau local des services publics inclusifs et flexibles, et donc adaptés aux différents groupes de populations, et notamment, mais sans exclusive, les Roms.

Logement :

Il importe de veiller à ce que les Roms soient inscrits sur les registres des habitants lorsqu’ils souhaitent s’installer de manière permanente ou temporaire et régulariser leur situation afin de faciliter leur accès à l’eau, à l’électricité et aux services de base.

Les politiques de ségrégation en matière de logement ne font que perpétuer la discrimination et la marginalisation. Dans certains cas, les conditions culturelles ou familiales de certains groupes doivent être prises en compte et demanderont des solutions adaptées.

Santé :

Nous prenons acte du fait qu’il existe une détermination sociale de l’inégalité en matière de santé qui est clairement liée aux conditions de logement et de vie.

Il est essentiel de prendre des mesures préventives et de soutenir l’égalité d’accès à la santé, non seulement pour éviter d’aggraver la mauvaise santé actuelle, mais aussi pour créer des habitudes saines.

Emploi :

Il est impératif que les pouvoirs locaux et régionaux mettent en œuvre des programmes de formation professionnelle et des mesures pour soutenir et faciliter l’accès à l’emploi tout en éliminant les barrières et les obstacles auxquels les Roms peuvent se heurter, tels que la capacité ou la discrimination.

De même, il importe aussi d’éliminer les obstacles qui s’opposent à l’exercice des métiers traditionnels des Roms et de promouvoir ces métiers auprès de la population majoritaire. Si les métiers traditionnels ne sont pas économiquement viables, les collectivités doivent travailler avec les Roms pour trouver des alternatives et proposer des prêts pour les aider à créer leur propre entreprise et/ou des prestations/exonérations fiscales locales.

FINANCEMENT

MESSAGE PRINCIPAL : Il est essentiel d’apprendre à utiliser les ressources financières disponibles d’une manière différente, plus pragmatique et ciblée.

Les intervenants ont souligné que l’absence de financement et de ressources est souvent invoquée comme prétexte pour ne pas en faire plus.

Il faudrait envisager l’impact comme un objectif à long terme car l’enjeu est souvent un changement générationnel. Toutefois, il importe d’accepter et de montrer qu’il y a des progrès, même lents, et que c’est là un investissement utile. C’est pourquoi il est essentiel de collecter et de vérifier les données, et de permettre une évolution quantitative et une adaptation des mesures prises.

Les intervenants ont insisté sur l’importance du développement des capacités des collectivités locales et régionales s’agissant des demandes de financement. Ils ont de même souligné l’importance d’une répartition équitable de ces fonds du niveau national au niveau local/régional.

Si le problème peut parfois être le manque de fonds, il peut aussi parfois être de ne pas savoir comment utiliser les fonds disponibles (par exemple les Fonds structurels). Parfois, il s’agit de trouver un autre mode d’investissement des budgets existants (rationalisation).

MESURES A PRENDRE ET PROBLEMES

MESSAGE PRINCIPAL : Il est temps de passer des politiques aux pratiques et de fonder les politiques sur l’expérience concrète de la base sur le terrain. Les décideurs nationaux et européens doivent écouter la voix de l’expérience au niveau local et tirer parti de sa richesse. Le niveau local, quant à lui, doit être proactif.

Le sommet d’aujourd'hui a mis en évidence la nécessité de continuer à renforcer les liens et la coopération entre institutions internationales.

Nous avons constaté plusieurs avancées.

Tout d’abord, les participants ont demandé à ce que le Conseil de l'Europe et son organe local et régional, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, ainsi que le représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe pour les questions relatives roms renforcent leur soutien actif aux communes dans leur objectif et leur mission d’intégration des Roms. Plusieurs villes (et régions) ont déjà exprimé le souhait de travailler ensemble, d’unir leurs forces et d’échanger expériences et soutien, et d’agir comme noyau autour duquel une alliance de villes et de régions travaillant à l’intégration des Roms peut se développer dans un processus ouvert et inclusif.

Ensuite, les représentants du Conseil de l'Europe et de son Congrès nous ont assurés qu’ils étaient prêts à répondre à cette demande et à soutenir une alliance européenne de villes et de régions pour l’intégration des Roms, qui doit être créée comme cadre de coopération, de partage de bonnes pratiques, de renforcement des capacités locales et régionales d’action, d’identification des problèmes spécifiques et des propositions de solution, et qui doit aider à assurer le financement des activités roms à la base.

Cette initiative de coopération concrète entre communes et régions d’Europe, qui s’appuiera sur les bases fournies par ce sommet, garantit dès lors des résultats concrets durables. Il existe actuellement un contexte positif grâce à de bonnes initiatives et une volonté politique au niveau international et national. La question se pose donc ainsi : qu’est-ce que l’alliance proposée peut apporter ? Quelle est sa valeur ajoutée.

La valeur ajoutée de l’alliance proposée est qu’il ne s’agit pas d’une tentative de créer une nouvelle structure dans un domaine où il existe déjà un patchwork d’initiatives, mais plutôt de fournir un lien interactif entre toutes les initiatives aux niveaux local et national. En effet, elle permettra de se concentrer sur les initiatives s’attaquant aux problèmes les plus graves auxquels les communes sont actuellement confrontées, d’assurer une participation réelle au niveau local et régional et d’aider à développer la confiance à la base, mesures qui sont toutes fondamentales pour aller de l’avant.

L’alliance peut créer une synergie entre les différents niveaux de gouvernance et combler le fossé entre les politiques nationales et les pratiques locales et donner de la pertinence au niveau local dans les stratégies nationales.

CONCLUSIONS

Malgré la diversité du terrain en Europe, les différentes histoires, les différentes conditions sociales, l’expérience montre que certaines approches et certains critères d’action sont valables et communs à tous et qu’ils donnent des résultats durables et transférables.

L’espoir et la conviction réitérés par les participants au sommet est que cette rencontre ne doit pas être un événement isolé mais une première étape sur la voie des objectifs déclarés du sommet. La déclaration finale est très claire : le processus a commencé et nous avons la volonté politique nécessaire, l’expérience combinée et l’élan pour soutenir le programme d’initiatives futures décidé aujourd'hui.

Je souhaite finir en reprenant les mots que nous avons souvent entendus pendant ce sommet et qui revenaient comme des leitmotivs : médiation, participation, coopération, responsabilité, capacité à se prendre en charge, droits et perspectives.