P-PG/TT(2009)8

Conférence

« Les lignes directrices et les recommandations

en matière de traitement : rapprochement de la pratique clinique

et de la pratique factuelle »

Nicosie, Chypre, 11 - 13 mai 2009

DÉVELOPPEMENT DES PRINCIPAUX THÈMES ISSUS DE LA CONFÉRENCE

Questions essentielles

Quelles sont les questions essentielles qui doivent être examinées (par les décideurs) lors de l’élaboration de lignes directrices nationales sur le traitement ?

Quels sont les éléments à prendre en compte (par les décideurs) aux niveaux local, national et international (européen) ?

A. Contexte et hypothèses de départ (pourquoi des lignes directrices ?)

1.    Le traitement des toxicomanies dans les pays d’Europe est encore dans une large mesure fondé sur les traditions, les croyances, les espoirs et les intérêts d’autres personnes que les usagers de drogue.

2.    Les principes de médicine fondés sur des connaissances validées sont utiles pour le traitement des toxicomanies comme dans tous les autres domaines de la médecine.

3.    Les principes de médicine fondés sur des connaissances validées sont essentiels pour l’élaboration de lignes directrices.

4.    Les résultats des systèmes d’enregistrement et des recherches sur les toxicomanies sont des conditions nécessaires à l’établissement de lignes directrices et à un travail fondé sur des connaissances validées.

5.    L’élaboration de lignes directrices est un processus à long terme, nécessitant des apports de nombreux domaines d’expertise.

B. Lignes directrices

1.    Il y a différents types de lignes directrices :

  1. les lignes directrices concernant les traitements pour différentes drogues (opiacés, stimulants, cannabis) ;
  2. les lignes directrices concernant différents groupes d’usagers de drogue (double diagnostic, femmes enceintes) ;
  3. les lignes directrices concernant différentes modalités de traitement (gestion des contingents, intervention brève, désintoxication, traitement avec hospitalisation, communautés thérapeutiques, traitement obligatoire).
  4. élaborer les lignes directrices pour les gens dans les cadres différents (par exemple, les gens dans les milieux carcéraux)

2.    Les lignes directrices sont la suite (logique) de la notion de travail ou de pratique fondés sur des connaissances validées.

3.    Les études sur ce sujet présentent diverses définitions des lignes directrices, mais les éléments ou aspects essentiels à prendre en compte sont :

  1. les recommandations, conseils et instructions concernant des choix dans la pratique quotidienne ;
  2. l’aide à la prise de décision des professionnels pour la prise en charge des patients (fonction de liste de contrôle) ;
  3. l’examen des données scientifiques probantes disponibles et de l’état actuel des connaissances en matière d’expérience/de savoir-faire professionnels.

                                          i.    Moins il existe de preuves scientifiques, plus il faut de lignes directrices fondées (nécessairement) sur l’expérience et le savoir-faire professionnels.

4.    Les choix fondés sur les lignes directrices en matière de traitement des toxicomanies (dans la pratique quotidienne) doivent s’appuyer sur les données scientifiques probantes disponibles et l’état actuel des connaissances/du savoir-faire des professionnels (voir B-3c) ainsi que sur la participation des patients.

5.    Les données scientifiques probantes peuvent évoluer au fil des ans (par exemple avec les conclusions de nouvelles études de qualité).

6.    Ainsi, les lignes directrices doivent être mises à jour régulièrement pour rester fondées sur les dernières données probantes disponibles.

7.    L’objectif essentiel des lignes directrices est de maintenir ou d’améliorer la qualité des soins.

  1. La qualité couvre les notions d’efficacité théorique et pratique, de sécurité, d’acceptabilité, d’applicabilité et de faisabilité.

C. Données scientifiques probantes

1.    Les données scientifiques probantes sont tirées de la littérature internationale (y compris la littérature nationale, le cas échéant).

2.    Ce travail est fait selon des normes méthodologiques internationales.

3.    Les données probantes (suffisantes, insuffisantes, etc.) peuvent donc en principe être recherchées et déterminées au niveau international, mais cela est rarement le cas.

4.    Cela est dû en partie aux différences (qui existent encore !) en matière de classement de données scientifiques (qu’est-ce qu’une preuve suffisante ?).

5.    Ces différences de classement sont dues à divers facteurs, comme par exemple :

a.    l’absence de consensus international concernant une « méthode idéale » du point de vue scientifique ;

b.    des différences de classement par les chercheurs, dues par exemple à des différences de choix méthodologiques ou à des pressions liées à des valeurs éthiques ou des intérêts.

6.    Données probantes pour l’élaboration des lignes directrices

a.    Elaboration d’un type d’études pour différentes questions ;

b.    Les études portent essentiellement sur les neurosciences (indirectement) et les médicaments utilisés dans les traitements, alors qu’il s’agit d’un domaine pluridisciplinaire ;

c.    Il y a moins d’études sur les aspects psychologiques, sociaux et autres associés à l’usage de drogues et aux traitements ;

                                  i.    nous avons besoin d’un plus grand nombre d’études sur les interventions psychosociales ;

                                ii.    nous avons besoin d’un plus grand nombre d’études qualitatives.

7.    Essais contrôlés randomisés (ECR)

a.    ils représentent la référence en médecine ;

b.    la majorité des patients n’est pas retenue dans le processus d’inclusion et d’exclusion ;

c.    les conclusions fondées sur ce type d’études sont-elles adaptées à la réalité de la prise en charge des toxicomanes qui présentent une comorbidité somatique et psychiatrique ?

D. Choix de traitements dans la pratique quotidienne fondés sur des données probantes

1.    Le choix d’un traitement fondé sur des connaissances validées s’appuie sur des données probantes (et nationales, le cas échéant) et un consensus professionnel national en matière d’expérience.

2.    Les lignes directrices sont des guides raisonnés permettant de choisir des traitements efficaces.

3.    Elles impliquent une modification des comportements/des choix des gestionnaires et des professionnels.

E. L’élaboration des lignes directrices : il faut nécessairement se poser ces questions pour garantir la qualité des processus et des lignes directrices

1.    Quand faut-il élaborer des lignes directrices et dans quel but ?

a.    Lorsque la pratique est variable.

b.    Lorsque la pratique est inefficace ou dangereuse.

c.    Lorsque la pratique est trop coûteuse.

2.    Qui doit être responsable de l’élaboration de lignes directrices ? Qui ou quelle solution peut-on envisager ?

a.    Des organes internationaux. Trouvons-nous des indications à ce sujet ?

b.    Une coopération avec d’autres pays. Un pays voisin a-t-il quelque chose à apporter ?

c.    Des institutions gouvernementales (nationales, régionales, locales).

d.    Des groupes de professionnels.

e.    Des représentants des usagers ?

f.     Des acteurs privés : entreprises pharmaceutiques, compagnies d’assurances ?

3.    Définir quelles seront les cibles des lignes directrices

a.    Les professionnels : quels groupes ?

b.    A quel niveau de prise en charge ?

c.    Les usagers ?

F. Mise en œuvre des lignes directrices ou d’un traitement fondé sur des connaissances validées

1.    La publication de lignes directrices suppose que les traitements et soins suggérés, les recommandations et les conseils soient réellement (ou très largement) mis en œuvre.

2.    Le changement des choix ou des comportements (des gestionnaires et professionnels des traitements) s’opère en général sans trop de difficultés (voir l’état actuel des connaissances dans la littérature sur la mise en œuvre du traitement).

3.    La mise en œuvre semble plus facile lorsque les lignes directrices sont établies à l’échelon national (sans formulation trop générale) pour refléter les caractéristiques du contexte national.

4.    Il faut promouvoir la mise en œuvre par un travail de sensibilisation et un financement :

a.    Sensibilisation et financement sont interdépendants, l’une ne fonctionne pas sans l’autre.

b.    La sensibilisation doit concerner, par exemple :

                                  i.    les décideurs responsables de la politique antidrogue aux niveaux national, régional et local ;

                                ii.    les gestionnaires dans le domaine du traitement des toxicomanies ;

                               iii.    les professionnels ayant des expériences différentes en matière de traitement.

c.    Le financement doit venir, par exemple :

                                  i.    des autorités nationales, régionales et locales ;

                                ii.    des compagnies d’assurance médicale ;

                               iii.    des organisations professionnelles (?)

5.    La révision des lignes directrices est aussi importante que leur élaboration.

G. Lignes directrices et législation antidrogue

La législation nationale antidrogue en vigueur peut limiter la mise en œuvre de choix fondés sur les lignes directrices, par exemple parce que des interventions fondées sur des connaissances validées (ou des traitements pharmacologiques spécifiques) sont illégaux (comme par exemple le traitement de substitution pour les consommateurs d’opiacées).

H. Lignes directrices et recherche sur les toxicomanies

1.    Nous n’avons pas suffisamment de connaissances sur les besoins de traitement de groupes d’usagers spécifiques.

2.    Nous n’avons pas assez de données probantes concernant l’efficacité du traitement pharmacologique pour d’autres drogues illicites que les opiacés.

3.    Il n’y a pas suffisamment de recherches de qualité portant sur les groupes d’usagers et les caractéristiques du milieu au niveau local.

4.    Il n’y a pas suffisamment de données probantes sur les interventions psychosociales.

Lignes directrices pour les lignes directrices

Il n’existe pas de normes reconnues au niveau international concernant l’élaboration de lignes directrices.

La documentation suivante pourrait être consultée :


Paradoxes qu’il convient de garder à l’esprit

Paradoxe I

Les toxicomanes ont des profils très différents et souffrent souvent de nombreux troubles – médicaux, psychologiques et sociaux – qui exigent plusieurs interventions simultanées sur une longue période. Les ECR et autres études de même type sont généralement considérées tout à fait adaptées pour analyser l’effet d’interventions simples et relativement brèves sur des populations clairement définies. 

Paradoxe II

La plupart des données servant à l’élaboration d’un traitement de substitution sont de nature pharmacologique. Le plus souvent, le traitement des toxicomanies comporte également des interventions psychosociales.

Paradoxe III

Une « bonne » science tient rarement compte du contexte. Toutes les actions humaines sont conditionnées par des facteurs contextuels.

Recommandations

Le financement à long terme des systèmes nationaux d’enregistrement des patients (quels sont les clients qu’il convient de traiter ?), le suivi (quels types de traitement sont réellement employés ?) et la recherche sur les toxicomanies (par exemple des expériences sur l’efficacité des traitements selon les pays) sont des conditions nécessaires à l’établissement de lignes directrices et à des choix fondés sur des connaissances validées (voir A4 et H).

L’élaboration de lignes directrices coûte cher et leur mise en œuvre nécessite des dispositifs de financement à long terme pour être efficace (voir A5, B5 et B6).

Les règles de financement peuvent améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des lignes directrices (voir E4). Par exemple, en créant (par des dispositions juridiques et un financement) des systèmes de suivi, de comparaison ou des indicateurs de performance, il est possible de réorienter les comportements ou les choix des décideurs et des professionnels du traitement. Cela doit se faire à l’issue d’actions de sensibilisation visant à modifier la perception de ce qu’est un type de traitement « suffisant » pour les clients. Ce travail de sensibilisation peut également être facilité par le développement de contacts internationaux (« entendre d’autres sons de cloche ») entre les gestionnaires et entre les professionnels du traitement. Il convient d’encourager activement ces contacts.

La mise en œuvre des modalités de traitement fondées sur des connaissances validées doit être légale ou légalisée (voir G).