Sintra, le 13 octobre 2000                                                                                                   

P-PG/MIN/CONF (2000) 5

Conférence ministérielle

Sintra, 12 et 13 octobre 2000

Déclaration politique


En raison de sa nature et de ses conséquences, l'abus de drogues représente un risque grave pour la santé et le bien-être des usagers, de leurs familles et de la société dans son ensemble et met gravement en danger le processus de développement et d’acquisition d'autonomie des jeunes générations. La toxicomanie atteint à la dignité à ceux qui en souffrent, ôte tout sens à leur vie et favorise l'exclusion sociale. Les capitaux issus de la fabrication, de la production et du trafic de drogues ainsi que les pratiques de blanchiment associées et autres activités illicites affectent l’économie, favorisent la criminalité et créent un sentiment de malaise et d'insécurité au sein de la population.

Les ministres et les représentants gouvernementaux des Etats ainsi que les représentants de la Commission européenne participant à la Conférence ministérielle de Sintra sur la coopération en matière d’action contre l'abus et le trafic illicite de drogues ;

Conscients qu’une véritable co-ordination des politiques et des stratégies à l'échelle européenne et internationale la plus étendue possible contribue de façon décisive à l'efficacité des actions menées à l’intérieur de chaque Etat et à l'amélioration de la situation au niveau mondial ;

Résolument attachés aux objectifs et principes fixés lors de la 20Session spéciale des Nations Unies sur les drogues, tenue en juin 1998, c’est-à-dire aux principes de la responsabilité partagée et du partenariat, ainsi qu’à l’adoption des obligations découlant des conventions des Nations Unis en matière de lutte contre la drogue ;

Donnant leur appui aux objectifs et aux mesures énoncés dans le Plan d'action relatif à la réduction de la demande, adopté en application de la déclaration de la Session spéciale, en leur accordant un rang prioritaire au niveau national à travers la mise en place  de programmes et d'actions visant à réduire la demande de drogues (information, prévention,  réduction des risques et des conséquences nocives pour les individus et la société, etc.) et par l’évaluation de ces programmes ;

Notant l'évolution récente des stratégies nationales de réduction de la demande de drogues, conformément à la Résolution 1999/29 de l'ECOSOC et à la Stratégie et au Plan d'action sur les drogues 2000/2004 de l'Union européenne ;

Reconnaissant l'importance de la coopération internationale et régionale et des travaux d'organisations internationales et régionales, tant gouvernementales que non-gouvernementales ainsi que de professionnels travaillant dans ce domaine ;

Se félicitant des résultats obtenus depuis dix ans grâce à l’association des pays de l’Europe centrale et orientale à la coopération européenne en matière de drogues et reconnaissant le rôle joué par le Groupe Pompidou à cet égard ;

Pleinement convaincus de la valeur ajoutée que représente le Groupe Pompidou du Conseil de l'Europe, en tant que cadre régional pan-européen de coopération, de débat et d'échange de connaissances et en tant que forum, notamment pour le suivi épidémiologique et la formation professionnelle ;

Soulignant l'intérêt de la coopération sous-régionale entre pays voisins, illustrée par la coopération entre pays nordiques et par le réseau méditerranéen nouvellement créé, qui a pour but de favoriser une meilleure perception de la situation en matière de drogues et des politiques mises en œuvre et donc d’encourager une approche scientifique des problèmes et l'échange des meilleures pratiques dans la région ;


Visant une approche intégrée, équilibrée et pluridisciplinaire de ce phénomène mondial en traitant tous les aspects: réduction de la demande et de l'offre; problèmes sociaux et sanitaires; contrôle des précurseurs; trafic illicite de drogues et blanchiment de capitaux et mesures de lutte contre la criminalité liée à la drogue ;

Notant que l’abus de drogues représente un risque en raison des problèmes sanitaires et sociaux qui peuvent l’accompagner (abus de substances multiples, comorbidité psychiatrique, maladies infectieuses et contagieuses, emprisonnement et exclusion sociale, par exemple) ;

Reconnaissant que l’exclusion sociale et les problèmes liées aux drogues sont parfois associés à des communautés et des individus marginalisés, ce qui nécessite une meilleure connaissance du phénomène, des réponses structurelles et des interventions plus spécifiques ;

Considérant les incidences sociales du phénomène, en particulier le coût social de la toxicomanie, les comportements à risque et les nuisances qui en résultent pour le public et la société ;

Appelant l'attention sur le fait que l’abus de drogues par des groupes spécifiques rend de plus en plus difficile l’intégration de ces groupes dans la société ;

Traitant, le cas échéant, de la question des comportements à risque et de la dépendance en termes généraux en y incluant la consommation de substances psychoactives licites qui peuvent entraîner des problèmes graves sur le plan social et de la santé ;

Notant les diverses méthodes mises au point par certains Etats européens pour réduire différents types de risques - thème de cette conférence - et le but visé par ces pratiques qui est d’amener les usagers de drogues à se mettre en rapport avec les services de santé et les services locaux d’aide sociale comme premier pas vers leur réhabilitation ainsi que les initiatives prises pour promouvoir l’évaluation scientifique de ces nouvelles approches ;

Soucieux que les nouveaux contextes de manifestation de l'abus de drogues, en particulier parmi les jeunes, ainsi que l’émergence de nouvelles drogues synthétiques semblent indiquer un manque de conscience des risques sanitaires aigus et chroniques liés à ce type de consommation et que l’extension de ces comportements est facilitée par les moyens de communication électroniques ;

Attribuant une importance particulière au rôle que jouent les moyens de communication électroniques qui facilitent l’accès aux informations favorisant la fabrication et la fourniture ainsi que le développement  de l’abus de drogues ; mais qui sont aussi des outils efficaces et interactifs de prévention et servent de tribune à la société civile et aux experts pour débattre des moyens d’affronter le problème de la drogue ;


Réaffirment, dans l'esprit qui a présidé à la création du Groupe Pompidou et continue de présider à son fonctionnement, leur engagement en faveur de la poursuite et du renforcement de la coopération et des efforts déployés dans toute l'Europe pour traiter de tous les aspects du problème des drogues dans le cadre d'une stratégie globale, équilibrée et multidisciplinaire, et en particulier :

      i.        Réaffirment leur attachement aux Conventions des Nations Unies de 1961, 1971 et 1988 qui sont à la base des efforts entrepris au niveau international pour lutter contre l'abus et le trafic de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs et soulignent que ces instruments devraient être étendus, le cas échéant, aux nouvelles drogues synthétiques plus récentes dont beaucoup, y compris les stimulants de type amphétaminique, sont déjà couvertes par les conventions ;

     ii.        Reconnaissent l'importance et la nécessité d’intensifier la coopération internationale et régionale pour traiter des problèmes des drogues au niveau mondial, conformément aux principes convenus à la 20Session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies, et soulignent l'importance et la nécessité de promouvoir dans leurs pays des plans d'action visant à réduire la demande et l’offre en application de ces principes;

    iii.        Encouragent les pays et les organisations internationales à mettre en œuvre un mécanisme d’évaluation pluridisciplinaire des risques liés aux substances psychoactives, afin d’instaurer des politiques de répression, de prévention et de prise en charge reposant davantage sur des analyses scientifiques ;

   iv.        Soutiennent le fonctionnement du Groupe Pompidou en tant que forum multidisciplinaire pan-européen de coopération en matière de lutte contre l'abus et le trafic illicite de drogues et invitent tous les pays à associer les secteurs de la santé publique, de l’éducation et de la politique sociale, ainsi que la justice pénale et les organes répressifs à l'élaboration de leurs politiques de prévention et de traitement pour lutter contre l'abus de drogues et contre la délinquance et l'exclusion sociale qui en découlent, et engagent leur responsabilité politique à cet égard au niveau européen le plus large ;

    v.        Appuient la conclusion de protocoles d'accord avec les organisations et les institutions qui opèrent dans les mêmes domaines afin de créer des synergies et d'éviter toute redondance des efforts en privilégiant la comparabilité des données et le développement de la coopération scientifique : ils soulignent l’importance des échanges de connaissances et d’expérience entre les différents réseaux et institutions travaillant au niveau européen ;

   vi.        Invitent instamment les membres à renforcer le rôle d'autres organisations internationales, régionales ou nationales ainsi que d'autres institutions pour faire face aux problèmes liés aux drogues ;

  vii.        Réaffirment l'importance de la prévention, en particulier dans les écoles, auprès des familles, dans les média et au sein des groupes cible spécifiques, avec leur coopération, afin d'éviter et de réduire l'usage de drogues et d'encourager les toxicomanes à entreprendre une réinsertion, en appelant leur l'attention sur la possibilité d'appliquer des programmes/mesures de prévention sur le lieu de travail ;


 viii.        Soulignent qu’il importe d’utiliser les nouvelles technologies comme Internet pour prévenir, informer, contrôler et coopérer, et permettre ainsi à la société civile et aux experts d’affronter le problème de la drogue, mais que des mesures appropriées s’imposent aussi pour lutter contre l'utilisation abusive de ces technologies par les personnes qui encouragent la consommation des drogues ;

   ix.        Reconnaissent l'importance des recherches et de l’évaluation sur des nouvelles approches en matière de prévention, de traitement, de soins et de réhabilitation des usagers de drogues et s’efforceront d’assurer que les administrations nationales et les milieux professionnels accordent une plus grande priorité à ces études ;

    x.        Soulignent la nécessité d'atteindre les consommateurs de drogues au stade le plus précoce possible et de faciliter leurs contacts avec les services sanitaires et sociaux, même s'ils n'expriment pas immédiatement le souhait d'être sevrés, et feront en sorte que les services de soins soient suffisamment disponibles, diversifiés et accessibles pour atteindre cet objectif et pour aider les toxicomanes à réduire les risques en matière de santé ;

   xi.        Encouragent les Etats d’adapter les mesures de réduction de risques aussi bien à l’individu qu’à la société, tenant compte de la situation et du contexte culturel de l’usage de drogues ;

  xii.        Soulignent également l’importance des aspects de santé publique liés à l'usage de drogues et la nécessité d’entreprendre des mesures et de renforcer la promotion de la santé, les activités de prévention et les programmes de réduction de risques contre l'infection par le VIH, les hépatites et d’autres maladies infectieuses ;

 xiii.        Reconnaissent l'importance des institutions et organisations non gouvernementales dans l'offre de soins aux toxicomanes et la prévention de l'abus de drogues et s’engagent à soutenir leurs activités, chercheront à améliorer la coopération entre elles et les autorités compétentes et continueront à les faire participer aux activités du Groupe Pompidou favorisant l'échange d'expériences et de connaissances et la diffusion des meilleures pratiques ;

 xiv.        Soulignent la nécessité de renforcer la coopération judiciaire pour lutter contre le trafic de drogues et le blanchiment de capitaux, et réaffirment la nécessité de la coopération judiciaire, policière et douanière afin de contrer le trafic illicite et de manière à prévoir la mise en place de structures gouvernementales et de dispositions législatives efficaces ;

  xv.        Reconnaissent le rôle fondamental du Groupe d'action financière internationale (GAFI) et invitent instamment les membres à suivre ses recommandations. Ils les invitent également à ratifier et mettre en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et, le cas échéant, l'Accord relatif au trafic illicite par mer, mettant en œuvre l’article 17 de la Convention de Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes ;

 xvi.        Appuient tous les efforts visant à combattre la criminalité organisée et la corruption liées au trafic de drogues et reconnaissent la nécessité d’adopter des approches communes et de créer des mécanismes communs pour faire face à ces problèmes, dans le respect de la souveraineté nationale ;


xvii.        Réaffirment la nécessité d'utiliser ces instruments de coopération de manière rapide et souple et de favoriser, le cas échéant, de nouvelles méthodes pour faire face à des problèmes communs ;

xviii.        Encouragent la coopération avec l'industrie chimique et les distributeurs pour lutter contre la production et la fabrication de drogues illicites, en les appelant à être particulièrement vigilants dans la commercialisation des précurseurs et des substances chimiques et à informer les autorités en cas d’opérations suspectes ;

 xix.        Invitent en outre les gouvernements à envisager de prendre des mesures pour lutter contre le détournement des substances psychotropes des circuits commerciaux licites, surveiller la prescription et l'abus de ces médicaments et sensibiliser davantage les professionnels de la santé à leur rôle dans la réduction d'éventuels abus ;

  xx.        Insistent sur la nécessité de renforcer la coopération des services sanitaires, sociaux et éducatifs et ceux du système pénal aux niveaux national, régional et local ;

 xxi.        Appuient également tous les efforts visant à promouvoir la cohésion sociale et s’engagent à continuer de partager des informations sur les approches visant l’insertion sociale des personnes ayant des problèmes liés aux drogues.