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MCL-16(2009)6b

           

            Conférence du Conseil de l’Europe

            des Ministres responsables

            des collectivités locales et régionales

                        « La bonne gouvernance locale et régionale

en période difficile : le défi du changement »

                16e Session, Utrecht, 16 – 17 novembre 2009

Coopération transfrontalière : le rôle de l’administration centrale pour supprimer les obstacles


Introduction

La coopération transfrontalière a été et reste l’un des éléments essentiels de l’intégration européenne. En permettant aux autorités ou collectivités territoriales de s’engager dans un dialogue direct, la coopération et la gestion de projets (dans le temps) ont à la fois aidé à améliorer la qualité de vie des populations frontalières et fait de l’Europe une réalité vivante. Les citoyens européens vivent concrètement les idéaux et les objectifs d’une Europe unie chaque fois qu’ils peuvent accéder à un service public, emprunter une ligne de bus ou utiliser une infrastructure qui dessert les villes et les populations de part et d’autre d’une frontière commune.

En s’appuyant sur les expériences appliquées à quelques frontières européennes qui ont eu un rôle précurseur, le Conseil de l'Europe a adopté une convention (la Convention-cadre sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, appelée Convention de Madrid) qui demande à ses Etats parties, qu’ils soient membres ou non du Conseil de l'Europe, de faciliter et de promouvoir la coopération transfrontalière entre ces autorités, afin de renforcer ou de développer les rapports de voisinage entre celles-ci.

La Convention de Madrid et ses protocoles

La Convention de Madrid est complétée par deux protocoles. Le Protocole additionnel reconnaît « le droit des collectivités ou autorités territoriales soumises à la juridiction (de chaque Etat partie) […] de conclure, dans les domaines communs de compétence, des accords de coopération transfrontalière avec les collectivités ou autorités territoriales d'autres Etat », alors que le Protocole n° 2 reconnaît le droit des collectivités ou autorités territoriales « d’entretenir des rapports et de conclure, dans les domaines communs de compétence, des accords de coopération interterritoriale».

Aux fins de la mise en œuvre de la Convention de Madrid, les Parties peuvent conclure des accords bilatéraux notamment en fixant « inter alia le cadre, les formes et les limites dans lesquelles ont la possibilité d'agir les collectivités et autorités territoriales concernées par la coopération transfrontalière».

Les obligations des Parties à la Convention de Madrid[1] sont d’une part, « de faciliter et de promouvoir » la coopération entre leurs autorités ou collectivités territoriales respectives, et d’autre part, de « s’efforcer de promouvoir la conclusion des accords et arrangements qui s’avéreront nécessaires à cette fin».

Dans la pratique, les Parties doivent créer le cadre juridique dans lequel cette coopération peut avoir lieu. L’adoption d’une législation nationale spécifique peut être nécessaire, ainsi que la modification de la législation générale concernant les collectivités locales, afin de supprimer ou de préciser, par exemple, les interdictions ou restrictions à la coopération avec des entités étrangères. D'un autre côté, même lorsque le cadre juridique permet cette coopération, des obstacles indirects, non juridiques, peuvent persister.

Suppression des obstacles à la coopération transfrontalière

Ces obstacles peuvent être de nature très différente. Ils peuvent être liés aux procédures ou aux normes administratives. Même si elle est autorisée, la coopération peut exiger l’autorisation des autorités centrales, la traduction de documents dans plusieurs langues, la nécessité que les contacts passent par les voies diplomatiques, etc. Elles peuvent aussi être liées à différents types ou champs de compétence des autorités voisines, qui peuvent ne pas coïncider, limitant ainsi l’étendue de la coopération au plus petit dénominateur commun ou introduisant une complexité supplémentaire (un plus grand nombre de partenaires institutionnels dans la relation, par exemple).

Les obstacles peuvent aussi être objectifs, bien connus mais considérables : les langues parlées de part et d'autre de la frontière peuvent être différentes mais, sans une politique active d’enseignement des langues du voisin, les contacts peuvent rester sporadiques, limités aux représentants politiques ou administratifs des collectivités locales et ne pas associer – comme il le faudrait – l’ensemble de la population.

Enfin, les ressources disponibles pour la coopération transfrontalière – pour l’élaboration des projets, leur mise en œuvre et le développement des capacités des collectivités concernées à entreprendre de tels projets – peuvent être très limitées ou inexistantes au niveau local.

Dans une série d’enquêtes menées en 2003 et en 2004, le Conseil de l'Europe a recensé plusieurs types d’obstacles qui limitent de facto la coopération transfrontalière. Deux recommandations du Comité des Ministres[2] non seulement indiquent les obstacles les plus fréquents et les mieux connus mais proposent aussi des mesures à prendre pour les réduire. Il est significatif que les recommandations ne soient pas adressées seulement aux Parties à la Convention de Madrid mais à tous les Etats membres, la suppression des obstacles étant considérée comme une mesure facilitant l’adhésion à la Convention.

Mesures à prendre pour supprimer les obstacles existants ou éviter d’en créer de nouveaux

La Conférence de Maastricht les 6 et 7 juillet 2009 a offert l’occasion à un certain nombre d’acteurs de la coopération transfrontalière en Europe de se réunir et d’échanger leurs expériences. Les conclusions de la conférence[3] recensent plusieurs problèmes majeurs qui s’opposent à une coopération transfrontalière plus harmonieuse et efficace. Sur un certain nombre de questions, les gouvernements peuvent prendre des mesures afin d’éviter que ne se dressent insidieusement des obstacles gênant les relations transfrontalières ou de les supprimer activement. Nous en donnons quelques exemples ci-dessous.


Avant de légiférer sur les questions qui peuvent toucher les relations transfrontalières (circulation transfrontalière, par exemple, marché de l’emploi, TVA, etc…), les Etats membres devraient analyser l’impact que les changements prévus peuvent avoir sur ces relations (les rendront-ils plus difficiles ou plus aisées?). Il en va de même pour la législation de l’Union européenne dont l’impact sur les compétences des autorités locales et régionales et leurs capacités à coopérer avec leurs voisins devraient être évaluées pour éviter des effets secondaires indésirables.

On pourrait étudier de près la législation nationale/interne afin d’identifier et de supprimer des incohérences ou lacunes éventuelles avec l’objectif premier qui est de promouvoir la coopération transfrontalière, et ratifier les traités européens existants pour clarifier et compléter l’ordre juridique national par des dispositions visant à garantir la coopération transfrontalière sur le plan juridique. Il convient en premier lieu de prendre en compte la Convention de Madrid et ses protocoles – y compris le Protocole n° 3 est ouvert à la signature à Utrecht. Les Etats membres de l’Union européenne doivent aussi envisager, si tel est leur cas, d’accélérer le processus d’adoption de la législation permettant la mise en œuvre du règlement CE n° 1082/2006.

La mise en œuvre de projets de coopération transfrontalière exige souvent que plusieurs niveaux d’administration (locale, régionale et centrale) et plusieurs services gouvernementaux (pouvoirs locaux, affaires étrangères, ministères de tutelle compétents) adoptent une position commune et cohérente et travaillent la main dans la main. Toutefois, la perception de l’importance ou de la difficulté de la coopération diverge d’une autorité à l’autre, entre le niveau local (frontalier) et le niveau central. L’expérience d’au moins un pays (Pays-Bas) d’avoir un médiateur spécial pour les questions transfrontalières entre les administrations et organismes internes, a été jugée intéressante et très positive. Elle pourrait aussi être reprise dans d'autres pays.

La question de l’insuffisance des capacités des collectivités locales peut être réglée par des organismes spéciaux: comme exemples ont été cités la Mission opérationnelle transfrontalière en France et le Comité sur la coopération transfrontalière du Benelux, dont d'autres pays pourraient s’inspirer.

Certains pays permettent aux autorités locales et régionales d’expérimenter des approches souples et novatrices à la résolution des problèmes, le cas échéant dans le cadre d’accords bilatéraux fixant des limites à respecter par les autorités territoriales des pays concernés.

Une coopération transfrontalière efficace dépend aussi de la compréhension mutuelle et d’une volonté sincère de coopérer. En plus des intérêts spécifiques à défendre, qu’ils soient économiques, sociaux, environnementaux, etc., il importe aussi que les populations aient du respect les unes pour les autres et qu’elles aspirent au « dialogue interculturel ». Ceci pourrait et devrait être effectivement encouragé par des politiques nationales et européennes adéquates visant à améliorer la perception et l’appréciation de la culture, de la langue et des traditions du voisin.


Observations finales

Comme remarque générale, on pourrait aussi rappeler que les gouvernements des Etats membres devraient tirer davantage parti de l’appartenance de leur pays à différentes organisations internationales et européennes (du Conseil de l'Europe à l’OCDE, l’OSCE et  l’Union européenne) pour promouvoir une approche systématique et coordonnée des questions transfrontalières, tout en gardant toujours à l’esprit que leur adhésion à la Convention de Madrid suppose que toutes leurs politiques – et les mesures législatives et les programmes qu’ils adoptent dans les différentes instances auxquelles ils appartiennent – soient cohérentes avec leurs obligations qui sont «de faciliter et de promouvoir» la coopération transfrontalière.

En conclusion, la conférence pourrait donner aux ministres l’occasion de:

a) réaffirmer l’importance qu’ils attachent la coopération transfrontalière entre les collectivités et autorités territoriales;

b) entreprendre une évaluation approfondie de l’état et des obstacles à la coopération transfrontalière dans leurs pays respectifs, à la lumière des recommandations Rec(2005)2 et 3 du Comité des Ministres;

c) décider de sensibiliser les responsables et les législateurs nationaux et européens à l’impact (éventuellement négatif) de nouvelles législations et politiques sur la coopération transfrontalière et de promouvoir des procédures d’évaluation de ces impacts;

d) s’engager à envisager la signature et la ratification des traités européens auxquels leur pays n’est pas encore partie.

Ils examineront et choisiront en outre les thèmes de leurs activités de coopération intergouvernementale dans le cadre de la discussion et de l’adoption de l’Agenda d’Utrecht.



[1] Au jour d’aujourd’hui, les Parties contractantes sont au nombre de 36 et sont toutes membres du Conseil de l'Europe.

[2] Recommandation Rec(2005)2 du Comité des Ministres relative aux bonnes pratiques et à la réduction des obstacles en matière de coopération transfrontalière et interterritoriale des collectivités ou autorités territoriales, qui recense les nombreux obstacles s’opposant à une coopération transfrontalière efficace et encourage les Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre des mesures pour les réduire, et Recommandation Rec(2005)3 du Comité des Ministres relative à l'enseignement des langues du voisin en région frontalière.

[3] Document MCL-16(2009)7 Add II.