Strasbourg, le 18 novembre 2010                                                        LR-IC(2010)13

                                                                                                                         

COMITE EUROPEEN SUR LA DEMOCRATIE LOCALE ET REGIONALE

(CDLR)


COMITE D'EXPERTS SUR LES INSTITUTIONS ET LA COOPERATION

DES COLLECTIVITES LOCALES ET REGIONALES

(LR-IC)

PREPARATION DE L’ANNEXE (DES ANNEXES)

AU PROTOCOLE N° 3 A LA CONVENTION-CADRE DE MADRID

Etude comparative du

Groupement européen de coopération territoriale (GECT/EGTC)

et du Groupement eurorégional de coopération (GEC/ECG)

Note du Secrétariat

établie par la Direction générale de la

démocratie et des affaires politiques

Direction des institutions démocratiques


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Ce document est public. Il ne sera pas distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire.


Introduction

Le présent document contient (voir Annexe) une évaluation détaillée établie par le professeur Yves Lejeune, de l’Université catholique de Louvain, des dispositions du Protocole n° 3 à la Convention cadre de Madrid et du Règlement (CE) 1082/2006 en vue d’identifier les similitudes, différences et problématiques éventuellement non couvertes par l’un ou l’autre instrument. Par cette analyse, le rapport doit permettre au Comité de préciser les domaines à couvrir par l’Annexe au Protocole n° 3 à la Convention-cadre de Madrid.

Le présent document est à examiner conjointement avec les documents LR-IC(2010)12 (tableaux comparatifs des dispositions du protocole n° 3 et du Règlement 1082/2006) et LR-IC(2010)14 (proposition détaillée concernant les domaines à couvrir par l’Annexe au Protocole n° 3 et calendrier de mise en œuvre).

Action requise

Les membres du LR-IC sont invités à prendre connaissance du présent rapport du professeur Lejeune et, à la lumière de celui-ci ainsi que des documents LR-IC(2010)12 et 14, décider sur quel sujets et selon quel calendrier faire procéder à la rédaction de l’Annexe au protocole n° 3.


Annexe

Etude comparative du

Groupement européen de coopération territoriale (GECT/EGTC)

et du Groupement eurorégional de coopération (GEC/ECG)

Antécédents

1. Les travaux du Conseil de l’Europe relatifs à un instrument juridique européen de coopération eurorégionale ont connu trois étapes :

-       Tout d’abord, l’établissement d’un avant-projet de Protocole relatif à l’institution du groupement eurorégional de coopération (GEC) [1], dont les règles de fond auraient été directement applicables (self-executing) dans chaque Etat Partie.

-       Ensuite, la rédaction d’un projet de Convention européenne portant loi uniforme relative aux groupements [transfrontaliers] de coopération territoriale (G[T])CT) [2], loi qui aurait dû être intégrée ne varietur par chaque Etat Partie dans son ordre interne.

-       Enfin, la révision du projet de Protocole relatif aux groupements eurorégionaux de coopération (GEC) [3], destinée à distinguer un noyau central minimal de règles de base compatibles avec le règlement sur le GECT et une annexe détaillée dans laquelle les Etats Parties qui le souhaiteraient pourraient puiser en vue de compléter leur arsenal législatif.

2. Au cours des deux premières périodes [4], l’objectif avait été de confectionner, en concertation avec l’Union européenne, un instrument juridique permettant de proposer pour les futurs GEC un statut uniforme polymorphe, fait de règles matérielles acceptables par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, complétées – pour les questions non réglées par le traité ou par les statuts du groupement à créer — par les règles nationales de l’État du siège. Il s’agissait, en quelque sorte, de créer un corps de règles de droit matériel pouvant régir de la même façon les Eurorégions [5] et les autres organismes transfrontaliers dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Avec l’adoption du règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006, applicable en principe depuis le 1er août 2007 [6], la donne changea radicalement: le Protocole n° 3 devait désormais ne contenir aucune solution incompatible avec la réglementation des GECT, tel qu’elle avait été instaurée par l’Union européenne. Dès lors, le contenu des dispositions du projet de Protocole et du règlement se sont rapprochées au point de se confondre souvent. Cependant, le but du Conseil de l’Europe était toujours de procurer des formules différenciées pour la création de GEC, parmi lesquelles la formule du GECT ne serait que l’une des possibilités. Dès lors, pour conserver une flexibilité minimale au statut des GEC tout en restant compatible avec le statut des GECT fixé par le règlement n° 1082/2006, le Protocole n° 3 relatif aux GECs a limité drastiquement les règles de base proposées à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, en rejetant dans une annexe à rédiger ultérieurement les règles matérielles complémentaires que les projets antérieurs avaient tenté de formuler.

Le règlement relatif au GECT. Une brève synthèse de l’esprit et des difficultés d’application

3. Les règles de base du Protocole n° 3 ont été conçues pour éviter d’entrer en conflit avec celles du règlement n° 1082/2006. Il convient donc de vérifier, sinon l’identité parfaite, du moins la compatibilité des solutions offertes par les deux instruments juridiques. Cette comparaison doit cependant prendre d’abord en considération l’esprit qui se dégage de l’organisation générale d’un GEC, telle que le règlement n° 1082/2006 l’établit. La qualité de la comparaison gagne aussi à tenir compte des difficultés d’application rencontrées par les fondateurs des premiers GECTs.

4. En instituant cet instrument de coopération, l’Union européenne a prévu une forme de groupement dont font partie uniquement des Etats, des collectivités territoriales, des organismes publics et des organismes privés dirigés, financés ou contrôlés par des autorités publiques. Cette structure groupant exclusivement des entités publiques et quasi-publiques est dotée d’une personnalité juridique propre, mais est soumise par le règlement à des normes de fonctionnement et de contrôle dont l’inspiration relève essentiellement du droit des sociétés commerciales et du droit privé plutôt que du droit public. On peut illustrer ce constat en mentionnant la distinction opérée entre la convention constitutive du groupement et les statuts, typique des sociétés (art. 8 et 9); l’obligation d’enregistrer ces statuts (art. 5); l’interdiction de l’exercice de tout pouvoir conféré par le droit public (art. 7.4); la responsabilité conjointe des « associés » pour le paiement des dettes du groupement à concurrence de leurs  apports, sauf si le statut légal d’un « associé » exclut que celui-ci soit tenu entièrement ou partiellement de sa part du passif d’un tel groupement (art.12.2); le contrôle non systématique du respect de l’ordre public, de la sécurité publique, de la santé publique, de la moralité publique ou même de l’intérêt public (art. 13); la possibilité d’une dissolution prononcée par une autorité administrative ou judiciaire (art. 14).


5. Les résultats de la consultation lancée par le Comité des Régions de l’Union européenne sur la révision du règlement relatif au GECT — prévue en 2011— ont été présentés lors d’un atelier des Open Days en octobre 2010 [7]. Parmi les suggestions recueillies par le Comité des Régions, on notera celles qui consistent à:

-       simplifier et rendre plus rapide le processus de création du GECT, par exemple en rendant obligatoire le respect du délai dans lequel un Etat doit donner son accord au « membre potentiel » qui lui a notifié son intention de participer à un GECT (art. 4);

-       préciser la portée de l’exclusion des pouvoirs conférés par le droit public (art. 7.4);

-       délimiter la part de la convention fondatrice et celle des statuts, ou supprimer la dualité d’instruments (art. 8 et 9);

-       améliorer la publicité des conventions fondatrices et des statuts à l’échelle européenne;

-       permettre la participation de personnes morales de droit privé aux GECTs à certaines conditions;

-       formaliser la possibilité de participation aux GECTs de collectivités territoriales extérieures à l’Union européenne;

-       diversifier les organes du GECT et préciser la répartition des voix entre nationalités (art. 10); instaurer des mécanismes de démocratie participative;

-       permettre des dérogations au principe d’application aux personnels de la loi de l’Etat du siège (recrutement, statut administratif, fiscal et social) en autorisant l’application de la loi du lieu où le personnel travaille ou en « européanisant » ce statut;

-       régler la question du droit applicable aux marchés publics exécutés dans un autre Etat que celui du siège;

-       expliquer la raison de l’engagement de la responsabilité du groupement par ses organes agissant en dehors de leurs attributions (art. 10.3);

-       expliciter l’hypothèse de l’interdiction d’activités contraires à l’intérêt public (art. 13).

La commission de la politique de cohésion territoriale (COTER) du Comité des Régions estime même qu’il faudrait définir au niveau de l’Union européenne les modalités d’application du règlement par les Etats membres de l’Union. Autrement dit, l’absence d’un « droit commun substantiel » de la coopération transfrontalière ou interterritoriale au sein de l’Union européenne rend difficile la création de GECT véritablement opérationnels.


Comparaison des règles prescrites par le Protocole n° 3 avec celles établies par le règlement n° 1082/2006

6. Le tableau annexé au présent rapport compare systématiquement les dispositions du Protocole et celles du règlement de l’Union européenne. Dans les lignes qui suivent, on présente les enseignements de la comparaison à propos de chaque question traitée par le Protocole et/ou le règlement. Globalement, cette comparaison fait apparaître la plus-value apportée par le Protocole par rapport au règlement et démontre ainsi l’utilité du travail accompli par le Conseil de l’Europe.

Dans l’ensemble, le Protocole est fort proche du règlement n° 1082/2006 sur de très nombreux points. Le fait que le régime juridique de base du GEC est, sur l’une ou l’autre question, moins complet que celui du GECT n’empêche évidemment pas  le Protocole d’être compatible avec le règlement. Par ailleurs, l’absence de réglementation minimale, dans le Protocole, de l’un ou l’autre question traitée par le règlement permet aux législateurs nationaux d’adapter plus librement les dispositions de l’annexe aux exigences particulières de leur législation nationale. En outre, elle élargit la liberté des « membres potentiels » d’un GEC qui rédigent les statuts de leur futur groupement en les autorisant à ne pas appliquer systématiquement les dispositions du règlement n° 1082/2006  que ces membres jugeraient inadaptées à leur projet.

7. Membres respectifs du GEC et du GECT.  Selon l’article 3, § 1er, du Protocole, les catégories de « membres potentiels » d’un GEC sont les suivantes:

• les collectivités ou autorités territoriales relevant de la juridiction des Etats Parties au Protocole;

• les Etats sous la juridiction desquels se trouvent ces collectivités ou autorités territoriales;

• les collectivités ou autorités territoriales relevant de la juridiction d’un Etat non Partie au Protocole, pourvu que cet Etat ait une frontière commune avec un Etat Partie dont le territoire accueille ou accueillera le siège du GEC qu’elles fondent et qu’un traité entre ces deux Etats permette cette extension du champ d’application du Protocole;

• les « établissements » (lire dans le texte français: « organismes ») dotés de la personnalité morale et assimilés à des « organismes de droit public » par le droit de l’Union européenne aux fins de l’application des directives de l’Union sur les procédures de passation des marchés publics [8].

Les catégories de « membres potentiels » d’un GECT sont les suivantes :

• les Etats membres de l’Union européenne ;

• les collectivités régionales ou locales relevant de ceux-ci ;

• les « organismes de droit public » au sens du règlement ;

• les associations composées d’organismes (« bodies ») appartenant à une ou à plusieurs des catégories précédentes (règlement, art. 3.1).


Par « organismes de droit public », le règlement entend non seulement les organismes réellement régis par un droit public interne, mais également toute entité de droit privé:

« a) créé(e) pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ;

b) doté(e) de la personnalité juridique, et

c) dont :

- soit l’activité est financée majoritairement par l’Etat, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public,

- soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers,

- soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’Etat, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public » [9].

Dans les faits, les GECTs constitués ne comportent souvent que des collectivités locales. C’est le cas d’Ister-Granum, Karst-Bodva, Amphictyonie, Strasbourg-Ortenau, Zas-net (GECT hispano-portugais), UTTS (collectivités locales de Hongrie, Slovaquie et Roumanie). On constate parfois la participation d’associations et d’universités. C’est le cas du GECT Duero-Duro (hispano-portugais).

On rencontre aussi dans la composition de certains GECTs:

-       plusieurs niveaux administratifs distincts: Galice-Portugal septentrional, Grande Région (seule autorité de gestion d’un programme transfrontalier) ;

-       le niveau régional exclusivement: Pyrénées-Méditerranée, Archimed (Sicile-Baléares-Larnaka).

-       plusieurs niveaux administratifs, dont un Etat et une Communauté autonome: Hôpital de la Cerdagne ;

-       plusieurs niveaux administratifs, dont les Etats concernés: Eurométropole, Flandre-Côte d’Opale.

La majorité des GECTs constitués lient des partenaires de même niveau administratif et mènent des actions de coopération territoriale sans contribution financière de l’Union européenne.

Le champ d’application personnel du Protocole est un peu moins large que celui du règlement, puisqu’il ne permet pas aux associations d’autorités régionales ou locales de faire partie d’un GEC. En outre, l’article 16 du Protocole oblige les futurs Etats Parties à désigner les catégories de « membres potentiels » qu’ils entendent exclure du champ (lire : du champ d’application) du Protocole. L’Etat qui ferait usage de cette faculté ne laisserait plus à cette catégorie de personnes moales qu’une seule possibilité : celle d’être membre d’un GECT.


8. Champs d’application territoriaux respectifs des instruments juridiques relatifs au GEC ou au GECT. — Le champ d’application territorial du Protocole n° 3 correspond en théorie aux territoires de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, si tous ceux-ci ratifient le Protocole. Un GEC peut comprendre des collectivités ou autorités territoriales relevant d’un Etat non Partie au Protocole, aux conditions suivantes [10]:

• que cet Etat soit membre du Conseil de l’Europe;

• que ce GEC ait son siège dans un Etat limitrophe Partie au Protocole;

• que ces deux Etats concluent un traité autorisant la participation de ces collectivités ou autorités à un GEC dont le statut soit conforme au Protocole (Protocole, art. 3.2).

Un GECT ne peut être constitué que sur le territoire de l’Union européenne (règlement, art. 1.1), entre « membres potentiels » (art.4) « situés sur le territoire d’au moins deux Etats membres » de l’Union (art. 3.2). La base juridique du règlement n° 1082 étant la disposition devenue l’article 175, 3e alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il n’est pas possible d’en étendre l’application à des entités relevant d’Etats non membres. Toutefois, « lorsque la législation d’un pays tiers ou des accords entre Etats membres et pays tiers le permettent » (préambule, point 16), des entités territoriales de ces pays peuvent participer à la fondation d’un GECT ou y adhérer si les autres membres de ce groupement sont situés sur le territoire d’au moins deux Etats membres de l’Union et si le futur GECT a son siège sur le territoire de l’un d’entre eux.

Actuellement, deux GECTs en voie de constitution ont des « membres potentiels » qui relèvent de la juridiction d’Etats tiers (Croatie et Ukraine).

9. Buts respectifs du GEC et du GECT. —  Le GECT a vocation à faciliter et à promouvoir la « coopération territoriale », c’est-à-dire la coopération transfrontalière, la coopération interrégionale (appelée interterritoriale au sein du Conseil de l’Europe) et la coopération transnationale (impliquant des autorités nationales au niveau de vastes zones transétatiques) [11] entre ses membres, « dans le but exclusif de renforcer la cohésion économique et sociale » (règlement, art. 1.2).

Le but du GEC est décrit plus largement: « promouvoir, soutenir et développer, au profit des populations, la coopération transfrontalière et interterritoriale entre ses membres, dans leurs domaines de compétence communs et dans le respect des compétences fixées par la législation nationale des Etats concernés » (Protocole, art. 1.2). Il englobe l’objectif assigné par le règlement aux GECTs.


10. Personnalité et capacité juridiques respectives du GEC et du GECT. — GEC et GECT ont la personnalité juridique. Les deux instruments s’abstiennent de préciser si ces personnes morales relèvent du droit de l’Union européenne, du droit international ou du droit interne de l’Etat où le groupement a son siège statutaire. Le règlement précise cependant en son article 2, § 1er, 2e alinéa : « Lorsqu'il est nécessaire, en vertu du droit communautaire ou du droit international privé, de définir le droit qui régit les actes d'un GECT, le GECT est traité comme une entité de l'Etat membre où il a son siège ».

Le GECT possède dans chaque Etat membre de la Communauté la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale (règlement, art. 1.4). Le GEC ne possède que « la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale de l’Etat dans lequel il est établi » (Protocole, art. 2.2).  L’étendue de la capacité juridique d’un GEC n’est donc pas automatiquement la plus large dans chaque Etat Partie, comme c’est le cas de la capacité d’un GECT. La volonté d’attribuer la plus large capacité possible à un GEC exigera donc de choisir comme droit applicable au groupement celui de l’Etat qui reconnaît à ses personnes morales la capacité juridique la plus large.

Le Protocole (art. 2.5) et le règlement (art. 1.4) énumèrent de manière non exhaustive des éléments de la capacité du groupement dont ils fixent le statut. La capacité contractuelle du GECT est sous-entendue par le règlement.

11. Droit applicable respectivement au GEC ou au GECT. — Le GEC est régi par le droit de l’Etat où il a son siège (Protocole, art. 2.1).

L’article 16.2 englobe dans le champ d’application du Protocole les collectivités ou autorités publiques autonomes investies d’un pouvoir législatif propre, ce qui suppose que la législation de ces entités puisse être prise en considération pour la détermination du contenu du droit applicable à un GEC dans l’Etat où il est implanté.

« Le droit applicable aux points devant figurer dans les statuts n’est pas nécessairement celui de l’Etat du siège », rappelle justement le rapport explicatif dans son commentaire de l’article 5. Il convient d’ajouter que c’est à la condition que le Protocole l’admette, par dérogation au principe de la loi de l’Etat du siège qu’il énonce au premier paragraphe de l’article 2.

Le paragraphe 3 de l’article 2 précise que la loi de l’Etat du siège :

• permet aux « membres potentiels » de choisir la catégorie de personnes morales à laquelle appartiendra le GEC qu’ils veulent instituer;

• doit se combiner avec les dispositions législatives et réglementaires nationales qui, mettant en œuvre le Protocole, dérogeraient aux règles régissant la catégorie de personnes morales choisie…

• … ainsi qu’avec les dispositions du Protocole lui-même qui fixent les règles de base de la fondation, de la composition, des compétences, de l’organisation, du fonctionnement, de la responsabilité et du contrôle des GECs.


Le rapport explicatif du Protocole semble interpréter l’article 2 en ce sens qu’il autoriserait les Etats Parties à déroger à l’application de la loi de l’Etat du siège dans un certain nombre de situations, pour rendre applicable leur législation nationale ou celle d’autres Etats. En réalité, les dispositions prises par les Etats en application de la Partie II du Protocole ne peuvent déroger au principe de la loi de l’Etat du siège, mais seulement aux règles du droit de cet Etat qui sont normalement applicables à la catégorie — ou aux catégories — de personnes morales dont les GECs pourront faire partie. Les mesures de mise en œuvre incombant aux Etats doivent concerner les seuls GECs qui auront leur siège sur leur territoire, sauf sur les points à l’égard desquels le Protocole prévoit ou permet l’application du droit de cet Etat à des GECs régis par le droit d’autres Etats (dans lesquels ces GECs ont leur siège).

Quant au GECT, il est régi (règlement, art. 2):

• par le règlement n° 1082 ;

• lorsque le règlement l'autorise expressément, par les dispositions de la convention constitutive et par les statuts du groupement;

• pour les questions qui ne sont pas régies par le règlement ou ne le sont qu'en partie, par les lois de l'Etat où le GECT a son siège.

En outre, le règlement précise que, « lorsqu’un Etat membre comprend plusieurs entités territoriales ayant leurs propres règles de droit applicable », le droit de l’Etat du siège « comprend le droit de ces entités, compte tenu de la structure constitutionnelle de l'État membre concerné » (art. 2.2).

12. Budget d’un GEC ou d’un GECT. — Le Protocole se borne à déclarer que le GEC « a le droit d’avoir son propre budget et le pouvoir de l’administrer » (art. 2.4) ; et que les statuts doivent contenir des règles relatives « aux budgets et aux finances », étant entendu que ces disposition statutaires doivent être « en conformité avec le droit applicable » (art. 5.3), c’est-à-dire essentiellement avec le droit de l’Etat du siège.

L’article 11 du règlement est plus précis. Il dispose :

« 1. Un GECT établit un budget annuel, à adopter par l'assemblée, comportant en particulier un volet de fonctionnement et, le cas échéant, un volet opérationnel.

2. L'établissement des comptes du GECT, et, le cas échéant, du rapport annuel les accompagnant, ainsi que le contrôle et la publication de ces comptes sont régis [par les lois de l’Etat membre où le GECT a son siège]. »

Les membres du groupement peuvent, dans les statuts, préciser « les règles budgétaires et comptables applicables, y compris les règles financières de chacun des membres du GECT vis-à-vis de ce dernier » (art. 9.2, litt. e).


13. Procédures de constitution d’un GEC ou d’un GECT. — Le Protocole se borne à exiger qu’« avant de conclure un accord portant création d’un GEC ou d’adhérer à un tel groupement, les collectivités ou autorités territoriales informent ou avisent leurs autorités nationales de leur intention, ou obtiennent leur autorisation, le cas échéant », c’est-à-dire si la législation nationale le prévoit (art. 4.4) [12]. Il ajoute que « cette autorisation peut être refusée lorsque la participation au GEC viole le présent Protocole ou des dispositions du droit national, y compris en ce qui concerne les pouvoirs et les responsabilités des membres potentiels, ou lorsque cette participation ne se justifie ni au titre de l'intérêt général ni au nom de l’ordre public de la Partie concernée [13]. Dans ce cas, la Partie motive les raisons de son refus » (art. 4.5).

Le Protocole exige de chaque futur membre d’un GEC qu’il apporte à l’Etat dont il relève la preuve qu’il a respecté « les procédures ou formalités obligatoires en vertu de la législation nationale qui [lui] est applicable […]. Ces documents seront annexés à l’accord » instituant le GEC (art. 4.2).

En outre, il convient d’observer que

« les décisions et actes des collectivités ou autorités territoriales et d’autres établissements (lire dans le texte français: « et des autres entités ») de droit public et privé [sous-entendu : faisant partie du GEC] sont soumis à la surveillance et au contrôle administratif et juridictionnel de légalité qui s’appliquent aux actes des collectivités ou autorités territoriales et des autres établissements de droit public dans les formes prévues dans les Etats dont relèvent lesdites autorités » (art. 11.3) [14].

Or, les décisions et actes visés par cette disposition sont notamment ceux qui sont relatifs à l’établissement d’un GEC ainsi qu’aux adhésions et aux retraits.

De son côté, le règlement 1082/2006 consacre son article 4 à la procédure de constitution d’un GECT, et en particulier au contrôle de l’Etat sur la décision d’un « membre potentiel » de participer à la fondation du groupement et à la rédaction de ses statuts. Chaque membre potentiel notifie à l’Etat membre dont il relève son intention de participer à un GECT. Il doit lui transmettre une copie du projet de convention et/ou des statuts. Les Etats membres marquent leur accord (approval) sur la participation, sauf s’ils considèrent qu’une telle participation ne respecterait pas le règlement ou le droit national, y compris les pouvoirs et les devoirs du membre potentiel, ou qu’elle serait contraire à l’intérêt général ou à l’ordre public de cet Etat membre. Dans ce cas, les Etats membres exposent les motifs de leur refus. S’ils marquent leur accord, ils approuvent (agree on) ensuite la convention constitutive du GECT et ses statuts « en veillant à la cohérence avec l’accord (approval) donné ». La même procédure est applicable à toute modification de la convention constitutive du groupement et à toute modification des statuts de ce groupement qui entraînent une modification de la convention constitutive.

14. Accord ou Convention constitutifs d’un GEC ou d’un GECT. — Le GEC et le GECT doivent être créés par la conclusion d’un contrat entre tous leurs « membres potentiels » (Protocole, art. 4.1; règlement, art. 8.1). Le Protocole précise que l’accord doit être conclu par écrit (art. 4.1), être rédigé dans la (les) langue(s) des membres et de l’Etat du siège (art. 4.9), mentionner « outre la liste des membres, le nom et le lieu du siège du GEC, la durée, l’objectif et les missions du GEC ainsi que son champ d’application géographique »; le nom donné au GEC doit préciser si les membres de celui-ci ont une responsabilité limitée (art. 4.3).

De son côté, le règlement exige que la convention constitutive précise le nom du GECT et le lieu de son siège ; l'objectif spécifique et la mission du GECT, sa durée et les conditions de sa dissolution ; l'étendue du territoire sur lequel le GECT peut exécuter sa mission ; la liste des membres du GECT ; le droit applicable à l'interprétation et à l'application de la convention, qui est le droit de l'État membre où le GECT a son siège ; les modalités appropriées pour la reconnaissance mutuelle [15], y compris en vue du contrôle financier; et la procédure de modification de la convention, semblable à celle suivie pour la conclusion de la convention initiale (art. 8.2).

Le Protocole est un peu moins exigeant que le règlement, mais il convient de souligner que les statuts d’un GEC font partie intégrante de l’accord instituant celui-ci (Protocole, art. 5.1).

15. Durée et conditions de dissolution respectives d’un GEC et d’un GECT. — Le Protocole relatif au GEC dispose que le groupement est créé pour une durée déterminée ou indéterminée qui sera précisée dans l’accord et les statuts ; et qu’il est « dissous ipso facto lorsque la durée pour laquelle il a été créé vient à expiration ou si les collectivités ou autorités territoriales ne représentent plus la majorité des membres. Il peut être également dissous sur décision prise à l’unanimité par ses membres » (art. 8).

Le règlement relatif au GECT est beaucoup moins précis : il prévoit que la convention constitutive doit mentionner la durée et les conditions de dissolution du groupement (voir n° 14).

Cette dissolution, à terme ou anticipée, ne doit pas être confondue avec la dissolution-sanction, prononcée par un tribunal ou par une autre autorité de contrôle (voir n° 30).

16. Organes respectifs d’un GEC et d’un GECT. — Le Protocole ne contient aucune énumération d’organes dont le GEC devrait être doté. Il se contente de renvoyer aux statuts du groupement l’établissement des règles relatives « à ses organes et à leurs compétences » (art. 5.3). Les dispositions nationales de mise en oeuvre du Protocole pourraient donc faire du directeur du groupement un organe du GEC, agissant au nom et pour le compte de celui-ci, ou un agent administratif n’ayant pas qualité pour engager le groupement vis-à-vis des tiers.

Selon l’article 10 du règlement, un GECT dispose au moins des organes suivants: une assemblée constituée par les représentants de ses membres ; un directeur, qui représente le GECT et agit au nom et pour le compte de celui-ci. Les statuts peuvent prévoir des organes de direction (organs) supplémentaires dotés de pouvoirs clairement définis. On remarquera que le directeur est considéré comme un véritable organe du groupement.

L’article 3.3 du Protocole exige que « les collectivités ou autorités territoriales détiennent la  majorité des voix au sein du GEC ». Il permet ainsi de répartir les droits des membres au sein d’un GEC de manière à ce que les représentants des collectivités ou autorités territoriales détiennent la majorité des voix au sein des organes de direction du groupement. Le règlement ne précise rien à ce sujet.

Sur les responsabilités respectives du groupement et de ses organes, voir nos 23 et 24.

17. Statuts respectifs d’un GEC et d’un GECT. — Les statuts d’un GEC et ceux d’un GECT doivent être adoptés par les membres du groupement statuant à l’unanimité (Protocole, art. 5.1 implicitement; règlement, art. 9.1).

Les statuts d’un GEC « sont rédigés dans la/les langue(s) de l’Etat dans lequel le groupement a son siège et dans la/les langue(s) des membres, toutes les versions faisant également foi. Ils peuvent indiquer la ou les langues à considérer comme la/les langue(s) de travail » (art. 5.2).  Ils contiennent, outre les mentions obligatoires de l’accord constitutif — nom, membres, siège, durée, objectifs et missions, champ d’application géographique — « des règles relatives à la composition du [groupement], au retrait des membres et à [sa] dissolution, avec les conséquences juridiques que cela comporte,  ainsi qu’à son fonctionnement, à ses organes et à leurs compétences, au personnel, aux budgets et aux finances, à la responsabilité, à l’obligation de rendre compte et à la transparence, sans préjudice des dispositions du présent Protocole et en conformité avec le droit applicable [16] » (art. 5.3). Cette énumération est une liste non exhaustive.

Les statuts d'un GECT contiennent, au minimum, toutes les dispositions de la convention constitutive du groupement ainsi que les éléments suivants :

a) les modalités de fonctionnement des organes de direction du GECT et leurs compétences, de même que le nombre de représentants des membres dans les organes de direction concerné ;

b) les procédures décisionnelles ;

c) la ou les langue(s) de travail;

d) les modalités de fonctionnement du groupement, notamment en ce qui concerne la gestion de son personnel, les procédures de recrutement, la nature des contrats du personnel;

e) les modalités de la contribution financière des membres et les règles budgétaires et comptables applicables, y compris les règles financières, de chacun des membres du GECT vis-à-vis de ce dernier ;

f) les modalités en matière de responsabilité des membres conformément à l'article 12, § 2, du règlement ;

g) les autorités chargées de la désignation d'un organisme d'audit externe indépendant ;

h) les procédures de modification des statuts.

18. Enregistrement et publicité des statuts et de l’accord constitutif du groupement. — Selon l’article 4.7 du Protocole, l’accord constitutif d’un GEC est enregistré ou publié dans l’Etat où le groupement a son siège ainsi que dans tous les Etats dont relèvent ses membres, conformément aux législations nationales applicables. Les statuts font partie intégrante de l’accord et doivent donc être enregistrés ou publiés avec lui.

L’article 5.1 du règlement formule la même obligation concernant les statuts d’un GECT« conformément au droit national applicable dans l'État membre où le GECT a son siège » ; il précise que « le GECT acquiert la personnalité juridique le jour de l'enregistrement ou de la publication, selon ce qui se produit en premier » et se borne à exiger que les membres du nouveau GECT en « informent les Etats membres concernés ».

Des articles 12.2, al. 6, et 16.2 du règlement, on peut inférer que la convention constitutive d’un GECT doit également être enregistrée ou publiée.

19. Missions respectives du GEC et du GECT. — Les membres d’un GEC lui confient les missions qui sont énumérées dans l’accord constitutif du groupement et dans les statuts (Protocole, art. 4.2, 5.3 et 7.1). Les membres d’un GECT lui confient des missions qui sont définies dans la convention constitutive du groupement (règlement, art. 7.1).

Un GECT ne peut assumer que des missions de « coopération territoriale » destinées à « renforcer la cohésion économique et sociale » (règlement, art. 7.2).

Des missions de quatre types différents peuvent être confiées aux GECTs:

-       la gestion de programme de coopération territoriale européenne;

-       la gestion de projets de coopération territoriale cofinancés par l’Union européenne dans le cadre desdits projets;

-       des actions spécifiques de coopération territoriale financées par l’Union;

-       des actions spécifiques de coopération territoriale en dehors de tout financement communautaire. En ce cas, les Etats concernés peuvent limiter ces missions à celles qui couvrent les actions de coopération citées par l’article 6 du règlement n° 1080/2006 du 5 juillet 2006 relatif au Fonds européen de développement régional (FEDER) [17].


Cependant, un GECT n’est pas limité, en principe, aux actions de coopération relevant de l’objectif « Coopération territoriale » au sens de l’article 6 dudit règlement. Il peut aussi mettre en œuvre des axes de coopération interrégionale dans le cadre des programmes des objectifs « Convergence » et « Compétitivité et emploi » ou dans le cadre des programmes du Fonds social européen. Ces programmes peuvent en effet comporter des axes prioritaires spécifiques de coopération « interrégionale » (FEDER et FSE) ou de coopération « transnationale » [18].

En revanche, un GEC peut assumer n’importe quelle tâche « compatible » avec les compétences dévolues à ses membres en vertu de leur(s) législations(s) nationales(s) respective(s) (Protocole, art. 7.1). Comme le souligne le rapport explicatif, ce libellé autorise une flexibilité maximale quant aux motifs de création d’un GEC, en ce compris les tâches pour lesquelles le règlement 1082/2006 a instauré la figure du GECT.

20. Adéquation des compétences matérielles respectives du groupement et de ses membres. — Les « membres potentiels » d’un GECT ne peuvent participer à la fondation du groupement ou y adhérer que « dans les limites de leurs compétences [matérielles] en vertu du droit national » (règlement, art. 3.1). Il en va de même des membres potentiels d’un GEC, puisque la coopération transfrontalière ou interterritoriale que développe un tel groupement doit s’inscrire dans les domaines communs de compétence de ses membres (Protocole, art. 1.2).

Cependant, selon l’article 7 du règlement, les missions du GECT « doivent toutes relever de la compétence de chacun [des membres] en vertu de son droit national ». Prise au pied de la lettre, cette disposition exclut la participation d’un membre potentiel qui ne serait pas compétent pour l’une des missions du groupement. Ceci empêcherait la constitution d’un GECT « à la carte », groupant autour d’un même objectif ou champ de compétence général des membres exerçant des compétences « ciblées » [19].

En revanche, la formulation plus large de l’article 7 du Protocole (« missions compatibles avec les compétences dévolues aux membres ») autorise la constitution d’un GEC sans que le champ de compétence de chaque membre doive couvrir l’ensemble des questions dévolues au groupement.

Dans cette perspective, il convient de préciser que les membres de droit public d’un GEC ne sont pas dessaisis de certaines de leurs compétences par l’effet de la constitution du groupement [20].

21. Exclusion de certains pouvoirs. — La mission confiée à un GEC ne comporte pas l’exercice de pouvoirs réglementaires. Le GEC est sans compétence « pour prendre des mesures susceptibles d’affecter les droits et les libertés des personnes ou pour décider de prélèvements de nature fiscale » (Protocole, art. 7.3). Il ne peut non plus exercer les compétences que les collectivités ou autorités territoriales détiennent « en tant qu’agents de l’Etat dont elles relèvent, sauf lorsqu’il y est dûment autorisé par celui-ci » (art. 7.4).

Pour sa part, l’article 7.4 du règlement interdit aux membres d’un GECT de confier à celui-ci une mission comportant « l'exercice de pouvoirs conférés par le droit public [ou] de fonctions dont l'objet est la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou d'autres collectivités publiques, comme les pouvoirs de police et de réglementation, la justice et la politique étrangère. »

La formulation très large du règlement aboutit à interdire à tout GECT l’exercice de quelque prérogative de puissance publique que ce soit [21]. Il en résulte qu’un GECT ne peut être une personne morale de droit public, puisqu’il est dépourvu de ce qui différencie fondamentalement une personne morale de droit public d’une personne morale de droit privé. En revanche, la formulation plus souple du Protocole n’interdit pas de constituer un GEC en personne de droit public sous les diverses formes prévues par les législations nationales, mais le groupement ne disposera ni du pouvoir réglementaire, ni du pouvoir de police administrative, ni du pouvoir fiscal.

22. Possibilité de délégation de mission à un membre d’un GEC ou d’un GECT ? — Le Protocole ne mentionne pas la possibilité que le GEC puisse mandater l’un de ses membres en vue d’agir pour le compte du groupement. En revanche, « les membres d'un GECT peuvent décider à l'unanimité de déléguer l'exécution de sa mission à l'un d'entre eux » (règlement, art. 7.5)[22]. Il faut sans doute comprendre : « l’exécution de l’une ou l’autre de ses missions ».

23. Responsabilité du groupement vis-à-vis de ses membres ou des tiers. — Un GEC est responsable envers ses membres des infractions à « la loi » à laquelle il est soumis (Protocole, art. 9.2). « La loi à laquelle [le GEC] est soumis » ne couvre pas seulement la loi de l’Etat du siège, mais aussi le Protocole, les statuts du groupement et les lois des Etats dont relèvent ses membres dans la mesure où elles lui sont applicables. Il n’existe pas de disposition comparable dans le règlement sur le GECT.

L’article 9.1 du Protocole énonce également le principe suivant lequel le GEC est responsable de ses actes vis-à-vis des tiers, même lorsque de tels actes ne relèvent pas de ses missions; cette responsabilité ne peut être engagée que par le fait de ses organes. L’article 10.3 du règlement dispose que le GECT est responsable vis-à-vis des tiers des actes de ses organes dans les mêmes conditions (règlement, art. 10.3).


24. Responsabilité des organes du groupement vis-à-vis de celui-ci. — Aux termes de l’article 9.3 du Protocole, les organes d’un GEC sont responsables vis-à-vis du groupement de toute infraction à la loi commise dans l’exercice de leurs fonctions [23]. En revanche, rien de tel n’est explicitement prévu en la matière pour le GECT.

Des nos 23 et 24 ci-dessus, il apparaît que le régime de la responsabilité du groupement est beaucoup plus précis et complet dans le Protocole que dans le règlement.

25. Dettes du groupement. — Il y a quelque confusion dans l’article 9.1 du Protocole entre le régime de responsabilité civile et l’imputabilité des dettes. En ce qui concerne les dettes, cette disposition prévoit que le GEC en est responsable, quelle que soit leur nature. Il en va de même du GECT selon le règlement (art. 12.2, al. 1).

« En ce qui concerne la liquidation, l'insolvabilité, la cessation des paiements et autres procédures analogues, le GECT est soumis à la législation de l'État membre dans lequel il a son siège, sauf disposition contraire » (règlement, art. 12.1) concernant la responsabilité subsidiaire de ses membres et celle des États à l'égard d'un éventuel financement des fonds structurels et/ou de cohésion confiés à ce GECT (voir nos 26 et 27). Quant au Protocole, il se borne à affirmer de manière générale que« le GEC est régi par le droit de l’Etat dans lequel il a son siège » (art. 2.1).

26. Responsabilité pécuniaire subsidiaire des membres du groupement. — La responsabilité pécuniaire d’un GEC ou d’un GECT n’épuise pas celle de ses membres. Ceux-ci conservent en effet une responsabilité subsidiaire dans les relations avec les créanciers du groupement. Les membres d’un GEC sont tenus d’assumer conjointement les dettes du groupement en cas de défaillance de celui-ci, en vertu de l’article 9.1 du Protocole; le caractère « conjoint » de l’obligation signifie que chaque membre du groupement n’est tenu que pour sa part au paiement de la dette, cette part étant vraisemblablement limitée au montant de l’apport dudit membre. Les membres d’un GECT sont explicitement rendus responsables du paiement des dettes du groupement à concurrence de leur contribution, du moins en principe (règlement, art. 12.2, al. 2).

Il est possible d’exclure la responsabilité des membres du groupement ou de la limiter en deçà de leur part contributive, à la condition que le droit de l’Etat dont relève l’un des membres du groupement restreigne la responsabilité de la catégorie de personnes morales nationales à laquelle appartient ce membre. En pareil cas, les autres membres du groupement peuvent aussi limiter leur responsabilité dans les statuts (Protocole, art. 9.4; règlement, art. 12.2, al. 3).


Si une telle limitation de responsabilité est statutairement prévue, cela entraîne deux conséquences au moins:

• le nom d'un GEC ou d’un GECT dont les membres ont une responsabilité limitée comprend le terme "limité" (Protocole, art. 4.3; règlement, art. 12.2, al. 5);

• l’État sur le territoire duquel les membres potentiels d’un groupement envisagent d’établir le siège de celui-ci peut s’opposer à l'enregistrement sur son territoire de ce groupement ou à la publication de son avis de constitution (Protocole, art. 9.4; règlement, art. 12.2, al. 5 à 7).

Inversement, les « membres potentiels » d’un GECT peuvent prévoir dans les statuts queleur responsabilité restera engagée « après avoir cessé d'être membres de ce GECT, pour des obligations découlant d'activités du GECT réalisées alors qu'ils en étaient membres » (règlement, art. 12.2, al. 4). La même possibilité est offerte aux membres potentiels d’un GEC, en l’absence de disposition contraire dans le Protocole et dans la législation de l’Etat du siège potentiel.

27. Responsabilité éventuelle des Etats dont relèvent les membres du groupement. — Aux termes de l’article 12.3 du règlement :

« Sans préjudice de la responsabilité financière des États membres à l'égard d'un éventuel financement des fonds structurels et/ou de cohésion confiés à un GECT, le présent règlement ne saurait engager la responsabilité financière des États membres vis-à-vis (sous-entendu : de tiers à raison de dettes [24]) d'un GECT dont ils ne sont pas membres. »

Le Protocole ne contient pas de disposition similaire, mais la règle, va de soi : les Etats non membres d’un groupement restent tiers par rapport aux activités de celui-ci. L’article 1.2 du premier Protocole additionneI dispose à cet égard: « un accord de coopération transfrontalière — donc également un accord instituant un GEC —engage la seule responsabilité des collectivités ou autorités territoriales qui l'ont conclu ».

28. Règlement juridictionnel des litiges impliquant un GEC ou un GECT. — L’article 10 du Protocole contient les dispositions suivantes:

« 1. En cas de litige entre le GEC et ses membres, les tribunaux compétents sont ceux de l’Etat où le GEC a son siège.

2. En cas de litige entre le GEC et une tierce partie, les tribunaux compétents sont ceux de l’Etat dans lequel réside effectivement la tierce partie ou, dans le cas d’une personne morale, ceux de l’Etat dans lequel est situé l’un des établissements où elle exerce ses activités, sous réserve que ces Etats soient membres du Conseil de l’Europe. »


Au contraire, le système mis en place par l’article 15.2 du règlement donne compétence de manière générale aux juridictions de l’Etat du siège du GECT pour connaître des contestations qui mettent en cause le groupement, sans préjudice de l’application du droit communautaire concernant la compétence juridictionnelle [25].

L’article 10.2 du Protocole n’est pas compatible avec l’article 15.2 du règlement n° 1082/2006. En effet, la localisation de la résidence effective ou d’un siège d’activités du tiers en dehors de l’Etat où le GEC a son siège exclut automatiquement la compétence des juridictions de cet Etat, qui pourtant est la règle pour le règlement des différends auxquels est partie un GECT. Pour rendre l’application de cette disposition compatible avec le système du règlement, il faudrait prévoir dans les statuts une clause de juridiction cumulative ou alternative, donnant compétence à la fois aux juridictions de l’État dans lequel se trouve le siège du groupement et à celles de l’État où le tiers a sa résidence effective ou l’un de ses sièges d’activités.

En outre, l’article 10.2 du Protocole est lacunaire dans la mesure où il ne permet pas de déterminer quels seront les tribunaux compétents lorsque le tiers réside ou exerce ses activités dans un Etat qui n’est pas membre du Conseil de l’Europe.C’est la raison pour laquelle la deuxième disposition de l’article 10.3 du Protocole vise à compléter l’article 10.2 en imposant la conclusion préalable d’un accord d’arbitrage lorsque le tiers « ne réside pas ou n’a pas son siège dans un Etat membre du Conseil de l’Europe ». L’article 10.3 du Protocole permet en effet au GEC, aux collectivités ou autorités territoriales et aux autres personnes morales qui en font partie ainsi qu’aux tiers,de conclure à l’avance une convention d’arbitrage, nonobstant les recours juridictionnels existants [26].

L’article 10.4 du Protocole concerne une hypothèse qui n’est pas évoquée par le règlement. Il s’agit d’une délégation de mission ou d’un mandat particulier consenti au GEC par une ou plusieurs collectivités ou autorités territoriales qui en sont membres. En cas de litige suscité par ces activités, les tiers lésés peuvent s’adresser aux juridictions de l’Etat dont relèvent les collectivités ou autorités pour le compte desquelles le groupement a agi.

29. Contrôle de la légalité de la mise en œuvre des décisions d’un groupement par ses membres. — « Le GEC adopte des décisions et veille à leur mise en œuvre à l’égard des personnes physiques ou morales sous la juridiction des Etats dont ses membres relèvent et dans leur intérêt. Les membres adoptent ou facilitent toutes les mesures nécessaires relevant de leurs compétences en vue de garantir la mise en œuvre des décisions du GEC » (Protocole, art. 7.2). Le contrôle de la légalité de ces décisions d’exécution est prévu par le Protocole en son article 11.2, dont on a vu qu’il s’appliquait pareillement aux décisions de participation à la fondation d’un groupement ainsi qu’aux décisions d’adhésion ou de retrait (n° 13). À l’égard des mesures d’exécution prises par les membres du groupement, cette disposition se borne à réaffirmer la règle de l’article 6 du premier Protocole additionnel [27].

Quant au règlement, son article 15.3 garantit que la création d’un GECT ne porte pas atteinte à l’utilisation des voies de recours juridictionnels existant en vertu de la législation applicable aux tiers qui s’estiment lésés. Il implique de manière plus précise que les tiers qui s’estiment lésés conservent « l’exercice de leurs droits de recours constitutionnels nationaux » contre les membres de droit public du groupement pour ce qui concerne les trois points suivants:

a)    les décisions administratives « relatives aux activités qui sont menées par le GECT » [28];

b)    l’accès à des services dans leur propre langue;

c)    l’accès à l’information.

Les juridictions compétentes sont alors celles de « l’Etat dont la Constitution prévoit ledit droit de recours » (art. 15.3, al. 2).

L’article 10.5 du Protocole, qui garantit aussi l’accès à l’information et aux services dans la langue des administrés, est de portée plus générale que l’article 15.3 du règlement: il dispose que « dans tous les cas, les droits des personnes physiques et morales incluent le droit de saisir tous les organes et tribunaux compétents […] ». Il peut donc être interprété comme sauvegardant tous les droits de recours, tant administratifs que juridictionnels, qui pourraient être utilisés par les tiers aussi bien à l’encontre du GEC que de ses membres en vertu de toute législation existante.

On peut conclure de cette comparaison (nos 28 et 29) que le champ d’application de l’article 10.5 du Protocole englobe implicitement celui de l’article 15.3 du règlement et, partant, que le Protocole protège les droits des tiers davantage que le règlement.

30. Contrôle de la légalité des activités du groupement. — L’article 11 du Protocole, intitulé « surveillance et contrôle administratif et juridictionnel », dispose en ses deux premiers paragraphes que :

« 1         Les décisions et actes du GEC sont soumis à une surveillance et à un contrôle administratifs et juridictionnels de légalité identiques à ceux qui s’appliquent aux décisions et actes des collectivités ou autorités territoriales dans l’Etat où le GEC a son siège.

2           Le GEC est tenu de donner suite aux demandes d’information émanant des autorités des Etats auxquels les collectivités ou autorités territoriales appartiennent. Les autorités de contrôle des Parties s’efforcent d’établir les moyens appropriés de coordination et d’information. »


Le commentaire de ces dispositions dans le rapport explicatif indique qu’en réalité, le contrôle envisagé est « du même type » que celui qu’organise la législation de l’Etat dans lequel le GEC est établi non sur les collectivités ou autorités territoriales, mais sur toutes les « personnes juridiques » constituées selon le droit de cet Etat.

Quelle que soit l’interprétation retenue — toutes personnes juridiques soumises au droit de l’Etat du siège ou seulement entités territoriales —, la référence à ce type de contrôle ne permet pas de déterminer les règles de surveillance et de contrôle applicables dans l’hypothèse où un GEC comporte des membres relevant de différentes catégories de collectivités ou autorités territoriales [29]. Il faut donc considérer que la seule portée utile de l’article 11.1 est de désigner le droit de l’Etat du siège comme droit applicable au contrôle du groupement. L’article 6.2 du premier Protocole additionnel ne dit pas autre chose:

« Les actes pris par les organismes de coopération transfrontalière, créés en vertu d'un accord, sont soumis aux contrôles prévus par le droit de l'Etat du siège de l'organisme sans négliger par ailleurs les intérêts des collectivités ou autorités territoriales des autres Etats. […] » [30].

Le contrôle de légalité auquel il est fait référence de la sorte est tout simplement celui prévu par la législation applicable à la catégorie de personnes morales de l’Etat du siège dont fait partie le GEC, conformément à l’article 2.3 du Protocole, sans préjudice de dispositions particulières du Protocole et de ses dispositions nationales de mise en œuvre (voir n° 11).

Le Protocole contient une telle disposition dérogatoire au sujet du contrôle du respect de la compétence dévolue au GEC. Il s’agit de l’article 11.5 qui attribue à la juridiction ou à l’autorité compétente de l’Etat où le GEC a son siège, « sur demande d’une autorité compétente ayant un intérêt légitime », un contrôle de la conformité des activités du groupement aux règles déterminant l’objet et les missions de ce dernier. La juridiction ou l’autorité compétente peut ordonner la dissolution du GEC lorsqu'elle constate que celui-ci ne respecte plus ces exigences; elle « peut accorder un délai au GEC pour rectifier la situation », étant entendu que « si le GEC échoue dans le délai imparti, la dissolution peut être prononcée ».

Le règlement n° 1082/2006 n’envisage, à l’égard des activités du GECT, aucune modalité habituelle d’un contrôle administratif portant sur l’ensemble des actes de personnes de droit public décentralisées. On peut sans doute y voir un nouvel indice du caractère de droit privé attribué à la personnalité juridique du GECT (voir n° 21). Seul le contrôle financier a retenu l’attention du législateur de l’Union européenne (voir n° 32). L’article 14 du règlement y ajoute cependant un contrôle de légalité fort restreint, portant exclusivement sur la compétence du GECT. Il prévoit une possibilité de dissolution du groupement, selon une procédure identique à celle qu’évoque l’article 11.5 du Protocole, lorsque le groupement excède ses compétences, « en particulier, [lorsque] le GECT agit en dehors des tâches définies à l'article 7 ». La juridiction ou l’autorité compétente doit informer de toute demande de dissolution d’un GECT tous les Etats dont les membres du groupement relèvent.

31. Contrôle de la conformité des activités du groupement à l’ordre public et à l’intérêt général. — L’article 11.4 du Protocole organise un contrôle spécial en défense de l’intérêt général et de l’ordre public. Il prévoit de confier à l’« autorité ou l’organe compétent » de tout État membre un contrôle de conformité:

• à l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique ou la moralité publique de cet Etat ;

• à l’intérêt public (c’est-à-dire à l’intérêt général) au sein de cet État.

On suppose ici, par souci de simplification mais de façon approximative, que les mesures destinées à maintenir l’ordre public constituent une forme de contrôle d’opportunité analogue à celle qui sanctionnerait une mesure jugée contraire  à l’intérêt général.

Ce contrôle d’opportunité ou de conformité à l’ordre public permet d’interdire l’activité du GEC sur le territoire de l’Etat en question ou d’exiger le retrait des membres du groupement qui relèvent de la juridiction de cet Etat, « à moins que [le GEC] ne mette fin à l’activité en question ». Cependant, « de telles interdictions ne doivent pas constituer un moyen de restreindre de façon arbitraire ou déguisée la coopération entre les membres. Une autorité judiciaire peut réexaminer la décision de l’autorité ou de l’organe compétent » (Protocole, art. 11.4).

Le règlement, en son article 13, organise un contrôle identique à l’égard des GECT, qui peut aboutir à interdire l’activité du groupement sur le territoire national ou exiger le retrait des membres relevant de la juridiction de cet État. Ce sont les juridictions de l’Etat membre dont la décision est contestée qui sont compétentes pour contrôler la légalité de la décision de l’organisme de contrôle (art.  15.2, al. 2).

32. Contrôle financier du GEC ou du GECT. — Les deux systèmes de contrôle financier sont très semblables.

Selon l’article 12 du Protocole, « la gestion et l’exécution budgétaire du GEC font l’objet d’un audit financier conformément à la législation nationale de la Partie où il a son siège. […] Tout autre Etat impliqué, soit par la participation directe à un GEC, soit par la participation de ses collectivités ou autorités territoriales ou autres personnes morales […], peut, sur son territoire uniquement et conformément au droit national applicable, conduire un audit financier du GEC. LE GEC et l’Etat (les Etats) dont relèvent les membres en sont préalablement informés ».


Le contrôle de la gestion des fonds publics est le principal contrôle envisagé pour le GECT, ce qui s’explique par le fait que le règlement n° 1082/2006 a été conçu dans le cadre de la gestion des fonds structurels de l’Union européenne [31]. Il est assuré par les autorités compétentes de l'État membre où le GECT a son siège. Si la législation des autres États concernés le prévoit, les autorités compétentes de ceux-ci contrôlent les actes exécutés par le GECT sur leurs territoires respectifs et échangent toutes les informations appropriées. Tous les contrôles sont effectués conformément aux normes d'audit reconnues sur le plan international. En outre, lorsque la mission couvre des actions cofinancées par l’Union européenne, la législation pertinente en matière de contrôle des fonds communautaires est applicable (règlement, art. 6).

*  *  *

Comparaison générale du Protocole et du règlement

33. Le Protocole n° 3 a un champ d’application matériel plus vaste et plus diversifié que celui du règlement sur le GECT. L’objet que l’on peut assigner à un GEC est beaucoup plus large; il en va de même des tâches que l’on peut lui confier.

Le champ d’application territorial du Protocole correspond, en théorie, aux territoires des quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe, alors que le règlement n’est applicable que sur le territoire des Etats membres de l’Union européenne. Le Protocole permet donc de créer des GECs en dehors de toute participation d’Etats de l’Union et/ou de collectivités territoriales relevant de ces Etats.

34. De manière générale, on peut estimer que la formulation du Protocole n° 3 reflète mieux que le règlement 1082 le caractère de droit public des collectivités ou autorités territoriales qui forment la grande majorité des membres d’un groupement de coopération transfrontalière ou interterritoriale. Elle souligne mieux aussi le rôle prépondérant qui doit être reconnu aux représentants de ces entités territoriales en leur réservant la majorité des droits de vote au sein des organes d’un tel groupement. À l’opposé, le règlement ne précise pas la situation juridique des collectivités territoriales qui sont membres d’un GECT par rapport aux autres participants, et notamment par rapport à un Etat qui en ferait partie également.

35. Le Protocole offre la possibilité de constituer un GEC soit en personne morale de droit privé, soit en personne morale de droit public sous les diverses formes que prévoiront les législations internes de mise en œuvre. Le règlement, pour sa part, ne précise pas si un GECT peut être une personne morale de droit public, mais l’interdiction de lui attribuer des prérogatives de puissance publique indique sans ambiguïté qu’il ne peut s’agir que d’une personne morale de droit privé ou d’une personne morale de droit public fictive.


36. Le Protocole n° 3 peut satisfaire à la fois les Etats qui cherchent à se doter d’une législation aussi complète que possible dans le domaine de la coopération transfrontalière et interterritoriale et ceux qui, déjà dotés d’un ensemble développé de règles applicables en la matière, acceptent néanmoins d’insérer ce texte supplémentaire dans leur ordre juridique. D’un côté, le Protocole contient les règles de base du statut des GECs, obligatoires pour tous les Etats contractants et en tout point compatibles avec les règles qui régissent les GECTs [32], donc aussi avec les législations nationales de tous les Etats membres de l’Union qui ont été associés à l’élaboration du règlement n° 1082. D’un autre côté, l’annexe au Protocole procurera une réglementation plus complète qui pourra former, compléter ou remplacer le droit interne applicable aux GECs dans les Etats qui désirent disposer à l’avenir de lois spécifiques pour régir ces groupements sur leur territoire.

37. Dans l'ensemble, le Protocole est extrêmement proche du règlement 1082. Cela facilitera certainement son adoption par les Etats membres de l'Union européenne, mais cela limite dans une certaine mesure l’intérêt qu’il présente pour eux. Par contre, son intérêt pour les autres Etats membres du Conseil de l'Europe est patent. La parenté du régime organisé par le Protocole avec le régime du GECT offre à ces autres Etats le double avantage de pouvoir instaurer des GEC régis par un statut identique à celui des GECT de l’Union européenne et de les soumettre pour le surplus non pas obligatoirement au droit d’un Etat membre de l’Union européenne, mais à l’une de leurs législations nationales.

38. Les collectivités ou autorités territoriales désireuses de fonder une nouvelle Eurorégion ou tout autre organisme transfrontalier ou interterritorial trouveront les directives nécessaires à la rédaction de l’accord constitutif et des futurs statuts du groupement dans le Protocole n° 3 et dans les règles de l’annexe que les Etats concernés auront incorporées à leur législation nationale.

Quand l’intention des membres fondateurs sera de créer un GEC qui soit ou pourrait être en même temps un GECT, ils pourront prendre appui sur le Protocole n° 3 qui est entièrement compatible avec les dispositions du règlement n° 1082/2006 ; ils pourront recourir également à l’annexe du Protocole, mais devront en outre respecter les quelques dispositions du règlement qui ne se retrouvent pas dans le Protocole.

Si, au contraire, l’intention des membres fondateurs est de se départir du « modèle GECT » — que ce soit pour mettre en œuvre des programmes ou des projets de coopération territoriale cofinancés par l’Union européenne ou pour toute autre action de coopération transfrontalière ou interterritoriale —, l’éventail de possibilités qui leur sera ouvert par le Protocole sera d’autant plus vaste que les Etats dont ils relèvent auront choisi d’introduire dans leur ordre juridique un plus grand nombre d’alternatives proposées dans l’annexe.


Dans les deux cas, les Etats Parties qui possèdent déjà un dispositif législatif propre — ou conventionnel international —en matière de coopération transfrontalière et interterritoriale pourront se contenter du seul socle normatif fourni par le Protocole en le combinant à ce dispositif.

39. Avantages de diverses dispositions du Protocole.

• Le Protocole combine l’accord constitutif du groupement et ses statuts, éliminant ainsi les difficultés de délimitation entre le domaine de l’un et celui de l’autre, qui ont été rencontrées dans les créations de GECTs.

• Il permet d’interdire à certaines catégories de collectivités ou autorités territoriales de participer à des GECs.

• Il protège l’emploi des langues régionales ou minoritaires au sein du GEC.

• Il autorise la création d’un GEC sans que le champ de compétence de chaque membre doive couvrir l’ensemble des missions confiées au groupement.

• Il prescrit que les organes du GEC soient responsables des illégalités qu’ils commettent vis-à-vis du groupement et que celui-ci soit responsable de ces illégalités vis-à-vis de ses membres.

• Il organise de manière plus équitable que le règlement 1082 la compétence juridictionnelle relative aux litiges opposant un GEC ou ses membres à des tiers ; il permet aussi l’arbitrage.

40. Avantages de l’Annexe.

L’annexe contiendra des règles facultatives mais détaillées, qui ne seront pas en contradiction avec celles du règlement n° 1082/2006. Pour les Etats dont la législation n’est pas suffisamment développée dans le domaine de la coopération transfrontalière ou interterritoriale, l’introduction de tout ou partie de ces dispositions dans leur droit interne permettra la mise en œuvre effective non seulement du Protocole n° 3, mais aussi du règlement n° 1082. C’est dire qu’elle permettra non seulement la création de GECs, mais aussi de… GECTs.

• L’utilité principale de l’annexe tiendra cependant à ce que les règles qu’elle proposera auront trait à diverses formes de GEC, de droit privé comme de droit public. L’incorporation de ces dispositions dans le droit interne donnera une législation appropriée aux Etats qui en sont partiellement dépourvus.

• L’annexe pourra, dans le respect du Protocole, proposer des solutions précises quant au droit applicable au statut du personnel d’un GEC ou aux marchés publics exécutés dans un autre Etat que celui du siège.

• L’annexe pourra proposer des solutions plus souples que le règlement, par exemple en ne donnant pas le statut d’organe au directeur du groupement.



[1]           Doc. LR-CT (2004)15, du 12 juillet 2004.

[2]           Doc. CDLR (2006)17, du 27 avril 2006 ; texte reproduit dans Vers un droit commun de la coopération transfrontalière, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 213-248.

[3]           Doc. LR-CT (2007)8, du 18 juin 2007.

[4]           Sur l’évolution du dossier au cours des deux premières périodes, voir Y. Lejeune, « L’apport du Conseil de l’Europe à l’élaboration d’un droit commun de la coopération transfrontalière », dans Vers un droit commun de la coopération transfrontalière, p. 119-146, ici p. 131-140.

[5]           Les Eurorégions sont des structures de coopération entre autorités régionales ou locales ou entre groupements d’autorités régionales ou locales, qui s’intéressent à l’ensemble des questions de voisinage relevant de la compétence des partenaires. Quand elles se bornent à les étudier et à suggérer l’adoption de mesures coordonnées, ce ne sont que des structures de concertation générale, dépourvues parfois de la personnalité juridique.  En revanche, quand elles sont en mesure de contribuer au développement régional de manière opérationnelle, elles pratiquent la coopération transfrontalière sous le couvert d’une personnalité juridique propre et sont alors appelées à concevoir, gérer et mettre en œuvre des programmes de développement intégré, sous la surveillance des Etats et avec le soutien financier, le cas échéant, des fonds structurels de l’Union européenne.

[6]           Voir l’article 18 du règlement.

[7]           Voir le projet de conclusions du Comité des Régions sur la consultation relative à la révision du règlement n° 1082.

[8]           Auquel renvoie l’article 3, § 1er, d) du règlement n° 1082/2006. Voir ci-dessous.

[9]           Directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, art. 1er, § 9, 2e alinéa. De telles personnes de droit privé sont donc des « pouvoirs adjudicateurs » au sens de la directive, tout comme les Etats, leurs collectivités publiques et leurs organismes publics.

[10]          Protocole n° 3, art. 3.2.

[11]          La « coopération territoriale européenne » apparaît, à tout le moins pour la période 2007-2013, comme l’un des trois objectifs de la politique de cohésion de l’Union européenne, poursuivis à l’intervention des Fonds structurels et du Fonds de cohésion  (règlement n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le FEDER, le FSE et le Fonds de cohésion [J.O.U.E. L 210 du 31 juillet 2006, p. 25], considérants 4 et 9).

[12]          Les Etats dont la législation nationale ne connaît pas, ou ne connaît pas dans tous les cas, l’une ou l’autre procédure citée par cette disposition peuvent en faire la déclaration officielle en vertu de l’article 4.6 du Protocole.

[13]          Il convient de comprendre : « lorsque cette participation paraît à la Partie concernée contraire à l’intérêt général ou à l’ordre public ».

[14]          La Convention-cadre de Madrid prévoit déjà que « les accords et arrangements seront conclus [...] dans le respect des règles de contrôle ou de tutelle auxquelles sont soumises les collectivités ou autorités territoriales » (art. 3.4).

[15]          La « reconnaissance mutuelle » visée au f) de l’article 8.2 du règlement est un concept obscur. Serait-ce la capacité juridique du GECT dans les Etats autres que celui du siège qui serait visée ?

[16]          Le droit applicable aux points devant figurer dans les statuts est le plus souvent le droit de l’Etat du siège. Il peut être le droit d’un autre Etat dont relèvent certains membres du GEC, lorsque le Protocole le permet ou l’impose.

[17]          J.O.U.E. L 210 du 31 juillet 2006, p. 1, ici p. 5.

[18]          Voir les actes de la Journée d’information et d’échanges sur le groupement européen de coopération territoriale, Metz, 16 novembre 2006, p. 19, disponible sur le site de la Mission opérationnelle transfrontalière <http://www.espaces-transfrontaliers.org>.

[19]          Nonobstant la rédaction restrictive de l’article 7 du règlement, certains estiment que les Etats dont relèvent les membres potentiels d’un GECT pourraient adopter une interprétation large de cette disposition, afin de permettre la constitution d’un groupement dont les membres ne disposeraient que de compétences « contiguës » (actes de la Journée d’information et d’échanges sur le groupement européen de coopération territoriale, Metz, 16 novembre 2006, p. 31, disponible sur le site de la Mission opérationnelle transfrontalière <http://www.espaces-transfrontaliers.org>. Contra : N. Levrat (dir.), Le Groupement européen de coopération territoriale — GECT —, p. 145.

[20]          En ce sens, voir l’article 15, § 2, de l’avant-projet de loi uniforme : doc. CDLR (2006)17, du 27 avril 2006.

[21]          Ceci est confirmé par le considérant 13 du préambule du règlement : « […] les pouvoirs qu’une collectivité régionale ou locale exerce en tant que puissance publique […] ne peuvent faire l’objet d’une convention » portant création d’un GECT.

[22]          Dans la version anglaise : « to empower one of the members to execute its tasks ».

[23]          Ici également, il faut supposer qu’il s’agit non seulement de la loi de l’Etat du siège, combinée avec les dispositions du Protocole et des statuts du groupement, mais aussi des lois des Etats dont relèvent ses membres dans la mesure où elles lui sont applicables.

[24]          Voir en effet la version anglaise de cette disposition : « No financial liability shall arise for Member States on account of this Regulation in relation to an EGTC of which they are not a member. »

[25]          Règles contenues dans le chapitre 2 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (J.O.U.E. L 12 du 16 janvier 2001, p. 1). — C’est notamment pour permettre l’application de ce règlement n ° 44/2001 que l’article 2, § 1er, 2e alinéa du règlement 1082/2006 dispose : « lorsqu'il est nécessaire, en vertu du droit communautaire ou du droit international privé, de définir le droit qui régit les actes d'un GECT, le GECT est traité comme une entité de l'Etat membre où il a son siège ».

[26]          Le règlement n’offre pas cette possibilité.

[27]          Le premier Protocole additionnel dispose que « les actes pris par les collectivités ou autorités territoriales, en vertu d'un accord de coopération transfrontalière, sont soumis aux mêmes contrôles que ceux prévus par le droit de chaque Partie contractante sur les actes des collectivités ou autorités territoriales qui ont conclu l'accord » (art. 6.1).

[28]          Puisque le GECT ne dispose pas de « l’exercice de pouvoirs conférés par le droit public », les « décisions administratives relatives à ses activités » ne sont pas les siennes, mais celles de chacun de ses membres qui assurent la mise en œuvre des délibérations de ses organes.

[29]          Par exemple, lorsque le GEC comporte des communes, des départements et des organismes intercommunaux soumis à des règles de surveillance et de contrôle différentes dans le même Etat Partie.

[30]          La seconde phrase de l’article 6.2 du premier Protocole additionnel a très étroitement inspiré la rédaction de l’article 11.2 du Protocole n° 3 : « l'organisme de coopération transfrontalière doit satisfaire aux demandes d'information émanant des autorités des Etats dont relèvent les collectivités ou autorités territoriales. Les autorités de contrôle des Parties contractantes recherchent les moyens d'une coordination et d'une information appropriées ».

[31]          En ce sens : N. Levrat (dir.), Le Groupement européen de coopération territoriale : GECT —étude réalisée par le GEPE pour le compte du Comité des Régions, p. 116.

[32]          « Compatible » ne signifie pas « identique ». Les normes que contient la première Partie du Protocole offrent une plus grande variété de choix que le règlement, tout en permettant d’opter pour une formule quasi identique à celle du GECT.