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Strasbourg, le 12 juin 2014                                                                                           

GT-TD(2014)2

   Point 4 sur l’ordre du jour

 

COMITE EUROPEEN SUR LA DEMOCRATIE ET LA GOUVERNANCE

(CDDG)


GROUPE DE TRAVAIL POUR LA PREPARATION
D’UN TEXTE DE REFERENCE SUR LA DEMOCRATIE

(GT-TD)

DOCUMENT D’ORIENTATION POUR LA PREPARATION
D’UNE ETUDE DE FAISABILITE SUR UN EVENTUEL TEXTE DE REFERENCE SUR LA DEMOCRATIE

Note du Secrétariat

établie par la

Direction de la gouvernance démocratique

Service des institutions et de la gouvernance démocratiques

________________________________________________

This document is public. It will not be distributed at the meeting. Please bring this copy.

Ce document est public. Il ne sera pas distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire


Introduction

 

Le document d’orientation qui suit vise à fournir au Groupe de travail quelques premières réflexions sur les différents éléments inclus dans le mandat donné au CDDG par le Comité des Ministres (GT-TD(2014)1). Les membres du Groupe de travail sont invités à examiner les réflexions développées dans le document d’orientation comme une contribution à l'identification des considérations qui seront développées dans le document exhaustif du  Secrétariat et l’avant-projet de l’avis qui devra être adopté par le CDDG.

Action requise

Les membres du Groupe de travail sont invités à discuter des éléments du mandat à la lumière du document d’orientation ci-après.


DOCUMENT D’ORIENTATION
POUR LA PREPARATION D’UNE ETUDE DE FAISABILITE
SUR UN EVENTUEL TEXTE DE REFERENCE SUR LA DEMOCRATIE

1. Le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) est chargé par le Comité des Ministres, entre autres, de la mission suivante :

« Sur la base d’un document exhaustif du Secrétariat, conseiller le Comité des Ministres sur la nécessité, l’objectif, la portée, la faisabilité et les implications en termes budgétaires et de charge de travail de la préparation d’un texte de référence qui rassemblerait les principes et les normes de la démocratie en vigueur, destinés à des fins de programmation et, si l’avis est positif et si le Comité des Ministres est d’accord, préparer un tel projet de texte de référence ».

Lors de sa 1ère réunion (Strasbourg, 3-4 avril 2014), le CDDG a décidé de créer un groupe de travail chargé de contribuer à la mise en œuvre de cette mission en élaborant un projet d’étude de faisabilité reprenant l’ensemble des éléments énumérés dans le mandat du CDDG. Ledit groupe de travail se réunira le 19 juin 2014 pour examiner les points précités ainsi que toutes les questions susceptibles de se poser. Il devra ensuite concevoir un projet d’étude de faisabilité portant sur ces points et préparer un avant-projet d’avis, qui sera soumis au CDDG pour examen et adoption en novembre 2014.

2. C’est dans ce cadre que l’auteur[1] a été chargé par le Conseil de l’Europe de préparer un document d’orientation étayé, qui servira de base à l’élaboration d’un projet d’étude de faisabilité et alimentera les échanges du groupe de travail. Ce document vise à examiner l’ensemble des aspects conceptuels et méthodologiques ainsi qu’à présenter les pistes proposées pour l’élaboration d’un texte de référence sur la démocratie.


Quelques réflexions sur la terminologie et les concepts relatifs à la démocratie

3. Le présent document vise tout d’abord à analyser les deux concepts distincts de la démocratie («... texte de référence … sur la démocratie ...»). En effet, que ce soit au Conseil de l’Europe ou dans d’autres organisations internationales (voir, par exemple, Boutros Boutros-Ghali, Agenda for democratization, Organisation des Nations Unies, 1996), la démocratie est définie par deux concepts fondamentaux : la démocratie dans l’idéal et la démocratie dans la pratique. Si le premier désigne la démocratie parfaite (la démocratie souhaitable), le second représente la situation actuelle de la gouvernance démocratique (la démocratie effective). Conscient de cette différence, dans son récent rapport intitulé «Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe » [mai 2014, SG (2014)1], le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe établit une distinction entre la « culture démocratique » et les « institutions démocratiques », tandis que dans son Programme d’action pour la démocratisation, l’ex-Secrétaire général de l’ONU distinguait la «société démocratique » du « droit à une gouvernance démocratique ». Fait caractéristique, dans son rapport final d’activité de 1996, le groupe de projet « Droits de l’homme et démocratie véritable » (CAHDD) faisait remarquer que « tant dans le Statut du Conseil de l'Europe que dans le Préambule de la Convention européenne des droits de l’homme sont mentionnés les concepts de « démocratie véritable » et de « démocratie effective »...».

4. Les deux concepts soulèvent une série de questions. Néanmoins, le Comité des Ministres ne semble en avoir adopté aucun : aux termes de son mandat, le CDDG doit conseiller le Comité sur la faisabilité « d’un texte de référence qui rassemblerait les principes et les normes de la démocratie en vigueur ». En d’autres termes, le Comité des Ministres a demandé au CDDG d’expliciter les deux concepts de la démocratie, à savoir celui de la démocratie « souhaitable » et celui de la démocratie « réelle » à la condition qu’ils soient «en vigueur ». Toutefois, la difficulté subsiste : « en vigueur » où ? Dans le contexte de l’ONU et du Conseil de l’Europe ? Dans celui des institutions européennes (Conseil de l’Europe, Union européenne et Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ? Ou encore dans celui du Conseil de l’Europe et de ses Etats membres ?  Avant de répondre à cette question, il serait très utile de préciser le sens et la distinction, si distinction il y a, entre les « principes de la démocratie » et les « normes de la démocratie » dans l’ordre juridique du Conseil de l’Europe, car – est c’est un point très important – le CDDG a été mandaté par le Comité des Ministres, qui est un organe statutaire du Conseil de l’Europe. 


5. Il est incontestable que le Statut du Conseil de l’Europe (1949) est plus éloquent et fait davantage foi pour ce qui est de la volonté des Etats fondateurs. Aux termes de ce texte fondamental, la démocratie est, avec la prééminence du droit et la jouissance de droits de l’homme et de libertés fondamentales, l’un des trois grands principes de l’Organisation. Par conséquent, l’adhésion à ces trois principes reste une condition incontournable pour les pays tiers qui souhaitent devenir membres du Conseil de l’Europe ou simplement des pays observateurs. Par ailleurs, le préambule du Statut du Conseil de l’Europe spécifie que la démocratie (« véritable ») repose sur trois principes, à savoir la prééminence du droit ainsi que la liberté individuelle et la liberté politique. En outre, si « les principes sur lesquels se fonde toute démocratie véritable (Statut de 1949, 3e alinéa du préambule) sont la prééminence du droit, la liberté individuelle et la liberté politique, il semble que le principe de la démocratie (effective) et les principes des droits de l’homme et de la prééminence du droit sont les critères déterminants pour l’adhésion au Conseil de l’Europe. Au vu de ce qui précède et compte tenu de la distinction établie entre une démocratie parfaite et une démocratie effective (ou entre une démocratie véritable et une démocratie réelle), on peut considérer, pour les besoins du présent document, que les principes sont les valeurs d’une démocratie parfaite, les valeurs partagées par les Etats membres du Conseil de l’Europe (« le patrimoine commun », 3e  alinéa du préambule du Statut). A l’inverse, les normes de la démocratie forment le dénominateur commun de la gouvernance démocratique (démocratie effective), les conditions minimums à remplir pour devenir membre du Conseil de l’Europe.

6. Ainsi, si l’on revient à la question des « principes et normes de la démocratie en vigueur», on peut conclure que notre raisonnement ne s’applique pas aux Nations Unies, étant donné que, c’est bien connu, le mot de démocratie ne figure pas dans la Charte des Nations Unies. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une composante du « patrimoine commun » ni d’une condition à l’adhésion de nouveaux Etats à l’ONU. Par contre, comme les 28 Etats membres de l’Union européenne sont déjà membres du Conseil de l’Europe, on peut considérer que ces deux organisations internationales ont une approche similaire. Il n’en va pas de même pour l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, étant donné que ses Etats membres ne sont pas tous membres du Conseil de l’Europe et que, plus important, cette organisation internationale semble avoir adopté une seule acception de la démocratie, celle de la « démocratie souhaitable ».

7. Les éléments ci-dessus ne sont pas suffisants pour dresser une liste des principes et normes démocratiques fondamentaux admis par le Conseil de l’Europe et encore moins pour en donner une définition. Ils donnent tout au plus des indications indirectes sur ce que recouvre la démocratie, en identifiant (seulement) certains domaines d’activité du Conseil de l’Europe jugés pertinents et importants en matière de démocratie. Pour autant, quelques premières conclusions peuvent être tirées sur la manière dont le Conseil de l’Europe conçoit la démocratie :


a)    les principes de la démocratie sont les valeurs partagées par les Etats membres, le «patrimoine commun ». Ils matérialisent l’objectif central du Conseil de l’Europe, à savoir la réalisation d’une démocratie idéale. En théorie, ils se retrouvent dans tous les textes adoptés ou approuvés par des organes du Conseil de l’Europe. En pratique, un seul texte, le Statut, donne des indications précises sur leur fonction ;

b) les normes de la démocratie représentent le dénominateur commun minimum de la gouvernance démocratique. Elles figurent dans les textes adoptés ou approuvés par le Comité des Ministres, tels que les traités, les recommandations et les résolutions du Conseil de l’Europe, les résolutions de l’Assemblée et du Congrès, les rapports et conclusions préparés par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, les textes adoptés par la Commission de Venise, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres sources pertinentes ;

c) la démocratie semble aussi être à la fois une valeur et un domaine d’activité particulier du Conseil de l’Europe ; elle fait partie du patrimoine commun et d’un avenir commun, mais constitue aussi un domaine d’action du Conseil de l’Europe, que ce soit pour vérifier le respect des normes par les Etats membres ou pour travailler avec les Etats membres à la réalisation d’une démocratie parfaite.

A propos d’un « texte de référence »

8. Les conclusions précitées pourraient apporter quelques réponses aux questions ci-après concernant la mission confiée par le Comité des Ministres au CDDG, à savoir le conseiller sur la nécessité, l’objectif, la portée, la faisabilité et les implications en termes budgétaires et de charge de travail de la préparation d’un texte de référence qui rassemblerait « les principes et les normes de la démocratie en vigueur ». Par contre, avant de répondre à ces questions méthodologiques, nous devrions d’abord préciser un point concernant le « texte de référence ». Qu’est-ce qu’un texte de référence ? S’agit-il d’une série complète de garanties démocratiques ou d’une compilation de principes et de normes déjà adoptés par les organes du Conseil de l’Europe ? La réponse à cette question ne peut être catégorique. Le mandat confié par le Comité des Ministres ne précise pas laquelle des deux options ci-dessus doit être prise en considération pour la préparation du « texte de référence ». Il est évident que dans la première option, le texte de référence est lié au concept de «démocratie parfaite », tandis que dans la deuxième, il a trait à la « démocratie effective ». Dans le premier cas, la rédaction d’un « texte de référence » exige un travail original, accompli par un organe statutaire du Conseil de l’Europe. Le texte en question énoncera l’ensemble des principes sur lesquels la démocratie est idéalement fondée. A l’inverse, la préparation d’une compilation des principes et des normes déjà adoptés est un travail scientifique (et pas nécessairement politique) relativement simple, qui ne nécessite pas la participation active d’un organe statutaire du Conseil de l’Europe. C’est l’analyse de la nécessité, de l’objectif, de la portée et de la faisabilité d’un tel texte de référence qui déterminera laquelle des deux options prévaudra ou si, au final, les deux options seront choisies.

9. Le terme de « démocratie » a été systématiquement employé dans les principaux documents politiques du Conseil de l’Europe, tout comme dans un grand nombre d’instruments juridiques tels que les conventions et les recommandations. Les trois Sommets des Chefs d’Etat et de Gouvernement ont donné lieu à des déclarations et à des plans d’action soulignant l’importance de la démocratie en tant que composante centrale de la mission du Conseil de l’Europe. Ces documents donnent tout au plus des indications indirectes sur ce que recouvre la démocratie, en identifiant (seulement) certains domaines d’activité du Conseil de l’Europe jugés pertinents et importants en matière de démocratie. Il serait faux de considérer, par exemple, que l’ensemble des activités du Conseil de l’Europe ayant trait à la démocratie entrent dans le cadre des activités de la DGII-Démocratie ou que les activités de la DGII-Démocratie se limitent à des activités en lien avec la démocratie. L’exercice difficile consistant à traduire des valeurs communes sous forme d’activités opérationnelles destinées à sauvegarder et promouvoir la démocratie dans et entre les Etats membres sera probablement largement facilité par un texte de référence commun.

10. Concernant la nécessité d’un texte de référence regroupant les principes et les normes de la démocratie, l’exercice consisterait à réunir dans un – seul – texte de référence moderne les normes de la démocratie. Ce texte aura un usage interne : il servira de guide pour les futures activités de la DGII-Démocratie mais aussi de compilation des normes de la démocratie à utiliser par le Conseil de l’Europe en général.

11. C’est au Comité des Ministres qu’il reviendrait de fixer la portée d’un texte de référence. Le CDDG pourrait étudier l’intérêt (la nécessité) éventuel d’un document énonçant les principes de la démocratie (à adopter par le Comité des Ministres), destiné à servir de « feuille de route » pour les futures adhésions au Conseil de l’Europe mais aussi de support pour dialoguer avec les démocraties émergentes dans d’autres régions.

12. S’agissant de la faisabilité de la préparation d’un texte de référence, il sera indispensable d’évaluer les ressources humaines et financières nécessaires. Le Secrétariat peut établir des estimations sur la base des options présentées dans le projet d’avis sur la nécessité, la faisabilité et l’objectif d’un éventuel texte de référence.

Conclusion

13. En conclusion, les deux versions de la démocratie, à savoir celle de la démocratie véritable (parfaite) et celle de la démocratie effective (réelle), sont établies dans le Statut du Conseil de l’Europe et reprises dans les principaux documents politiques du Conseil de l’Europe. La première concerne les principes-valeurs de la démocratie, tandis que la seconde réunit les normes communes de la démocratie appliquées dans les 47 Etats membres. Par contre, il n’existe aucun texte de référence que ce soit pour l’une ou l’autre de ces deux versions. L’élaboration d’un texte de référence rassemblant les principes et les normes de la démocratie fournira, en particulier, un guide essentiel pour les futures activités de la DGII-Démocratie.



[1] M Yannis Ktistakis, Professeur assistant de droit international public, Université Démocrite de Thrace (Komotini, Grèce) & Université du Bosphore (Istanbul, Turquie).