5ème conférence des bassins de la Méditerranée et de la mer noire - CPR (6) 6 Partie II

Rapporteur : M. Buldanli (Turquie)

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EXPOSE DES MOTIFS

INTRODUCTION

Sous l’impulsion conjointe du Congrès et de l’Assemblée parlementaire, le Conseil de l’Europe a voulu marquer, dès 1985, date de la première conférence des régions méditerranéennes, son engagement en faveur du partenariat euro-méditerranéen. Pour l’Organisation, il s’agissait ainsi d’approfondir un dialogue déjà initié avec les pays méditerranéens non membres et de rechercher notamment les bases d’une coopération renouvelée dans la région. Les cinq conférences des régions méditerranéennes, aujourd’hui élargies à la mer Noire, ont donc nourri l’ambition de favoriser et d’institutionnaliser un partenariat euro-méditerranéen dont les villes, les régions et les parlements seraient les maîtres d’oeuvre.

Dans ce contexte, il est compréhensible que ces conférences aient privilégié les thèmes de développement durable, de démocratie locale et régionale et de paix dans la région comme axes prioritaires d’un tel partenariat. En effet, ces thèmes sont, ou doivent en tout cas être, au coeur de l’action des collectivités locales et régionales et des instances parlementaires des pays riverains de la Méditerranée et de la mer Noire. Leur prise en compte effective, par ces acteurs plus proches des citoyens et de leurs besoins de développement, conditionne le devenir même des sociétés des deux bassins.

Les cinq conférences des régions méditerranéennes et de la Mer Noire ont été à la hauteur de leurs ambitions. Elles ont ouvert la voie à une coopération de ville à ville, de région à région et, plus largement, de communauté à communauté. Le dialogue entre les rives de la Méditerranée et de la mer Noire est désormais solidement établi. Mais comment traduire une volonté incontestable de coopération en un engagement concret et permanent des villes, des régions et des parlements à inscrire les principes de développement durable, de démocratie locale et régionale et de paix au centre de leurs préoccupations ?

C’est à cette nécessité que la 5ème Conférence des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire, tenue les 25-27 février 1999 à Marmaris (Turquie) a voulu répondre. Cette conférence, à laquelle d’importantes délégations des pays méditerranéens non membres ont participé, avait en effet pour principal objectif d’offrir une structure d’action à la coopération des collectivités locales, régionales et des instances parlementaires des pays riverains des deux bassins. C’est ainsi que, dans ses conclusions, le Groupe de travail chargé de la préparation de la 5ème Conférence invite le Congrès et l’Assemblée parlementaire à préparer, en association étroite avec les pays partenaires méditerranéens, non membres du Conseil de l’Europe, une Charte du développement durable des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire. Par une telle Charte, les parlements nationaux, les villes et les régions de tous les pays concernés marqueraient leur volonté de s’engager dans une coopération accrue, ainsi que leur adhésion à des principes directeurs qui devraient les guider dans leurs interventions susceptibles d’agir sur l’équilibre écologique des deux bassins.

Le présent rapport rend fidèlement compte des interventions et débats tenus lors de la 5ème Conférence et de ses trois séances de travail sur la coopération interparlementaire, la coopération interrégionale et le développement durable dans les bassins de la Méditerranée et de la mer Noire. Le rapporteur souhaite remercier M. Adda BEKKOUCHE, expert chargé de l’élaboration de ce rapport, pour la qualité de son travail.

Le rapporteur souhaite néanmoins exprimer une réserve quant à certains termes figurant dans le paragraphe 6(a) du projet de Recommandation sur la 5ème Conférence des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire ainsi que dans le paragraphe 10 des conclusions élaborées par le Groupe de travail chargé de la préparation de la 5ème Conférence (annexées au projet de Recommandation). Le rapporteur souligne qu’il est en désaccord avec les termes “[…] les détroits et la mer de Marmara” et que la dénomination pour laquelle il marque son assentiment est la suivante : “[…] les détroits d’Istanbul et de Çanakkale et la mer de Marmara”. Le rapporteur souhaite faire valoir que les termes de “détroits d’Istanbul et de Çanakkale” sont ceux utilisés dans les documents de l’Organisation des Nations unies.

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RAPPORT

L’initiative d’organiser la 5ème Conférence des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire, ayant pour thème « La coopération interparlementaire et interrégionale pour la paix, la stabilité démocratique et le développement durable », revient conjointement au Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe (CPLRE) et à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des pouvoirs locaux). Cette Conférence s’est tenue à Marmaris (Turquie), les 25 et 26 février 1999. La veille de la Conférence, a également eu lieu un séminaire sur la coopération interrégionale et intermunicipale en matière de formation des élus locaux et des personnels des collectivités territoriales, organisé par le groupe de travail du CPLRE sur la coopération euro-méditerranéenne en matière de démocratie locale.

L’objet de la Conférence est le renforcement du processus de coopération entre les pays membres du Conseil de l’Europe et les pays méditerranéens non membres dans les domaines du développement durable, de la paix et de la stabilité démocratique, en particulier aux niveaux interparlementaire et des collectivités locales et régionales de ces pays.

La Conférence s’est caractérisée par la densité des contributions et la représentation de la presque totalité des pays riverains des deux bassins. Les quelques 250 participants ont fait une cinquantaine de contributions écrites et orales, nourries, par ailleurs, par une solide documentation de base .

Avant de présenter les propositions et les conclusions générales, qui sont fondées sur les éléments contenus dans les documents préparés par les intervenants ou formulés lors des discussions, je voudrais présenter un compte rendu succinct des principaux points qui ont été abordés lors des cinq séances qui ont rythmé cette manifestation.

Séance d’ouverture :

Allocutions d’ouverture

Dès la séance d’ouverture, M. Janos PERENYI, en qualité de Président des Délégués des Ministres du Conseil de l’Europe, a voulu livrer un message. A cet effet, il a rappelé que l’Europe, dans sa construction, doit être ouverte, notamment en développant la coopération entre collectivités territoriales frontalières. M. Perenyi a également souligné que le Conseil de l’Europe s’appuie sur trois trois piliers : les parlements, les gouvernements et les pouvoirs locaux et régionaux, ce qui inscrit l’institution dans un processus dynamique de consolidation de la démocratie à tous les niveaux de décision.

Il ajoute que pour la Présidence, hongroise, c’est une grande satisfaction de voir cette conférence élargie à la mer Noire. En effet, outre la Méditerranée, d’autres régions sont très importantes pour l’Europe. C’est le cas, entre autres, du Danube qui est une voie de communication et d’échanges très importante pour le continent européen.

L’enjeu des efforts mis en oeuvre est de préserver la paix et d’assurer la stabilité démocratique des pays qui font partie de l’Europe et de ses régions voisines. Cela fait des années que la Bulgarie a rejoint la Turquie en tant que pays de la mer Noire, au Conseil de l’Europe. Bientôt la Géorgie y sera accueillie, car elle a été acceptée à l’unanimité des membres de l’Assemblée Parlementaire, en janvier 1999. L’orateur espère que les prochains membres seront l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il espère également que Israéliens et Palestiniens se réconcilient. C’est tout l’objet de la résolution 923 qui vise à rétablir la confiance mutuelle entre ces peuples.

Il estime que le défi principal au nord de la Méditerranée est d’apaiser les conflits qu’elle abrite. C’est tout le sens du travail mené par les instances du Conseil de l’Europe auprès du Secrétaire Général de l’ONU et de l’OSCE. Dans cette même perspective, ces instances ont décidé de mettre sur pied un programme de coopération interrégional en Europe du sud-est. C'est tout le sens des rencontres de Crête et d’Antalya en 1997.

Enfin, en dépit de la gravité des conflits latents ou déclarés en Europe, il est du devoir du Conseil de l’Europe de ne pas oublier la rive sud de la Méditerranée. Il appartient donc à cette institution de prendre en considération les effets de la mondialisation pour que l’écart entre pays pauvres et pays riches ne se creuse encore. A cet effet, des initiatives seront prises pour sensibiliser les citoyens des pays concernés sur l’interdépendance des régions méditerranéennes et de la mer Noire, la question de la pauvreté et la protection de l’environnement notamment dans le cadre de la nouvelle Campagne du Conseil de l’Europe, intitulée « Campagne pour l’interdépendance et la solidarité mondiales : l’Europe contre la pauvreté et l’exclusion sociale ». Cette campagne aura une signification particulière. La résolution 1181 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur l’interdépendance, qui vient d’être adoptée, encourage la création de comités nationaux œuvrant dans le cadre de cette campagne.

M. Alain CHENARD, président du CPLRE, pose d’emblée la question de la capacité du Conseil de l’Europe, et notamment du Congrès, à aider les villes d’Israël et de Palestine à travailler ensemble, ainsi que les collectivités territoriales de la Méditerranée et de la mer Noire à plus et mieux coopérer. En raison de la modestie des actions menées, il pense que ceci serait peut-être dû à la jeunesse de la conscience méditerranéenne. Pourtant, en ne citant que les exemples de l’Algérie ou la Palestine, la nécessité d’une coopération plus forte s’impose. De ce fait, l’Europe doit renouveler son partenariat pour la prospérité et la paix en Méditerranée. Au sein du Conseil de l’Europe, avec le CPLRE, tout est mis en œuvre pour cet objectif. L’Union des Pouvoirs Locaux d’Israël jouit du statut d’observateur auprès du Congrès (depuis 1962) et il en est de même pour l’Organisation des Villes Arabes (depuis 1996).

Ces conférences ont pour objet de développer une coopération directe entre les pouvoirs locaux et régionaux des deux bassins. En 1993, lors de la troisième conférence, la nécessité de développer plus particulièrement une telle coopération décentralisée euro-méditerranéenne fut admise. Celle-ci n’amène-t-elle pas un partenariat plus direct, plus rapide et plus proche des citoyens ? Les villes riveraines des deux mers ne partagent-elles pas les mêmes problèmes ? Pour toutes ces raisons, le CPLRE attache beaucoup d’attention au partenariat relatif à la décentralisation et à l’autonomie locale. C’est tout l’intérêt de la création en 1997 du groupe de travail sur la coopération euro-méditerranéenne en matière de démocratie locale dont la mission est de traiter de la coopération décentralisée et de l’autonomie locale dans les pays méditerranéens non membres du Conseil de l’Europe. A ce propos, ce groupe a tenu à Marmaris, la veille de la Conférence, son premier séminaire thématique sur la formation des élus locaux et des personnels municipaux en Méditerranée, qui a été un succès par la richesse des débats et les propositions d’actions de suivi auxquelles il a donné lieu.

Maintenant, il faut apprendre à se connaître, déclare l’orateur, afin que la volonté commune s’exprime plus concrètement. Ensuite, il appartiendra à tous d’agir pour obtenir des moyens en vue de réaliser ces objectifs. C’est dans ce cadre que l’élaboration d’un projet de Charte du développement durable des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire est proposée dans les conclusions finales de la 5ème Conférence.

En conclusion de ses propos, M. Alain CHENARD se livre à quelques considérations d’actualité sur la Turquie et sur la nécessité de réfléchir à une plus grande autonomie régionale dans ce pays.

Le Conseil de l'Europe aidera ses amis à bâtir un large espace de démocratie. Le terrorisme est à condamner, mais tout justiciable doit bénéficier d’un procès juste et équitable. C’est dans cet esprit que le Congrès a estimé que la Turquie devrait développer le degré d’autonomie régionale conformément aux engagements souscrits. C’est donc en respectant ces engagements et les droits des citoyens que la Turquie continuera à être une grande nation.

A ces propos, Mme Lale AYTAMAN, Présidente de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des pouvoirs locaux de l’Assemblée parlementaire, répond que la Turquie est l’un des plus anciens Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle respecte les principes qui gouvernent l’Organisation. En ce qui concerne la réforme des autorités et collectivités territoriales, l’oratrice considère que la Turquie serait heureuse de bénéficier des expériences des autres pays du Conseil de l’Europe.

M. Faik KAYTANCI, Secrétaire Général de l’Assemblée Parlementaire pour la coopération économique de la mer Noire (PABSEC), déclare que l’institution qu’il représente à été créée pour garantir à l’ensemble de la région la paix, la stabilité et la prospérité. La mer Noire est le prolongement naturel de la Méditerranée.

Depuis sa création, la PABSEC est devenue une institution reconnue. Pour cela, elle œuvre pour la maîtrise du développement de ses pays membres. Les riverains de la mer Noire doivent donc coopérer et unir leurs efforts pour s’attaquer aux problèmes communs, notamment dans les domaines de la lutte contre la pollution et la protection de l’environnement. Plus largement, la PABSEC coopère avec l’OSCE. De la même manière, elle coopère avec les pays riverains de la Méditerranée et leurs organisations.

M. Luchezar TOSHEV, Vice-Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, souhaite souligner que la tenue de la présente conférence a eu du mal à se réaliser. Il rappelle le lancement et la tenue des conférences précédentes. Depuis 1985, date de la première conférence, des pays de l’Europe Centrale et de l’Europe de l’Est ont rejoint le Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, l’objectif de la rencontre est, entre autres, la lutte contre l’intégrisme et le terrorisme pour établir des relations pour la démocratie.

Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe adoptera en mai prochain la Déclaration des Droits et Responsabilités des Citoyens. Dans ce sens, le dialogue interparlementaire et la coopération décentralisée doivent se traduire par des résultats tangibles. C’est également le sens de la proposition d’élaborer une Charte du développement durable des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire.

Le Conseil de l'Europe établira des relations, dans cette perspective, avec l’OSCE et la PABSEC. Il en sera de même avec le Parlement européen et les attentes de la rencontre de Stuttgart, dans le cadre du processus de Barcelone, en avril 1999.

Pour toutes ces raisons, l’orateur invite les participants et les organisations qu’ils représentent à encore plus de coopération.

M. Uluç GÜRKAN, Président ad interim, de la Grande Assemblée Nationale de Turquie, considère que toutes les organisations internationales doivent faire leurs les recommandations du Sommet de Rio de Janeiro. La Turquie entend être active localement et internationalement en la matière. Il rappelle que dès 1992, la Turquie a signé des instruments internationaux et a conçu, depuis, un programme de protection de la mer Noire, comme elle participe à des programmes pour un développement durable qui placent l’être humain au centre de leurs préoccupations. La Turquie souhaite également développer son action en direction du Caucase.

En ce qui concerne le problème des « détroits turcs » et le trafic maritime, l’orateur rappelle le nombre considérable des navires qui empruntent ces voies maritimes et les risques qu’ils font courir à l’environnement et à la sécurité dans la région.

Pour ce qui est de la relation entre la multi-ethnicité et l’Etat-nation, l’orateur considère que même les Etats fédéraux ne sont pas multi-ethniques, le dernier exemple étant l’ex-Fédération socialiste de Yougoslavie. C’est pourquoi, il ne comprend pas les raisons de l’Occident dans son soutien au PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), alors que pour lui, c’est une organisation terroriste. L’orateur affirme le respect des droits de l’Homme et des citoyens par la Turquie, dans sa particularité, et appelle à une solidarité entre les Etats.

Bilan et perspectives de coopération dans les bassins de la mer Méditerranée et de
la mer Noire

Dans son exposé introductif sur « Le bilan et les perspectives de coopération dans les bassins de la mer Méditerranée et de la mer Noire », M. Driss KHROUZ, membre du bureau du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe), rappelle l’œuvre du Conseil de l’Europe, à travers l’Assemblée parlementaire et le CPLRE, dans le lancement de la dynamique euro-méditerranéenne basée sur la subsidiarité et la démocratie de proximité. Aujourd’hui, les pays de la mer Noire sont intégrés à cette problématique. Comment tous ces pays peuvent-ils contribuer à la paix et la prospérité, avec l’appui de toutes leurs organisations, en Europe et surtout à l’est et au sud de ce continent ?

L’orateur estime que les quatre premières conférences euro-méditerranéennes vont dans le même sens que le processus de Barcelone, initié en novembre 1995. Cependant, en dépit de son troisième volet, qui porte sur la coopération culturelle entre les peuples, à travers les sociétés civiles, la Déclaration de Barcelone reste dominée par des considérations sécuritaires et commerciales. La perspective d’instaurer une zone de libre-échange en 2010, appuyée par des accords d’association à conclure entre l’Union européenne et les 12 pays partenaires méditerranéens, privilégie une approche à dominante gouvernementale. Aujourd’hui, les pays du sud sont inquiets car la zone de libre-échange leur est imposée, comme la mondialisation, d’ailleurs.

Aussi, le rôle du Conseil de l’Europe est-il primordial pour rééquilibrer la dynamique en direction de la coopération en faveur de la démocratie locale. De ce fait, les conférences méditerranéennes, malgré leur irrégularité, constituent des cadres essentiels qui agissent sur les déterminants politiques de l’Europe et de son environnement. Leur impact est certain et agit sur les niveaux institutionnel, environnemental, démographique et migratoire. Toutefois, le travail important qui reste à faire est d’agir de telle sorte que la Méditerranée ne soit pas uniquement un concept du nord, mais également un concept de son sud. Ainsi, des questions aussi importantes que le devenir écologique de cette mer, la démocratie ou le sort de la rive sud dans ce processus de mondialisation seront mieux traitées.

Ceci pose le problème des perspectives et axes de la coopération interparlementaire et interrégionale dans les bassins de la Méditerranée et de la mer Noire. De nombreux observateurs s’accordent pour affirmer qu’il y a unité de système des deux bassins. Aussi, la nécessité d’une culture commune pour aborder les problèmes communs n’est-elle plus à démontrer. Il y a là les prémisses de l’émergence d’une aire culturelle commune et d’un espace social et politique investi par les peuples et pour les peuples.

Une Charte du développement durable des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire, encore à réaliser, serait un des résultats de cette dynamique. Plus largement, La cinquième conférence se propose de créer une plate-forme politique pour la coopération interparlementaire et interrégionale dans la région. Cet objectif pourrait se réaliser selon trois axes :

1. La coopération interrégionale et décentralisée : aujourd’hui la coopération dans cette région ne peut plus relever seulement d’une approche intergouvernementale. Cette coopération a réellement besoin d’une dimension de proximité. Les parlements et les pouvoirs locaux et régionaux constituent des instances démocratiques et doivent désormais être perçus comme des cadres privilégiés du partenariat dans les deux bassins. Même s’il reste sporadique et qu’il n’est pas encore ancré dans les cultures politiques de tous, le dialogue au niveau des parlements et des collectivités territoriales, auquel les ONG seraient associées, est appelé à prendre de plus en plus d’importance. C’est ce chantier que la cinquième conférence est appelée à mettre sur les rails. C’est un projet d’avenir qui a besoin de cadre, de vision, d’acteurs et d’instruments. Dans cette perspective, on pourrait s’inspirer d’un certain nombre d’instruments existants élaborés par le Conseil de l’Europe tels que la Charte européenne de l’autonomie locale, la Convention- cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités territoriales, notamment son protocole additionnel n°2 sur la coopération interterritoriale ou la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel.

Dans cette dynamique, il est indispensable d’encourager l’implication du mouvement associatif en particulier et la société civile en général, en tant qu’expression démocratique des attentes des populations, qui doivent être retenues comme relais essentiel de la culture du dialogue et de la démocratie. Des projets sérieux comme la Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM), créée dans le cadre de l’Union interpalementaire ou l’initiative prise par les régions françaises du Grand Sud de créer un observatoire de l’Europe méditerranéenne sont bien engagés dans ce sens.

2. L’environnement et le développement durable comme enjeux du XXIème siècle : conformément aux missions du Conseil de l’Europe, les quatre précédentes conférences des régions méditerranéennes, ainsi que les recommandations correspondantes de l’Assemblée parlementaire et du Congrès, ont retenu la diffusion de l’information et la sauvegarde de l’environnement comme une des priorités pour consolider le développement durable dans le bassin méditerranéen. C’est le seul moyen de sauvegarder les ressources naturelles et de limiter les dégâts occasionnés sur le littoral, les sites et le patrimoine culturel.

Dans ce domaine, les axes principaux de la coopération des parlements, des villes et régions en Méditerranée et mer Noire, peuvent porter sur les problèmes de l’eau et de la pollution et les conséquences de pressions démographiques et migratoires.

Pour ce qui concerne l’eau, la coopération peut forger, à travers un forum porté par une charte, des instruments d’échanges d’informations, d’expériences et de propositions. Cette perspective est déjà en mouvement avec le partenariat euro-méditerranéen et la transition des pays riverains de la mer Noire vers l’économie de marché et le dégel politique.

Pour ce qui est des phénomènes migratoires, les graves disparités et écarts de niveau de vie et de revenus, notamment entre les deux rives de la Méditerranée, sont amplifiés par l’évolution divergentes des tendances démographiques. C’est pourquoi les flux de migration du Sud vers le Nord interpellent les pouvoirs centraux et locaux. Et seule une coopération entre tous ces acteurs, du centre et décentralisés, peut aboutir à des solutions efficaces et communes. Ce chantier immense est un défi pour le prochain siècle.

3. Enfin, l’interdépendance, la solidarité et le dialogue interculturel déterminent la paix et la stabilité en Europe même et dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée : ces thèmes correspondent aux missions du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe), créé en 1990. Dix-sept pays européens en sont membres aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, il est naturel que la cinquième Conférence aborde le thème stratégique de la coopération interparlementaire et interrégionale pour la paix, la stabilité démocratique et le développement durable. Mais tout ceci suppose l’existence ou la création d’un cadre, d’instruments et de moyens pour créer des espaces communs de dialogue, de décisions et d’actions.

Première séance de travail : La coopération interparlementaire pour la paix et la stabilité démocratique

Dans la première séance de travail, consacrée à la coopération interparlementaire pour la paix et la stabilité démocratique, la discussion est introduite par le président de séance, M. Miguel Angel MARTINEZ, Président de l’Union Interparlementaire (U.I.P.) et Président du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe), qui insiste plus particulièrement sur les préoccupations de l’UIP. Pour lui, nous serions au carrefour de l’histoire de la civilisation, caractérisée par la mondialisation et la démocratisation. Ces deux processus ont engendré ce qu’on peut appeler la « démocratie parlementaire ». Compte tenu de ces deux éléments, les parlements sont responsables des politiques extérieures. Dans le passé, c’était une compétence exclusive des gouvernements. Aujourd’hui personne ne conteste cette compétence aux parlements. Le problème apparaît lorsqu’il est question de rétablir une cohérence et une logique des énergies émanant des deux organes. Aussi, nous appartient-il, déclare l’orateur, de remettre à sa juste valeur le rôle des parlements dans les relations internationales.

L’objectif du rôle des parlements n’est pas de remplir des fonctions relevant de la diplomatie, mais d’œuvrer pour un nouvel ordre international en faveur de la paix, la stabilité et la démocratie.

Les Nations unies doivent jouer un rôle dans ce processus. Mais pour que leur implication soit efficace, leur réforme est indispensable. Cette institution doit être démocratisée, car beaucoup de ses anachronismes deviennent de plus en plus insupportables. La Charte des Nations unies affirme la primauté des peuples dans les décisions internationales. Or seuls les gouvernements agissent.

Dès sa création, le Conseil de l'Europe a opté pour l’implication des peuples, à travers leurs parlements. Cet objectif est repris par cette institution pour le faire appliquer à l’échelle internationale. Il faut une implication des parlements et leur contrôle sur les Nations unies et le système de la Banque Mondiale. Le Conseil de l’Europe œuvre donc pour une instance interparlementaire internationale. C’est ainsi que l’ordre international tendrait à devenir démocratique. Sans ce processus, la mondialisation économique favorisera plutôt une évolution anti-démocratique de la société internationale.

C’est pour assurer cette démocratisation des institutions internationales, qu’une réunion de tous les parlements de la planète aura lieu à New-York en 2001. Ce processus de New-York est bien enclenché et constitue la condition sine qua non de la démocratie et de la stabilité dans le monde.

Pour ce qui est de la Méditerranée, elle ne souffre pas de l’absence d’initiatives, mais d’un excès d’initiatives et d’actions. La cohérence de ce qui se fait pose problème. L’on assiste à un gaspillage considérable d’énergie, donc des moyens fournis par les contribuables. On peut se demander légitimement, par rapport à la multiplicité des actions et des organisations, si les résultats sont à la hauteur des énergies fournies. La question primordiale qui se pose est la suivante : comment canaliser tous ces moyens pour rendre meilleures les conditions de vie des uns et des autres ?

M. Anatoliy RAKHANSKY, membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des pouvoirs locaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, estime que la coopération interparlementaire a produit des résultats importants pour la stabilité et le développement. L’homogénéité de l’aire de la Méditerranée et de la mer Noire oblige à contrôler les risques encourus par l’une et l’autre. A cet égard, les fleuves qui se jettent en mer Noire ont un besoin extrême d’être traités. Le Danube est le fleuve le plus malade d’Europe. Le Niepce est l’autre fleuve important et qui a besoin de plus d’attention.

L’orateur estime que les parlementaires doivent consolider le dialogue entre gouvernements et pouvoirs locaux. Car c’est par cette voie que seront trouvées les solutions. Le cas de Tchernobyl nécessite une coopération internationale à tous les niveaux. Sans une telle coopération, il n’y aura pas de solution.

L’orateur rappelle que la démocratie est un long apprentissage, c’est pourquoi le Conseil de l’Europe encourage la création de parlements pour enfants. Il déclare que l’Ukraine est le premier pays à avoir renoncé à l’armement nucléaire, alors qu’il en possédait la technologie. Fidèle aux buts du Conseil de l’Europe, qui sont la coopération pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme, l’orateur annonce que le parlement ukrainien a voté une résolution consistant à faire appel au Conseil de sécurité des Nations unies pour éviter toute ingérence extérieure dans le problème yougoslave, afin, insiste-t-il, d’éviter une troisième guerre mondiale.

M. Mohamed Hédi KHELIL, membre de la Chambre des députés de Tunisie, Rapporteur Général pour la troisième conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM), a mis l’accent sur les conflits ouverts et leurs conséquences en termes de création d’institutions internationales. Les plus importantes de ces institutions ont vu le jour après des grandes guerres. Aujourd’hui, il faut se poser la question du rôle que doivent jouer ces organisations et les parlements en matière de paix et de stabilité démocratique. Cette question est d’autant plus cruciale que la paix est menacée partout dans le monde. D’ailleurs, ni la Méditerranée, ni la mer Noire ne sont épargnées par les tensions politiques, religieuses et sociales résultant de conflits ouverts qui perdurent, et dont les causes sont multiples.

Ainsi, la région ne constitue pas un modèle en matière de paix, de sécurité et de démocratie. Alors que l’O.N.U. est incapable de contribuer au rétablissement de la stabilité dans la région, les parlements peuvent-ils réussir ce défi ? L’orateur pense qu’ils en sont parfaitement capables, et ce en s’appuyant sur leur rôle, tel que cela fut le cas lors de la création de l’OSCE et du processus de CSCM.

Toutefois, ce dernier comporte des limites, dans la mesure où il n’a pas produit tous les fruits escomptés, car il n’a pas donné aux représentants des peuples le crédit qu’ils méritent. Alors que du côté européen, il y a une institution représentative de l’ensemble des peuples considérés, du côté du sud de la Méditerranée et de la mer Noire, chaque parlement essaye d’engager un dialogue individuel avec le partenaire du Nord.

Pour mettre fin à cette défectuosité au niveau des institutions politiques, l’orateur estime que deux possibilités sont envisagées :

. soit de poursuivre le processus CSCM en vue d’aboutir à la création d’une association des Etats méditerranéens et de la mer Noire en instaurant un dialogue permanent aux niveaux gouvernemental et parlementaire. C’est ce qui a été recommandé par la CSCM de Malte en 1995 ;

. soit de créer un forum parlementaire euro-méditerranéen ouvert au Parlement européen et aux parlements des vingt-sept pays du processus de Barcelone. Ce forum aurait un rôle consultatif sur toutes les questions relatives à l’application des accords d’association. C’est le parlement européen qui est à l’origine de cette proposition.

Assurément, que ce soit l’une ou l’autre possibilité, ceci conforte le rôle des parlements dans le dialogue et la consolidation de la paix, la stabilité et la démocratie dans cette région.

M. Mohamed EL ANSARI, membre de la nouvelle Chambre des Conseillers marocaine et Conseiller régional de la Région Meknès-Tafilalet, rappelle que le Maroc est depuis longtemps engagé dans le dialogue interparlementaire et le processus de développement en Méditerranée. De ce fait, l’orateur estime qu’il y a un grand accord sur les enjeux, mais le problème n’est-il pas, selon lui, de donner corps au partenariat entre le Nord et le Sud, d’une part, et l’Est et l’Ouest, d’autre part ? La question ne réside-t-elle pas dans le développement, la démocratie et la stabilité pour tous ?

M. Gianni RISARI, député italien, au nom du président du parlement italien, M. Luciano VIOLANTE, rappelle que dans le processus de Barcelone, il y a une déclaration sur la coopération interparlementaire des pays de la Méditerranée. Le 8 mars 1999, cette déclaration sera signée par les présidents des parlements européens et méditerranéens.

L’orateur estime que le processus de Barcelone repose sur deux piliers : l’instauration d’une zone de libre échange économique et d’une zone de paix et de stabilité en Méditerranée. Ces enjeux font que les parlements nationaux, les autorités régionales et locales ne doivent pas rester à l’écart de ce processus. La lutte doit être commune pour transformer cette région en espace de paix et de stabilité, tant il vrai que, avant d’être un projet politique, la démocratie est un choix culturel.

M. Hadi ZIAF, représentant de la PABSEC, rappelle que la coopération parlementaire a été d’une grande aide pour les pays d’Europe centrale et orientale. C’est grâce à cette coopération qu’il y a eu l’harmonisation des législations et réglementations dans un grand nombre de ces pays. Depuis sa création en 1993, la PABSEC essaye d’instaurer des coopérations entre les pays de la sous-région. De ce fait, son objectif est de participer à l’instauration de la stabilité et de la paix au Moyen-Orient, en Méditerranée et dans la mer Noire.

M. Marwan DUDIN, membre du parlement jordanien, rappelle que la Jordanie est une monarchie constitutionnelle, disposant d’un parlement qui veille sur le respect de droits fondamentaux. Elle est impliquée dans le processus de paix régional ainsi que dans le processus de Barcelone, en dépit de l’occupation d’une partie de son territoire. L’orateur souscrit à l’analyse de M. Driss KHROUZ, tout en estimant que tant que le processus de paix n’est pas mené au terme de sa logique, c’est-à-dire le retrait d’Israël de la Cisjordanie et de Gaza, la démocratie dans cette partie du monde, restera un vœu pieux. Le statu quo actuel n’est pas bénéfique à la paix. Certes, il y a une relative stabilité, mais celle-ci est précaire. La solution réside dans le recouvrement de la dignité du peuple palestinien. La paix dans la région et pour le monde en dépend, conclue l’orateur.

M. Salah TAROUTY, député égyptien, rappelle que la coopération entre les pays de la Méditerranée a toujours été un lien entre ses peuples. C’est l’aire d’échanges et de civilisations la plus importante du monde. La conférence de Barcelone ne fait que confirmer ce fait. Mais pour que cela se fasse dans la stabilité et l’intérêt de tous, il y a nécessité d’un dialogue entre le Nord et le Sud. Celui-ci permettra de traiter les problèmes dûs à la pression démographique, en ce qu’elle porte atteinte aux ressources renouvelables.

Tout le monde convient de l’urgence de traitement que nécessite la survie de la Méditerranée et de la mer Noire qui sont considérées comme les mers les plus polluées du monde. En s’attaquant à la pollution des mers, il ne faut pas oublier celle de l’air, notamment l’atteinte à la couche d’ozone. Cette multiplicité des effets sur l’environnement nous rappelle que la pollution ne connaît pas de frontières. Et qu’il existe une inégalité devant le problème de la protection de l’environnement. Aussi, appartient-il aux pays de la Méditerranée de trouver les moyens pour que les charges et les coûts de la pollution soient équitablement supportés par les pays méditerranéens.

Quant au processus de paix, qui constitue un défi pour les pays méditerranéens, ses conséquences ne sont pas uniquement militaires. La place de la Russie dans ce processus, ne donne que plus d’importance à la mer Noire. C’est dans cette démarche que le président MOUBARAK a proposé, en 1990, de faire de la Méditerranée une zone de désarmement.

Une dynamique de prise en compte de ces problèmes permettra, selon l’orateur, de s’occuper sérieusement du problème commun aux pays de la rive sud de la Méditerranée : le développement.

M. Abdelmadjid CHERIF, vice-président de l’Assemblée populaire nationale d’Algérie, affirme sa fierté de représenter le premier parlement pluraliste algérien, dans lequel il porte l’espoir de concilier la démocratie et le développement. Ceci est à l’image du Conseil de l’Europe qui, né il y a 50 ans, avait également pour objet de créer les conditions de la stabilité pour la démocratie et le développement.

L’orateur considère que la mondialisation et l’histoire de l’Europe montrent que la démocratie est tributaire de la paix qui, à son tour, soutient le développement. Aujourd’hui, l’inégalité de développement demeure toujours la plus grande des injustices. C’est le sous-développement qui constitue le lit du terrorisme, même si, en Algérie, il a pu se renforcer grâce à des complicités et des duplicités étrangères.

L’Algérie est aujourd’hui en train de payer un lourd tribut et ce n’est pas sans conséquences importantes pour la région. C’est un exemple qui confirme l’assertion selon laquelle les droits de l’Homme reposent sur le développement, estime l’orateur.

Pour conclure les allocutions de la première séance, le président, M. Miguel Angel MARTINEZ relève deux points principaux du débat.

D’abord comment concilier la démocratie et le développement. Quelle dialectique doit-on expliciter pour affirmer le lien entre les deux termes ? Toutefois, on ne peut pas attendre que le développement se réalise pour construire la démocratie.

Ensuite, le rôle de la Turquie devient de plus en plus important dans la région. Aussi la construction de l’Europe se fera-t-elle difficilement sans ce pays. Mais, il y a une autre raison qui milite en faveur de l’accueil de la Turquie dans la construction de l’Europe : l’Europe doit être pluraliste, équitable.

Ce n’est pas une Europe exclusivement chrétienne que l’orateur appelle de ses vœux, mais une Europe universaliste. C’est aussi pour cette raison qu’il souhaite que la Turquie fasse siennes ces valeurs et apporte à l’Europe ce pluralisme, en particulier religieux.

Deuxième séance de travail : Les partenariats locaux et régionaux pour la paix et la stabilité démocratique

Dans la deuxième séance, consacrée aux partenariats locaux et régionaux pour la paix et la stabilité démocratique, la discussion est introduite par la communication de M. Rinaldo LOCATELLI, Chef du Secrétariat du CPLRE, qui a exposé les lignes directrices de la Charte européenne de l’autonomie locale (CEAL), de la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales et du protocole additionnel n° 2 à cette convention, portant sur la coopération interterritoriale.

En ce qui concerne la Charte européenne de l’autonomie locale, l’orateur rappelle que ce texte est ratifié par 36 Etats sur 40 qui constituent le Conseil de l’Europe. Quant à son contenu, il instaure 5 grands principes :
- la libre administration des collectivités et autorités locales ;
- toute tutelle doit être réglementée et obéir à un contrôle de légalité ;
- les litiges les concernant doivent être traités par une juridiction ;
- la participation des citoyens doit être organisée pour contribuer à la formation de la volonté générale ;
- le 5ème principe, enfin, est celui de la solidarité entre collectivités territoriales, qui se traduit par la réalisation d’une péréquation financière.

La Charte européenne de l’autonomie locale a été le premier texte officiel européen à définir le principe de subsidiarité (article 4). L’adhésion à la Charte est aujourd’hui de facto un critère d’adhésion au Conseil de l’Europe et au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe. L’importance de ce dernier organe est telle qu’il établit des rapports sur la situation de la démocratie locale dans ses pays membres. Il prépare actuellement la Charte de l’autonomie régionale.

Pour ce qui est de la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités et autorités territoriales, elle s’est constituée sur la base d’un débat juridique opposant les tenants de la compétence exclusive de l’Etat en matière de relations internationales entre institutions publiques et les tenants de la liberté d’action entre collectivités territoriales transfrontalières. La CEAL tranche, en quelque sorte, le débat en se fondant sur l’idée que le droit de coopérer avec d’autres collectivités locales, y compris  par- delà les frontières, est une composante de l’autonomie locale. Ce droit est comparable au droit international privé. Il est limité toutefois aux compétences des collectivités locales.

En conséquence, grâce également à la Convention-cadre, la frontière ne constitue plus un obstacle pour que des collectivités coopèrent dans le but de régler des problèmes communs ou développer des relations d’intérêt mutuel. Cette convention, dite de Madrid, signée le 21 mai 1980 est aujourd’hui ratifiée par 21 Etats du Conseil d’Europe.

Par ailleurs, la Convention comporte un système d’accords-modèles. Ce système propose une série de modèle d’accord interétatiques se rapportant aux clauses générales et une autre série de schémas d’accords de statuts et de contrats à conclure entre autorités locales. Le Conseil de l’Europe a également élaboré des accords-modèles thématiques (économie, aménagement du territoire, parcs naturels, etc.).

Le troisième instrument important est le protocole additionnel n°1 à la Convention-cadre, signé le 5 novembre 1995 et entré en vigueur le 1er décembre 1998. Il reconnaît le droit des collectivités locales à passer des accords de coopération transfrontalières limités aux domaines communs de compétences dont elle dispose au plan interne. Les collectivités locales engagées dans un organisme de coopération transfrontalière sont tenues de transposer dans l’ordre juridique national les décisions communes qu’elles ont prises dans ce cadre. Des règles sur la personnalité juridique de l’organisme de coopération transfrontalière sont prévues. Elles sont, en substance, soumises à la loi de l’Etat où cet organisme a son siège.

Il est également prévu la création d’organismes de coopération transfrontalière de droit public, qui agissent selon le droit sur les territoires de toutes les collectivités territoriales parties à l’accord.

En conséquence, cet instrument prévoit deux types d’organismes, l’un fondé uniquement sur l’Etat siège de l’organisme et l’autre sur une sorte de droit commun des différents Etats.

Le dernier instrument important est le protocole additionnel n° 2 à la Convention-cadre sur la coopération interterritoriale. Ce texte, adopté le 17 mars 1998, vise les rapports entre collectivités territoriales de deux ou plusieurs Etats, autres que les rapports de coopération transfrontalièrs entre collectivités territoriales voisines. Il s’agit donc d’un texte qui intéresse peut-être encore plus directement la coopération entre collectivités territoriales des rives nord et sud de la Méditerranée et de la mer Noire. Ce texte a été ratifié par un seul Etat. Aussi faut-il attendre quelques années avant son entrée en vigueur.

Ces instruments et les expériences des collectivités territoriales européennes en la matière constituent un patrimoine riche qui est aujourd’hui également à la disposition des collectivités territoriales d’autres pays, par exemple pour élaborer des accords multilatéraux sur la coopération des collectivités locales et régionales dans les bassins de la Méditerranée et de la mer Noire. Il est évident que pour être utilisée au mieux, la coopération décentralisée capitalisée ainsi, nécessite, pour les pays de la rive sud de la Méditerranée et de la mer Noire des avancées sur le plan de l’autonomie locale.

Le Conseil de l’Europe, et en particulier son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe et la Commission compétente de l’Assemblée parlementaire sont à la disposition des Etats et des collectivités territoriales qui souhaiteraient bénéficier de leur expérience, conclue l’orateur.

La discussion est introduite par M. Llibert CUATRECASAS, conseiller du président du gouvernement de la Catalogne, qui se félicite du travail en cours sur la Charte européenne de l’autonomie régionale. Ceci pose la question de la coopération décentralisée en Méditerranée. De nombreuses régions méditerranéennes, dans ce cadre de fait, ont commencé à dialoguer.

L’orateur insiste sur le concept de région. Au-delà de la cohérence territoriale et culturelle, il considère que la dimension régionale est le niveau de base pour un développement durable et conforme à une approche d’aménagement du territoire.

M. Mustapha MECHICHE ALAMI, Conseiller municipal de Kénitra-Maâmora (Maroc), considère que l’exposé constitue un véritable cadre juridique pour la coopération interterritoriale entre collectivités méditerranéennes. Pour encourager cette logique, est-il prévu, pour les collectivités territoriales du sud de la Méditerranée, de siéger à titre d’observateurs au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe ?

M. Rinaldo LOCATELLI répond par l’affirmative. Cette possibilité étant ouverte à travers l’Organisation des villes arabes. Pour ce qui est du patrimoine européen, que les pays de la rive sud de la Méditerranée pourraient utilement exploiter, il ajoute que la Commission européenne a un rôle déterminant en la matière, en raison de l’impulsion qu’elle pourrait apporter à la dynamique de la coopération décentralisée euro-méditerranéenne.

Pour ce qui est des instruments juridiques, il estime que rien n’empêche, sur le plan technique, la mise sur pied d’une convention méditerranéenne de coopération décentralisée. C’est ce qu’ont fait les pays rhénans. Il faut que les Etats concernés sentent la nécessité de cet instrument. Pour ce faire, il est possible de les inciter à aller dans ce sens. C’est tout le rôle des acteurs de la société civile et des élus locaux et régionaux.

En ce qui concerne la réalité des partenariats locaux et régionaux, M. Aown SHAWA, maire de Gaza, Président de l’Union des pouvoirs locaux palestiniens, rappelle des données physiques sur Gaza, fait un bref historique sur la Palestine et relève les avancées et les blocages du processus de paix.

En dépit des difficultés matérielles, il affirme que l’objectif principal de la municipalité de Gaza reste la reconstruction de la ville, l’allégement des souffrances de ses habitants et l’adaptation au processus universel de développement. Pour ce faire, la coopération avec le monde extérieur est indispensable. La communauté internationale et ses diverses organisations ont été, et sont encore, d’une aide précieuse et irremplaçable. Cette dynamique a permis une solidarité et une aide technique et financière intervenant non seulement au niveau gouvernemental, mais également au niveau des autorités locales, des ONG et des communautés de base. Grâce à ces soutiens, un accord d’amitié et de coopération, entre Gaza, Tel Aviv et Barcelone, a été signé le 24 septembre 1998. L’initiative de cet accord revient au maire de Barcelone, M. Joan CLOS, et au représentant spécial de l’Union européenne au Moyen-Orient, M. Miguel MORATINOS. L’ex-maire de Tel-Aviv, Roni MILO, et le maire de Gaza ont décidé que les maires peuvent et doivent prendre des positions qui contribuent à la stabilité et la prospérité de leurs citoyens et ce en dépit des oppositions, minoritaires au sein de chacune des parties.

L’orateur espère que cet accord deviendra un modèle à suivre pour les villes israéliennes et palestiniennes œuvrant ainsi à la construction de la confiance pour le rétablissement du droit des uns et des autres à vivre en sécurité dans la liberté et la dignité. Des groupes de travail de Barcelone et de Gaza se sont déjà rencontrés et un plan de travail a été finalisé.

Maintenant, l’une des questions essentielles qui est débattue concerne le devenir du processus de paix et les relations entre les peuples palestinien et israélien, alors que ce dernier se prépare pour les élections générales. Le résultat de ces élections décidera du chemin emprunté. Le maire de Gaza espère qu’Israël choisira le chemin de la paix plutôt que celui menant au conflit et aux effusions de sang.

Dans la suite de l’intervention de M. le maire de Gaza, M. Pere VILLANOVA, conseiller du maire de Barcelone, déclare que beaucoup se demandent comment un tel accord, entre Gaza, Tel-Aviv et Barcelone a pu être conclu, tant il a posé de nombreux problèmes difficiles.

Aujourd’hui, par sa seule existence, cet accord est une réussite, car il comporte d’innombrables messages ayant une forte portée pédagogique, dont les éléments saillants sont les suivants :

Quant à l’accord en soi, l’orateur estime qu’il n’est pas novateur. Dans un accord à trois, il arrive qu’une des trois parties reste en retrait pour des raisons diverses. C’est le cas de Tel-Aviv. Le moment où elle le jugera opportun, la municipalité de Tel-Aviv s’impliquera.

Pour ce qui est de l’histoire de l’accord, le processus a été initié par l’ancien maire de Barcelone, M. MARAGAL, à travers l’application du concept « d’ambassade de la démocratie locale »1 au cas de Sarajevo, concept créé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe. C’est ce concept qui a également été développé à la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone en novembre 1995. L’un des enseignements importants est que les villes peuvent dialoguer quand le lien entre les gouvernements ou les autorités politiques est rompu.

M. Philippe CICHOWLAZ, chargé de mission et de suivi des dossiers Méditerranée/Mer Noire à la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM), rappelle que son organisation accorde un intérêt particulier aux deux bassins. A cet effet, les représentants des Régions de l’Union Européenne réunis à Syracuse les 15 et 16 janvier 1999 avec les représentants des collectivités territoriales des pays partenaires méditerranéens, ont fait une déclaration sur la coopération en Méditerranée. Ils demandent, entre autres, que la coopération décentralisée euro-méditérranéenne soit relancée par la Commission européenne, qu’une réflexion soit engagée, visant à relancer les programmes de partenariat euro-méditerranéen dans le scénario de l’Agenda 2000, par l’allocation de ressources ultérieures, autres que celles déjà destinées au programme MEDA actuel. Ils demandent efin que dans le cadre de la future initiative communautaire INTERREG III, dont le contour pour la période 2000/2006 est actuellement en discussion, le Bassin Méditerranéen fasse l’objet d’un programme unique, et non de trois programmes distincts comme c’est le cas aujourd’hui pour l’initiative INTERREG II C.

Dans ce cadre, la CRPM s’engage à prendre toutes les mesures possibles pour développer la coopération décentralisée en Méditerranée, associer les collectivités territoriales du sud de la Méditerranée à ses travaux et transmettre des propositions aux gouvernements nationaux, avec le souhait qu’elles soient prises en considération lors de la conférence des ministres des affaires étrangères à Stuttgart au mois d’avril 1999.

M. Dimitar KALTCHEV, maire de Rousse et président de l’association des municipalités bulgares, estime que la région de la mer Noire recèle de grandes potentialités économiques. Pour que celles-ci soient exploitées, la stabilité et la sécurité sont nécessaires. Ce n’est que de cette manière qu’il sera possible de développer les territoires de ces régions et lutter contre les nouvelles formes de criminalité.

M. Mustapha MECHICHE ALAMI déclare que la commune a deux séries de grandes compétences : le développement et la gestion des affaires quotidiennes. Au Maroc, ceci pose le problème des ressources humaines. Comment transformer les élus et personnels des communes en véritables acteurs du développement ?

Dans le processus actuel de mondialisation, il n’y a qu’une alternative. Soit, c’est le maintien du statu quo, avec son lot de pauvreté pour l’écrasante majorité de l’humanité, soit c’est la généralisation de la prospérité. Pour permettre la deuxième alternative, il est indispensable de mettre en œuvre une coopération entre les collectivités territoriales, surtout en matière de formation.

C’est dans cette perspective que la coopération décentralisée euro-méditerranéenne sera bénéfique pour les deux rives. Ceci est d’autant plus logique que le Maroc, donc la rive sud de la Méditerranée, se trouve à 12 km de l’Europe. En effet, par le Détroit de Gibraltar, le Maroc est une passerelle entre les deux continents. Par ailleurs, il est étonnant que les Etats concernés et l’Union européenne n’aient pas encore sérieusement œuvré pour la construction d’un tunnel reliant les deux rives. D’autant que toutes les études correspondantes sont déjà réalisées.

M. Valery SAMOILENKO, maire de Krasnodar, président de l’association des villes du sud de la Fédération de Russie, propose la création d’une union économique des villes de la mer Noire et de la Méditerranée, dont l’objet est de permettre aux agents économiques de développer leurs compétences et leurs activités. Pour ce faire, l’orateur demande au Conseil de l’Europe d’user de son influence pour le lancement d’un programme économique qui favoriserait les contacts économiques et les relations d’affaires. Un tel projet ne peut se faire que dans un climat de stabilité, comme il contribue à l’entretenir.

M. Ratko GOGIĆ, Secrétaire Général de l’Association des municipalités du Monténégro, estime que la Fédération de Yougoslavie maintient et développe de bonnes relations entre groupes humains et favorise les droits de l’homme. Pour ce qui est du Monténégro, ses autorités mènent des réformes économiques et politiques. Dans ce cadre, ce pays conduit une réforme des pouvoirs locaux et centraux. Ainsi, une réforme législative est conduite actuellement, en s’inspirant du modèle suédois. Les experts monténégrins suivent, par ailleurs, des formations en Italie, afin d’étudier les modalités d’application de nouvelles normes juridiques.

La République du Monténégro a sa propre position sur la situation au Kosovo. Cette position se résume au dialogue politique et aux solutions pacifiques. Actuellement, ce pays accueille 40.000 réfugiés venant des anciennes républiques de Yougoslavie. Grâce à l’aide internationale, ils bénéficient d’un minimum d’assistance. Mais le Monténégro a toujours besoin de l’aide internationale pour continuer à prêter assistance à ces réfugiés.

Troisième séance de travail : Le développement durable en mer Méditerranée et en mer Noire

Dans la troisième séance de travail, consacrée au développement durable en mer Méditerranée et en mer Noire, M. Mario PAVAN, ancien ministre de l’Environnement italien introduit le sujet en espérant que l’holocauste atomique est derrière nous. L’accord de 1987, entre les deux Grands, a permis de poser le problème de notre devenir écologique. C’est dans ce cadre, déclare-t-il, que le Conseil de l’Europe lui a demandé cet exposé sur la situation du système des deux mers, afin d’agir pour nous et pour l’humanité tout entière. Concrètement, il lui a été demandé de préconiser des mesures que les Etats et la communauté internationale pourraient mettre en œuvre. Mais, en dépit de toute la bonne volonté qui existe, ceci pose le problème du principe de réalité.

En effet, la situation écologique ne peut que nous conduire à réfléchir et agir vite pour préserver notre ressource naturelle. C’est tout le problème de la population de la planète et de son évolution démographique dans les quelques décennies qui viennent. A titre d’exemple, il y a 2000 ans, il y avait 133 millions d’habitants sur la planète. Selon toute vraisemblance, en 2050 la population mondiale sera de l’ordre de 10 milliards d’âmes. Comment va-t-on nourrir toute cette population ?

En ce qui concerne le système Méditerranée - mer Noire, il s’agit en effet, d’un même système parce que ces mers sont liées. Or la mer Noire est la mer la plus polluée de la planète. La Méditerranée n’est pas très polluée, car les pays de l’Afrique du Nord ne polluent pas beaucoup, faute de fleuves importants qui s’y déversent. Il y a certes, le Nil, mais ce fleuve n’est pas pollué.

A cause de la mer Noire, si on continue ainsi, la Méditerranée connaîtra le même sort. Alors que doit-on faire ? Vu l’urgence du problème, l’orateur estime qu’il faut une mobilisation générale, impliquant les décideurs politiques, les populations, les enfants, etc. Seule une vaste campagne de sensibilisation et d’information peut sauver ces deux mers. C’est pourquoi, il est urgent de déclarer une année de sauvegarde du système Méditerranée - mer Noire.

Le professeur PAVAN propose que la présente assemblée exige ceci et que le Comité des ministres mette en œuvre tout ce qui est en son pouvoir pour réaliser ce projet, en demandant aux pays du Maghreb et du Machrek de s’y associer. Dans cette perspective, l’Italie propose de mettre à la disposition de cette campagne le voilier-école de l’Amerigo Vespucci.

Pour résumer, les problèmes des deux mers nécessitent des formules de coopération, telle qu’une « plate-forme de dialogue permanent », qui aura pour mission de procéder à des consultations et la mise sur pied de mesures de préservation et de gestion des ressources naturelles et de l’environnement.

En ce qui concerne les instruments juridiques pour la protection de l’environnement en mer Méditerranée et en mer Noire, M. Mohamed Mehdi MLIKA, ministre tunisien de l’Environnement, relève l’aspect multidimentionnel et complexe du développement durable. Il décrit le partenariat national tunisien impliquant tous les niveaux de décision. Ce partenariat est fondé sur une stratégie à trois piliers :

M. Amedeo POSTIGLIONE, juge à la Cour de Cassation d’Italie et directeur de la Fondation pour un Tribunal International de l’environnement, propose de soumettre trois points à la réflexion des participants : les institutions, les instruments juridiques et les actions.

Par ailleurs, il y a auprès du Conseil de l’Europe la plus grande institution qui défende les droits de l’homme, à savoir la Cour européenne des droits de l’homme. Pourquoi ne pas s’en inspirer et créer une juridiction ayant pour objet la protection de l’environnement ? Ceci renvoie à l’accès à la justice et la protection des droits. Or si l’environnement est un droit lié à l’homme, le droit à l’environnement doit être garanti et donc protégé. Aussi, je propose aux 40 Etats membres du Conseil de l’Europe, d’œuvrer pour l’institutionnalisation de la protection de ce droit.

La Fondation pour un Tribunal international de l’environnement (FTIE) est créée près la Cour suprême italienne. Elle œuvre pour la protection de l’environnement de toute la planète. De ce fait, elle œuvre pour la création d’une juridiction internationale dont la compétence est la préservation de l’environnement.

M. Lucien CHABASON, membre de l’Unité de Coordination pour l’Action en Méditerranée - Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) - considère que le droit international est une sorte de force motrice. Il montre que l’environnement n’a pas de frontières. Ceci est illustré par le processus de Barcelone, le premier du nom, c’est-à-dire celui relatif à la protection de la Méditerranée. Ce processus, produit de deux mouvements, l’action des Etats (Convention de Barcelone) et celle de l’opinion publique (catastrophes maritimes : Amoco Cadiz, Torre Canon...), a su passer d’un instrument juridique à un cadre d’action impliquant les Etats, les régions et autres acteurs dans la protection de l’espace marin et le littoral méditerranéens. Ceci a culminé à la rencontre portant sur l’Agenda Med 21 en 1995, dont les objectifs englobent tous les aspects du développement durable dans les vingt pays du bassin méditerranéen. De ce fait, le développement durable n’est pas une affaire exclusivement des gouvernements. Il implique les autres acteurs.

Ces actions se sont traduites par des succès incontestables, tels que le ralentissement de la pollution, la régénération de certains espaces maritimes, des lois de protection du littoral... Malheureusement, il y a également des échecs, tels que le développement anarchique du tourisme et des villes, des espèces marines menacées. Bref, le bilan est contrasté. Toutefois, avec plus de moyens, les problèmes peuvent être mieux traités.

M. Bayram ÖZTÜRK, professeur à l’Université d’Istanbul, expert auprès de la PABSEC, rappelle le paradoxe de la mer Noire. Tout en étant alimentée par les plus grands fleuves d’Europe, elle en est la plus polluée.

L’avenir de cette mer passe par la résorption de la pollution du Danube, la préservation de ses détroits, la limitation de sa pollution par les hydrocarbures, en encourageant la coopération des pouvoirs locaux concernés.

Pour ce qui est des propositions pour une action de sensibilisation à la situation de l’environnement, M. Fabrizio ABBATE, sous-secrétaire d’Etat italien à la Défense, considère qu’il est primordial de dépasser le constat et le diagnostic et d’agir. Pour ce faire, il faut unir les efforts des pays concernés et surmonter les modes de fonctionnement respectifs qui font obstacle à cette coopération. L’orateur estime également que seule la démocratie peut permettre une coopération efficace. Il déclare que son pays est disposé à agir en ce sens.

M. Marc LEYENBERGER, vice-président du Comité de liaison des ONG (CLONG) auprès du Conseil de l’Europe, propose de livrer un message. Pour lui, les ONG sont une belle invention de la société civile. Elles sont sur le terrain et interviennent dans tous les domaines. Leur liberté constitue leur singularité, même si elle est timide. De ce fait, elles sont des acteurs de la démocratie et du développement durable. Elles travaillent en complément de l’action des élus, et ceci forme une espèce d’unité de plus en plus solide et concrète.

Pour ce qui est de la Méditerranée le CLONG intervient depuis longtemps sur des dossiers concrets, c’est pourquoi les 20, 21 et 22 septembre 1999, se tiendront les premières assises des ONG euroméditerranéennes, à Strasbourg, en vue de favoriser la tolérance, le partenariat euroméditerranéen pour un environnement durable et surtout juste.

Mme Nadja Mifka PROFOZIC, vice-présidente de Med-Forum, explique l’objet de son organisation, qui consiste en un regroupement d’ONG oeuvrant pour une gestion intégrée de l’environnement méditerranéen. Elle comprend 52 membres. Sa philosophie repose sur le principe que tout travail sur l’environnement suppose une solidarité entre les peuples et les générations. Med-Forum organise des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique, telles que « Feu vert » pour la Méditerranée.

Pour ce qui est du problème vital de la gestion de l’eau, M. Louis POTIE, expert français et ancien délégué général de l’Institut Méditerranéen de l’Eau (I.M.E.), insiste d’emblée sur les prévisions de pénurie d’eau douce. Sept ans après Rio de Janeiro et cinq ans après Barcelone, où l’Agenda 21 était adopté par les pays méditerranéens, dans le cadre de la Convention de Barcelone et du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM), force est de constater, estime l’orateur, que beaucoup reste à faire.

Ce constat peut encourager les pessimistes. Il doit inspirer décisions et actions, qui doivent intervenir en prenant en considération les grandes disparités dans la répartition de la ressource en eau, sa difficile maîtrise - notamment l’exploitation des ressources fossiles, qui est nécessairement limitée, car non renouvelable – ainsi que la demande par rapport à des disponibilités en diminution et la complexité administrative et institutionnelle de sa gestion.

Ce dernier élément met en exergue les déséquilibres entre ressources et besoins exprimés. L’équilibre « triangulaire », ressource naturelle - démographie - développement qui existait, il y a encore cinquante ans, est rompu. A côté de ces conditions physiques, il y a toute une série de difficultés qui proviennent des institutions nationales et internationales. Les institutions de tous les niveaux sont responsables de cette inaction. Pourtant des associations de professionnels et des réseaux d’organisation travaillent sur la question de la préservation, la distribution et l’utilisation de la ressource en eau. Aussi, tant qu’il n’y aura pas une coordination à l’échelle mondiale, dont les décisions auront un impact direct en matière de concertation et d’implication des citoyens, les efforts seront vains. Concrètement, il y a nécessité d’une approche globale de l’eau, avec une gestion intégrée et économe, un développement de l’assainissement et de l’épuration des eaux usées, des transferts entre régions d’un même pays et entre pays.

A défaut d’une telle démarche, l’eau, source de vie, deviendra source majeure de conflits. Mais, selon l’orateur, il n’en tient qu’à nous pour que l’eau soit pôle d’attraction, d’entraide, de prospérité et de bonheur pour bâtir un avenir prometteur, porteur d’espérance.

Mme Houria TAZI SADEQ, présidente de l’Alliance Maghreb-Machrek pour l’Eau (ALMAE) et vice-présidente du conseil du Secrétariat international de l’Eau (SIE), considère que l’eau est devenue un bien économique, alors que c’est un bien éminemment social. Or entre les deux rives de la Méditerranée, il y a un écart considérable : d’un côté des déluges et de l’autre des déserts. L’eau est donc source d’inégalité.

La disposition et l’utilisation de cette ressource conditionnent le développement durable. Ce qui nécessite une gestion politique, tant sa rareté et sa mauvaise redistribution deviennent un défi majeur. Le droit international ne traite pas de l’eau dans sa complexité, qui tient au foncier, à son statut et à son utilisation.

Il est navrant de constater que la société civile s’intéresse plus à cette ressource que les pouvoirs publics. D’où la nécessité de traiter l’eau de manière autre que techniciste, c’est-à-dire selon la demande. Une telle approche, uniciste, suppose qu’il faut lui appliquer les principes de la précaution et de la subsidiarité. Bref, accorder plus d’effectivité au principe de l’accès équitable à cette ressource. Cette dernière proposition renvoie à la garantie du droit à l’environnement et du droit au développement : l’eau est donc à l’intersection de ces deux droits.

M. Ali Ihsan BAGIŞ, professeur à l’Université de Hacettepe, directeur du Centre de politique de l’eau et de recherches et développement stratégique (Turquie), reprend le constat fait par les orateurs précédents et précise que l’eau pose également un problème social et éthique. De ce fait, le développement durable est un concept nouveau dans la mesure où il instaure une solidarité entre générations.

L’eau pose, par ailleurs, un problème de souveraineté. A qui appartient-elle, lorsqu’elle traverse plusieurs Etats ? Elle pose un problème d’équité lié à la démographie. Doit-on demander à certains pays de réduire leur fécondité ? Ce qui est certain, pour l’orateur, est qu’il est urgent de modifier nos façons de faire, pour mieux redistribuer cette ressource et préserver notre environnement.

Mme Asia MANAFOVA, membre du Parlement de l’Azerbaïdjan, rappelle que la mer Caspienne a également besoin d’une attention particulière, en raison de sa forte pollution. Pour apporter des réponses à ce problème, n’est-il pas utile d’établir une loi-cadre ? Dans tous les cas, il est nécessaire de prévoir des modalités de partage des charges pour contrôler sa pollution.

Séance de clôture :

Dans son discours de clôture, M. Mehmet BULDANLI, membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe et Vice-Président du Groupe de travail chargé de la préparation de la 5ème conférence des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire souhaite remercier les membres du Groupe de travail ainsi que le Secrétariat du Congrès pour leur pleine assistance dans la préparation de la conférence. Il souligne que seul le dialogue permettra de résoudre les problèmes auxquels les pays de la Méditerranée et de la mer Noire sont confrontés et de promouvoir le développement durable et la démocratie dans la région. Il se réjouit de l’étroite collaboration entre le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe et l’Assemblée parlementaire et espère que cette coopération assurera à la prochaine conférence un succès toujours plus retentissant.

M. Jean BRIANE, président du Groupe de travail chargé de la préparation de la 5ème conférence des bassins de la Méditerranée et de la mer Noire et membre de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et des pouvoirs locaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, félicite les autorités turques pour leur accueil et la qualité de l’organisation de la conférence. Il se réjouit de la présence de délégations des pays du sud de la Méditerranée qui, cette fois, sont représentés en nombre et en qualité.

Il relève que les travaux ont montré que la coopération des deux bassins devient celle d’un système. Maintenant, il est possible de passer à l’action pour la définition d’un cadre et la mise à disposition de moyens pour assurer un développement durable.

Les résultats de la conférence vont être maintenant repris par les institutions nationales et les instances du Conseil de l’Europe. Quant à la prochaine conférence, il est proposé qu’elle se tienne en octobre 2000 à Varna, en Bulgarie.

M. Jean BRIANE présente le projet de Déclaration rédigé par le Groupe de travail chargé de la préparation de la Conférence (Groupe commun à l’Assemblée parlementaire et au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe) ainsi que les amendements reçus.

Sur proposition de M. Miguel Angel MARTINEZ et après un débat sur le statut des résultats de la Conférence, il est convenu que ces documents soient approuvés en tant que conclusions du Groupe de travail, en vue d’être soumises aux instances du Conseil de l’Europe pour validation et suivi.

CONCLUSIONS GENERALES

Il apparaît, au travers des diverses contributions, que le rôle du Conseil de l’Europe et de ses instances, l’Assemblée parlementaire et le CPLRE, est primordial pour impulser une dynamique de coopération en faveur de la paix, la démocratie et le développement durable. De ce fait, les conférences méditerranéennes constituent des cadres essentiels qui agissent sur les politiques que les pays de l’Europe, du sud de la Méditerranée et de la mer Noire mettent en oeuvre en la matière. Leur impact est certain et agit sur les niveaux institutionnels, environnemental, démographique et migratoire. Toutefois, le travail important qui reste à faire est d’œuvrer de telle sorte que la Méditerranée ne soit pas uniquement un concept du nord, mais également un concept de son sud. Pour ce faire, le travail doit être réalisé, d’une part, au niveau parlementaire et des collectivités territoriales et, d’autre part, en mettant sur pied des instruments juridiques et des programmes d’actions.

La coopération interparlementaire dans le processus de mondialisation

Le rôle des parlements, en tant que garants de la volonté des peuples, est une condition déterminante de démocratie, de paix et de stabilité. Cette démarche rend d’ailleurs la perspective d’un ordre international démocratique réaliste.

En ce qui concerne la Méditerranée et la mer Noire, la paix et la stabilité sont conditionnées à cette approche. De ce fait, deux directions de travail peuvent être exploitées :

la poursuite du processus CSCM, en vue d’aboutir à la création d’une association des Etats méditerranéens et de la mer Noire, en instaurant un dialogue permanent au niveau des gouvernements et des parlements;

continuer à œuvrer pour la création d’une instance parlementaire euro-méditerranéenne, comprenant les parlements des 27 pays du processus de Barcelone et le Parlement européen. Ce forum aurait un rôle consultatif sur toutes les questions relatives à l’application des accords d’association entre l’Union européenne et les pays partenaires méditerranéens.

Le deuxième élément de cette problématique générale renvoie à la mondialisation. Les débats ont montré que la démocratie est tributaire de la paix qui, à son tour, soutient le développement. Aujourd’hui, l’inégalité de développement demeure toujours la plus grande des injustices. Elle fait le lit, principalement, de la pauvreté et du terrorisme.

Ces éléments posent le problème du défi majeur sur la manière dont il faut concilier la démocratie et le développement. Quelle dialectique doit-on expliciter pour maîtriser le lien entre les deux termes ? Ce qui est important, toutefois, est que l’on ne peut pas attendre que le développement se réalise pour construire la démocratie. Ces deux objectifs doivent être poursuivis de manière simultanée.

Le rôle de l’Europe est décisif dans cette démarche. Sa réussite suppose la prise en considération de la multiculturalité du système des deux mers. Ainsi, l’Europe souhaitée ne sera pas exclusivement chrétienne, mais universaliste. Ceci implique, en contre partie, que les pays du sud et de l’est de la Méditerranée et de la mer Noire fassent leurs les valeurs de démocratie et d’humanisme.

Les partenariats au niveau local et régional

Pour que des partenariats locaux et régionaux produisent des fruits, il faut que les autorités et pouvoirs locaux et régionaux, dans les pays de la rive sud de la Méditerranée et de la mer Noire, disposent d’une autonomie plus importante. En d’autres termes, la décentralisation doit être effective. Pour ce faire, cinq grands principes doivent présider à toute organisation territoriale décentralisée:

Le Conseil de l’Europe et ses instances disposent d’instruments et d’expériences, à travers les collectivités territoriales des Etats membres de l’Organisation, qui constituent un patrimoine riche pouvant utilisé par tous les pays de la Méditerranée et la mer Noire.

Ceci développera, en outre, la coopération décentralisée qui permet notamment aux collectivités territoriales de dialoguer quand le lien entre les gouvernements ou les autorités politiques est rompu.

Mais pour que les expériences européennes soient bénéfiques pour les pays de la rive sud de la Méditerranée, encore faut-il que deux questions soient traitées. La première est liée à la suspension des programmes Med. Alors que ces programmes ont créé une dynamique sans précédent de rapprochement des collectivités territoriales et des organisations de la société civile, des deux rives de la Méditerranée, il est étonnant que le programme MEDA, dans le cadre du processus de Barcelone, n’ait pas donné une réalité à la coopération décentralisée euro-méditerranéenne avec la relance de ces programmes. Cette question dépend également des gouvernements nationaux des pays de l’Union européenne.

La deuxième question relève de la responsabilité des pays de la rive sud de la Méditerranée. Il est indéniable que la coopération décentralisée est tributaire de l’autonomie des collectivités territoriales qui s’y engagent. Elle dépend également de la possibilité juridique de constituer des associations ou des regroupements de collectivités territoriales des pays du sud et de l’est de la Méditerranée. De ce fait, il est donc important d’encourager la décentralisation et la création d’organisations regroupant des collectivités territoriales au sud et à l’est de la Méditerranée.

De même, on devrait encourager la conclusion d’un accord intergouvernemental entre les pays concernés habilitant les collectivités territoriales à créer des organismes communs sur le modèle de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe et de ses deux protocoles additionnels.

Les instruments et actions pour le développement durable en Méditerranée et en mer Noire

Les discussions ont mis en évidence la nécessité d’une vaste campagne de sensibilisation et d’information pour sauver ces deux mers. Cependant, que ce soit pour une telle action ou pour d’autres, les problèmes des deux mers nécessitent des formules de coopération, telle que des plates-formes de dialogue permanent, qui auront pour mission de procéder à des consultations et la mise sur pied de mesures de préservation et de gestion des ressources naturelles et de l’environnement.

De telles initiatives doivent aboutir et s’inspirer en partie de partenariats existants. Cette coopération doit impliquer tous les niveaux de décisions et être fondée sur une stratégie s’appuyant sur divers éléments : juridiques, en édictant des lois et règlements conformes aux conventions internationales importantes, institutionnels, en instaurant des instances nationales pour le développement durable et, enfin, opérationnels, en réalisant des études stratégiques, plans et programmes d’actions.

La question de l’eau est centrale dans toute approche de coopération relative au système Méditerranée - mer Noire. Un des éléments mis en exergue, quant à cette problématique, concerne les déséquilibres entre ressources et besoins exprimés. L’équilibre « triangulaire », ressource naturelle - démographie - développement qui existait, il y a encore 50 ans, est rompu. A côté de ces conditions matérielles, une série de difficultés proviennent des institutions nationales et internationales, qui sont responsables de cette inaction. Aussi, tant qu’il n’y aura pas une coordination à l’échelle mondiale, avec des décisions ayant un impact direct en matière de concertation et d’implication des citoyens, les efforts seront vains. Concrètement, il y a nécessité d’une approche globale de l’eau, avec une gestion intégrée et économe.

Le deuxième élément débattu à ce sujet tient au fait que l’eau est source d’inégalité, alors que sa disposition et son utilisation conditionnent le développement durable. L’eau est devenue un bien économique, alors que c’est un bien éminemment social. Ceci est d’autant plus vrai qu’entre les deux rives de la Méditerranée, il y a un écart considérable. De ce fait, est nécessaire de mettre en oeuvre une gestion politique de cette ressource, tant sa rareté et sa mauvaise redistribution deviennent un défi majeur.

L’eau doit être traitée de manière uniciste, c’est-à-dire selon la demande. Une telle approche suppose qu’il faut lui appliquer les principes de la précaution et de la subsidiarité. Bref, accorder plus d’effectivité au principe de l’accès équitable à cette ressource. Cette dernière proposition renvoie à la garantie du droit à l’environnement et du droit au développement : l’eau est donc à l’intersection de ces deux droits. Ceci suppose que, puisque l’environnement est un droit lié à l’homme, il doit être garanti et donc protégé. D’où la pertinence de la création d’une juridiction internationale de protection de l’environnement.

1 Devenues, depuis 1998, “agences de la démocratie locale”.