Rapport sur la situation de la démocratie locale en « ex-République yougoslave de Macédoine » - CPL (7) 8 Partie II

Rapporteur: Jean-Claude FRECON (France)

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EXPOSE DES MOTIFS

Introduction sur la situation de la démocratie locale en « ex-République yougoslave de Macédoine » au 15 avril 2000

Lors de sa réunion du 2 novembre 1998, suite aux missions effectuées par le Rapporteur au titre du suivi des procès des Maires de Tetovo et Gostivar, le Bureau du Congrès, tenant compte des observations formulées par le Rapporteur, a décidé la préparation d’un rapport sur la situation de la démocratie locale en « ex-République yougoslave de Macédoine » (voir les conclusions du Bureau annexées au document CG/Bur (5) 75). La préparation de ce rapport avait été reportée en raison de l’afflux massif des réfugiés en Macédoine1 au printemps 1999 puis relancée à la suite de la visite du Président du Congrès Alain Chénard à Skopje en juillet 1999.

L’“ex-République yougoslave de Macédoine” a ratifié la Charte Européenne de l’Autonomie Locale le 6 juin 1997, sans formuler de déclarations ou de réserves.

Une première mission, programmée du 20 au 24 septembre 1999, a permis à la délégation de rencontrer les représentants de la délégation macédonienne auprès du Congrès, de l’Association des Unités d’Autonomie Locale (ZELS), du gouvernement, du Parlement macédonien et des élus locaux. La seconde mission fut effectuée du 8 au 11 mars 2000 et a permis de débattre des premières conclusions et propositions des experts, telles que présentées dans le document CG/BUR (6) 68 rev publiée en novembre 1999, avec les différents interlocuteurs macédoniens. Les programmes de ces missions sont joints en annexe. Le Rapporteur souhaiterait ici adresser ses chaleureux remerciements à Messieurs Hedtkamp (Allemagne) et Woehrling (France) pour leur expertise et leur assistance à la préparation de ce rapport ainsi que M. Bohner et Mlle Affholder (Secrétariat du Congrès). La mission a été préparée en étroite coopération avec Vladimir Ristovski, Directeur a.i du Centre d’Information et de Documentation du Conseil de l’Europe, et de Mirjana Lozanoska, Déléguée de l’Agence de la démocratie locale d’Ohrid dont l’efficacité aura contribué au succès de la préparation des missions.

Le Rapporteur souhaiterait souligner l’attitude très positive et ouverte des autorités macédoniennes tant locales que nationales qui ont, à plusieurs reprises, formulé le souhait de coopérer avec le Conseil de l’Europe pour mener à terme leurs réformes et mettre la législation macédonienne en conformité avec la Charte Européenne de l’Autonomie Locale. En particulier il souhaiterait remercier le Ministre de la Justice (et ancien Ministre de l’Autonomie Locale) M. Nasufi, le Ministre de l’Autonomie Locale M. Saiti, l’Association des Unités d’Autonomie Locale, son Président M. Kurkciev, Maire de Gevgelija, et son Secrétaire Général M. Trajcevski, ainsi que la délégation macédonienne auprès du Congrès présidée par M. Penov, Maire de Skopje, M. Prackovski, Maire de Delcevo pour leur disponibilité et leur contribution aux travaux du Rapporteur et des experts.

L’avis préliminaire des experts avait mis en lumière, après la visite de septembre 1999, de nombreux dysfonctionnements de la démocratie locale en Macédoine. La situation de la démocratie locale paraissait, à bien des égards, insatisfaisante en “ex-République yougoslave de Macédoine”. Alors que la loi sur l’autonomie locale de 1995 semblait relativement compatible avec la Charte européenne de l’Autonomie Locale, l’adoption de lois spéciales, la nouvelle division du territoire (qui s’est traduite par la création de nouvelles collectivités locales sans qu’il ne leur soit donné les ressources financières et humaines indispensables à leur fonctionnement) et la pratique administrative ont mis les collectivités macédoniennes dans une situation difficile au fil des années : les compétences effectives des autorités locales sont très limitées. Au niveau financier, le total des budgets des communes ne représente que 1% du budget de l’Etat. Leurs ressources financières (recettes et dépenses) sont plafonnées par les autorités centrales. Les collectivités locales ne peuvent décider ni de l’assiette ni du taux des impôts locaux alors qu’elles gérent d’importants fonds extra-budgétaires, elles ne disposent pas de propriétés, il n’existe pas d’incitation financière ou fiscale de nature à encourager le développement local ou la coopération intercommunale, le personnel des collectivités locales n’est pas formé de manière adéquate, l’Association des Unités d’Autonomie Locale ne dispose que de moyens limités et ne peut veiller à la défense des intérêts des communes, etc.

Le Ministre de l’Autonomie Locale s’était engagé à préparer une série de réformes pour ce qui concerne la loi sur l’autonomie locale, les finances locales et la division du territoire ce processus est activement soutenu par le Programme Phare de l’Union européenne et l’US AID Urban Institute. Le Ministre espérait la révision rapide des lois citées. Dans ce cadre-là, des demandes d’assistance ou de coopération ont été formulées par le Ministère de l’Autonomie Locale et l’Association des Unités d’Autonomie Locale pour ce qui concerne la réforme des lois, la formation des cadres territoriaux, les séminaires de sensibilisation, etc.

Le Rapporteur a cependant été dans l’obligation de constater que les réformes envisagées n’ont pas été initiées au cours des six derniers mois. Un certain immobilisme a été observé par la délégation, qui a vivement regretté l’absence de concertation et de dialogue entre les différents interlocuteurs qui méritent d’être pleinement impliqués dans le processus de réformes. Le Rapporteur ne sous-estime pas la difficulté des réformes à entreprendre, notamment liées à la mise en place d’un nouveau Ministère de l’Autonomie Locale, et n’ignore pas les événements qui ont marqué la vie politique de la Macédoine ces derniers mois. Cependant, une élection présidentielle ne saurait paralyser les travaux préparatoires en cours. Le Rapporteur appelle de ses vœux une relance du processus de réforme et rappelle la disponibilité du Congrès à apporter son assistance dans l’examen des textes des projets de lois.

Le présent exposé des motifs vise à dresser un état des lieux des structures et du fonctionnement de la démocratie locale en Macédoine, puis examine la situation des finances locales, jugée particulièrement critique. Il convient de noter que ce rapport contient un certain nombre de propositions et de suggestions qui ont, en partie, été reprises dans les projets de Recommandation et de Résolution.

Le document est articulé en deux parties, l’une analysant la situation de la démocratie locale, l’autre la situation financière des collectivités locales en Macédoine.

Partie I Analyse de la situation en démocratie locale en « ex-République yougoslave de Macédoine »

I) Introduction

Dans l'ancien régime politique et juridique de la Yougoslavie les communes étaient comprises comme un "système d'intégration démocratique autogestionnaire d'organisation socio-politique représentant les communautés de base".

Bien que la Yougoslavie ait renoncé très tôt au système de la double subordination entre les instances locales et les instances supérieures, les communes n'étaient pas perçues comme l'expression d'un pouvoir local au sens occidental du terme mais comme la cellule de base d'un système, qui, malgré le recours à des principes fédératifs et autogestionnaires, constituaient une unité.

Dans ce cadre, les communes yougoslaves ne se distinguaient pas clairement de l'appareil d'Etat mais disposaient néanmoins d'un pouvoir et d'une autonomie importants. Une succession de réformes territoriales avait abouti à réduire leur nombre de 11.500 en 1946 à 4.000 en 1952, 1.470 en 1955, 836 en 1959, et 530 en 1979. En Macédoine ce chiffre est passé de 61 en 1967 à 34 à 1979. Toutefois, ce mouvement de fusion a laissé subsister des communautés locales au niveau des quartiers et des villages. Parallèlement à cette réduction de leur nombre, les communes se sont vues attribuer des fonctions importantes et des ressources non négligeables. En moyenne, elles disposaient entre 25 et 35 % des impôts recueillis sur leur territoire. A ces ressources s'ajoutaient les contributions volontaires des citoyens décidées par référendum en vue de financer des projets particuliers, ainsi que des subventions provenant du niveau des Etats fédérés destinés à assurer une meilleure péréquation.

Les communes avaient aussi un rôle au plan économique, les entreprises yougoslaves subissant leurs ingérences en ce qui concerne le choix du directeur, la politique des cadres, les investissements, etc. L'assemblée communale était habilitée à suspendre tout acte attentatoire aux droits des travailleurs et à la propriété sociale. L'autorité communale était appelée à protéger la légalité, la sécurité des personnes et des biens, l'ordre et la paix publique. Ces compétences s'étendaient en outre à la protection de l'environnement, à la planification de l'espace, à la politique de la construction et à l'urbanisme. Les collectivités locales pourvoyaient à divers équipements en matière de transport, d'adduction d'eau, de santé, d'enseignement, de culture, de sport et de loisirs. En d'autres termes, parce qu'elle était l'instrument d'un pouvoir unique, la commune était chargée au niveau local de la préservation du système socio-politique et socio-économique.

Soumises à un contrôle politique strict, les communes ne faisaient pas l'objet d'une tutelle sévère au sens administratif : les actes des autorités communales n'étaient passibles que d'un contrôle de légalité et de constitutionnalité. La commune pouvait adopter librement ses statuts et exercer un pouvoir normatif. Mais les problèmes de conformité aux choix politiques de l'Etat étaient en réalité réglés par des voies extra-juridiques : c'était la même volonté politique – celle du parti - qui animait les instances du pouvoir à tous les degrés et dans tous les domaines de l'action collective.

On peut ainsi résumer la situation des anciennes communes yougoslaves comme constituant un niveau important de gestion disposant de moyens significatifs et d'un rôle remarquable mais étroitement intégré dans l'appareil d'Etat du fait du système politique qui excluait l'existence d'un véritable pouvoir local autonome.

Avec le changement de régime, les différentes Républiques issues de la Yougoslavie ont opté pour l'adoption du modèle occidental de pouvoirs locaux. L'ancien système dans lequel les communes constituaient un rouage d'un système politique a été abandonné. Des structures administratives instituant des communes effectivement autonomes par rapport au pouvoir politique central ont été instituées. Tel a également été le cas pour la République de Macédoine avec la loi du 26 octobre 1995. Cette loi introduit en Macédoine des mécanismes comparables à ceux qui existent dans les Etats d'Europe de l'Ouest au regard du statut des communes. Une véritable démocratie locale était ainsi instaurée.

Cependant, l'adoption de ce système administratif occidental se présente à bien des égards comme formel et partiel. Des structures communales formellement indépendantes ont été créées mais elles sont restées dans une certaine mesure des coquilles vides ou du moins des entités faibles à défaut d'être investies de compétences effectives ou suffisamment étoffés, de disposer de ressources autonomes conséquentes, de disposer de moyens appropriés en personnel et sur le plan patrimonial, de pouvoir compter sur un environnement favorable au plan de la politique culturelle et se trouvant de surcroît fréquemment instrumentalisées à des fins de politique partisane.

Ainsi, en République de Macédoine, la loi de 1995 constitue certes un cadre globalement conforme aux critères et exigences de la Charte européenne de l'autonomie locale et des conceptions occidentales de la liberté communale, mais en réalité cette loi a créé des communes faibles, aux compétences juridiques limitées et aux attributions de fait encore plus réduites, avec des ressources très restreintes dans un contexte politique et économique peu favorable. Ces communes font, dès lors, pâle figure par rapport à l'appareil d'Etat qui est présent localement dans le même cadre territorial. De surcroît, la création d'environ 85 nouvelles communes en 1996, sans plan d'ensemble rationnel et sans mesures d'accompagnement appropriées, a encore accentué la faiblesse de la structure communale dans la mesure où elle a créé un hiatus entre anciennes et nouvelles communes.

Une réorganisation en profondeur du niveau de l'administration locale serait de ce fait nécessaire pour donner réalité à la notion de démocratie locale.

II) Conformité à la Charte européenne de l'autonomie locale

A divers égards la législation relative à la démocratie locale en République de Macédoine peut être regardé comme satisfaisante et conforme au principe de la Charte européenne de l'autonomie locale. Certains points essentiels manifestent cependant des insuffisances marquées.

A) Les éléments satisfaisants

Ceux-ci concernent essentiellement le cadre légal de l'autonomie locale.

a) Garantie et concept de l'autonomie locale

La constitution de la République de "Macédoine" de 1993 dispose dans son article 114 que le droit des citoyens à l'autonomie locale est garantie. Les communes sont des organes de l'autonomie locale. Elles se financent par des ressources propres. Leur compétence s'étend selon l'article 115 aux affaires d'importance locale notamment dans les domaines de la planification urbaine, des activités communales, de la culture, du sport, de la sécurité sociale, de la protection de l'enfance, de l'éducation préscolaire et primaire. Les municipalités doivent être autonomes dans l'exercice de leurs compétences constitutionnelles ou légales. Les divisions territoriales sont déterminées par la loi. Les modalités d'application de ces principes constitutionnel doivent être fixées par une loi organique nécessitant une majorité de deux tiers du total des députés. L'autonomie locale bénéficie de surcroît d'une protection juridictionnelle en ce sens que la Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur les conflits entre les autorités de la République et les communes. Dans la mesure où l'article 118 de la Constitution donne aux Accords internationaux ratifiés la valeur de normes de droit interne non susceptibles d'être modifiés par la loi, la Charte européenne de l'autonomie locale, laquelle a été ratifiée par la Macédoine sans réserves, devrait pouvoir être invoquée devant les tribunaux à l'encontre de dispositions de droit interne contraire.

Ces principes de l'autonomie locale ont été précisés par la loi du 26 octobre 1995 dont notamment l'article 4 dispose que les communes ne peuvent pas être soumises à des restrictions de la part de l'autorité de l'Etat dans les matières relevant de leur compétence légale ou constitutionnelle, sauf pour des motifs de légalité et dans les conditions prévues par la loi. Les contestations relatives à la légalité des actes des communes doivent être portées par les organes de l'Etat devant la Cour constitutionnelle ou devant la juridiction compétente (article 69 et 70 de la loi).

Ces éléments peuvent être regardés comme correspondant à une définition et à une garantie satisfaisante de l'autonomie locale au regard des dispositions des articles 2 et 3 de la Charte. Toutefois, on doit observer l'existence d'un certain nombre de mécanismes juridiques ou financiers qui influent sur l'exercice des compétences appartenant aux collectivités locales et qui mettent en cause la réalité de leur autonomie (voir infra).

b) Caractère démocratique des organes communaux

Les conseillers municipaux et les maires sont élus par la population au suffrage universel et direct selon un scrutin proportionnel en ce qui concerne les conseillers et un scrutin majoritaire à deux tours en ce qui concerne le maire. Il existe une exception au caractère direct du suffrage en ce qui concerne la ville de Skopje pour laquelle 14 délégués sont désignés par les conseils des communes membres de cette ville. Les opérations électorales sont contrôlées par des commissions électorales et des bureaux électoraux qui offrent des garanties satisfaisantes et qui permettent notamment aux représentants de l'opposition d'exercer leur contrôle. Le maire est responsable devant le corps électoral dans la mesure où il peut être révoqué par celui-ci (à la majorité, sur l’initiative de 20% des électeurs). Des mécanismes de participation directe des citoyens par la voie de référendum sont prévus.

L'autonomie respective du maire et de l'assemblée municipale est de nature à favoriser un contrôle réciproque de ces deux organes.

c) Protection des limites territoriales des collectivités locales (article 5 de la Charte)

Cette modification doit être décidée par le législateur après consultation des communes concernées ainsi que de leurs habitants (référendum et réunions publiques) (articles 15 et 87 de la loi sur l'autonomie locale). Au plan formel, l'article 5 de la Charte est donc respecté. Toutefois, on peut se demander si la consultation des communes a été effective lors de la création de nouvelles communes en 1996. En tout état de cause, il importera de respecter ces garanties de procédure lors d'une nouvelle modification.

d) Adéquation des structures internes des collectivités locales à leurs missions (article 6.1)

Les communes peuvent adopter librement leurs statuts dans le cadre duquel elles peuvent définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter ainsi que de définir les conditions de leur gestion.

e) Statuts des élus locaux (article 7 de la Charte)

Les conseillers municipaux sont protégés contre les poursuites liées à l'exercice de leur opinions durant leur mandat (article 36). Ils ont droit à des indemnités pour les dépenses exposées durant leur mandat (article 37) et à une indemnité. On peut même considérer que les conditions dans lesquelles ces indemnités sont fixées par le conseil municipal sont libérales au point de permettre certains abus. Les incompatibilités sont fixées par la loi.

Dans la pratique, la situation est moins sereine. Certaines arrestations spectaculaires de maires sont intervenues, certes pour des délits pénaux, mais dans des conditions qui ne paraissent pas étrangères à leur position dans l'opposition. Les articles 38 et 48 de la loi sur l'autonomie locale définissent, de manière acceptable au regard de la Charte, les motifs pour lesquels les maires ou conseillers municipaux peuvent perdre leurs fonctions. Cependant, l'expérience montre que, dans le contexte difficile actuel, des condamnations à plus de 6 mois de prison, qui entraînent une perte de mandat, peuvent survenir dans des conditions qui ne sont pas toujours incontestables. En tout état de cause, des poursuites contre des élus, quels qu'en soient les motifs, devraient non seulement respecter les garanties judiciaires mais aussi être clairement justifiables devant l'opinion publique locale.

f) Protection légale de l'autonomie locale

Conformément à l'article 11 de la Charte, les collectivités locales disposent d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale. Ce recours est porté selon le cas devant la Cour constitutionnelle ou devant la juridiction compétente (article 86 de la loi sur l'autonomie locale). Les garanties devraient pouvoir être utilisées notamment en cas d'ingérence du pouvoir central dans le fonctionnement des communes.

En effet, l'article 74 de la loi sur l'autonomie locale permet au pouvoir central de dissoudre le conseil municipal si celui-ci n'adopte pas son budget, ne se réunit pas, ou se montre incapable d'exercer ses fonctions durant une période supérieure à 6 mois. Ces motifs sont acceptables s'ils ne sont pas utilisés de manière abusive.

Par contre, l'article 75 prévoit la dissolution par le Gouvernement de Conseils municipaux dont les résolutions mettent en danger la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République. Une telle disposition paraît inutile, car le Gouvernement peut suspendre de telles résolutions, et contestable dès lors qu'elle ne comporte que peu de garanties procédurales (information du Parlement) le motif de la dissolution étant de surcroît formulé de façon très vague. Cette disposition devrait être modifiée.

g) la coopération entre collectivités locales au plan national et au plan transfrontalier

L'article 10 de la loi sur l'autonomie locale dispose que les collectivités locales peuvent coopérer. En vue de réaliser leur intérêt commun ou d'entreprendre des taches communes, elles peuvent établir des services communs, constituer des entreprises publiques ou constituer des fonds communs. Les objectifs et les modalités d'une telle coopération doivent être déterminés par un acte communiqué à l'administration d'Etat.

Il semble toutefois que des interprétations restrictives de cet article 10 aient été développées par certaines instances dans le sens d’une impossibilité de constitution de véritables institutions de coopération intercommunale disposant d’une personnalité juridique propre.

Les collectivités locales peuvent également coopérer avec des collectivités locales d'autres pays et avec des organisations internationales de collectivités locales. Elles disposent du droit de devenir membre d'organisations internationales de collectivités locales.

La loi prévoit cependant qu'il n'est organisé qu'une seule association macédonienne de collectivités locales en vue de permettre aux collectivités locales de partager leurs expériences et de promouvoir l'autonomie locale. L'existence d'une seule association de collectivités locales peut être ainsi considérée comme une limitation législative du droit des communes macédoniennes de se regrouper. Cette disposition vise à éviter la constitution d'association de communes sur des bases ethnico-culturelles. Un tel motif est discutable au regard de la convention cadre pour la protection des minorités. On peut cependant considérer qu'il n'est pas interdit aux communes macédoniennes de constituer plusieurs associations mais une seule d'entre elles aura un statut officiel auprès du gouvernement.

h) Le contrôle administratif des actes des collectivités locales

L'article 8 de la Charte distingue entre les matières qui appartiennent en propre aux collectivités locales et celles qui leur sont déléguées. En ce qui concerne les matières qui appartiennent en propre aux collectivités locales, le contrôle de l'Etat sur l'exercice de ces compétences doit se limiter au respect de la légalité. Dans le cas de tâches dont l'exécution a été léguée aux communes, un contrôle d'opportunité peut exister mais il doit être exercé dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôler l'importance des intérêts qu'elle entend préserver.

L'exercice d'un contrôle d'opportunité sur les tâches non originaires déléguées par les administrations d'Etat aux communes tel qu'il est prévu par la loi macédonienne sur l'autonomie locale, n'est donc pas contraire à la Charte. De toute façon, il n'existe pas apparemment, de telles compétences déléguées actuellement en Macédoine. En ce qui concerne les compétences originaires, la réserve de l'exercice de ces compétences en accord avec les lois qui les régissent, tel que fréquemment prévu par la loi macédonienne sur l'autonomie locale, n'est pas contraire à la Charte. Par contre, l'existence d'un système d'autorisation et d'approbation par les administrations d'Etat en ce qui concerne l'adoption des plans d'urbanisme (article 18) pourrait apparaître comme discutable au regard des dispositions de la Charte qui limite le contrôle administratif à un contrôle de légalité, dès lors qu'il s'agirait d'un système d'approbation fondé sur les considérations d'opportunité. La loi spéciale sur les budgets des communes aboutit par ailleurs à un contrôle plus étroit du pouvoir central sur le montant des dépenses des communes. De même, les tarifs des services publics locaux (redevances) semblent placés sous le contrôle du pouvoir central bien que la loi ne le précise pas. En d’autres termes, soit par des textes spéciaux, soit par une tutelle occulte, un contrôle excessif semble peser sur les collectivités locales macédoniennes.

L'article 69 de la loi sur l'autonomie locale permet au Gouvernement de la République de Macédoine de suspendre l'exécution d'un acte d'une commune si cette exécution est susceptible de causer un dommage irréparable. Mais ce pouvoir est conditionné par la saisine de la Cour constitutionnelle dans un délai de 15 jours afin qu'elle statue sur la légalité de l'acte en cause. Cette disposition peut être regardée comme conforme à la Charte compte tenu des conditions de l'exercice des pouvoirs ainsi attribués au Gouvernement de Macédoine.

L'article 71 donne aux Ministères et autres organes de l'Administration d'Etat un pouvoir d'inspection et de contrôle ainsi qu'un pouvoir d'instruction, de direction pour la mise en œuvre des lois et des actes généraux. Si la commune omet d'exécuter ces instructions et directives, l'autorité de l'Etat peut adresser des injonctions à la commune et, dans le cas où ces injonctions ne seraient pas suivies, se substituer à l'autorité communale. Un tel pouvoir général d'instruction de directive et de contrôle est compatible avec la Charte s'il se limite effectivement, comme le prévoit la loi, aux matières déléguées par l'Etat aux communes.

i) La prise en compte des langues régionales ou minoritaires dans le cas de l'administration communale

La loi sur l'autonomie locale comporte diverses mesures en faveur de la prise en compte des langues minoritaires. Il est prévu que les communes dans lesquelles les groupes culturels autres que macédoniens représentent la majorité ou une minorité substantielle, les langues des groupes culturels concernés peuvent être utilisées par les organes de la commune et les actes des communes sont rédigés dans plusieurs langues. De même, l'affichage public pourra être bilingue ou plurilingue.

Il est également prévu que dans les communes comportant plusieurs groupes culturels, un effort peut être fait pour assurer une représentation ethnique adéquate au sein du personnel municipal sans pour autant remettre en cause le critère de la compétence professionnelle (article 54).

La loi prévoit enfin la création d'un Conseil interethnique consultatif dans les communes dont la population est ethniquement diversifiée. Dans la pratique, il ne semble pas que ces conseils interethniques ait une très grande vitalité, mais ils peuvent néanmoins apporter une contribution à la compréhension interculturelle.

B) Les aspects problématiques

A côté de ces éléments qui ne présentent pas de difficultés, il existe par contre un certain nombre de points sur lesquels la loi sur l'autonomie locale macédonienne est insatisfaisante.

a) Les compétences des communes macédoniennes

La loi sur l'autonomie locale distingue trois types de compétence pour les communes macédoniennes :

1) Les compétences exercées de manière autonome par les communes macédoniennes

L'article 17 de la loi énumère 32 compétences que les communes peuvent exercer de manière "indépendante". Toutefois, à l'intérieur de ces 32 domaines d'activité, il faut distinguer ceux qui peuvent être exercés de manière exclusive par les communes macédoniennes et ceux qui s'exercent "dans le cadre des lois" susceptibles d'en avoir défini les modalités.

Les compétences que les communes peuvent exercer de manière complètement autonomes sont les suivantes :

- adopter des "programmes de développement" et des "programmes pour l'aménagement des zones de construction",

- réglementer l'entretien des parcs et places publiques d'importance locale,

- réglementer le nettoyage des cheminées,

- donner des avis et faire des propositions,

- encourager, faciliter, promouvoir des opérations de développement touristique, artisanal ou industriel.

Il s'agit là de compétence de très faible portée pratique.

Les autres compétences que les communes peuvent exercer à titre originaire et de façon "indépendante" doivent être réalisées "conformément à la loi". Il en résulte que des lois ordinaires peuvent déterminer les conditions dans lesquelles ces compétences sont exercées. Ceci peut apparaître comme une modalité normale d'organisation de l'activité communale mais peut aussi aboutir à ce que les lois correspondantes limitent l'initiative communale selon des conditions restrictives. En tout cas, la référence à des dispositions législatives ne devrait pas être comprise comme une condition préalable à l'exercice des compétences en cause. Sauf à méconnaître les objectifs constitutionnels, de telles lois devraient aussi éviter d'encadrer d'une manière excessive les compétences que les communes exercent de manière "autonome". Compte tenu des renseignements recueillis, il n'est pas possible de porter un jugement sur la pratique suivie, les experts n'ayant pas eu accès à ces lois particulières. Toutefois, ils ont recueilli un certain nombre de plaintes auprès de responsables communaux selon lesquels l'exercice effectif de ces compétences est entravé soit par l'existence de dispositions législatives trop précises qui transforment les communes en agents d'exécution de l'Etat soit par l'absence totale de telles dispositions. Si tel était le cas, il faudrait considérer que l'esprit de l'article 112 de la Constitution n'a pas été respecté par les lois en cause.

Les compétences ainsi exercées en accord avec les lois applicables sont les suivantes :

- réglementation et utilisation de terrains de construction,

- détermination des zones et de la collecte de taxes sur les surfaces construites,

- construction et entretien des routes locales, des rues et des autres infrastructures et équipements d'importance locale,

- détermination du nom des rues et places,

- organisation de la fourniture d'eau potable, de l'évacuation des eaux usées et des déchets ainsi que des eaux de pluie,

- organisation et réglementation de l'éclairage public,

- organisation des transports publics locaux,

- aménagement des signalisations routières,

- aménagement et entretien des cimetières,

- entretien et aménagement des lits des cours d'eau,

- organisation des marchés publics,

- création de modes de communication d'importance locale,

- établissement d'écoles secondaires (de caractère professionnel),

- financement d'équipements pour les écoles primaires au-dessus du niveau garanti par la République,

- réalisation d'opérations de protection civile,

- établissement de services publics et d'entreprises publiques pour la fourniture de services d'intérêt local.

Cette liste peut paraître conséquente. En réalité, beaucoup de communes paraissent avoir des difficultés à mettre en œuvre effectivement celles de ces compétences qui ont une importance réelle.

2) Les compétences exercées sous réserve de l'autorisation ou du contrôle des autorités centrales :

Les communes sont compétentes pour adopter des plans généraux et des plans de détail d'urbanisme. Les plans généraux d'urbanisme doivent être approuvés par l'administration centrale. Le refus de cette autorisation n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours sans doute parce qu'elle est discrétionnaire. En ce qui concerne les plans d'urbanisme de détail, une approbation des autorités centrales est également nécessaire, mais le refus de cette approbation peut être portée devant la juridiction compétente.

En outre, en accord avec la loi et en conjonction avec les autorités de l'Etat, les communes peuvent fournir des fonds pour la construction et l'équipement d'institutions dans le domaine préscolaire, de la culture, du sport, de l'aide sociale à l'enfance, de la santé élémentaire, de la protection de la nature, des animaux et des plantes ou d'autres domaines d'importance pour les citoyens au plan local.

3) Les domaines faisant l'objet d'une délégation de la part de la République

Celle-ci peut déléguer aux communes des responsabilités lui appartenant en vue d'une mise en œuvre plus rationnelle et pour une satisfaction plus complète des besoins du citoyen. Dans ce cas, un financement spécifique est à verser aux communes. Par contre, l'exercice de ces activités est placé sous la direction et le contrôle des organes de l'Etat, conformément à l'alinéa 3 de l'article 4 de la loi sur l'autonomie locale.

Appréciation

L'article 3 de la Charte européenne sur l'autonomie locale définit l'autonomie locale comme le droit et la capacité effective de régler et de gérer pour les communes sous leur propre responsabilités une part importante des affaires publiques. L'article 42 appelle le principe de subsidiarité selon lequel l'attribution d'une responsabilité à une autorité supérieure à celle des communes doit intervenir si cela est préférable compte tenu de l'ampleur, de la nature et des exigences de la tâche en cause. Cet article précise également que les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. On peut douter que ces principes aient été correctement mis en œuvre en République de Macédoine.

Certes, en examinant le texte de la loi sur l'autonomie locale, on est impressionné par l'importance de la liste des compétences confiées aux communes. Cette impression favorable se dissipe après un examen plus détaillé. Sans doute, plusieurs dispositions confèrent un droit d'initiative assez vaste aux communes macédoniennes pour intervenir dans un grand nombre d'affaires d'intérêt local, soit pour prendre des actions de promotion, soit pour apporter un financement complémentaire, soit pour donner des avis et apporter des conseils. Ce droit d'initiative serait sans doute une base juridique suffisante pour une activité assez développée si les communes macédoniennes avaient les moyens financiers et le cadre patrimonial pour mettre en œuvre ces potentialités. Mais, ainsi qu'il sera dit par ailleurs, les ressources financières des communes macédoniennes sont extrêmement réduites et leur patrimoine presque inexistant. La possibilité légale pour ces communes d'intervenir, par exemple, à titre complémentaire dans les domaines de la culture, du sport, de la protection sociale, de la santé, de l'éducation ou de l'environnement ou encore de la promotion des activités économiques reste lettre morte.

D'autres activités peuvent certes être assurées par les communes macédoniennes, malgré leur faible moyens, mais n'ont qu'une portée très limitée et ne permettent pas de servir de base à une politique communale dynamique. Il en est ainsi de la réglementation, du nettoyage des cheminées ou de l'entretien des cimetières.

En fin de compte, les seules compétences qui ont véritablement une importance pour le développement de la commune et pour la définition d'une politique locale sont celles qui sont relatives à l'aménagement urbain, à la création de nouvelles zones de construction et à la viabilisation de terrains de construire. Les communes ont dans ce domaine une certaine compétence légale et des possibilités d'initiative malgré les limitations de leurs ressources. Mais en pratique, l'exercice de ces compétences semble pratiquement subordonné aux contrôles et aux autorisations des administrations de l'Etat.

On peut donc en fin de compte considérer que les communes macédoniennes n'assument pas en réalité une part importante des affaires publiques au sens de l'article 3 de la Charte. Pour qu'elles accèdent à un niveau de responsabilité réellement important, il serait avant tout nécessaire de leur donner des moyens d'action supplémentaires. Il conviendrait aussi de leur garantir un exercice authentiquement indépendant des responsabilités qui leur sont dévolues. Enfin, il faudrait leur attribuer des compétences supplémentaires, qui ont un véritable caractère "stratégique" du point de vue du développement d'une politique d'action communale. Cela supposerait que l'Etat macédonien s'engage dans une politique de transfert de compétences au profit des collectivités locales. Parmi les matières pouvant faire l'objet d'un tel transfert on peut envisager la police municipale – ce qui n’est pas prévu actuellement par la Constitution mais non plus exclu par elle - l'aide sociale, l'enseignement préscolaire et l'animation culturelle. Il convient de rappeler, que d'après l'article 115 de la Constitution macédonienne, les communes doivent permettre aux citoyens de participer à la prise de décision dans les domaines de la planification urbaine, de la culture, du sport, de la sécurité sociale, de la protection de l'enfance, de l'éducation préscolaire, de l'éducation primaire, des aspects élémentaires de la santé. Il est légitime d'interpréter cette disposition comme donnant aux communes une compétence effective, même si elle n'est pas exclusive, dans les domaines mentionnés. Pour être conforme à la constitution, la loi sur l'autonomie locale devrait constituer une base véritable pour l'exercice de ces compétences.

b) Les ressources des communes

C'est le domaine dans lequel la situation des communes macédoniennes est la plus problématique. Un rapport spécifique concerne les ressources financières des collectivités locales lesquelles sont manifestement insuffisantes pour permettre véritablement aux communes d'exercer leurs responsabilités.

Mais il convient aussi de relever que les communes macédoniennes sont très largement privées d'un patrimoine leur permettant d'exercer réellement leurs compétences. Les biens et équipements immobiliers (bâtiments administratifs, stades, piscines, etc…) semblent avoir été transférés à l'administration d'Etat alors même que ces équipements ont été réalisés au moyen de ressources locales. La Charte ne comporte pas de dispositions sur le patrimoine communal, mais on peut appliquer par analogie les dispositions relatives aux ressources financières, (article 9), en vertu desquelles les collectivités locales doivent être dotées de ressources propres suffisantes et pouvoir en disposer librement dans l'exercice de leurs compétences. Ces ressources doivent être proportionnées à leurs compétences et les communes doivent être consultées sur les modalités de leur attribution.

c) Situation du personnel communal

En application de l'article 6 de la Charte Européenne, le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité fondé sur les principes du mérite de la compétence. La situation de la Macédoine ne paraît pas répondre entièrement à ces exigences. En vertu de l'article 54 de la loi sur l'autonomie locale, les agents administratifs de la commune sont engagés pour une période de 4 ans. Cela signifie que leur engagement doit être renouvelé au moment de chaque élection. En d'autres termes, en cas de changement de majorité politique au sein du Conseil municipal, c'est le "spoilsystem" qui risque d'être mis en oeuvre : les agents administratifs au service de l'équipe municipale précédante pourront être licenciés. Un tel système n'est pas de nature à garantir un personnel municipal neutre, stable et compétent. Dans un pays fortement politisé comme la Macédoine, il serait important que les collectivités locales disposent d’un personnel administratif professionnel et dépolitisé.

Un autre aspect qui risque d'influer sur la qualité du personnel communal réside dans les difficultés financières des communes qui aboutissent à ne pas garantir une rémunération constante à ce personnel. Pour être conforme à l'esprit de la Charte, le personnel communal devra disposer d'un statut lui offrant des garanties de neutralité et de stabilité suffisantes ainsi que des perspectives de rémunération et d'évolution de carrière satisfaisante.

L’efficacité administrative des communes macédoniennes a de surcroît été affaiblie par le transfert vers des services de l’Etat d’un certain nombre d’agents locaux à l’occasion de la réorganisation du niveau local.

Enfin se pose un problème de formation du personnel communal.

d) Mise en œuvre de la réforme territoriale

En 1996, une loi a porté le nombre des communes de 34 à 124. Cette réforme qui était justifiée par la volonté de rapprocher les structures communales de la population (la dimension moyenne des communes étant alors de 58.000 h et 700 km2) et par le souci de favoriser la prise en compte par le niveau communal de l'implantation géographique de certaines communautés culturelles est aujourd'hui critiqué. Ces critiques semblent fondées dans la mesure où la réforme territoriale a créé des communes nouvelles, sans organiser suffisamment le partage des moyens d'action (personnel et bâtiments) entre communes anciennes et nouvelles. Les communes anciennes se retrouvent avec le même personnel pour partie inutilisé et les communes nouvelles sont fréquemment dépourvues de moyens.

Dans leurs structures antérieures à cette réforme, les communes macédoniennes étaient souvent d'une dimension très importante. Le choix pour une création de nouvelles communes était donc justifiable afin de disposer de structures plus proches des citoyens. Toutefois, la réforme est aujourd'hui appréciée de manière critique car elle n'a pas toujours été fondée sur des critères objectifs et aboutit à des dépenses supplémentaires dont l'utilité n'est pas démontrée. Compte tenu des faibles ressources dont dispose la République de Macédoine, cette préoccupation paraît légitime.

Pour éviter des dépenses inutiles et néanmoins rapprocher les structures communales des citoyens, il pourrait être envisagé, dans le cas de la République de Macédoine de créer un système communal à deux niveaux avec des communautés de base assumant certaines fonctions de proximité et des entités communales plus vastes prenant en charge des services qui supposent des moyens les plus importants.

Il serait en tout cas regrettable de supprimer l'ensemble des communes créées en 1996. En effet, un nombre important de ces communes ont une taille suffisante pour constituer le cadre d'une action communale significative. De plus, un certain nombre de ces nouvelles communes correspond à une solidarité locale ou à une communauté d'intérêt qu'il serait dommage de méconnaître. Ainsi, certaines nouvelles communes permettent-elles de mieux prendre en compte l'existence de minorités ethniques ou culturelles. Sans doute, ne serait-il pas souhaitable d'organiser, de manière systématique, la carte communale uniquement en fonction de critères ethniques. Mais, comme le rappelle la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le découpage administratif doit pour le moins ne pas méconnaître l'existence de communautés ethniques ou culturelles et ne pas compromettre leur possibilité d'avoir une vie sociale et culturelle en commun. Il convient donc de procéder à la prise en compte d'un ensemble de critères parmi lesquels il n'est pas illégitime de retenir la possibilité de donner à des minorités culturelles ou ethniques de meilleurs moyens d'utiliser les structures communales.

Enfin, il paraît impératif que si le découpage territorial des communes était décidé, il devrait intervenir dans le respect des principes consacrés par l'article 15 de la loi sur l'autonomie locale, à savoir après une large consultation des populations et conseils municipaux concernés. Les choix en ce domaine devront prendre en compte de manière réelle les préoccupations qui se seront ainsi exprimées.

III) Appréciation générale

La constitution de la République de Macédoine et la loi sur l'autonomie locale de cette République manifestent la claire volonté de créer un système d'autonomie locale en Macédoine. Pourtant, de façon paradoxale, l'abandon du "système yougoslave" de communes de l'époque communiste s'est traduit non par le progrès de la décentralisation mais par un progrès de la centralisation. Aux communes yougoslaves, communautés sociales puissantes bien que non autonomes, se sont substituées des communes de type "occidental", plus autonomes mais très largement impuissantes. La réorganisation institutionnelle s'est traduite par un renforcement du pouvoir au niveau de la République. Sans doute, ce processus de centralisation s'explique-t-il par les conditions économiques difficiles, par les difficultés politiques diverses et par la nécessité pour le nouvel Etat macédonien de trouver des assises solides. Mais au-delà de ces explications, on a le sentiment que les autorités macédoniennes ont eu peur d'une véritable autonomie communale et qu'elles n'ont pas vraiment eu confiance dans les vertus d'un tel système. Pour toutes ces raisons, après le changement de régime, les moyens financiers et la propriété publique ont été pour l'essentiel concentrés au niveau de l'Etat ; seules des compétences limitées ont été attribuées aux communes. Celles-ci n'ont pas été dotées de moyen leur permettant véritablement de prendre en charge les questions de l'intérêt local. Une réforme territoriale tendant à créer de nouvelles communes, a encore accentué les difficultés du niveau local malgré les justifications qu'elles pouvaient comporter, car cette réforme a été insuffisamment préparée et n'a pas fait l'objet des mesures d'accompagnement nécessaires.

Aujourd'hui on se trouve dans un cercle vicieux : les communes ont peu de ressources ; mais cette modestie dans les ressources est justifiée par l'absence de compétences significatives. N'ayant ni ressources ni compétences importantes, les communes n'ont pas pu mettre sur pied un appareil administratif efficace de sorte que, très probablement elles auraient de la peine à assumer valablement des compétences nouvelles. Ainsi, la faiblesse du système d'autonomie locale justifie de le maintenir en état d'impuissance puisque, compte tenu de la situation économique difficile de la Macédoine, il ne serait pas acceptable que les moyens limités dont elle dispose soient gaspillés.

Il est cependant nécessaire de rompre ce cercle vicieux. La République de Macédoine a tout à gagner à disposer de communautés locales dynamiques, agissantes, et capables de prendre en charge une part des nombreux problèmes qui se posent à ce pays. Il faut que des moyens supplémentaires soient donnés aux communes ; mais il est nécessaire aussi que ces moyens soient utilisés au moins aussi efficacement que par les autorités de l'Etat et que le transfert de ressources soit accompagné d'un transfert de responsabilité dans le cadre d’un système de contrôle efficace.

Pour mettre en route le "cercle vertueux" de l'initiative locale dans le cadre duquel les communes, grâce à des compétences nouvelles pourraient acquérir une efficacité accrue, il sera important de garantir la transparence de la gestion communale de sorte que la responsabilité de l'utilisation et des moyens mis à disposition soient clairement assurés.

En outre, il conviendrait d'éviter une approche "partisane" des questions d'autonomie locale. Or, on peut avoir l'impression que la manière dont les responsables des autorités de l'Etat gèrent les questions relatives à l'autonomie locale ne sont pas toujours dépourvues de telles préoccupations. Les difficultés rencontrées par certains maires de l'opposition, l'application aux différentes communes de la loi sur la limitation des dépenses communales, la rapidité ou la faveur avec laquelle les autorisations ou les accords sont délivrés, donnent l'impression que les autorités centrales cherchent à favoriser les communes dirigées par des responsables proches de la majorité gouvernementale et à l'inverse de ne pas apporter les mêmes sollicitudes aux communes de l'opposition. Même en admettant que ces suspicions soient infondées, il est suffisamment préoccupant que l'insuffisante transparence du contrôle de l'Etat sur les communes permet d'entretenir ce type d'inquiétude. Pour le bon fonctionnement de la démocratie locale, il est nécessaire que les critères d'ordre politique jouent un rôle réduit et que les interventions des autorités de l'Etat soient commandés par des considérations de légalité, d'efficacité et par des procédures transparentes et impartiales.

IV. Propositions

Pour remettre sur les bons rails le système macédonien de l’autonomie locale, c’est un ensemble de mesures coordonnées et équilibrées qui doit être envisagé. Ces mesures devront être portées par un large consensus dans le pays pour être efficaces.

1. Mise en œuvre des mesures favorables au renforcement de la confiance réciproque entre le niveau central et le niveau local et à une prise de décision indépendante par rapport aux options politiques ou partisanes. A cette fin, il convient de promouvoir des institutions où prévaut une approche objective et impartiale des problèmes de décentralisation :

- Mise en place d’une fonction publique territoriale politiquement neutre, disposant d’une éthique professionnelle élevée, statutairement stable et recrutée selon des principes de compétence ;

- Création d’un organe de contrôle et d’audit des comptes des collectivités locales, bénéficiant d’une large indépendance à l’égard du pouvoir central comme à l’égard des collectivités locales, chargé d’examiner les comptes des collectivités locales (ainsi que des entreprises qui y sont liées) et de faire un rapport sur leur régularité formelle comme sur la bonne gestion des ressources ;

- Institution d’un « conseil national de l’autonomie locale » indépendant du Gouvernement et des municipalités, mais dans lequel le niveau central et local seront représentés de manière égale (ainsi que, le cas échéant, des parlementaires, des personnalités qualifiées et de hauts magistrats). Ce conseil aurait un rôle d’arbitrage entre les collectivités locales et le gouvernement en ce qui concerne les conflits susceptibles d’intervenir en ce qui concerne l’exercice des compétences et l’attribution des ressources. Il lui reviendrait aussi de définir des critères, des standards ou des recommandations quant à la mise en œuvre de la décentralisation.

2. Réalisation d’un programme de transfert effectif aux collectivités locales des compétences accordées aux communes macédoniennes par la Constitution et par la loi sur les collectivités locales. Pour ces compétences, il y a lieu de considérer que relèvent du « noyau dur » de missions de collectivités, les responsabilités suivantes :

- aménagement et planification urbaine – création de nouveaux lotissements ou de zones de développement et de loisir ;

-  activités culturelles et sportives au plan local, avec les équipements correspondants ;

- action sociale et aide sociale municipale ;

- hygiène publique et notamment protection infantile, crêches et garderies, aide aux personnes âgées et maisons de retraite ;

- éducation préscolaire et primaire ;

- services publics locaux (construction d’espaces publics, éclairage public, eau potable, eaux usées, élimination des ordures, etc.) ;

- réalisation et entretien des infrastructures locales (voiries locales et bâtiments publics affectés aux services publics locaux) ;

- de façon générale, gestion des affaires d’intérêt local et en particulier renforcement des solidarités locales et initiatives en faveur du développement local au plan économique, social et culturel.

3. Les transferts de compétence doivent s’accompagner d’un transfert de ressources correspondantes : les ressources affectées aux tâches actuellement exercées par les services de l’Etat et qui doivent être transférées aux municipalités, doivent être évaluées. Les sommes correspondantes devront être transférées aux collectivités locales et leur montant indexé sur l’évolution des prix. De la sorte, l’équilibre global des finances publiques ne sera pas perturbé par la décentralisation : la même part des ressources publiques sera affectée aux mêmes services mais ceux-ci seront gérés au plan local sous la responsabilité propre des municipalités.

Mais les municipalités doivent aussi disposer d’une part de recettes non affectées, qui doivent leur permettre de prendre des initiatives propres. On pourrait envisager à cet égard l’attribution aux municipalités d’une fraction de la TVA. Mais pour permettre aux municipalités d’exercer pleinement leur responsabilité, certaines recettes devraient prendre la forme d’un impôt assis sur une base locale et dont le rendement peut être influencé par chaque municipalité locale. Une imposition locale assise sur la valeur locative des logements, dont les municipalités pourraient fixer le taux dans une certaine limite définie par la loi, pourrait être adoptée à cette fin. L’utilisation de ces ressources locales devra être justifiée par chaque municipalité devant la population locale. (Le recouvrement de cet impôt local pourrait être assuré par les services d’Etat de collecte des taxes).

En tout état de cause, la loi sur la limitation des budgets locaux devrait être abrogée.

Des compétences pourraient également être reconnues aux municipalités en matière de protection de l’ordre, de la paix, et de la sécurité locale.

Les compétences transférées doivent en principe l’être de manière totale. Ces compétences s’exercent, certes, dans le cadre des lois qui les réglementent mais celles-ci ne doivent pas, par des détails de prescriptions restreindre excessivement les marges d’initiative locales. En tout état de cause, toute loi réduisant significativement les marges d’action des collectivités locales dans leur domaine de compétence devrait être adoptée selon les mêmes conditions de majorité qualifié que la loi sur l’autonomie locale elle-même.

Un élément important de cette marge d’initiative réside dans la libre fixation des tarifs des services municipaux, laquelle ne doit pas être soumise à une tutelle d’opportunité de l’Etat.

4. Le transfert des compétences doit également se traduire par un transfert aux municipalités d’une partie du personnel actuellement affecté dans les administrations d’Etat aux tâches qui seront transférées aux communes. En effet, dans le cadre de la décentralisation, le personnel ne sera plus utile à l’Etat. En raison de ressources humaines limitées, le personnel devra être mis à la disposition des municipalités.

5. Il est nécessaire de clarifier les rapports entre les municipalités et les entreprises publiques locales. Celles-ci ne doivent pas disposer d’un monopole des marchés publics ou des concessions de service public. Les municipalités doivent pouvoir négocier leurs contrats dans le cadre d’une adjudication publique à l’entreprise qui leur présente la meilleure offre.

6. Une répartition plus équitable des propriétés publiques entre l’Etat et les municipalités doit être réalisée. Les immeubles affectés à des services publics locaux doivent revenir aux municipalités. Celles-ci doivent également disposer d’une partie des propriétés publiques non bâties pour réaliser leur développement local. Une meilleure répartition des propriétés publiques entre l’Etat et les collectivités locales pourrait être mise en œuvre sous la responsabilité du Conseil national de l’autonomie locale évoqué ci-dessus.

7. La coopération intercommunale et la réorganisation territoriale doivent être favorisées. Une réorganisation autoritaire n’est pas conseillée. Mais des fusions de communes, volontaires, peuvent être favorisées par deux instruments :

- l’attribution aux bourgs et villages (notamment lorsqu’il s’agit d’anciennes communes), intégrés dans une municipalité, d’un statut garantissant une certaine marge d’initiative propre ;

- l’attribution d’une aide financière renforcée aux communes qui acceptent de fusionner.

A la place des fusions, la création d’associations de communes devrait également être favorisée par l’octroi d’aides financières spécifiques aux institutions de coopération intercommunale.

8. Les litiges, en cas de conflit entre l’administration d’Etat et une municipalité (par exemple sur la légalité d’une décision d’une municipalité ou sur la conformité à la loi sur l’autonomie locale d’une décision d’un service de l’Etat), doivent pouvoir être portés devant une instance neutre. Le « Conseil national de l’autonomie locale » pourrait jouer dans ce domaine un rôle d’arbitrage, avant la saisine éventuelle d’une juridiction en dernière instance.

V. Conclusion

Au total, “l’ex-République yougoslave de Macédoine” doit veiller à remettre en route une "dynamique" de renforcement de l'autonomie locale. L'autonomie locale correspond en effet à un ensemble d'éléments qui se renforcent les uns des autres : des structures territoriales appropriées, des institutions élues démocratiquement, un ensemble cohérent de compétences permettant une initiative véritable, des ressources réelles sur le plan financier et sur le plan des équipements, un cadre administratif et solide avec du personnel compétent et stable, un sentiment de solidarité et d'appartenance, un fonctionnement satisfaisant de médias locales, un rapport harmonieux entre la structure communale et la société civile. Sur un certain nombre de ces points, le système des communes macédoniennes est déficiant ou trop faible. La faiblesse de certains éléments entraîne une insuffisance pour d'autres éléments et rend difficile la réforme ou l'aménagement du niveau communal. Il est donc nécessaire d'agir en même temps sur plusieurs aspects et de remettre en route la dynamique en faisant confiance au principe de l'autonomie locale. Il faut avoir la volonté politique de transférer un surcroît de compétence et de moyens au niveau local.

Ceci induit certainement aussi des mécanismes de contrôle adéquats pour éviter une utilisation non efficace des ressources dans un pays où elles sont peu nombreuses. Mais le choix des mécanismes de contrôle doit être fait de manière telle que l'initiative communale ne soit pas perturbée. Ceci implique la préférence pour des mécanismes de contrôle a posteriori et sur des techniques d'assistance et de conseil.

Enfin, il serait nécessaire de donner une plus grande transparence aux conditions d'intervention des autorités de l'Etat de façon à ce que celles-ci d'une part apparaissent comme impartiales et que les règles du jeu soient claires pour tous. A cet égard, l'encadrement législatif de l'action communale est légitime il doit veiller à se borner à fixer des objectifs, des critères et des limites sans entraver les possibilités d'initiatives au niveau local et la capacité de réaliser des choix effectifs à ce niveau.

Il existe en “ex-République yougoslave de Macédoine” de nombreuses potentialités au plan local, une grande disponibilité des acteurs et dans l'ensemble une volonté réelle de travailler ensemble. Malgré les difficultés économiques, les tensions sont restées à un niveau raisonnable entre les différents groupes socio-culturels. Ceci démontre un grand sens des responsabilités à tous les niveaux. Ce sens des responsabilités constitue le meilleur garant de la possibilité de construire un système d'autonomie communale développé. Il reste aux autorités de l'Etat macédonien d'avoir la volonté de mieux utiliser les potentialités existantes et de faire effectivement "le pari de l'autonomie communale" en renonçant à la solution de facilité qui consiste à trop concentrer le pouvoir et les ressources au niveau des instances centrales. Si l'on accepter ce pari, on se rendra compte que l'ensemble de l'Etat macédonien s'en trouvera renforcé.

Partie II Analyse de la situation financière des communes en « ex-République yougoslave de Macédoine »  

1. Avant-propos

Compte tenu de la Loi sur l’autonomie locale de 1995 (Law on Local Self-Government) et du Rapport sur les structures et le fonctionnement de la démocratie locale en « ex-République yougoslave de Macédoine » adopté en juin 1998 par le Comité directeur sur la Démocratie locale et régionale (CDLR), on aurait pu s’attendre à trouver un système d’autonomie locale s’inspirant largement de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale du Conseil de l’Europe, d’autant plus lorsqu’on compare la loi en question avec la législation en vigueur dans les pays limitrophes. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux représentants des communes macédoniennes souhaitent qu’au lieu d’élaborer une nouvelle loi, on commence par appliquer l’ancienne de façon cohérente. Il semble qu’en l’occurrence, comme dans d’autres domaines (il peut être fait mention de l’arrestation spectaculaire de plusieurs maires et de la protection juridique limitée qui leur a été accordée), il existe un important fossé entre la théorie et la pratique, entre la législation et son application.

S’agissant des finances des communes, la situation est la suivante :

2. L’autonomie financière

L’autonomie financière d’une collectivité territoriale est conditionnée par sa capacité à définir elle-même ses activités et à les mettre en œuvre dans le cadre de ses moyens. Toute activité étant liée à des dépenses, les collectivités territoriales doivent donc être en mesure de planifier, de mettre en œuvre et de financer elles-mêmes leurs activités. Le droit d’établir son propre budget sur la base de moyens financiers susceptibles d’être planifiés et répartis à sa convenance est la condition sine qua non de toute autonomie financière. Or ce droit est refusé aux communes de l’« ex-République yougoslave de Macédoine ». Le budget des communes est fixé par l’Etat par voie législative, la loi sur le plafonnement des dépenses publiques de consommation comprenant une liste des dépenses maximales autorisées pour chaque commune.

Bien que l’article 17.2 de la Loi sur l’autonomie locale reconnaisse aux communes un droit à l’autonomie budgétaire, l’article 20 de la Loi de finances impose une « harmonisation » des budgets locaux avec le Ministère des finances. Dans le cadre de cette procédure d’harmonisation, le volume admissible du budget global et des différents postes est plafonné. De plus, les assemblées communales doivent se plier aux directives du Ministère des finances lors de l’adoption du budget. Même lorsque toutes ces règles sont respectées, il n’est pas rare que d’autres mesures « d’harmonisation » soient appliquées, empiétant encore plus sur les prérogatives budgétaires des communes.

Ces prévisions budgétaires ne peuvent pas être dépassées par les communes. Les éventuels excédents doivent être reversés en fin d’année et sont répartis entre les communes qui n’ont pas reçu les impôts locaux prévus dans la loi budgétaire. C’est ainsi que s’opère une certaine péréquation, pour laquelle toutefois il ne semble pas exister de critères objectifs. Les excédents budgétaires des communes s’élèvent, en 1999, à 138 millions de Denars.

Il arrive que l’Etat intervienne directement dans l’exécution budgétaire de l’exercice en cours, comme en avril 1999 lorsqu’il a décrété des restrictions budgétaires. Pour motiver sa décision, il a fait valoir les directives du Fonds monétaire international qui exigeait une réduction des dépenses publiques et conditionnait l’octroi d’aides financières au respect de ces restrictions, tout en demandant que l’Etat subventionne les petites communes dont les recettes fiscales sont insuffisantes. Or cela ne constitue pas une raison valable pour supprimer l’autonomie des communes.

Les montants maximums indiqués au titre des budgets des communes dans la loi sur le plafonnement des dépenses publiques de consommation sont extrêmement modestes; à titre d’exemple, pour une ville moyenne comme Tetovo, ils ne s’élèvent même pas à 1 million de DM. Même si une comparaison avec les pays d’Europe occidentale est certainement impropre, elle permet néanmoins de mettre en lumière la faiblesse extrême de ces budgets qui sont quasiment épuisés une fois que la commune a payé le traitements de ses agents. A Skopje comme dans d’autres villes, le budget global de 78 millions de denars2[2] est insuffisant pour financer les salaires des 180 fonctionnaires (auxquels il faut ajouter les quelque 2000 salariés des entreprises publiques dont les salaires ne relèvent toutefois pas du budget communal).

Les ministères critiquent le fait que les communes emploient trop de personnel, ce que quelques-unes de ces dernières ne contestent d’ailleurs pas. Elles se plaignent toutefois de ne pas avoir la possibilité juridique de se défaire du personnel superflu. Manifestement, celui-ci était autrefois affecté aux 34 grandes communes, et a dû être repris par les anciennes communes, maintenant beaucoup plus petites. Une autre partie du personnel, à savoir le personnel qualifié des communes précédentes, a été transféré en même temps que les compétences aux antennes locales des ministères. Ainsi, dans l’une des communes visitées, sur les 40 agents de la commune, 20 tout au plus seraient nécessaires. Cette situation, qui se conjugue à la politisation presque totale et au manque de professionnalisme de l’administration publique, constitue un obstacle particulièrement gênant à une gestion efficace des communes. C’est pourquoi il est prévu d’instaurer une fonction publique professionnelle.

A l’heure actuelle, les budgets des communes ne représentent que 1 % des dépenses de consommation publiques de la Macédoine. Si l’on ajoute, pour rendre ces chiffres comparables à ceux d’autres Etats, 1 à 2 % au titre des dotations spéciales provenant des fonds centraux et des budgets spécifiques des communes pour la prestation de services publics, on obtient tout au plus 2 à 3 %3[3] pour les dépenses des communes. En l’absence de statistiques consolidées pour les différents budgets publics, ces chiffres ne peuvent donner qu’un ordre de grandeur. Ils font toutefois clairement ressortir que les communes ne disposent que d’un petit nombre de compétences et de moyens de financement extrêmement faibles, alors qu’il leur avait été promis bien plus lors du processus législatif, promesses qui n’ont pas été tenues en particulier lors de l’application de la loi. Toutes les compétences attribuées aux communes par la loi sur l’autonomie locale sont soumises à la condition qu’une loi spéciale règle les tâches en question. Cela permet à l’Etat de renverser la disposition de départ en son contraire.

Le Ministère des Finances envisage d’augmenter les budgets des communes de 10 % par an dans les années à venir. Ainsi, la part des communes passerait de 1 à 1,1 % l’an prochain, et il faudrait attendre dix ans pour que cette part dépasse quelque peu la barre des 2 %. Cette objection n’a pas été contestée, ce qui permet de penser que le Ministère des Finances n’envisage pas non plus à moyen terme d’améliorer la situation des communes, et qu’il n’a pas pu ou voulu prendre connaissance du document stratégique – fort proche de la Charte – du Ministère de l’Autonomie Locale. On remarquera qu’aucun représentant du Ministère des Finances n’a participé à l’élaboration du document stratégique. L’auteur de ce document a été congédié pour motifs politiques dans le cadre du changement de gouvernement, alors que les services concernés l’auraient volontiers gardé. Cela donne également une idée du niveau de politisation de la fonction publique.

Avec les moyens très largement insuffisants dont elles disposent, les communes sont chargées, outre leurs fonctions purement administratives, d’assurer l’aménagement et le développement communal, de superviser les activités des fonds, de procéder à des inspections et de gérer les services d’assistance sociale ainsi que la protection civile. C’est tout ce qu’il subsiste des compétences garanties par la loi sur l’autonomie locale après l’adoption et la mise en œuvre de lois spéciales (voir également l’analyse, plus haut dans ce texte, de la distribution des compétences en Macédoine). C’est pourquoi, les communes craignent qu’en fin de compte une nouvelle loi n’apporte aucune amélioration. Le Ministère des Finances prévoit toutefois qu’au cas où les communes recevraient des compétences supplémentaires, elles seraient également dotées de moyens financiers additionnels. Cette décision se prendrait alors au cas par cas. Il faut espérer que ce système contribuera à établir le principe de la connexité.

Parmi les communes qui ont fait de mauvaises expériences particulières avec les engagements de l’Etat, on peut citer notamment celles situées dans l’Ouest du pays qui ont dû, et doivent parfois encore, supporter la charge directe de l’accueil des réfugiés; en cas de non-exécution (pour cause de problèmes de financement) des missions qui leur ont été imparties en vertu de la loi, ces communes craignent de voir leur autonomie menacée par des interventions directes de l’Etat.

Le ministère des Finances fait valoir que les budgets établis par ses soins sont le reflet des recettes fiscales propres des communes, c’est-à-dire que celles-ci s’autofinancent à partir de leurs faibles recettes fiscales. Cela est vrai en partie, mais ne justifie pas le niveau tout à fait insuffisant des recettes propres des communes, et ne vaut en outre que pour les anciennes communes qui existaient déjà avant la réforme territoriale. Pour toutes les nouvelles communes, mais aussi pour les anciennes qui ont été divisées en plusieurs communes, il a fallu procéder à une nouvelle répartition des ressources prévues en partant des anciens budgets. Pour ce faire, trois pourcentages relativement grossiers ont été employés, la nouvelle répartition se fondant pour 80% sur le nombre d’habitants, pour 10% sur la surface de la nouvelle commune et pour 10% sur le nombre des communes associées.

Bien entendu, les budgets définis de la sorte ne reflètent que partiellement les besoins financiers réels. Ainsi, le passif que représente le personnel qui exerçait jusque là des fonctions au sein des grandes communes et qui, aujourd’hui, ne constitue plus qu’une charge financière, n’est pas pris en compte, de même que par exemple les charges exceptionnelles liées aux zones en réhabilitation sur le territoire de la commune.

En 1992, l’Etat central s’est approprié une grande partie du patrimoine des communes, même lorsque celui-ci a été financé par des ressources communales, telles les installations sportives de Skopje. Seule une faible part a été restituée. Sur le plan juridique, l’appropriation de biens par l’Etat implique que celui-ci doit également prendre en charge leur entretien. Or, les communes se plaignent de devoir financer elles-mêmes jusqu’aux réparations les plus nécessaires. Il est urgent d’instaurer une loi sur la répartition du patrimoine entre l’Etat et les communes, conformément au principe de subsidiarité et en prévoyant l’allocation de ressources adéquates. Une telle loi devrait également clarifier les questions de propriété dans le secteur privé pour éviter de compliquer inutilement les investissements directs d’entreprises étrangères.

Les communes qui ont été touchées par l’afflux de réfugiés du Kosovo, et qui ont dû dépenser leur budget annuel en quelques mois à peine, ne se sont vues rembourser que les coûts directs, qui plus est avec un retard considérable. Cela s’applique également aux aides financières versées par l’Union européenne. A ce jour, 25 millions d’Euros ont été promis par l’Union européenne au titre des coûts directs; les sommes versées pour l’instant ont été perçues et gérées par l’Etat et non pas directement par les communes. Etant donné que le remboursement des coûts indirects s’effectue moyennant le système de péréquation (voir plus haut) et que celle-ci ne joue qu’un rôle négligeable, la situation financière des communes concernées est particulièrement précaire4[4].

La mise à disposition de terrains constructibles, dont la décision appartient entièrement à l’État, pose un problème particulier. L’Etat décide des plans d’occupation des sols, et même des permis de construire. Les communes, à qui incombe la viabilisation des terrains, se plaignent à ce sujet que les frais qui en découlent directement et indirectement ne sont pas couverts par les taxes fixées par l’État. De plus, il semble nécessaire de transférer aux communes l’entière compétence de la planification, de l’établissement de plans pour la répartition des terrains entre zones habitables et commerciales et pour leur viabilisation.

3. Les compétences des communes

La loi sur l’autonomie locale attribue des compétences aux communes dans 32 domaines différents, mais de nombreuses lois spécifiques renversent une grande partie de ces dispositions. En y regardant de plus près, on constate que les rares compétences transférées aux communes correspondent pour l’essentiel à la mise en œuvre décentralisée d’activités gérées au niveau de l’Etat, c’est-à-dire à une déconcentration de compétences étatiques. Selon ce principe, les seules compétences exclusives des communes concernent les pompiers, la protection civile et les jardins d’enfants. En réponse à notre question, il nous a toutefois été signalé que, concrètement, les communes ne disposent d’aucun pouvoir de décision, même pour les jardins d’enfants. Presque toutes les compétences traditionnellement confiées aux communes sont soit entièrement prises en charge par l’Etat, soit exercées par celles-ci pour le compte de l’Etat, ce principe s’appliquant même à la culture et au sport. Les antennes des ministères dans les 34 anciennes communes jouent ici un rôle important ; ces antennes ont repris, outre les infrastructures, le meilleur personnel. Les communes exigent donc, à juste titre, que l’étendue de leurs compétences soit portée à un niveau correspondant à celui des pays d’Europe occidentale et veulent en outre avoir la possibilité de pouvoir faire valoir leurs compétences par voie de droit. Elles souhaitent vivement exercer à l’avenir des compétences dans le domaine de l’aide sociale, des jardins d’enfant, de l’école maternelle et des premiers soins dans le cadre du système de santé.

Les crédits budgétaires à proprement parler sont utilisés pour la gestion proprement dite de la commune (surtout de la mairie), à savoir pour le téléphone, l’eau, l’électricité, les frais de déplacement et de transport, les fournitures, ainsi que pour les pompiers et l’aménagement du territoire.

4. La réforme territoriale et le financement des collectivités locales 

Comme mentionné brièvement ci-dessus, la loi sur la « division territoriale » de 1996 a porté le nombre des communes de 34 à 124. Aujourd’hui, la plus petite commune compte 456 habitants ; la plus grande commune est Skopje, qui compte 440 760 habitants et jouit d’un statut spécial. L’Association des communes de Macédoine n’a pas été en mesure de fournir des statistiques précises sur la répartition des communes dans différentes catégories en fonction de leur taille. D’après le rapport du projet Phare, 60 % des communes comptent moins de 10.000 habitants et pratiquement 50 % moins de 5.000 habitants. La plupart de nos interlocuteurs attendent et espèrent une révision de cette réforme territoriale afin de réduire le nombre des communes. Il a par ailleurs été indiqué que nombre de nouvelles communes ne disposent pas de services administratifs compétents et que, du fait de leur petite taille, elles ne sont pas en mesure de mettre en place une structure administrative efficace. En outre, l’Etat estime qu’une commune qui, après quatre années d’existence, n’a pas réussi à s’établir du point de vue budgétaire, n’a pas de raison d’être ; une affirmation très osée lorsqu’on connaît la situation financière des communes. La situation des administrations communales est rendue encore plus difficile du fait que les différents ministères disposent, dans les communes, de leurs propres services – ces antennes mentionnées plus haut à plusieurs reprises ; celles-ci ont des attributions très étendues, souvent sans que les compétences soient clairement délimitées, ce qui donne lieu à des frictions.

5. Gestion au moyen de fonds contre gestion budgétaire uniforme

Contrairement à la gestion budgétaire uniforme pratiquée dans les démocraties occidentales modernes, la gestion budgétaire en « ex-République yougoslave de Macédoine » reste encore très largement marquée par des fonds spécifiques, ce qui va forcément à l’encontre d’un processus de décision rationnel. Ainsi, outre le budget public, il existe des fonds spécifiques pour les pensions, les salariés, la voirie, la santé publique et la gestion des communes, tous ces fonds étant dotés d’instances de direction. Outre le fonds administratif, les communes sont surtout concernées par le fonds destiné à la construction des routes qui est également utilisé pour la construction et l’entretien des voies communales. Chaque année, les ressources du fonds pour la construction de routes et l’entretien de la voirie sont consacrées pour 20 % au financement des routes locales et pour 15 % à celui des rues, ces crédits étant toutefois affectés hors budget communal. Dans la pratique, l’infrastructure communale est entièrement financée et mise en place par l’Etat et non par les communes elles-mêmes, généralement par le truchement de fonds spécifiques. Les communes soumettent des demandes, le fonds statue de façon discrétionnaire sur ses demandes et sur la manière dont les projets retenus seront mis en œuvre. D’ailleurs, les communes ne seraient pas en mesure de financer sur leurs propres ressources la construction de 10 mètres de canalisation ou de 100 mètres de route.

Le principe des fonds vaut également au sein même des communes, dans la mesure où certains services assurés traditionnellement par les communes, tels que l’alimentation en eau et en électricité, le traitement des eaux usées et le ramassage des ordures ménagères, sont assurés — si tant est qu’ils le soient — par des entreprises publiques. Celles-ci dépendent de jure certes de la commune, dans la mesure où elles ne sont pas privatisées, mais n’apparaissent à aucun moment dans le budget communal, ni par leurs recettes ni par leurs dépenses. A l’exception de la ville de Skopje5[5] qui dispose de son propre réseau de transports en commun, celui des autres agglomérations est géré par l’Etat. Lors de la comparaison des budgets communaux avec ceux d’autres pays, il faut tenir compte du fait qu’en « ex-République yougoslave de Macédoine », le budget communal est, pour reprendre les termes du projet Phare, un budget résiduel.

Les entreprises publiques de production et de distribution sont financées par des taxes et des redevances dont le montant doit être approuvé par l’Etat, mais aussi par des subventions publiques. Comme d’autres dispositifs d’allocation de moyens financiers, celui-ci connaît une politisation qui fait obstacle à une politique d’investissement rationnelle. Dans ce domaine également, l’autonomie des communes requiert une pleine compétence. Certes, le maire est le chef de ces entreprises publiques, mais son influence sur l’accomplissement réel des tâches est relativement faible. Le conseil municipal prend simplement connaissance des programmes des entreprises publiques, et ne dispose guère de moyens d’influence. Les décisions concernant les activités des entreprises publiques appartiennent de fait aux organismes qui les financent, c’est-à-dire, par le biais des fonds, à l’Etat. Il est révélateur que les discussions sur la réforme de ces entreprises publiques s’inscrivent dans le cadre des réflexions sur la réforme administrative à venir.

Ces entreprises sont également touchées par les problèmes de financement et la crise économique générale qui se traduisent par des d’impayés de la part des particuliers comme des entreprises, ainsi que par des retards dans le paiement des salaires.

La privatisation de ces entreprises publiques est à l’étude. Compte tenu de la rentabilité potentielle faible, voire négative, des nombreuses factures impayées (notamment de la part des entreprises implantées dans la commune) et vu que le montant des redevances continuera vraisemblablement d’être fixé par l’Etat, cette privatisation devrait être toute théorique et se résumer à un changement de forme juridique.

Les communes qui faisaient anciennement partie de Skopje continuent de dépendre des entreprises publiques de la capitale. Pour les nouveaux raccordements, elles doivent reverser à la municipalité de Skopje une partie des redevances perçues. Etant donné que les communes doivent assurer elles-mêmes les travaux de raccordement, certains maires, tel celui de Suto Orizari, se sentent floués par le montant à reverser, alors que Skopje trouve la répartition équitable. D’autres communes à la périphérie de Skopje ne sont toujours pas raccordées au réseau de distribution d’eau potable, ni au système d’égout. Au lieu de confier ces travaux à des entreprises publiques, les communes s’adressent souvent à des opérateurs privés, une procédure apparemment moins onéreuse que si les marchés étaient passés avec des entreprises publiques des communes avoisinantes.

6. Les ressources des communes

6.1 Les impôts

Bien que le montant du budget des communes soit fixé par la loi, les recettes fiscales propres des communes jouent un rôle non seulement lors de la fixation de la dotation législative, mais aussi au moment de l’exécution budgétaire. Les dépenses de la commune ne peuvent excéder ses recettes fiscales et elle est tenue de reverser à l’Etat les éventuels excédents. De ce fait, il est relativement peu intéressant d’essayer d’accroître l’assiette de l’impôt ou de tenter de la développer, par exemple en attirant de nouveaux habitants ou entreprises sur le territoire de la commune. Les pertes sont généralement compensées par le ministère car, dans le cas contraire, les salaires ne pourraient pas être payés. Cela dit, les communes se plaignent ici aussi des modalités de paiement de ces sommes par le Ministère.

Les impôts qui reviennent aux communes en vertu de l’article 62 de la loi sont pratiquement insignifiants. Les communes prélèvent une sorte d’impôt sur la vente de biens et services (sales tax) — dont la perception a été, selon le rapport du projet Phare, promise aux communes, sans que cette mesure ne soit toutefois déjà effective —, un impôt sur le patrimoine, une taxe sur les successions et donations, ainsi que des droits de mutation immobilière ou foncière. Ces derniers représentent dans certains cas plus de la moitié des recettes fiscales des communes, alors que la part des impôts et taxes sur les biens et services n’est que d’env. 20%. Le solde provient des autres impôts et taxes levés par les communes, mais aussi et surtout d’un certain nombre de prélèvements spécifiques, par ex. la taxe pour l’immatriculation des véhicules et notamment la taxe d’affichage. Parmi les autres sources de revenus, on peut citer les donations, une partie des bénéfices (s’il y en a) des entreprises publiques exerçant sur le territoire de la commune, les ressources générées par les biens communaux et les amendes en cas d’infraction aux arrêtés municipaux. Les recettes générées par les amendes infligées pour des infractions à des dispositions légales arrêtées par des instances autres que la commune sont versées au budget central.

Bien que les communes n’aient pas le droit d’instaurer leurs propres impôts et taxes, il semble qu’elles aient la possibilité de lever de façon autonome une taxe sur l’espace habitable des logements et la surface utile des entreprises ; les sommes ainsi collectées ne doivent pas être imputées ensuite sur le budget affecté à la commune par voie législative. Il semble que cette taxe, introduite il y a une vingtaine d’années, soit levée dans les grandes villes, telles Skopje ou Ohrid, avec un succès mitigé ; le montant moyen à acquitter à Skopje pour un logement est de l’ordre de 100 DM (env. 335 FF) par an. Si cette taxe était intégralement collectée, elle constituerait une source de revenu complémentaire considérable pour les communes, dépassant même le budget de Skopje (78 millions de denars). Même si la collecte de cette taxe par la municipalité elle-même rencontre d’importantes difficultés puisque seuls 20 % env. des personnes assujetties à cette taxe l’acquittent dans les faits, les montants collectés représentent néanmoins 3 à 4 fois le budget municipal. Le recouvrement forcé par voie judiciaire présente peu d’intérêt en raison des frais importants et des délais considérables qu’il suppose. Il semble en outre que les entreprises puissent échapper partiellement à cette taxe en consentant à effectuer, pour le compte de la municipalité, des travaux, comme c’est le cas à Skopje. Pour ces raisons, mais aussi du fait de considérations politiques et sociales, de nombreuses villes hésitent à suivre ces exemples.

Les communes rurales sont confrontées à des problèmes budgétaires particuliers, le rendement de la taxe sur les biens et services étant pratiquement nul et les autres recettes fiscales ne rentrant qu’au compte-gouttes.

6.2 Les autres ressources

Abstraction faite des taxes et redevances servant au financement des entreprises publiques dans le cadre des budgets spécifiques évoqués ci-dessus, il ne reste pas beaucoup d’autres ressources au niveau local.

Si les communes macédoniennes ont la possibilité de contracter des crédits auprès d’organismes nationaux, et également des emprunts, le financement de ces prêts reste purement théorique étant donnés la crise économique et le manque de garanties que peut apporter une commune. En règle générale, ces crédits ne sont accordés que pour les dettes des anciennes communes, sous la forme de factures impayées. D’ailleurs, il y a peu de chances pour que de nouveaux prêts soient consentis aux communes. C’est le ministère de la justice qui est chargé de surveiller l’ensemble des prêts sollicités et c’est également lui qui supervise les communes, bien qu’il existe un ministère de l’autonomie locale. Ce dernier n’a en fait pas d’administration propre, et son influence sur les activités gouvernementales est par conséquent relativement faible. Son personnel, déjà peu nombreux, a été réduit encore de plusieurs postes après le changement de gouvernement.

L’une des principales lacunes du système de financement réside dans l’absence de dotations en provenance du budget de l’Etat, et surtout dans l’absence de dotations générales non affectées. Dans le cadre d’une définition plus générale, les montants qui transitent par des fonds pourraient être considérés comme des dotations affectées, bien qu’elles n’apparaissent pas dans le budget public des communes.

Il est prévu d’introduire une taxe sur la valeur ajoutée, avec un taux général de 19 % et un taux réduit de 5 %, sans réduction simultanée des autres impôts. Cette mesure donnera à l’Etat une marge de manœuvre suffisante pour améliorer de manière substantielle la situation budgétaire des communes. Il faudrait également réfléchir ici à l’introduction à brève échéance de dotations générales, non affectées. Il serait possible de distribuer la part des communes – à fixer dans la loi sur la taxe sur la valeur ajoutée – en fonction du nombre d’habitants, ce qui aurait également un effet de péréquation financière. Toutefois, le Ministère des Finances n’envisage pas de telles possibilités ; il dit que toute complication de la loi serait coûteuse en temps, ce qui semble peu convaincant.

Il est, au lieu de cela, prévu de réglementer le financement des communes dans le cadre d’une nouvelle loi spécifique, la situation actuelle étant considérée comme de l’improvisation, selon le Ministre de l’autonomie locale. La nouvelle loi tiendra compte des expériences faites à l’étranger, notamment en Pologne, en République tchèque et, éventuellement, en Allemagne. De fait, ce texte, qui selon les indications du Ministère des Finances a atteint le statut de projet de loi, semble ne prévoir que l’augmentation annuelle de 10 % des budgets communaux, sans aucun autre relèvement notable des finances communales. L’existence, parallèlement à la commission d’experts du Ministère de l’Autonomie Locale, d’une commission semblable relevant du puissant Ministère des Finances, est significative. Cette commission est censée terminer sa mission en avril, et publier ses résultats en juin. Cela explique peut-être pourquoi les ministères concernés mènent des politiques très différentes.

7. Conclusions

Le seul enseignement que l’on puisse tirer de la situation des finances publiques des communes de Macédoine est qu’il n’existe pas actuellement d’autonomie financière locale effective dans ce pays répondant aux principes de l’article 9 de la Charte européenne de l’Autonomie Locale.

8. Propositions :

1.      Il faudrait abandonner le principe de fixation du budget des communes par l’Etat, au profit d’un droit budgétaire autonome des communes. La situation actuelle est manifestement incompatible avec l’article 4, paragraphe 4 de la Charte;

2. En conséquence, conformément aux alinéas 2 et 3 de l’article 8, le contrôle exercé sur les communes devraient se limiter de manière générale à un contrôle de légalité, sauf pour ce qui est des compétences déléguées;

3. Pour reprendre les propositions du projet Phare, il faudrait que le Ministère de l’autonomie locale dispose d’un personnel compétent et jouisse d’une plus grande considération politique afin de pouvoir mettre en place une autonomie locale conforme à l’esprit de la Charte;

4. Les communes devraient, conformément à l’article 4, alinéa 3, se voir attribuer des compétences plus importantes, qu’elles devraient assumer sous leur propre responsabilité. L’ « ex-République yougoslave de Macédoine » reste à cet égard très en retard par rapport à l’Europe occidentale ; même dans les domaines dans lesquels les communes exercent des compétences impliquant d’importantes dépenses, l’organisation et le financement de ces activités sont décidés par des instances extérieures aux communes, comme le constate le rapport du projet Phare (Analyse des documents Phare, résumé) ;

5. En vertu de l’article 9, alinéa 1 de la Charte, des ressources suffisantes doivent être mises à disposition des communes. Il serait donc bon de réviser en profondeur la structure des ressources des communes en leur transférant des impôts générant d’importantes recettes. Cela dit, la Commission des réformes, compétente en la matière, n’est informée d’aucun projet visant à améliorer la situation financière des communes par des recettes fiscales supplémentaires;

6. Aux termes de l’article 9, alinéa 3, les communes devraient avoir le droit de fixer le barème d’imposition, au moins pour une partie des impôts locaux qu’elles perçoivent. Il vaudrait également la peine de se demander si la taxe sur la surface habitable ou utile, levée aujourd’hui partiellement par les communes, ne devrait pas être collectée au profit de celles-ci par l’administration fiscale nationale, en tenant éventuellement compte de critères sociaux pour la définition contractuelle de l’assiette de l’impôt. Il faudrait en priorité prendre des dispositions contre la fraude fiscale;

7. Il faudrait en outre, conformément à l’article 9, alinéa 7, instaurer un système de dotations générales dont les communes pourraient bénéficier et qui seraient distribuées sur la base de critères objectifs. Les moyens budgétaires requis pourraient être obtenus par l'affectation aux communes d'une partie – dont le montant serait à fixer – du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

8. Un système de péréquation financière, financé essentiellement par des crédits provenant de l’État central, devrait être mis en place, conformément à l’article 9, alinéa 5, aussi longtemps que les ressources des communes resteront à un niveau modeste. En tout état de cause, les mécanismes de péréquation financière horizontale entre communes devraient veiller à ce que celles-ci aient intérêt à développer et maîtriser l’assiette des impôts qu’elles prélèvent. Une première étape sur la voie d’un tel système de péréquation financière pourrait consister à distribuer une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée en fonction du nombre d’habitants.

9. Il conviendrait, en application de l’article 6, alinéa 1, de se demander si une modification du droit budgétaire général ne permettrait pas de clarifier les budgets des communes. Il s’agirait surtout de prendre en compte dans le budget toutes les activités des communes, afin que le conseil municipal puisse prendre des décisions rationnelles et identifier les coûts d’autres options budgétaires, c’est-à-dire les coûts dits « d’opportunité »;

10. Conformément à l’article 10, alinéa 1, un droit de participation plus large devrait être reconnu à l’association des communes pour la réforme du droit des communes et du système financier et budgétaire.

ANNEXE

Préparation du rapport sur la situation de la démocratie locale en « ex-République yougoslave de Macédoine » Composition de la délégation du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe

M. Jean-Claude FRECON (France), Maire de Pouilly-les-Feurs, Vice-Président de l’Association des Maires de France, Rapporteur du CPLRE pour « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Membre du groupe de travail chargé du suivi de la Charte européenne de l’Autonomie Locale, accompagné, le 8 mars 2000, de M. Alain CHENARD, Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe

M. Jean-Marie WOEHRLING (France) et M. Günter HEDTKAMP (Allemagne), experts

M. Vladimir RISTOVSKI, Directeur du Centre d’Information et de Documentation du Conseil de l’Europe

Mme Mirjana LOZANOSKA, Déléguée de l’Agence de la démocratie locale d’Ohrid

Mme Mirjana ALEKSOSKA, interprète

M. Ulrich BOHNER, Chef-Adjoint du Secrétariat du Congrès

Mme Sylvie AFFHOLDER, Secrétariat du Congrès

1 Le titre “Macédoine” est utilisé à titre descriptif et pour des raisons de convenance du lecteur et ne préjuge pas de la position du Congrès sur la question du nom de l’Etat.

2 Skopje s’est vu attribuer l’année dernière des crédits de 31 millions de denars financés par les fonds centraux. Skopje ne bénéficie d’aucun soutien financier au titre de sa fonction de capitale.

3 Les dépenses publiques de l’« ex-République yougoslave de Macédoine » (environ 50 % du PIB en 1996) se sont élevées en 1996 à env. 80 milliards de denars, dont 42 milliards ont été financés par le budget central, 34 milliards par les fonds extrabudgétaires et 0,78 milliard par les communes. Les dépenses publiques ont été ramenées à respectivement 47,6% du PIB en 1997 et à 36,44% en 1998. La part des communes a été portée à 0,883 milliard en 1998 ; s’agissant du total des ressources provenant des fonds et des dotations, il est passé de 1,545 milliard en 1996 à 1,497 milliard en 1998.

4 La situation s’avère par exemple difficile dans les communes situées à la périphérie des grandes villes, dans lesquelles vivent des personnes bénéficiant de l’aide sociale. On peut ainsi citer Suto Orizari qui compte officiellement 17.700 habitants, alors qu’un grand nombre de personnes vivent dans des abris de fortune non autorisés, personnes à qui la municipalité doit assurer un minimum de prestations sociales. Ces communes connaissent souvent des retards de paiement pouvant atteindre plusieurs mois, y compris pour les salaires.

5 9 commune situées à la périphérie de l’ancienne commune de Skopje sont devenues totalement autonomes. Aujourd’hui, Skopje se compose de la ville à proprement parler et de 7 communes associées qui disposent toutefois d’une structure administrative autonome.